Séance en hémicycle du 5 février 2015 à 9h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Madame la présidente, hier après-midi, lors du scrutin public n° 92 sur l’ensemble de la proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé, j’ai été comptabilisé comme ayant voté contre, alors que je voulais voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur désigné pour siéger au sein du conseil d’administration de l’agence Business France, en application de l’article 7 du décret n° 2014-1571 du 22 décembre 2014.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Alain Chatillon.

Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle le débat sur la politique du logement, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, orateur du groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir brièvement sur l’annonce qui vient d’être faite concernant le sénateur désigné pour représenter notre assemblée au sein du conseil d’administration de l’Agence Business France. Ce nom m’interpelle en effet !

J’ai signé hier, au nom de la commission des affaires économiques, le courrier proposant la candidature de M. Alain Chatillon pour siéger au conseil d’administration de l’organisme qui est le fruit de la fusion entre Ubifrance et l’Agence française des investissements internationaux. Mais quand j’ai vu le nom dudit organisme, à savoir « Agence Business France », j’ai bondi ! Je me demande s’il ne faudra pas choisir une autre appellation…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Mais j’en reviens au sujet qui fait l’objet de ce débat. Madame la ministre, vous n’en serez sans doute pas étonnée, nous dressons un constat sévère de la politique actuellement menée en matière de logement. Et c’est presque une sonnette d’alarme que nous tirons ce matin ! L’initiative du groupe UMP vise à vous demander de prendre rapidement les mesures qui s’imposent pour que les logements attendus par les Français puissent être construits en nombre suffisant.

J’avais déjà eu l’occasion de dire à votre prédécesseur, Mme Duflot, qu’une sorte de malédiction pesait sur les gouvernements de gauche en matière de logement. Nous nous apercevons en effet que, pour des raisons qui nous échappent, le nombre de logements construits diminue quand la gauche est au pouvoir.

Une telle baisse s’est vérifiée entre 1997 et 2002 ; un redressement s’est produit au cours des années suivantes, redressement qui s’est d’ailleurs accentué après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, même si le nombre de mises en chantier de logements se situait en deçà des objectifs et ambitions de celui-ci. Mais la crise de 2008 était arrivée. Malgré cela, 430 000 logements par an ont été construits en France dans les années ayant suivi l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.

De 2007 à 2012, deux millions de logements neufs ont été construits, dont 600 000 dans le secteur social, alors que, entre 1997 et 2001, le chiffre était singulièrement plus bas :1, 6 million au total.

Pourtant, j’entends encore le discours tenu pendant la campagne présidentielle de 2012 par les opposants à Nicolas Sarkozy : ces derniers critiquaient le nombre insuffisant de logements construits par rapport aux promesses faites. Le candidat François Hollande s’était engagé, quant à lui, à construire 500 000 logements par an, dont 150 000 dans le secteur social.

Or que voit-on ? Au cours de la dernière année de référence, 2014, précisément 297 500 logements ont été ouverts, soit moins 10 % par rapport à 2013, année où la construction était encore inférieure de 14 % par rapport à 2012. Le nombre de permis de construire délivrés a lui-même été en diminution : moins 11 %.

Bien entendu, il s’est ensuivi un certain nombre de conséquences sur les entreprises et les emplois : 30 000 emplois ont été perdus, nonobstant ceux qui ont affecté les artisans dans le secteur du bâtiment.

Pour étayer sa politique ambitieuse, le Gouvernement a choisi de faire voter des lois. Il y en a eu trois depuis le début du quinquennat.

D’abord, la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social et au renforcement des obligations de production de logement social, qui commence maintenant seulement à donner quelques résultats – il faut être très objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Ensuite, la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction.

Enfin et surtout, il y a eu la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, véritable monument législatif…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monument... monument… On sait ce qu’il en reste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… présenté par Cécile Duflot, avec les dispositifs que nous connaissons. Le résultat de cette dernière loi est plus que modeste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je dirai même qu’il est quasiment nul, voire pis ! Nous avons entendu des membres éminents du Gouvernement – à commencer par le Premier ministre – expliquer qu’il fallait remettre en cause un certain nombre de ses dispositifs.

Je me permets de rappeler que toute politique, dès lors qu’elle est instable, incertaine et incohérente, mène tout droit à l’échec.

Qu’avons-nous dit au moment où cette loi ALUR a été discutée ? Nous avons commencé par souligner que le dispositif de garantie universelle des loyers, la GUL, était tellement complexe qu’il ne serait pas opérant.

Ensuite, nous avons dit que l’encadrement des loyers serait lui-même soumis à une procédure extrêmement complexe et que les pouvoirs publics ne seraient pas en mesure de mettre en œuvre cette disposition.

Aujourd’hui, ce que nous avions annoncé se confirme. Premièrement, la garantie universelle des loyers ne fonctionne pas. Deuxièmement, s’agissant de l’encadrement des loyers, Paris semble aujourd’hui être le seul territoire où cette mesure s’appliquerait. Une autre agglomération, au nord de la France, Lille, a manifesté son intérêt pour ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Ailleurs, on ne se bouscule pas pour en demander l’application ! En fait, la loi ALUR a sclérosé le marché tout simplement parce que la confiance n’est plus là. Les investisseurs ont littéralement fui ce secteur d’activité. Actuellement, l’investissement est complètement découragé, ce qui a entraîné une diminution du nombre de logements neufs construits de l’ordre de celle que j’ai rappelée tout à l’heure.

Aujourd’hui, la GUL intéresse exclusivement les jeunes salariés et les personnes vivant en situation de précarité. Quand on se souvient des déclarations tonitruantes faites à cette tribune sur les perspectives bénéfiques à attendre de cette loi ALUR, on mesure le décalage entre les rêves et la réalité et, parfois, entre l’idéologie et le pragmatisme !

Un point de repère nous est fourni aujourd’hui par le rapport établi par trois organismes d’État : le Conseil général de l’environnement et du développement durable, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances.

Le coût de la politique menée par le gouvernement actuel est connu : il est de 46 milliards d’euros, chiffre considérable qui devrait appeler des résultats. Le rapport précité fait apparaître un éclatement des responsabilités, qui entraîne un manque de cohérence de la politique. Les dispositifs et les objectifs sont si nombreux que l’horizon est brouillé. On ne sait plus trop où l’on va !

Cette politique a des effets inflationnistes, notamment du fait de la majoration des loyers entraînée par l’aide apportée à la location. Finalement, le résultat pour le locataire est complètement nul !

J’ajouterai à ce constat une mauvaise appréciation des politiques par rapport à la demande et à l’offre. On s’aperçoit aujourd’hui qu’on a construit des logements qui ne correspondent pas aux besoins et que les logements manquent là où il y a des besoins.

Bien sûr, le Gouvernement annonce quelques mesures concernant le prêt à taux zéro, qui serait élargi. Bien sûr, il y a le dispositif initialement appelé Duflot, qui porte maintenant votre nom, madame la ministre. Pour vous être complètement agréable, je dirai que le dispositif Pinel donne des signes de frémissements positifs. Si ce dispositif peut finalement permettre quelques résultats, il reste toutefois bien en deçà de ce qu’il faudrait faire pour atteindre les objectifs que vous vous êtes vous-même fixés.

S’agissant de l’encadrement des loyers, vous avez envisagé un certain nombre de mesures tendant à la limitation.

Il y a aussi l’abattement de 30 % sur les plus-values des cessions de terrains.

Au-delà des mesures que je viens de décliner, nous nous interrogeons sur divers points, madame la ministre. Ainsi, qu’envisagez-vous de faire par rapport à l’aide personnalisée au logement, l’APL ? Que pensez-vous faire pour réduire l’impôt supporté par l’investisseur ? Qu’envisagez-vous, s’agissant des régimes de locations en meublé, dont l’offre est aujourd’hui supérieure aux besoins exprimés ? Il faut d’ailleurs souligner que les jeunes se tournent maintenant plutôt vers le marché privé, ce qui est absolument extraordinaire et illustre le décalage entre l’offre et la demande !

Et naturellement, qu’envisagez-vous de faire en ce qui concerne les aides à la pierre ?

Nous voyons donc, madame la ministre, que les mesures auxquelles vous vous êtes attachés pendant la période électorale ont donné lieu à des lois qui, si elles nous ont occupés pendant plusieurs semaines, ont donné fort peu de résultats ; et je modère mes propos...

Or un certain nombre de catégories sociales et de territoires expriment des demandes très fortes en faveur de logements décents et adaptés aux situations que connaissent de nombreuses familles. Ainsi est-il nécessaire de prévoir la construction de logements plus modestes en nombre de pièces, lesquels sont difficiles à trouver dans l’offre disponible.

Ce débat, je l’ai dit d’emblée, est destiné à tirer la sonnette d’alarme. Il vous donnera également l’occasion, madame la ministre, de préciser les corrections que le Premier ministre envisage d’apporter à la fameuse loi ALUR. Il vous permettra, enfin, de transmettre à l’ensemble des professionnels du bâtiment un certain nombre d’informations destinées à favoriser le retour, attendu et nécessaire, de la confiance.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de la politique du logement, c’est, hélas ! débattre surtout du mal-logement.

Soixante ans après l’appel de l’abbé Pierre, si de nombreux plans de construction et de nombreuses lois ont été adoptés en matière de logement, force est de constater que le sujet demeure d’une cruelle actualité. Si le droit au logement opposable institué en 2007 a permis quelques avancées, il n’a malheureusement pas réussi à enrayer l’ensemble des demandes.

Par ailleurs, dans le contexte de crise que nous traversons, le nombre de demandes de logement social ne cesse de croître et, aujourd’hui, moins d’un quart des 1 800 000 demandes enregistrées sont satisfaites. C’est bien trop peu !

Le 115, numéro d’urgence pour les personnes sans abri, voit également les demandes d’hébergement d’urgence exploser, alors que ses capacités d’accueil stagnent autour de 140 000 places, et recourt ainsi de plus en plus aux nuitées d’hôtel : près de 40 000 en 2014.

Le rapport de la Fondation Abbé Pierre paru ces derniers jours ne fait, malheureusement, que confirmer ce constat.

