Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Débat sur la politique du logement

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, moins de 300 000 logements mis en chantier en 2014 : c’est sans doute ce constat qui a conduit nos collègues du groupe UMP à proposer ce débat.

Dix millions de personnes seraient touchées, de près ou de loin, par la crise du logement. Il conviendrait de modifier la politique publique de fond en comble pour que la demande de logements baisse et que l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics, toujours fondamentale pour l’économie et l’emploi, redémarre.

La construction de logements est en panne depuis plusieurs années pour de multiples raisons. Les bonnes volontés seraient découragées, notamment celles des investisseurs. Faut-il rappeler les nombreuses mesures de défiscalisation proposées par les gouvernements successifs qui ont produit trop de logements vides d’occupants dans des agglomérations où le besoin de logements ne se faisait pas forcément sentir ?

Rien que pour le dispositif Pinel, madame la ministre, l’État octroie 34 000 euros par logement, auxquels s’ajoutent les 100 000 euros pour les donations de logements neufs aux descendants ou l’abattement exceptionnel de 30 % sur les plus-values immobilières pour toute cession de terrain à bâtir. Au total, ce sont 300 millions d’euros qui sont accordés à ceux qui détiennent déjà 50 % du patrimoine immobilier !

Et que dire du rapport trisannuel de l’application de la loi SRU ? Celui-ci n’a toujours pas été rendu public et les arrêtés visant les communes qui traînent les pieds attendent depuis six mois la confirmation du ministère. Je crains que la forte baisse des dotations aux collectivités locales n’amoindrisse le volontarisme des communes et n’engendre une chute de leurs initiatives.

La crise du logement constitue sans nul doute la face la plus visible et la plus criante de la crise économique et sociale que nous traversons. Elle concentre les plus grandes inégalités et discriminations.

Comment expliquer qu’il faille trois mois pour mesurer la moindre inflexion du PIB et plus de deux ans pour déterminer le nombre d’expulsions locatives ? Il aura aussi fallu attendre onze ans pour que l’INSEE relance un recensement exhaustif du nombre des personnes sans domicile fixe, nombre qui a bondi de 50 % entre 2001 et 2012 : ce sont près de 150 000 personnes qui sont aujourd’hui concernées, dont 35 000 enfants.

Les politiques ségrégatives du logement conduites par le passé ont éloigné les populations les unes des autres et organisé, loin de toute mixité sociale, les « ghettos de la République » : d’un côté, les cités HLM regroupant les plus modestes ; de l’autre, les quartiers qui accueillent les plus aisés.

La pénurie de logements est une réalité cruelle pour bon nombre de nos concitoyens, à qui le droit à un toit n’est pas du tout assuré. Trop nombreuses sont les familles prioritaires au titre de la loi DALO auxquelles aucune solution concrète n’est proposée.

Cette situation insupportable n’aurait jamais dû exister dans notre pays.

Il convient clairement d’accorder la priorité aux demandeurs de logement et non aux investisseurs, car nous sommes dans une impasse absurde. La montée du chômage accentue le phénomène du mal-logement : pour avoir un logement, il faut avoir un travail, mais, pour avoir un travail, il faut un logement !

C’est pourquoi relancer la construction et la rénovation de logements sociaux ouverts à l’ensemble de la population est une nécessité et doit constituer la priorité des priorités. Dans ce contexte, les crédits alloués à la construction de logement social et les aides à la pierre ne sauraient diminuer.

Le seuil de 25 % de logements sociaux, recommandé par la loi Duflot, constitue une base, même s’il peut paraître insuffisant dans certaines régions tendues où les demandes sont très loin d’être satisfaites. Au demeurant, et même si nous n’avons pas tous la même analyse à ce sujet, c’est bel et bien la mise en œuvre de la loi SRU – notamment l’application de la règle des 20 % – qui a porté, dans le courant des années 2000, le logement social.

Les sommes disponibles pour construire des logements, les rénover et transformer éventuellement des locaux d’activité ou de bureaux inoccupés en logements, existent. Le prêt à taux zéro, le PTZ, pourrait aussi être étendu aux bailleurs sociaux et venir s’ajouter à une revalorisation du « 1 % logement », qui n’est plus que de 0, 4 %, en en élargissant notamment l’assiette. Cela permettrait tout de même une plus grande diversité de l’offre, jouant positivement, de fait, sur les montants des loyers et des charges locatives.

Malgré la décollecte encouragée par la baisse de la rémunération du livret A, des sommes très élevées restent en attente d’utilisation au sein du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. À la fin 2014, ce fonds aura connu une décollecte supérieure à 6 milliards d’euros, qu’il convient évidemment de comparer aux 365 milliards d’euros de la collecte totale du livret A et du livret de développement durable. Pourquoi 35 % de cet encours seraient-ils aujourd’hui non centralisés, alors que nous en avons particulièrement besoin pour financer le logement social mais aussi la transition énergétique ?

Nous proposons, comme la loi le prévoit, qu’un décret vienne relever le niveau de centralisation et que les sommes ainsi réunies soient immédiatement mobilisées pour des prêts à l’amélioration des performances énergétiques des logements et pour la construction de nouveaux et nombreux logements sociaux. Relever de 5 % la centralisation du livret A et du livret de développement durable permettrait de dégager immédiatement 18 milliards d’euros.

Il serait également opportun de s’interroger sur les modalités de construction des logements. Des évolutions de conception et d’architecture ne pourraient-elles permettre de bâtir ce que j’appellerai les « logements du futur » ? Nous pourrions facilement concevoir une nouvelle gamme de logements, modernes, écologiquement responsables et, surtout, accessibles à tous, car les montants de loyers sont souvent inabordables pour des millions de familles.

Par ailleurs, le président de la Banque centrale européenne, la BCE, a annoncé que, dans le cadre de dix-neuf tranches mensuelles de 60 milliards d’euros, son établissement financerait la restructuration de dettes publiques et privées pour faciliter la reprise de l’activité économique. Prenons-le au mot ! J’invite donc le Gouvernement à s’emparer de cette opportunité pour restructurer la dette de certains organismes d’HLM, par exemple.

Nous pourrions également envisager de procéder au refinancement de la dette publique en vue d’ouvrir une sorte de fonds national de construction et de financement du logement. Celui-ci accorderait des prêts à taux zéro.

S’agissant de la question foncière, il faut envisager la modulation de la taxation des plus-values foncières, notamment pour les terrains dédiés à la réalisation de programmes comportant des logements sociaux. Et pourquoi ne pas poser le principe de l’exonération d’imposition des plus-values en cas d’apport financier direct à la réalisation d’opérations de logements sociaux ?

Ou encore, pourquoi ne pas proposer une alternative à la cession de terrains publics sous décote, comme nous l’avons vu faire ces derniers temps ? Nous pourrions ainsi mettre en place un nouveau dispositif de bail pour que les organismes d’HLM n’aient pas à supporter le coût de l’acquisition foncière.

Des solutions techniques et financières existent donc aujourd’hui pour répondre dans de meilleures conditions à la demande.

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