Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 3 février 2015 à 14h30
Accords commerciaux entre l'union européenne le canada et les états-unis — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de vous faire part de notre grande satisfaction de voir ce débat se dérouler au sein de notre hémicycle. En effet, il est parfois, pour ne pas dire souvent, trop souvent, reproché aux parlementaires nationaux de ne pas se saisir plus en amont des problématiques européennes.

Autre motif de satisfaction : la Haute Assemblée a su travailler de façon intelligente et constructive sur ce sujet. Mes collègues du groupe CRC, dont Michel Billout, et moi-même avons déposé une proposition de résolution sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d’accords commerciaux entre l’Union européenne, le Canada et les États-Unis. La commission des affaires européennes a adopté, le 27 novembre dernier, la proposition de résolution, après quelques modifications, certes, mais à l’unanimité.

L’adoption, à l’unanimité également, de cette proposition de résolution par la commission des affaires économiques est encore un motif de satisfaction.

Cet aboutissement est très important, car quatorze chefs d’État et de gouvernement ont fait connaître leur ferme soutien au mécanisme d’arbitrage. Aujourd’hui, ce sont principalement la France et l’Allemagne qui s’opposent le plus fermement à cette disposition du traité.

La proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui a un double objet. Tout d’abord, elle dénonce l’opacité dans laquelle se déroulent aussi bien les négociations menées par l’Union européenne avec le Canada pour un Accord économique et commercial global que celles qui se sont ouvertes en juin 2013 avec les États-Unis en vue de l’établissement d’un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Ensuite, elle s’oppose à tout projet d’accord qui prévoirait un mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État.

Certains pourraient nous reprocher de n’aborder cette question si complexe que sous le seul angle du règlement des différends entre investisseurs et États. Oui, c’est une vue partielle, mais le point qui est ainsi mis en lumière est emblématique de la menace fondamentale que ces négociations font peser sur nos choix de société et sur notre ordre institutionnel.

De plus, les résultats de la consultation publique lancée par la Commission européenne en mars dernier sur la clause relative aux différends entre investisseurs et États montrent que les citoyens y sont également opposés. Le résultat est sans appel : 88 % des personnes interrogées s’opposent à l’inclusion de la clause de règlement des différends dans l’accord de libre-échange. Rappelons que cette consultation a permis de recueillir pas moins de 150 000 avis.

Ce résultat n’est pas une surprise. Il est normal que les citoyens, tout comme nous, parlementaires, s’inquiètent de ces négociations transatlantiques, car elles sont susceptibles d’avoir de lourdes conséquences économiques, sociales et environnementales.

D’une part, il est nécessaire de disposer d’études approfondies sur les conséquences possibles de ces négociations. À cet égard, le Sénat, dans sa proposition de résolution européenne n° 164 du 9 juin 2013, avait demandé au Gouvernement une étude d’impact permettant d’apprécier les effets pour la France de ces négociations par secteur d’activité, Cette étude n’a, à ce jour, toujours pas été fournie, comme l’a rappelé notre collègue André Gattolin.

D’autre part, il faut permettre un contrôle parlementaire et citoyen lors des différentes étapes des négociations afin de s’assurer que les priorités et les « lignes rouges » fixées au sein du Conseil par les États membres sous le contrôle des parlements sont bien respectées par la Commission européenne, qui conduit les négociations pour l’Union.

Il est impensable de prendre un quelconque risque pour la démocratie. L’introduction du mécanisme de règlement des différends envisagé porterait atteinte à la capacité de l’Union européenne et des États membres à légiférer, particulièrement dans les domaines sociaux et environnementaux. Les États risqueraient de devoir verser des dédommagements substantiels aux investisseurs dans les cas où des décisions politiques, jugées par des tribunaux spéciaux, auraient pour effet de réduire les profits escomptés par les grands groupes économiques.

Je ne vous le cacherai pas, je n’aurais pas été mécontent que la proposition de résolution européenne fût plus radicale s’agissant du traitement des différends entre investisseurs et États. J’aurais ainsi préféré que nous demandions clairement que les mécanismes d’arbitrage entre investisseurs et États fussent retirés des projets d’accord avec le Canada et les États-Unis. Mais nous avons su trouver un compromis dans le débat.

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