Madame la ministre, mes chers collègues, comment ne pas s’indigner devant la précarité et le mal-logement qui touchent un trop grand nombre de nos concitoyens, et notamment les plus jeunes d’entre eux ?

Comment ne pas s’indigner lorsque l’on constate en 2015 que des gens meurent encore de froid sur les trottoirs ou les bancs publics de nos villes ?

Vous venez, madame la ministre, d’annoncer un nouveau plan triennal pour réduire le recours aux nuitées hôtelières qui, en plus d’être coûteux, ne constitue qu’une réponse partielle et provisoire à la détresse des personnes sans abri. Vous ne manquerez pas de nous en dire davantage sur ce sujet.

Par ailleurs, face à la crise du logement, et afin de faciliter l’accès au logement – tel est bien l’enjeu, en effet –, le Gouvernement multiplie les actions sur plusieurs fronts : construction de 500 000 logements par an d’ici à 2017, création de la garantie universelle des loyers, qui a pour but de répondre aux craintes des bailleurs en matière d’impayés de loyers, création de 5 000 logements supplémentaires à très bas niveau de loyer, dans les trois prochaines années, et, dans le cadre du dispositif des prêts locatifs aidés d’intégration, mise en place des « super PLAI » et des « PLAI adaptés ».

Il convient également d’agir sur le plan des expulsions locatives, en prévenant ces procédures, et de sortir de cette politique de gestion « au thermomètre » que constitue la trêve hivernale, afin de répondre aux besoins des personnes tout au long de l’année.

Les difficultés de certains de nos concitoyens à s’acquitter de leur loyer constituent un sujet majeur. Si, comme je l’ai rappelé, la garantie universelle des loyers, la GUL, est un outil que nous soutenons et que nous avons approuvé, elle doit être accompagnée de mesures volontaristes visant à encadrer les loyers, notamment dans le parc privé.

Cette mesure ne s’adresse pas seulement aux plus jeunes, aux étudiants, dont on ne connaît que trop bien les difficultés qu’ils rencontrent pour se loger. En effet, de plus en plus nombreux sont nos concitoyens, y compris ceux qui travaillent et bénéficient à ce titre de revenus, qui peinent à assumer les diverses charges liées à la vie quotidienne. Ainsi consacrent-ils parfois plus de la moitié de leurs revenus à leur loyer, ce qui devient alors une charge insupportable. En moyenne, plus de 30 % des revenus sont consacrés au logement ; or, selon les chiffres de l’INSEE, qui sont inchangés depuis la guerre, ce pourcentage est de 8 % ! Il conviendrait de corriger cette erreur afin de mieux répondre à la situation actuelle.

L’encadrement des loyers, qui a fait l’objet de nombreux débats, est un sujet que nous devons avoir le courage de traiter. Il ne s’agit pas de montrer du doigt les propriétaires, mais de considérer qu’il s’agit d’un enjeu indissociable de la question générale de l’accès au logement.

Je veux aussi évoquer le problème des inégalités, lequel est notamment manifeste à Paris, où ceux qui sont logés dans le parc privé, à logement égal, paient à peu près 1 000 euros de plus que ceux qui ont la chance de bénéficier d’un appartement du parc HLM.

Madame la ministre, je connais l’attachement qui est le vôtre à la solidarité et à la question de la lutte contre les inégalités. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur les orientations du Gouvernement relatives à la question du mal-logement en France. Le groupe du RDSE, pour sa part, vous fait toute confiance.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, disposant d’un temps de parole de seulement trois minutes, je ne m’attarderai pas sur le constat que tout le monde connaît : la politique du logement coûte cher et ne fonctionne pas vraiment. Je suis certain que les intervenants qui monteront à cette tribune développeront cet aspect. J’en viens donc directement à nos propositions en matière de logement, lesquelles ne risquent pas vraiment d’être abordées par l’un de nos collègues...

On commence à se rendre compte, aujourd’hui, que le communautarisme qui menace notre société est notamment dû aux politiques du logement et aux politiques de la ville, malgré les dizaines, voire les centaines, de milliards d’euros que celles-ci ont engloutis. En matière de logement, le clientélisme voire l’électoralisme ont trop souvent été la règle, au détriment du vivre ensemble. L’absence de mixité sociale, issue d’un discours faussement égalitariste tenu depuis des décennies, est aujourd’hui un fléau pour notre pays.

Ma première proposition, la plus symbolique et surtout la plus pragmatique, est donc la priorité nationale : toute action publique en matière de logement doit, d’abord et avant tout, être prioritairement menée en faveur des Français !

Oui, le devoir de l’État est, d’abord, de s’occuper de ses citoyens. Finalement, c’est ce que vous faites à une autre échelle : en toute logique, vous vous préoccupez, en premier lieu, de savoir comment loger vos enfants avant de chercher à loger ceux des autres ! La France doit donc se préoccuper d’abord de loger ses propres enfants.

Si des acteurs économiques veulent s’occuper des autres citoyens, pourquoi pas ? Je dirai même : tant mieux ! D’ailleurs, je développerai ultérieurement une proposition en ce sens.

Mais, aujourd’hui, la France n’a pas les moyens de ses ambitions. Elle ne peut pas continuer à se laisser imposer, entre autres par l’Union européenne, l’obligation de loger toutes sortes de gens, notamment les clandestins.

Ma deuxième proposition vise à réfléchir sérieusement à l’idée d’un chèque logement.

Le logement est en effet une problématique à prendre en compte dans la perspective, notamment, de la compétitivité de nos entreprises, en particulier celles de services. Ces dernières, aujourd’hui gisement d’emplois, peinent parfois à recruter à cause de cette question du logement : en région parisienne, pour des raisons de coût et de transport ; dans les activités saisonnières, du fait de la pénurie de logements dans les zones touristiques ; au niveau des intérimaires, en raison de la discrimination liée au contrat de travail.

Source d’attractivité pour recruter, source de mixité sociale, car le cadre et l’ouvrier pourraient habiter dans les mêmes quartiers, source d’économie, car ce financement serait tripartite, la part des pouvoirs publics prenant la forme d’une exonération de charge, voire d’une défiscalisation, le chèque logement serait utilisable aussi bien pour de la location que pour du remboursement de crédit.

Il faudra définir les conditions pour pouvoir en bénéficier, selon que le demandeur sera primoaccédant, salarié en CDD, salarié intérimaire... Ce type de solution est, selon moi, un moyen de mettre fin à la politique de logement d’assistanat telle qu’elle existe aujourd’hui et de redonner de la fierté à nos compatriotes les plus pauvres. Nous préférons en effet aider les personnes en leur donnant de l’argent pour se loger, plutôt que de leur faire croire, comme c’est trop souvent le cas, que cela ne coûte rien à personne.

En outre, cela limiterait de facto les abus dont les politiques ne sont pas toujours exemptes...

Le sujet est vaste, mais, je le répète, mon temps de parole est court... On peut d’ores et déjà, en l’état actuel du droit, prendre des mesures efficaces. Nous, élus locaux, réfléchissons ainsi à la mise en œuvre d’autres politiques en termes de logement. Il convient, dans ce domaine, de mener une action de terrain. L’État ferait mieux, en l’occurrence, d’aider les responsables publics locaux à proposer des politiques adaptées à leurs problèmes spécifiques et aux attentes de leur population, plutôt que de les contraindre régulièrement en leur imposant des mesures qui ne font malheureusement que compliquer davantage la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons prendre en considération les chiffres alarmants figurant dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre : 3, 5 millions de personnes sont mal logées en France et 2, 8 millions vivent dans des habitations inconfortables ou surpeuplées.

Ces personnes en situation de détresse sont de plus en plus souvent des familles avec enfants, des jeunes de moins de vingt-cinq ans non éligibles au RSA ou des personnes en souffrance. On compte 494 200 ménages en situation d’impayés et 141 000 personnes sans domicile. Les capacités d’accueil en hébergement temporaire ou en logement social sont saturées. Et pourtant, la politique du logement représentait 46 milliards d’euros en 2014, soit plus de 2 % du PIB.

Vous le constatez, mes chers collègues, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Comment expliquer que, pour la première fois depuis dix-sept ans, la construction de logements neufs soit passée sous la barre symbolique des 300 000 logements pour un objectif de 500 000 constructions annuelles ?

Les mises en chantier ont chuté de 10 %. Le secteur de la construction espère une reprise, mais les chefs d’entreprise de PME du secteur du bâtiment et des travaux publics sont pessimistes, un tiers d’entre eux craignant une détérioration de leur trésorerie dans les six mois à venir. Seuls 9 % des patrons envisagent de recruter. C’est tout le tissu économique local qui se détériore. L’artisanat du bâtiment devrait connaître au cours de l’année un recul de la construction neuve.

Permettez-moi d’aborder un autre sujet : dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, quels moyens et dispositifs comptez-vous mettre en œuvre pour atteindre l’objectif de rénovation de 500 000 logements par an à compter de 2017 ?

Je veux aussi aborder la question de l’application de la loi ALUR.

S’agissant de l’encadrement des loyers, nous regrettons la manière dont Manuel Valls a fait volte-face sur le texte validé par le Parlement : il était prévu que l’encadrement des loyers s’applique dans vingt-sept agglomérations. Vous avez finalement limité le dispositif à titre expérimental à la ville de Paris.

Vous aviez confirmé au mois de novembre votre volonté de faire paraître, début 2015, le décret qui fixera les loyers médians. Nous sommes en février : allez-vous tenir vos engagements et dissiper la confusion qui règne autour de ce dossier et de son calendrier ?

Pour ce qui concerne la GUL, notre groupe soutenait la nécessité de mettre en place un dispositif efficace de garantie universelle locative qui aurait permis de tirer les leçons de l’échec de la garantie des risques locatifs, la GRL. Nous avions proposé un mécanisme assurantiel obligatoire unique, dont le pilotage aurait été confié à une Haute autorité indépendante.

L’accompagnement social aurait été géré par un organisme spécialisé. Il s’agissait de faire face à l’urgence du logement des jeunes, mais aussi de répondre au problème suivant : 500 000 emplois sont refusés chaque année par des demandeurs d’emploi, faute d’avoir trouvé un logement.

