Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 3 février 2015 à 14h30
Accords commerciaux entre l'union européenne le canada et les états-unis — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Matthias Fekl :

Au vu de la qualité des débats, de la profondeur des analyses et de la hauteur de vue des différents intervenants, le Gouvernement ne saurait se priver d’apporter quelques éléments de réponse. Au demeurant, il ne s’agira pas d’une conclusion puisque, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, ce débat se prolongera, bien des sujets restant devant nous.

Oui, c’est vrai, nous sommes actuellement, d’une certaine façon, à un tournant dans les négociations commerciales internationales : les négociations multilatérales tendent à céder le pas – on peut d’ailleurs le regretter – à des négociations de grand ensemble régional à grand ensemble régional. À l’évidence, un nouveau contexte doit s’accompagner de nouvelles règles.

S’ajoute à cela le fait, relevé par différents orateurs, que les négociations commerciales internationales ont aujourd'hui un effet direct sur nos territoires. Nous sommes nombreux ici à être élus dans des territoires qui connaissent des difficultés en partie du fait de ce phénomène.

Cependant, il ne faut pas oublier que nos territoires ont aussi beaucoup à gagner de ces négociations. Les secteurs économiques qui s’en sortent le mieux en France sont souvent ceux qui se sont inscrits dans une démarche très offensive à l’international, qu’il s’agisse de grands groupes ou de petites et moyennes entreprises innovantes, qui cherchent à conquérir de nouveaux marchés.

C’est dans le respect de cet équilibre et de cette articulation que se trouve, pour une part, la solution.

Après la large consultation qui a eu lieu, une nouvelle étape s’ouvre clairement devant nous. Le Parlement français, à travers Sénat aujourd'hui, y prend toute sa part.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’aboutir pour aboutir : ce n’est pas parce que la négociation est lancée qu’elle doit se poursuivre coûte que coûte. La France est très attentive à ce que ses conceptions, ses valeurs et ses intérêts soient pris en compte et soutenus. Mais elle veille aussi à ce que les négociations progressent et aboutissent à un résultat global satisfaisant pour tous.

Il existe un besoin de transparence accru, souligné par l’ensemble des intervenants. Nous travaillons beaucoup sur cet aspect. La Commission européenne a également réalisé des efforts importants via la consultation. En matière de transparence, à tout le moins, Mme Malmström, la nouvelle commissaire européenne au commerce, me paraît encline à faire avancer les choses. Elle a été entendue à la fin de l’année dernière par le comité stratégique de suivi, ce qui lui a permis de dialoguer à la fois avec les parlementaires membres du comité et avec des représentants de la société civile. Cet exercice, qui a été important, a vocation à se poursuivre.

En ce qui concerne les questions de transparence et de règlement des différends, il s’agit avant tout d’affirmer des principes. C’est une des forces de la proposition de résolution européenne qui est soumise cet après-midi à votre vote. Il ne s’agit pas d’engager une démarche contre le Canada ou les États-Unis. À l’évidence, ces deux pays sont des partenaires économiques et commerciaux importants de la France. Ce sont aussi des pays amis, comme l’a d’ailleurs rappelé avec force le Président de la République lors de ses visites d’État dans ces deux pays.

Si une difficulté se pose aujourd'hui, c’est en raison du tournant que vous avez su « diagnostiquer ». Face à de nouvelles questions, nous devons trouver de nouvelles réponses. Le débat est très présent, aussi bien au niveau international qu’au niveau national. Je me suis rendu à plusieurs reprises sur le terrain pour engager la discussion spécifiquement sur ce point : en Seine-Maritime ; à Neuves-Maisons, près de Nancy, où je me trouvais hier ; je serai lundi prochain à Strasbourg, ville qui s’est déclarée « zone de débat sur le TAFTA ». Je suis tout à fait disposé à me déplacer le plus souvent possible afin d’échanger. Il s’agit à la fois de désamorcer des inquiétudes lorsqu’elles ne me paraissent pas fondées, mais aussi de les prendre totalement en compte lorsqu’elles me semblent justifiées.

L’idée est de travailler à des réponses qui soient opérationnelles. Vous avez évoqué plusieurs pistes. Je souscris à la plupart d’entre elles. Vous avez notamment mis l’accent sur la nécessité d’un rééquilibrage en faveur des États. Oui, dans la nouvelle phase qui doit s’ouvrir en matière de commerce international, le retour de la puissance publique, à travers la régulation, à travers l’édiction de normes et leur respect effectif, est un aspect fondamental. C’est à nous d’écrire ce retour de la puissance publique, aux États, aux peuples, à leurs représentants, aux parlementaires, y compris à l’échelon communautaire.

Dans cette perspective de rééquilibrage, permettez-moi de verser au débat une piste supplémentaire. Il n’est plus possible que, au cours des procédures de règlement des différends entre les investisseurs et les États, ces derniers soient totalement démunis face à des plaintes les exposant parfois à devoir verser des milliards d’euros, sans pouvoir réagir. Nous devons donc travailler à mettre au point des moyens de rétorsion des États contre de telles plaintes lorsqu’elles ne sont pas fondées. Nous devons imaginer des dispositifs et envisager des amendes pour sanctionner les recours abusifs.

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