En effet, je vais principalement vous décrire la méthode que nous avons employée pour analyser ce texte. Nous avons défini six grandes thématiques sur lesquelles nous souhaitons alerter les élus et le Gouvernement. Nous espérons bien sûr que la plupart de nos amendements seront adoptés, mais il s'agit avant tout d'une démarche d'alerte sur les risques normatifs au regard de l'application des textes. L'exemple le plus flagrant est le nombre de renvoi à des décrets, qui sont autant de nouvelles normes dont on ne maîtrise pas l'application. L'absence d'étude sur l'impact financier de certaines mesures est également symptomatique : on est souvent incapable de quantifier les conséquences directes pour les collectivités. Au total, nous avons travaillé sur 22 amendements, dont huit ont déjà été satisfaits par les travaux des deux commissions, notamment en ce qui concerne les obligations imposées aux plans locaux d'urbanisme (PLU).
La première thématique regroupe ce qui tend à imposer aux collectivités des obligations souvent disproportionnées. L'exemple le plus marquant, on l'a déjà évoqué, est celui de l'obligation de réaliser des travaux d'isolation ou d'études, telle que définie à l'article 5. Nous considérons que l'absence de limite financière adossée à cette obligation constitue un réel risque normatif. Nous devons prendre en compte la capacité réelle des collectivités à mettre en oeuvre cette obligation.
Il en va de même pour le renforcement, prévu à l'article 9, de l'obligation d'achat de 20 % de véhicules propres au sein d'un parc de plus de 20 véhicules. Outre la capacité des collectivités, on ne prend pas en compte les contraintes liées au service.
La deuxième thématique regroupe ce qui tend à imposer des obligations dans une formulation insuffisamment précise, en renvoyant soit à des précisions futures, sans annoncer de calendrier, soit à des décrets. La disposition de l'article 19 sur la promotion du tri à la source des déchets organiques et de la tarification incitative appartient à ce groupe de normes. On y définit un objectif de couverture de 15 millions de personnes à horizon 2020 et 25 millions de personnes à horizon 2025. S'agit-il d'un objectif global ou dispose-t-on d'un calendrier avec des phases précises ? Quelles incitations et quelles incidences financières ?
Les mêmes questions valent pour le plan de développement du véhicule électrique. On définit un voeu sans élément précis en matière d'application de cette mesure. C'est également le cas de la volonté de favoriser les plans de circulation pour les véhicules propres : on est dans l'incertitude, ce qui revient à renvoyer ces questions au niveau réglementaire et laisse des marges d'appréciation.
La troisième thématique regroupe ce qui tend à créer ou à compléter des procédures disproportionnées au regard de l'équilibre approprié entre l'objectif recherché et les moyens techniques et financiers dont la collectivité territoriale dispose. C'était l'exemple du PLU, qui a été réglé grâce au travail de commission.
La quatrième thématique regroupe ce qui tend à créer une compétence locale obligatoire dont les conditions de mise en oeuvre ne sont pas réunies au regard des moyens techniques, juridiques ou financiers dont la collectivité dispose. Il est possible de citer les dispositions de l'article 19 quater qui attribuent au maire de nouveaux pouvoirs à l'égard des véhicules abandonnés stockés sur la voie publique ou sur le domaine public, avec obligation de recours à un expert automobile. La volonté de la délégation est d'adapter cette mesure, en prenant en compte les différences de situation entre grandes et petites collectivités. Il s'agit donc d'apporter de la nuance à ces dispositions et non de les supprimer. On évite d'imposer une contrainte supplémentaire à des collectivités qui seraient incapables de la mettre en oeuvre.
La cinquième thématique regroupe ce qui tend à diminuer les délais prévus initialement pour la mise en oeuvre de dispositions complexes ou coûteuses. L'exemple le plus flagrant concerne l'interdiction des produits phytosanitaires, dont personne ne conteste la nécessité. Mais comment raccourcir le délai de 2020 à 2016 sans peser excessivement sur les collectivités les plus fragiles ? Il faut mettre le curseur au bon niveau : faut-il modifier le calendrier ? Faut-il le différencier selon la taille de la collectivité ?
La sixième thématique regroupe ce qui a pour effet de brouiller la compréhension des compétences des collectivités. Nous sortons à peine des débats autour du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, et l'on vient déjà ajouter des compétences par le biais de ce texte ! C'est notamment le cas pour tout ce qui concerne les réseaux de chaleur ou de froid : relèvent-ils des communes, des EPCI, des métropoles ? Nous mettons l'accent sur la nécessité de clarifier les compétences.
Le même débat vaut pour les schémas. Certains sont nécessaires, d'autres moins. Nous évoquons dans notre rapport le schéma régional de biomasse, prévu à l'article 22 bis A, mais nos remarques sont déjà satisfaites par le texte issu des travaux des commissions.
Je ne vous présente pas en détail le contenu de nos amendements, nous aurons l'occasion d'y revenir la semaine prochaine. Nous souhaitions simplement expliciter notre approche. On ne remet pas en cause le contenu, mais le spectre des obligations pour les collectivités. Sur le terrain, les élus nous ont beaucoup parlé du Grenelle de l'environnement et des normes qui en découlent, comme de la loi sur l'eau. Aujourd'hui, nous souhaitons simplement vous alerter sur les risques liés à l'introduction d'une complexité supplémentaire par le biais de ce texte.