En décembre dernier, l’État a signé avec l’UESL-Action Logement une convention quinquennale 2015-2019 qui prévoit la mise en place d’un nouveau dispositif de sécurisation locative remplaçant la GRL. Nous saluons le ciblage des publics les plus fragiles que sont les jeunes salariés de moins de trente ans et les salariés précaires, que notre groupe avait lui-même identifiés.

Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la mise en œuvre de cette mesure ? Existe-t-il une volonté de généralisation de cette garantie ?

J’en viens à l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, laquelle – permettez-moi de vous le dire – est totalement inadaptée aux spécificités locales.

Les objectifs pour le logement social découlent d’une application uniforme, déconnectée des réalités locales. Or nous constatons une inégalité entre les communes, dont certaines disposent d’importantes réserves foncières cédées par l’État.

Dans ma commune, une politique contribuant à faciliter l’acquisition sociale a été conduite avant la mise en œuvre de la loi SRU. Aujourd’hui, nous comptons plus de 2 200 habitants par kilomètre carré. La densité de population est forte, avec pratiquement pas de foncier disponible. Nous avons réussi à augmenter le parc de logements sociaux de 56 % en dix ans.

Souhaitons-nous continuer ? Oui, mais en fonction de nos possibilités ! Or la nouvelle contrainte du seuil qui nous tombe brutalement dessus – 25 % au lieu de 20 % – entraîne des sanctions financières très lourdes et profondément injustes.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

La pénalité grève le budget municipal dans des proportions inadmissibles et diminue notre capacité à investir.

Certaines villes accumulent les contraintes : peu de foncier, localisation géographique excentrée, mauvaise desserte par les transports en commun. Elles sont dans l’incapacité d’atteindre l’objectif que vous leur imposez, madame la ministre.

Ailleurs, d’autres communes doivent construire des logements sociaux, alors que la croissance démographique est faible ou nulle, que le marché de la location privée est au même prix que la location sociale et que de nombreux logements restent vacants.

Madame la ministre, pourquoi l’État oblige-t-il à investir de l’argent public pour des centaines de logements dans des villes qui se dépeuplent quand bien même l’offre de logement augmente ? De la même manière, il est incohérent d’encourager l’investissement dans le neuf défiscalisé si l’investisseur ne trouve pas de locataires.

Dans les métropoles, les plans locaux d’urbanisme devront intégrer le programme local de l’habitat. Est-il logique que les objectifs de production de logements restent de la seule compétence des communes ?

Le seuil de 25 % ne devrait-il pas s’appliquer obligatoirement à l’échelle de la métropole, laquelle contractualiserait avec les communes en fonction des possibilités foncières et de sa politique de dessertes en transport en commun ?

Développer les communes, offrir un logement à tous : oui, c’est une préoccupation majeure des maires. Cette logique décentralisée se heurte toutefois à des incohérences de la politique du logement qui oblige à construire, qu’on le puisse ou non, qu’on le veuille ou non, qu’on en ait besoin ou non. C’est une politique qui ne tient pas compte des réalités et qui pénalise quand il faudrait comprendre et aider. Nous en mesurons le caractère utopique et en constatons plus que jamais l’inefficacité.

J’aurais pu soulever un autre frein à la production de logements locatifs ou en accession : le coût de la construction, qui est en inflation constante du fait de l’empilement incessant des normes. Les mesures de simplification des procédures de permis de construire que vous avez engagées pour relancer la filière logement – nous vous en félicitons, madame la ministre – se heurtent aujourd’hui aux lenteurs administratives. En trois ans après le dispositif Scellier, la filière a perdu 60 000 emplois en raison d’une baisse de 35 000 ventes.

On constate un recul net des acquisitions par des propriétaires occupants en raison du coût trop élevé des travaux – taxations, normes, charges qui pèsent sur les entreprises – et d’un foncier trop cher du fait de sa rareté.

Pour le groupe UDI-UC, la priorité réside dans la relance de la construction de logements et le redémarrage de ce secteur essentiel de notre économie. Cela implique une meilleure appréciation des réalités locales. Nous devons mettre en œuvre des mesures adaptées à la diversité des situations, des besoins et des territoires.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat tombe à point nommé. Il a lieu en effet quelques jours seulement après la publication du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, mais surtout après qu’a été révélé – grâce à une fuite dans la presse, si j’ai bien compris – le contenu d’un rapport demandé par le Gouvernement à une mission d’évaluation de la politique du logement composée du Conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, et rendu l’été dernier.

La découverte de ce rapport a fait l’effet d’une petite bombe. Ses auteurs posent un diagnostic sans concession de nos politiques publiques et formulent également de nombreuses propositions, n’hésitant pas à aller à l’encontre de la pensée généralement dominante en matière de politique du logement.

Certes, certains pourront toujours balayer d’un revers de main tout ou partie des conclusions de ce document, accusant le Gouvernement de chercher à faire des économies sur les quelque 46 milliards d’euros que représentent les aides publiques au secteur, auxquelles il faut ajouter 5 milliards d’euros en provenance d’Action logement et de la Caisse des dépôts et consignations, soit un total de 51 milliards d’euros. Je crois au contraire que ce rapport contient de nombreuses pistes à creuser pour rendre nos politiques publiques plus efficaces et peut-être même à moindre coût, ce qui ne devrait pas être un tabou en une période où le Gouvernement a besoin de réaliser des économies budgétaires.

En effet, 51 milliards d’euros par an, cela représente 2 % de la richesse nationale. Ce n’est pas rien. Pourtant, malgré ces moyens importants, nous n’arrivons toujours pas à juguler la crise qui s’amplifie. Personne ne peut s’en satisfaire et nous ne pouvons pas en rester là.

Manifestement, ce rapport a déjà servi au Gouvernement puisque, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, quelques petites mesures s’en inspiraient. Cependant, c’était bien peu au regard des nombreuses propositions de ce rapport, d’autant plus que, madame la ministre, celles que vous aviez retenues en sont restées au stade de la discussion. Je pense notamment à la transformation du dispositif d’accession à la propriété par le biais des aides personnelles.

Cependant, je relèverai plusieurs points de ce rapport sur lesquels je souhaite vous interroger, madame la ministre, pour connaître votre sentiment et vos intentions : l’évaluation des besoins, la dispersion des moyens et les grands axes de notre politique publique en matière de logement.

Sur l’évaluation des besoins, nous répétons les uns et les autres qu’il faudrait construire au moins 500 000 logements par an pour sortir de la crise. Or le rapport réfute ce chiffre, s’appuyant sur l’exemple de l’Île-de-France, zone tendue s’il en est, où, dans le cadre de la loi relative au Grand Paris, le Gouvernement a fixé l’objectif de 70 000 logements par an.

Lorsque cet objectif de 70 000 logements a été annoncé, je me rappelle m’être demandé comment on était parvenu à un tel résultat : en le ramenant au chiffre initial de 500 000 logements par an, il me semblait que quelque chose n’allait pas ! Le rapport précise que, s’agissant de la loi relative au Grand Paris, les besoins ont été assez finement analysés. Par extrapolation, les auteurs du rapport estiment que, en ramenant ce besoin à l’échelle nationale, ce sont non pas 500 000 logements par an qu’il faudrait construire pour les cinq années à venir, mais quelque 332 000 ! Vous avouerez qu’un tel écart est significatif.

Le rapport pointe ensuite la trop grande dispersion des moyens qui découle assez logiquement de cette mauvaise appréciation des besoins.

La question des zonages est ainsi posée à nouveau, comme celle de l’équilibre à trouver entre accession à la propriété et logement social, mais aussi taille des logements et gamme de prix en fonction des secteurs géographiques.

Madame la ministre, il semble que vous ayez là un grand chantier à mener avant toute réforme, car, sans bonne connaissance des besoins, nous risquons encore une fois de nous tromper sur le recalibrage et la répartition des moyens.

Ce rapport traite également des grands axes d’intervention de nos politiques publiques, ce qui constitue un autre point intéressant.

Alors que nous souffrons d’une insuffisance de construction, même si l’on peut ne pas être d’accord sur les chiffres, nous consacrons 49 % des moyens engagés – je rappelle qu’ils atteignent 51 milliards d’euros – à la solvabilisation de la demande, seulement 17 % au développement de l’offre et 17 % à l’amélioration du parc existant. Il s’agit là d’un véritable paradoxe sur lequel nous devons nous interroger.

Les moyens vont-ils là où ils sont les plus nécessaires, en termes tant de sectorisation géographique, comme je le soulignais tout à l’heure, que de segmentation du marché et, surtout, de moyens accordés au développement de l’offre ? Car il faut développer l’offre !

Ce dernier point est d’autant plus important que le rapport pose la question de l’efficacité des aides personnelles. Or celles-ci représentent aujourd’hui, à elles seules, près de 50 % des crédits.

Je dois avouer, madame la ministre, que je suis particulièrement heureux que cette question soit enfin soulevée. Je l’ai fait, à cette tribune même, lors de l’examen du dernier texte défendu par Benoist Apparu ; je l’ai refait à l’occasion de la discussion générale sur le texte ALUR de Cécile Duflot. Dans les deux cas, je n’ai pas vraiment senti d’adhésion à mon propos : au mieux du scepticisme, au pire une accusation de vouloir pénaliser les bénéficiaires de ces aides.

Voilà qu’aujourd’hui ce rapport ne dit rien d’autre que ce que j’indiquais à l’époque : les aides personnelles ont eu et ont encore un effet inflationniste sur les loyers.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. Le rapport pointe également les inégalités de traitement qui peuvent exister en fonction de la situation des ménages. Ainsi, à revenus équivalents, un couple percevant des allocations chômage sera plus aidé qu’un couple travaillant, et ce en raison des abattements dont bénéficient les uns et pas les autres. C’est assez surprenant.

M. Guy-Dominique Kennel acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il semble bien que le temps soit venu de repenser notre système d’aides personnelles au logement pour le rendre plus efficace et plus juste, en évitant le plus possible les effets de bord que nous lui connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire son effet inflationniste sur les loyers. En Seine-Saint-Denis, c’est flagrant, et je ne cesse de le répéter : certains propriétaires louent des appartements petits et en mauvais état à des prix incroyables – entre 700 euros et 800 euros par mois – et ne trouvent preneur que grâce aux aides personnelles qui permettent aux locataires d’être solvables. Sans ces aides, une telle situation n’existerait pas ; il faut y réfléchir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Au total, mes chers collègues, ce rapport établit un diagnostic, certes sévère, et formule de nombreuses propositions.

Ma question est donc simple, madame la ministre : au-delà des points particuliers que je viens de soulever et sur lesquels j’aimerais tout de même obtenir des réponses, que comptez-vous faire de ce rapport ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

M. Claude Dilain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je soulignerai pour commencer le plaisir que je ressens à participer à ce débat sur la politique du logement. Il ravive en moi les bons souvenirs des trois années que j’ai passées à la commission des affaires économiques. Mes propos s’adressent plus particulièrement à mon collègue Daniel Raoul, ici présent.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Oui, il y a une crise du logement, et c’est mon seul point d’accord avec M. Jean-Claude Lenoir.

Je n’épiloguerai pas – démonstration a déjà été faite et elle le sera peut-être encore –, mais je tiens à citer quelques chiffres qui attestent de cette crise du logement, même si certains ont été rappelés. Selon le traditionnel rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, 3, 5 millions de personnes sont mal logées, dont 141 500 se trouvent sans aucun domicile, ce qui est énorme. En outre, 5 millions de personnes sont fragilisées du fait de problèmes de logement. Un autre chiffre, moins souvent cité, est également important : 1 700 000 demandes de logements sociaux sont actuellement déposées. En d’autres termes, il existe une sorte de file active de 1 700 000 personnes en attente d’un logement.

La production de logements – Philippe Dallier vient d’en parler – a atteint, en 2014, environ 300 000 logements, dont 200 000 logements sociaux. J’ignore si c’est suffisant ou non. Toujours est-il que cela paraît limite, et il faudra certainement faire plus, même si ce n’est déjà pas si mal.

Qu’ajouter une fois ce constat établi ?

Je commencerai par formuler trois remarques que l’on entend rarement et qui concernent l’hétérogénéité de la situation, le caractère déjà ancien de la dégradation, la dimension plus européenne que nationale de la crise de production.

Première remarque, cette crise du logement n’est pas homogène sur le territoire français. En effet, sur certains territoires, il n’existe aucune tension ni pratiquement aucun décalage entre l’offre et la demande. En revanche, ailleurs, la situation peut être extrêmement grave et rappeler ce terrible hiver 1954.

Cette remarque est importante, car la situation s’appréhende différemment selon les territoires. Il n’est qu’à relire le rapport que j’ai rédigé avec mon collègue et ami Gérard Roche sur l’application de la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO : il est évident que la situation du logement est très fortement hétérogène en France.

Deuxième remarque, la baisse de la production de logements n’est pas imputable au gouvernement socialiste. Elle date de 2010 et obéit à des conditions macro-économiques qui dépassent non seulement le Gouvernement, mais aussi la France.

En effet, et c’est ma troisième remarque, cette crise de la production a une dimension européenne. Il suffit de comparer la situation des différents pays. Ainsi, le ratio entre le nombre de nouvelles constructions et le nombre d’habitants montre que la France n’est pas du tout en retard par rapport à la moyenne européenne. Bien au contraire, notre pays détient l’un des meilleurs taux : cinq nouvelles constructions pour mille habitants, contre trois pour mille en Allemagne.

Je note que, face à cette crise, le Gouvernement a pris des mesures : renforcement des prêts à taux zéro et de l’investissement locatif dans les zones tendues, simplification des normes.

Toutefois, le plus important en matière de construction de logements, c’est le foncier. À cet égard, j’évoquerai maintenant le rapport de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, que son président, notre ancien collègue Thierry Repentin, a récemment présenté au Sénat.

En 2013, 23 terrains ont été cédés, ce qui représente 43 hectares et a permis la construction de 1 800 logements. Au 31 octobre 2014, 7 terrains ont été cédés.

Ces résultats sont prometteurs, comme tout le monde l’a reconnu au sein de la Commission.

Cela étant dit, la situation du logement dans notre pays étant très hétérogène, permettez-moi de faire un point sur celle, très particulière et rarement évoquée, des quartiers populaires, et d’y signaler l’importance du mal-logement, ainsi que ses conséquences. Elles sont évidemment très négatives sur la qualité de vie des habitants, mais aussi sur l’image de ces quartiers, où l’on habite mal.

L’analyse des interactions entre le logement et l’école – cela a déjà largement été fait, en particulier par Éric Maurin dans son essai intitulé Le ghetto français – permet de constater que le mal-logement est à l’origine d’un cercle vicieux entraînant la dégradation et la paupérisation du quartier. Il est donc extrêmement important de revenir dans ces quartiers à des logements de qualité.

Ces quartiers sont caractérisés à la fois par une abondance de logements sociaux et par une inadaptation insuffisante de ces derniers à la demande.

Les logements sociaux sont abondants dans ces quartiers, qui se spécialisent même dans ce type de logements, comme si le logement social appelait le logement social. Certains quartiers, voire certaines villes comptent ainsi jusqu’à 70 % de logements sociaux. Il est donc difficile d’y parvenir à une pluralité sociale et culturelle.

Mais si, dans ces quartiers, les logements sociaux sont abondants, ils ne sont pas adaptés à la demande. Toutes les études le montrent, alors que le nombre de familles très nombreuses – de plus de cinq enfants – y est extrêmement élevé, ces quartiers ne comptent pas de logements de taille adaptée permettant de répondre à la demande, et ce pour des raisons historiques. Ces grands ensembles ont en effet été construits à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, époque où la référence était alors le F3 ou le F4.

Mais il ne faut pas croire que les seules difficultés de ces quartiers sont liées aux logements sociaux. En effet, de nombreuses copropriétés sont dégradées – vous le savez d’ailleurs, madame la ministre, car vous y consacrez une grande part de votre énergie, et je tiens à vous remercier de l’action que vous menez à cet égard –, regroupant ce que j’appellerai les « déboutés du logement social ». Cela pose d’ailleurs un problème de fond quant à l’intérêt du logement social. Dans ces copropriétés, des bailleurs indélicats se transforment assez vite en marchands de sommeil.

Il est donc important de construire des logements, la question étant : combien – on peut en discuter – et où. §Toutefois, il ne faut pas non plus oublier que la réhabilitation des logements de mauvaise qualité, sujet dont on ne parle jamais, est nécessaire, car c’est aussi une façon d’augmenter l’offre.

Permettez-moi d’évoquer ici le bilan de l’action de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, lequel est extrêmement positif. Il montre que sans construire, parfois même avec des crédits moins élevés, on peut très nettement modifier la quantité de logements et leur qualité.

L’ANAH a diverses missions, que vous avez d’ailleurs rappelées, madame la ministre : le programme « Habiter mieux », qui tend à lutter contre la précarité énergétique, l’adaptation des logements au vieillissement et au handicap, la réhabilitation du logement indigne et l’action sur les copropriétés.

Les bénéficiaires des subventions de l’ANAH occupent des logements privés – je le rappelle – et sont forcément des familles modestes, voire très modestes.

Les chiffres sont éloquents. En 2014, 50 000 logements ont été rénovés dans le cadre du programme « Habiter mieux », mais – vous le savez, madame la ministre –, on aurait encore pu faire plus ; 1 000 logements ont été rénovés dans le cadre de l’habitat indigne ; 13 000 logements ont été rénovés dans des copropriétés privées dégradées.

Je vous remercie d’ailleurs infiniment, madame la ministre, pour cette nouvelle façon d’aborder le traitement des copropriétés très dégradées. Nous manquions d’outils, la loi ALUR nous en a donné en créant les opérations de requalification de copropriétés dégradées, ou ORCOD. La première d’entre elles concernera, grâce à vous, madame la ministre, la copropriété du Chêne-Pointu de Clichy-sous-Bois. Le décret vient juste d’être publié. Je pense que la ville de Grigny bénéficiera elle aussi bientôt d’une telle opération.

Enfin, 15 000 logements ont été adaptés à la perte d’autonomie.

Les résultats sont importants pour ceux qui en bénéficient, mais ils le sont aussi financièrement. En effet, quand on consomme moins d’énergie, quand on retarde le placement d’une personne dépendante dans un établissement spécialisé, on gagne de l’argent. En outre, de tels travaux, qu’il s’agisse de travaux d’isolation, du changement des fenêtres ou du remplacement d’une baignoire par une douche, ne peuvent être effectués que par des artisans locaux. C’est un facteur économique très important.

J’indique par ailleurs que 42 % des travaux ont été réalisés en zone rurale – je pense, madame la ministre de l’égalité des territoires, que vous ne serez pas insensible à ce taux –, 34 % en zone urbaine et 24 % en zone intermédiaire.

Oui, nous connaissons une crise du logement. Tout le monde s’accorde à dire que c’est une grande cause nationale. Je rappelle d’ailleurs que, depuis la loi DALO, le droit au logement a valeur constitutionnelle, mais que ce n’est pas un droit constitutionnel. Peut-être faudra-t-il y réfléchir.

Si l’on veut s’en sortir, il faut bannir toute politique politicienne – je constate que notre débat se déroule aujourd'hui dans une bonne ambiance – et s’unir, car, en matière de production de logements, les responsabilités sont éparpillées, ce qui rend la gestion extrêmement difficile, chacun ayant une petite part du pouvoir. L’union est une obligation. On ne peut pas se lamenter sur la crise du logement si, chacun à son niveau, nous ne parvenons pas à rechercher ensemble des solutions.

Puisque nous représentons ici les territoires, permettez-moi d’attirer l’attention sur la responsabilité des maires. Après les élections municipales, un certain nombre de programmes ont été gelés, voire abandonnés à la suite d’un changement de l’exécutif municipal. Chacun doit prendre ses responsabilités. À cet égard, je ne doute pas, madame la ministre, que vous pourrez nous mener très rapidement sur le chemin du « bien-logement ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd'hui, organisé à la demande du groupe UMP, est une bonne occasion de réfléchir aux solutions à mettre en œuvre pour lutter contre le problème majeur du mal-logement.

Les chiffres ayant été rappelés, je n’y reviendrai pas. Un certain nombre de solutions ont déjà été évoquées par mes collègues. Pour ma part, je partage nombre des propositions faites à l’instant par Claude Dilain.

Nous devons absolument proposer des solutions face à l’ampleur du problème du mal-logement dans sa globalité et aux souffrances quotidiennes qu’il représente pour des millions de nos concitoyens.

À cet égard, permettez-moi d’évoquer un exemple précis, mes chers collègues. J’ai rencontré voilà une semaine à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, un groupe de jeunes fréquentant les missions locales du département et bénéficiant de l’expérimentation de la Garantie jeunes, c'est-à-dire d’un système les privilégiant par rapport à beaucoup d’autres. J’ai ainsi vu des jeunes gens qui, alors qu’ils bénéficient d’un accompagnement soutenu, sont à la rue depuis parfois plusieurs années et se rendent chaque jour à la mission locale avec leurs affaires.

Madame la ministre, permettez-moi de vous interpeller sur ce point : les personnels qui animent les missions locales constatent des difficultés d’accès des jeunes au logement, y compris des jeunes bénéficiant d’une allocation. Il leur est impossible d’accéder aux loyers des foyers de jeunes travailleurs. Il n’existe pas de solution aujourd'hui. Et ce n’est là qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, bien sûr.

La loi ALUR, que d’aucuns, y compris certains collègues encore à l’instant, accusent souvent de tous les maux, ne peut pas être brandie à tout-va pour faire oublier l’ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés. D’ailleurs, comment peut-on sérieusement prétendre que cette loi est la cause du fort ralentissement de la construction de logements et de la baisse du nombre de permis de construire accordés l’année dernière alors qu’une grande partie de ses décrets d’application sont encore dans les tiroirs ? Cette loi a pourtant été votée voilà un an, comme cela a été rappelé. Combien de temps allons-nous donc encore attendre face à une situation à propos de laquelle tout le monde tire la sonnette d’alarme ?

M. Joël Guerriau s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

J’en profite pour rappeler les regrets qui sont les nôtres de voir que de nombreuses mesures prévues dans cette loi pour faciliter l’accès au logement, notamment l’encadrement des loyers, n’ont pas selon nous fait l’objet d’un portage politique satisfaisant par le Gouvernement – mais j’y reviendrai.

Il y a bien d’autres causes à ces problèmes : la baisse du pouvoir d’achat immobilier, la frilosité des banques à prêter à des particuliers dont le parcours professionnel n’est plus aussi stable qu’il y a quelques années, les problèmes de financement des professionnels du bâtiment, la reprise par les nouvelles municipalités des dossiers de construction de logements sur leur commune, ce qui allonge les délais, la question essentielle du foncier – Claude Dilain l’a rappelé. Bref, les problèmes ne datent pas de 2012. Il est donc trop facile d’accuser la loi ALUR de tous les maux !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Les objectifs en termes de constructions de logements sociaux doivent bien sûr être atteints. De ce point de vue, la loi de la République, notamment la loi SRU, doit être appliquée partout sans exception.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Ce n’est pas une très bonne loi ! C’est le moins que l’on puisse dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Nous disposons d’outils, notamment le pacte de responsabilité et de solidarité, qui devrait contribuer – c’est la moindre des choses – à la reprise du secteur de la construction et de la rénovation des bâtiments. De ce point de vue, madame la ministre, où en sommes-nous ? Un bilan a-t-il été fait ?

La politique du logement peut évidemment être une source d’emplois. Indépendamment de la construction de nouveaux logements, qui prend du temps, les solutions à court terme existent, et elles sont souvent rappelées : on peut réquisitionner des logements restés vacants trop longtemps et sans raison, mobiliser le parc de logements privés – certains s’y emploient d’ailleurs – et créer une offre conventionnée de logements à loyers modérés pour les personnes en situation précaire. De telles solutions permettraient également de véritablement mettre en œuvre le droit au logement opposable, ou en tout cas d’avancer sur la voie du respect de ce droit.

Les chiffres sont connus.

Je tiens à rappeler qu’en 2013, selon les derniers chiffres du ministère du logement, le taux de relogement des ménages ayant obtenu une décision favorable au droit au logement était de 46, 6 %. On voit à quel point nous sommes loin des objectifs !

La lutte contre le mal-logement ne peut évidemment être menée sans lutter en même temps contre le coût bien trop élevé des logements. De ce point de vue, nous déplorons que l’encadrement des loyers ait été réduit, en principe, à une simple expérimentation à Paris. Je dis bien « en principe », car nous attendons toujours sa mise en œuvre concrète.

Si j’en avais le temps, je pourrais montrer pourquoi il est nécessaire de préciser et de clarifier les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des logements par leurs propriétaires, aides indispensables pour permettre aux 11 millions de Français en situation de précarité énergétique de trouver une solution.

Enfin, j’insisterai sur une piste qui n’est pas suffisamment explorée. Nous pensons qu’il faudrait s’appuyer davantage sur les initiatives et sur l’innovation sociale. À cet égard, j’évoquerai très brièvement les mesures mises en œuvre par des municipalités en Grande-Bretagne, expérimentées au départ par la ville de Liverpool. Il s’agit d’un dispositif qui s’appelle « une maison pour une livre » – une livre sterling, bien sûr.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Dans des quartiers quelque peu abandonnés, des municipalités vendent des maisons vétustes, voire très vétustes, à des particuliers en échange de leur engagement à faire des travaux de restauration. On voit bien tous les avantages que cela présenterait. Faisons-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

On ruine déjà les municipalités avec la loi SRU !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Je me bornerai donc à rappeler, pour conclure, qu’un logement – Claude Dilain l’a dit aussi – est la première des garanties de la stabilité d’une vie : sans logement, il est très difficile d’avoir un emploi, d’être en bonne santé et de fonder une famille, très difficile tout simplement de faire les démarches pour avoir accès à ses droits.

À l’évidence, nous ne pouvons plus attendre !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, moins de 300 000 logements mis en chantier en 2014 : c’est sans doute ce constat qui a conduit nos collègues du groupe UMP à proposer ce débat.

Dix millions de personnes seraient touchées, de près ou de loin, par la crise du logement. Il conviendrait de modifier la politique publique de fond en comble pour que la demande de logements baisse et que l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics, toujours fondamentale pour l’économie et l’emploi, redémarre.

La construction de logements est en panne depuis plusieurs années pour de multiples raisons. Les bonnes volontés seraient découragées, notamment celles des investisseurs. Faut-il rappeler les nombreuses mesures de défiscalisation proposées par les gouvernements successifs qui ont produit trop de logements vides d’occupants dans des agglomérations où le besoin de logements ne se faisait pas forcément sentir ?

Rien que pour le dispositif Pinel, madame la ministre, l’État octroie 34 000 euros par logement, auxquels s’ajoutent les 100 000 euros pour les donations de logements neufs aux descendants ou l’abattement exceptionnel de 30 % sur les plus-values immobilières pour toute cession de terrain à bâtir. Au total, ce sont 300 millions d’euros qui sont accordés à ceux qui détiennent déjà 50 % du patrimoine immobilier !

Et que dire du rapport trisannuel de l’application de la loi SRU ? Celui-ci n’a toujours pas été rendu public et les arrêtés visant les communes qui traînent les pieds attendent depuis six mois la confirmation du ministère. Je crains que la forte baisse des dotations aux collectivités locales n’amoindrisse le volontarisme des communes et n’engendre une chute de leurs initiatives.

La crise du logement constitue sans nul doute la face la plus visible et la plus criante de la crise économique et sociale que nous traversons. Elle concentre les plus grandes inégalités et discriminations.

Comment expliquer qu’il faille trois mois pour mesurer la moindre inflexion du PIB et plus de deux ans pour déterminer le nombre d’expulsions locatives ? Il aura aussi fallu attendre onze ans pour que l’INSEE relance un recensement exhaustif du nombre des personnes sans domicile fixe, nombre qui a bondi de 50 % entre 2001 et 2012 : ce sont près de 150 000 personnes qui sont aujourd’hui concernées, dont 35 000 enfants.

Les politiques ségrégatives du logement conduites par le passé ont éloigné les populations les unes des autres et organisé, loin de toute mixité sociale, les « ghettos de la République » : d’un côté, les cités HLM regroupant les plus modestes ; de l’autre, les quartiers qui accueillent les plus aisés.

La pénurie de logements est une réalité cruelle pour bon nombre de nos concitoyens, à qui le droit à un toit n’est pas du tout assuré. Trop nombreuses sont les familles prioritaires au titre de la loi DALO auxquelles aucune solution concrète n’est proposée.

Cette situation insupportable n’aurait jamais dû exister dans notre pays.

Il convient clairement d’accorder la priorité aux demandeurs de logement et non aux investisseurs, car nous sommes dans une impasse absurde. La montée du chômage accentue le phénomène du mal-logement : pour avoir un logement, il faut avoir un travail, mais, pour avoir un travail, il faut un logement !

C’est pourquoi relancer la construction et la rénovation de logements sociaux ouverts à l’ensemble de la population est une nécessité et doit constituer la priorité des priorités. Dans ce contexte, les crédits alloués à la construction de logement social et les aides à la pierre ne sauraient diminuer.

Le seuil de 25 % de logements sociaux, recommandé par la loi Duflot, constitue une base, même s’il peut paraître insuffisant dans certaines régions tendues où les demandes sont très loin d’être satisfaites. Au demeurant, et même si nous n’avons pas tous la même analyse à ce sujet, c’est bel et bien la mise en œuvre de la loi SRU – notamment l’application de la règle des 20 % – qui a porté, dans le courant des années 2000, le logement social.

Les sommes disponibles pour construire des logements, les rénover et transformer éventuellement des locaux d’activité ou de bureaux inoccupés en logements, existent. Le prêt à taux zéro, le PTZ, pourrait aussi être étendu aux bailleurs sociaux et venir s’ajouter à une revalorisation du « 1 % logement », qui n’est plus que de 0, 4 %, en en élargissant notamment l’assiette. Cela permettrait tout de même une plus grande diversité de l’offre, jouant positivement, de fait, sur les montants des loyers et des charges locatives.

Malgré la décollecte encouragée par la baisse de la rémunération du livret A, des sommes très élevées restent en attente d’utilisation au sein du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. À la fin 2014, ce fonds aura connu une décollecte supérieure à 6 milliards d’euros, qu’il convient évidemment de comparer aux 365 milliards d’euros de la collecte totale du livret A et du livret de développement durable. Pourquoi 35 % de cet encours seraient-ils aujourd’hui non centralisés, alors que nous en avons particulièrement besoin pour financer le logement social mais aussi la transition énergétique ?

Nous proposons, comme la loi le prévoit, qu’un décret vienne relever le niveau de centralisation et que les sommes ainsi réunies soient immédiatement mobilisées pour des prêts à l’amélioration des performances énergétiques des logements et pour la construction de nouveaux et nombreux logements sociaux. Relever de 5 % la centralisation du livret A et du livret de développement durable permettrait de dégager immédiatement 18 milliards d’euros.

Il serait également opportun de s’interroger sur les modalités de construction des logements. Des évolutions de conception et d’architecture ne pourraient-elles permettre de bâtir ce que j’appellerai les « logements du futur » ? Nous pourrions facilement concevoir une nouvelle gamme de logements, modernes, écologiquement responsables et, surtout, accessibles à tous, car les montants de loyers sont souvent inabordables pour des millions de familles.

Par ailleurs, le président de la Banque centrale européenne, la BCE, a annoncé que, dans le cadre de dix-neuf tranches mensuelles de 60 milliards d’euros, son établissement financerait la restructuration de dettes publiques et privées pour faciliter la reprise de l’activité économique. Prenons-le au mot ! J’invite donc le Gouvernement à s’emparer de cette opportunité pour restructurer la dette de certains organismes d’HLM, par exemple.

Nous pourrions également envisager de procéder au refinancement de la dette publique en vue d’ouvrir une sorte de fonds national de construction et de financement du logement. Celui-ci accorderait des prêts à taux zéro.

S’agissant de la question foncière, il faut envisager la modulation de la taxation des plus-values foncières, notamment pour les terrains dédiés à la réalisation de programmes comportant des logements sociaux. Et pourquoi ne pas poser le principe de l’exonération d’imposition des plus-values en cas d’apport financier direct à la réalisation d’opérations de logements sociaux ?

Ou encore, pourquoi ne pas proposer une alternative à la cession de terrains publics sous décote, comme nous l’avons vu faire ces derniers temps ? Nous pourrions ainsi mettre en place un nouveau dispositif de bail pour que les organismes d’HLM n’aient pas à supporter le coût de l’acquisition foncière.

Des solutions techniques et financières existent donc aujourd’hui pour répondre dans de meilleures conditions à la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Face à l’accroissement des situations dramatiques, il y a urgence à les mettre en œuvre. Combien de rapports de la fondation Abbé Pierre faudra-t-il pour qu’enfin des mesures concrètes, efficaces et humaines soient engagées ?

Le logement est un droit dont l’application relève de la responsabilité de l’État. Quoi qu’en disent les études sur le prix médian des loyers, la part moyenne des ressources des ménages consacrée au logement a considérablement augmenté de 1980 à aujourd’hui : elle a doublé !

Cette situation appelle une réaction forte. Il faut asseoir la politique du logement sur des bases solides, humaines et justes.

Permettez-moi d’emprunter, pour conclure, les mots de l’abbé Pierre : « Construire des prisons est sans doute nécessaire, mais construire des logements en repensant à l’intérieur des cités tout ce qui fait la cohésion sociale, c’est plus urgent. »

J’ajouterai que combattre la pauvreté, la misère et l’injustice sociale, c’est le choix du vrai changement qui permet de construire la mixité sociale et le vivre-ensemble, porteur de toutes les réussites, y compris à l’école, comme le disait Claude Dilain.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le logement est en crise. Aussi loin que je remonte dans le temps, je n’ai jamais entendu autre chose que ce constat négatif. À croire que cette crise est permanente et résiste à tous les efforts politiques, juridiques et financiers qui ont été engagés dans ce secteur.

Depuis quarante ans, aucun des dispositifs en faveur du logement – défiscalisations de toute nature, subventionnements, prêts bonifiés, allocations, etc. – n’est parvenu à mettre en équation les besoins des Français et l’offre de logements adaptés aux différentes catégories d’utilisateurs.

Je n’ai pas intention de brosser aujourd’hui une étude critique et exhaustive de la question ; je veux simplement focaliser mon propos sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’accession à la propriété.

Force est de constater que la France est devenue un pays de locataires. Toutes les « mesurettes » qui se sont succédé depuis trente ans n’y ont rien changé. Au risque d’être trop brutal mais synthétique, on peut l’exprimer de la manière suivante : « Tu as de l’argent, tu es propriétaire ; tu es pauvre, tu es locataire et tu le resteras. »

La France a pourtant la chance de posséder ce levier puissant et essentiel que sont les bailleurs sociaux. J’affirme qu’ils représentent une force technique, juridique et financière capable de changer les choses. Ils ont, depuis la dernière guerre, logé ou relogé des millions de Français, mais ils n’ont pas imaginé autre chose que la location. Il est temps de leur demander de devenir le fer de lance d’un vaste mouvement en faveur de l’accession à la propriété, au service des Français qui n’ont pas osé ou pas pu s’engager dans cette démarche. Puis-je pourtant rappeler que les premières initiatives dans le domaine du logement social, dans les années 1920, étaient entièrement dédiées à l’accession à la propriété ? C’étaient des coopératives de construction.

Aujourd’hui, seulement 56 % des Français sont propriétaires. C’est le plus faible taux des pays européens, et la différence avec certains pays est parfois extrêmement marquée.

La globalité des aides dédiées à la location représente des masses financières que personne n’aurait probablement imaginées au départ puisqu’elles atteignent, voire dépassent 300 000 euros sur la durée de vie d’un couple avec deux ou trois enfants. Pour autant, cette assistance n’en fait pas toujours des habitants satisfaits, coopératifs et respectueux du bien qui leur est confié. Ils sont en souffrance et éloignés d’une solution d’accession à la propriété. C’est cela qu’il faut changer.

Des professionnels sérieux, pour certains issus du monde HLM, ont mené des études qui permettent d’attester que, dans le cadre d’un budget égal, voire inférieur au chiffre précité, il serait possible d’engager les candidats à la location dans un parcours de location-accession, à la condition bien entendu de commencer très tôt, pour en faire des propriétaires avant leur départ à la retraite, car, à cette occasion, les ressources de la plupart des Français diminuent de 30 %, quel que soit leur niveau de revenu.

Le coût d’un logement, collectif ou individuel – foncier, construction et entretien –, est identique quelle que soit sa destination, location-vente ou location. Et il n’existe aucune raison de ne pas orienter les Français les plus faibles vers un parcours d’accession. En faire des propriétaires à l’âge de la retraite, où ils n’auraient plus que l’entretien à financer, leur permettrait d’aborder cette période avec plus de sérénité. Posséder un bien transmissible ou négociable pour assumer leurs dernières années de vie dans une maison de retraite de leur choix serait un confort moral dont ils sont aujourd’hui privés.

Qui mieux que le monde des bailleurs sociaux peut engager, dans notre pays, une telle politique ? Qui mieux que les bailleurs sociaux peut sécuriser, sur l’ensemble du territoire, ce réseau technique et financier capable de gérer des comptes sur une durée de vingt à quarante ans ?

Chaque locataire-accédant doit avoir la possibilité de rester dans le logement initial ou d’en changer, en transférant l’acquis sur une nouvelle résidence, selon l’évolution de sa vie professionnelle et familiale.

Enfin, est-il normal qu’un locataire ayant assumé des loyers pendant quarante ans, même en étant aidé, soit privé de toute propriété ?

Je pense sincèrement que le temps est venu de changer les choses en engageant les bailleurs sociaux à vendre une partie de leur patrimoine aux locataires anciens et cela, à la valeur résiduelle comptable, pour tenir compte des loyers déjà versés. Un parcours personnalisé de location-accession deviendrait l’offre prioritaire pour les entrants, notamment pour les plus modestes.

Parce que le logement, l’immobilier et le monde du bâtiment sont intimement liés, une telle démarche constituerait un formidable booster d’activité. Délestés d’une partie de leur patrimoine, les bailleurs sociaux auraient la volonté et les moyens financiers de le reconstituer. Leur surface financière ne serait pas dégradée puisqu’ils resteraient juridiquement propriétaires jusqu’à la fin de la location-accession, permettant ainsi leur adossement à un support bancaire.

En conclusion, je dirai qu’il est temps de tirer un enseignement sur des habitudes et des méthodes qui n’ont donné satisfaction ni aux utilisateurs ni aux acteurs de la filière logement-construction.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Commeinhes

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le logement est au cœur des préoccupations des Français. Les pouvoirs publics ont multiplié les initiatives, ces dernières années, pour accroître la production de logements et en améliorer la qualité, parfois au prix de dispositifs coûteux, devenus hors de portée pour le budget de l’État ou des collectivités territoriales en période de crise. La politique du logement est, en vérité, de plus en plus complexe, au croisement de multiples enjeux.

Maire d’une commune moyenne, j’ai eu à gérer à mon arrivée une situation mêlant dépeuplement du centre, absence de frange périurbaine, quartiers urbains contraints à la rénovation et à la requalification. Parce que l’offre y était inadaptée et insuffisante, les parcours résidentiels des populations fragiles autant que des classes moyennes étaient bloqués.

L’urbanisme et le logement en France ont plus souffert de l’empilement des normes que bénéficié d’un souffle libérateur des initiatives.

La multiplication des objectifs assignés au secteur du logement et les difficultés de hiérarchisation entre ces derniers soulèvent un problème d’intelligibilité et d’efficacité socio-économique du droit. Et c’est encore plus vrai en période de sortie de crise. Une importante production normative peut rendre le droit inaccessible aux ménages, ou inapplicable pour les professionnels. En outre, elle complexifie son évaluation par les acteurs administratifs et politiques.

Dans son rapport relatif à la mise en œuvre de la loi portant engagement national pour le logement de 2006, ou loi ENL, l’Assemblée nationale, après avoir remarqué que « l’on peut s’interroger sur la sécurité juridique de dispositifs législatifs modifiés tous les deux ans, voire tous les ans », concluait à l’impossibilité d’en évaluer les effets. Alors même que l’objectif de 500 000 constructions annuelles n’est actuellement pas atteint, les normes augmentent le coût unitaire du logement. Ce surcoût menace la politique de l’accession au logement.

Loin de venir casser cette dynamique, la loi Duflot n’a fait qu’amplifier ce mouvement, sans que la loi rectificative défendue par vous-même, madame la ministre, vienne rétablir un équilibre brisé depuis bien longtemps.

Le plan de relance pour le logement annoncé le 29 août 2014 est ensuite venu bouleverser la politique menée jusqu’alors par le Gouvernement. Une fois de plus, une énième loi-cadre est détricotée, en un temps record cette fois-ci. Nous pouvons seulement regretter le temps perdu à débattre de dispositions aujourd’hui mises sur la touche et l’occasion manquée d’engager un vrai dialogue avec les territoires.

Malgré l’adoption de diverses lois et mesures de décentralisation depuis vingt-cinq ans, la conduite des politiques du logement est restée en France une responsabilité de l’État. Aujourd’hui encore, malgré un contexte national et européen en pleine transformation, la France demeure l’un des pays les plus centralisés en ce qui concerne la conduite des politiques du logement.

Après vingt-cinq ans de ces politiques de transfert, l’État cherche aujourd’hui encore à garder un rôle de programmation et d’évaluation, laissant la responsabilité de l’exécution et de la gestion des fonds aux collectivités locales. Il continue à fixer le montant des enveloppes d’aides financières allouées au logement et à décider de leur répartition territoriale.

De même, la politique des « agences » va dans le sens inverse de l’autonomie et de la définition locale des politiques. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine n’accorde en effet des fonds aux collectivités que si leurs projets concordent avec l’esprit des plans mis en œuvre.

Par ailleurs, la part croissante des aides fiscales à la construction a une influence croissante sur les marchés locaux du logement. Or ces aides, nationales et déterritorialisées, constituent un facteur de plus sur lequel les collectivités locales n’ont pas de prise. En outre, ces aides, qui ne prennent pas en compte les programmes locaux de l’habitat et qui n’ont que très peu de contrepartie sociale, sont aujourd’hui très critiquées dans un marché de l’habitat en crise.

La crise de la production de logements révèle une crise de la décision entre le national et le local.

C’est pourquoi il me paraît urgent d’envisager de nouvelles mesures qui permettraient d’impulser une vision du logement au plus proche des réalités locales, rationalisant l’existant et décentralisant le possible.

Ainsi que je m’en suis déjà ouvert, je considère que certains dispositifs sont encore décentralisables, à l’instar du récent transfert par contractualisation des « aides à la pierre ». La « participation des employeurs », collectée localement, pourrait aussi être mutualisée entre les autorités organisatrices, sous l’égide de la métropole ou des EPCI, l’Agence nationale de contrôle du logement social, établissement public à caractère administratif institué par la loi ALUR, pouvant, quant à elle, être responsable de la collecte de ces fonds et du contrôle de leur utilisation. Il s’agirait ainsi d’élargir le champ de la convention de délégation introduite par la loi ALUR, pour aboutir à une véritable décentralisation de la participation des employeurs à l’effort de construction – l’ancien « 1 % logement » –, selon un processus proche de la délégation du dispositif « d’aide à la pierre » aux mêmes EPCI. Ce serait un premier pas qui permettrait ensuite d’aller plus loin dans la décentralisation des aides à la personne.

Un second objectif est de favoriser la cohérence entre les différents outils de planification, en cherchant à s’appuyer sur des secteurs pertinents à l’échelle de véritables bassins de vie.

À ce jour, les objectifs qualitatifs en matière de construction de logements sont insuffisamment pris en considération, de même que leur adaptation aux spécificités territoriales.

Pour nos territoires, il convient aussi de réorganiser et de renforcer l’ingénierie territoriale au service du logement. Les démarches d’ingénierie sont de plus en plus complexes : pluridisciplinarité des sujets, acteurs multiples, échelles qui s’entrecroisent, technicité accrue, etc. Les mécanismes d’ingénierie doivent donc être reconfigurés.

Enfin, comme l’ont conclu le président Gérard Larcher et les présidents respectifs de l’Association des maires de France, François Baroin, de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, et de l’Association des régions de France, Alain Rousset, en constituant la conférence des collectivités territoriales, le Gouvernement doit faire évoluer la relation de l’État aux collectivités vers plus de confiance, plus de responsabilité et plus de liberté, à un moment où la France a besoin de libérer l’initiative et de rapprocher la décision publique des citoyens.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je participe à ce débat, dont je salue l’inscription à l’ordre du jour du Sénat.

Je remercie l’ensemble des orateurs pour leurs remarques et pour l’intérêt dont ils témoignent à l’égard de ce sujet majeur et essentiel pour la vie de nos concitoyens. Je tiens à souligner la qualité des interventions et l’état d’esprit particulièrement responsable dont elles témoignent.

Après les événements terribles que nous avons traversés, c’est ce qu’attendent de nous les Français. Bien sûr, nous pouvons avoir des visions, des propositions et des sensibilités différentes sur tel ou tel aspect. Mais il est nécessaire de nous mobiliser collectivement sur un tel sujet.

Il est bien entendu indispensable que la confiance revienne dans le secteur du logement. C’est pourquoi, avec le Premier ministre, nous avons pris des mesures pragmatiques, concrètes et adaptées aux différentes situations que nous connaissons et à la diversité des territoires.

Jean-Claude Lenoir ainsi que Joël Guerriau et Michel Le Scouarnec sont revenus sur les chiffres de la production de logements. Comme vous, nous sommes particulièrement inquiets de la situation du logement et de la construction en France, car ce secteur est l’un des pivots de la reprise économique. La situation de la construction et de la rénovation des logements emporte, chacun le sait, des conséquences importantes, non seulement pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, mais aussi pour la croissance et la création d’emplois en général. Elle a aussi, c’est une évidence, un impact social et humain, car il s’agit de permettre à nos concitoyens de se loger dans des conditions adaptées et dignes.

Je veux ici vous assurer que le Gouvernement poursuit avec détermination son action pour relancer le secteur de la construction, qui connaît des difficultés depuis plusieurs années.

Il est important de rappeler que la baisse de la construction a débuté en 2009. D’ailleurs, les chiffres de la construction de 2014 ne sont pas si éloignés que cela de ceux de 2009. Je souligne également que ces chiffres doivent être analysés dans le contexte économique et social que nous connaissons, mais aussi dans le cadre de la nouvelle orientation que le Gouvernement a souhaité donner à la politique du logement, en particulier en procédant à un rééquilibrage entre les territoires pour offrir des logements plus abordables là où se situent les besoins. Aujourd’hui, on construit plus de logements dans les zones tendues qu’entre 2007 et 2012. Il y a encore, cette année, près de 110 000 logements sociaux qui ont été financés, malgré la baisse globale de production de logements.

Toutes les mesures que j’ai annoncées cet été avec le Premier ministre doivent permettre au secteur de redémarrer cette année, de rétablir la confiance nécessaire des investisseurs, mais également des ménages. Cette confiance, quelques-uns d’entre vous l’ont souligné, est aussi érodée par le contexte économique actuel qui touche la France, mais également toute l’Europe.

Les mesures en vigueur depuis cet automne n’ont pas encore eu le temps de produire leurs effets ; je pense, par exemple ; au nouveau dispositif d’investissement locatif intermédiaire, à l’abattement sur les plus-values des terrains constructibles ou encore au renforcement et à l’élargissement du prêt à taux zéro. Rappelons que le délai moyen entre la délivrance du permis de construire et la mise en chantier est de huit à neuf mois.

C’est évidemment encore davantage le cas des mesures prises par le Gouvernement qui sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier de cette année. Il s’agit, notamment, de l’ouverture du dispositif d’investissement locatif aux ascendants et descendants, de l’exonération des donations de logements neufs, de l’aide aux maires bâtisseurs ou encore de l’ouverture du PTZ à la réhabilitation de l’ancien en zone rurale.

Je vous remercie, monsieur Dilain, d’avoir rappelé les mesures plus précises du plan de relance de la construction. Je vois bien, à l’occasion de ce débat, qu’il est encore nécessaire d’expliquer et de faire de la pédagogie, car ces mesures s’articulent autour de cinq priorités qui touchent l’ensemble des champs et des segments de la production du logement.

D’abord, ce plan permet de favoriser l’accession à la propriété, car – beaucoup d’entre vous l’ont signalé – c’est l’une des clés du succès de la relance de la construction.

Depuis le 1er octobre 2014, le prêt à taux zéro est renforcé et le plafond de revenus élargi pour les classes moyennes. Et depuis le 1er janvier 2015, le prêt est ouvert à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales, afin de favoriser la revitalisation des centres anciens. Notre objectif est d’augmenter ainsi de plus de 60 % le nombre de prêts à taux zéro distribués.

La deuxième priorité est la simplification des règles de construction et d’urbanisme, afin d’abaisser les coûts, de développer l’innovation et d’accélérer les projets, sans pour autant, bien entendu, réduire les exigences de qualité ni faire régresser la protection environnementale.

Soixante-dix mesures de simplification de la régulation élaborées avec les professionnels ont été annoncées en juin et décembre derniers. Beaucoup d’entre elles sont déjà opérationnelles ; les autres le deviendront à l’issue du travail réglementaire et législatif en cours. Le Conseil supérieur de la construction sera installé prochainement. Il évaluera l’impact économique de toute nouvelle règle en matière de construction.

La troisième priorité est de poursuivre le soutien de l’État à la construction de logements sociaux et de créer une nouvelle offre de logement intermédiaire en zone tendue.

Pour cela, nous avons modifié le zonage afférent au dispositif d’investissement locatif le 1er octobre 2014 et amélioré ce dispositif en augmentant sa durée, en contrepartie d’une réduction d’impôt. En outre, l’État et la Caisse des dépôts et consignations, via le groupe SNI, prendront leur part dans cet effort de construction en faveur du logement intermédiaire ; ils financeront quelque 25 000 logements dans les zones les plus tendues.

Monsieur Lenoir, le plan de relance ne s’appuie pas uniquement sur l’investissement des particuliers. Les investisseurs institutionnels, vous le savez, ont déserté le secteur du logement depuis non pas deux, mais vingt ans. Le Gouvernement s’est mobilisé afin de les ramener dans ce secteur. Leur présence est en effet essentielle pour développer une offre intermédiaire.

Le logement intermédiaire bénéficie d’une TVA réduite à 10 % et d’une exonération de taxe foncière pendant vingt ans. Le fonds Argos dédié à ces investissements a levé plus de 500 millions d'euros l’an dernier auprès des assureurs et des caisses de retraite.

Nous voulons également renforcer la mobilisation du foncier, public mais aussi privé ; c’est notre quatrième priorité.

Plusieurs d’entre vous ont souligné l’importance du travail mené par la CNAUF, la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, et par son président, Thierry Repentin ; je crois d'ailleurs que ce dernier a été auditionné par votre commission. Il a rendu son rapport il y a peu de temps et formulé un certain nombre de propositions, sur lesquelles nous travaillons. Toutefois, nous voulons aussi mobiliser le foncier privé, car il est nécessaire d’agir sur les deux leviers pour relancer la construction.

La cinquième priorité est la rénovation des logements. Plusieurs d’entre vous – François Fortassin, Claude Dilain et Michel Le Scouarnec, notamment – sont revenus sur ce point.

Un vaste plan de rénovation du parc social sur trois ans a été engagé pour mutualiser les ressources des bailleurs, à hauteur de 750 millions d'euros. Les prêts de la Caisse des dépôts et consignations ont été renforcés. Pour les particuliers, le crédit d’impôt transition énergétique a été porté à 30 % du montant total des travaux à compter du 1er septembre 2014. L’écoprêt à taux zéro a été simplifié depuis le 1er janvier 2015.

Ces deux dispositifs sont soumis à l’écoconditionnalité, afin d’assurer la qualité des travaux de rénovation. Comme l’a souligné Claude Dilain, dans le cadre du programme « Habiter mieux », quelque 45 000 projets de rénovation énergétique de propriétaires modestes soutenus par l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, seront financés en 2015.

Afin de mieux faire connaître et de diffuser ces mesures du plan de relance, nous avons entamé un tour de France de la construction, allant à la rencontre de tous les acteurs, qu’il s’agisse des acteurs institutionnels, comme les collectivités locales, des bailleurs, des promoteurs, des investisseurs ou encore des ménages. Il s’agit d’aider les personnes concernées à s’approprier ces mesures le plus rapidement possible. En effet, si nous voulons réussir à relancer la construction, il est important que tout le monde se mobilise autour de cet enjeu.

Je veux revenir plus précisément sur le foncier public. Jean-Claude Lenoir et Claude Dilain ont évoqué le travail de la CNAUF. Le dispositif de mobilisation du foncier public de l’État est aujourd'hui pleinement opérationnel. J’ai installé la commission en juillet dernier ; celle-ci a donné un véritable coup d’accélérateur à la mobilisation des terrains de l’État pour la construction de logements sociaux. Cette commission est placée au plus près des projets qu’elle a vocation à accélérer ou à débloquer en cas de difficultés ; d'ailleurs, vous m’avez souvent sollicitée au sujet de problèmes rencontrés dans vos territoires.

La CNAUF a également établi un premier bilan, qui nous permet d’améliorer le dispositif en tirant les leçons des premières opérations. Si les chiffres de la première année de mise en œuvre de la loi du 18 janvier 2013 ont été décevants, l’élan que nous avons donné au dispositif en 2014 est extrêmement positif.

Lors de ses trois premières séances, la commission a examiné quinze terrains, relevant notamment des ministères de la défense, de l’intérieur et de l’économie et des finances, ainsi que de Réseau ferré de France, ou RFF. Ses préconisations ont permis d’opérer la cession de trois terrains et de faire aboutir les négociations pour cinq autres, dont les cessions pourront être opérées d’ici à la fin du premier trimestre 2015. Par ailleurs, ont été soumises à l’arbitrage du Premier ministre deux opérations parisiennes, qui permettront la réalisation d’une centaine de logements.

La CNAUF a donc d'ores et déjà fait ses preuves dans son rôle d’accompagnement des projets. Une prochaine session se tiendra le 10 février prochain. La commission vient, je le répète, de remettre son premier bilan annuel, qui vous a été présenté. Ce rapport souligne, malgré les chiffres décevants des premiers mois, l’importance, lors des onze premières cessions, de l’effort financier de l’État, qui s’élève à 28 millions d'euros.

Pour élargir le champ d’attributions de la commission, le décret soumettant les établissements publics de santé au régime de la décote a été signé le 30 décembre dernier. La commission a également formulé des propositions opérationnelles pour améliorer les procédures de cession ; nous sommes en train de les étudier.

Nombre d’entre vous sont revenus sur l’application de la loi ALUR ; je pense notamment à Jean-Claude Lenoir, Aline Archimbaud et Joël Guerriau.

Je veux rappeler que la loi ALUR prévoyait un nombre important – 177, pour être précis – de mesures d’application que nous avons réunies en une centaine de décrets. Le Gouvernement a fait le choix de publier en priorité les décrets qui concernent les mesures dont l’impact est concret et fortement positif pour les ménages. Deux critères ont été utilisés pour fixer ces priorités : d'une part, l’impact en termes de redistribution de pouvoir d'achat aux ménages, et, d'autre part, l’amélioration et la sécurisation des relations entre bailleurs, locataires et professionnels de l’immobilier.

Je tiens à réaffirmer que le Gouvernement applique la loi ALUR avec pragmatisme. Cette mise en application se poursuit. Nombre de décrets ont été publiés en 2014. De nouveaux textes seront prêts d’ici à la fin du premier trimestre 2015. Deux tiers des décrets relatifs à la partie logement de la loi auront ainsi été pris d’ici au printemps prochain.

Plusieurs décrets importants ont d'ores et déjà été publiés : le décret relatif à la création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, le décret relatif à l’encadrement des honoraires de location, qui permet de limiter les honoraires payés par les locataires qui recourent aux services d’une agence immobilière, les premiers décrets relatifs à l’encadrement des loyers, qui ont permis à l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne de donner son agrément à l’encadrement des loyers à Paris au printemps 2015, le décret encadrant les loyers en cas de renouvellement du bail de location, enfin – Claude Dilain l’a évoqué –, le décret déclarant d’intérêt national l’opération de requalification de copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois.

Certains décrets sont actuellement examinés par le Conseil d'État et seront signés rapidement après cet examen, soit au début du printemps prochain. Je ne les cite pas tous, parce qu’ils sont particulièrement nombreux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous sont revenus sur l’encadrement des loyers. Comme l’a rappelé le Premier ministre, les conditions prévues par la loi ALUR pour encadrer les loyers ne sont pas encore remplies dans l’ensemble des zones tendues.

L’encadrement des loyers se heurte à des difficultés techniques que l’on ne peut pas sous-estimer. Le préalable requis est la mise en place d’un observatoire, qui, pour être agréé, doit récolter suffisamment de données fiables ; il s’agit de ne pas déstabiliser le marché.

Or, à l’exception de l’agglomération parisienne et de quelques autres, dont l’agglomération lilloise, les collectivités ne sont pas encore prêtes. Nous les incitons à installer un observatoire chargé de récolter des données. Nous examinerons ensuite les demandes d’agrément qui nous parviendront. L’agglomération lilloise a déposé sa demande ; celle-ci est en cours d’instruction.

Un autre point a été évoqué par plusieurs orateurs, notamment François Fortassin : la garantie universelle des loyers. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le système de sécurisation prévu par la loi ALUR doit être recentré dans un dispositif efficace et plus économe en fonds publics. Je rappelle que la caution locative pour les étudiants a été généralisée à la rentrée de 2014.

Par ailleurs, nous avons conclu avec Action logement un accord créant une garantie. Ce nouveau dispositif permettra de sécuriser les salariés entrant dans un emploi, quel que soit leur contrat de travail, y compris s’il s’agit d’une mission d’intérim. Il profitera par extension à l’ensemble des jeunes salariés de moins de trente ans. J’ai explicitement demandé que les ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative soient inclus dans la cible de cette caution solidaire.

Nous sommes convenus avec Action logement d’étudier les possibilités d’un élargissement ultérieur du dispositif aux personnes en recherche d’emploi effectuant une mobilité géographique en direction d’un bassin d’emploi situé en zone tendue. Il est enfin prévu que, en cas de nécessité de relogement de ménages locataires concernés par le dispositif en situation d’impayés et susceptibles de faire une demande sur le fondement du droit au logement opposable, ou DALO, le contingent de réservation d’Action logement puisse être mobilisé et que le relogement soit comptabilisé au titre de l’obligation DALO d’Action logement.

Plusieurs d’entre vous – Jean-Claude Lenoir et Philippe Dallier, notamment – sont revenus sur la publication du rapport d’inspection relatif à la politique du logement.

Je veux d'abord rappeler que ce document de travail avait été commandé à la fin de l’année 2013. Je précise également, puisqu’il a suscité des inquiétudes, qu’il n’exprime pas la position du Gouvernement. Notre objectif prioritaire est la relance de la construction, dans le respect de la maîtrise des dépenses publiques. Il est prématuré d’effectuer des choix sans avoir au préalable apprécié toutes les conséquences des propositions formulées dans le rapport.

Néanmoins, certaines recommandations du rapport sont d'ores et déjà mises en œuvre ; je pense notamment au renforcement de la mutualisation de la trésorerie des bailleurs sociaux, à la facilitation de l’accession sociale à la propriété dans le parc social, que nous avons actée avec le Premier ministre dans le cadre de l’Agenda HLM signé au congrès de Lyon en septembre dernier, au renforcement du prêt à taux zéro ou encore à l’expérimentation de l’encadrement des loyers, dont j’ai déjà parlé.

D’autres propositions, qui concernent des dossiers beaucoup plus lourds, complexes et difficiles, demandent encore un temps de réflexion. Il s’agit de trouver le bon équilibre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les propositions relatives aux aides personnelles au logement. Or un groupe de travail a été créé à l’Assemblée nationale, à la suite du débat budgétaire de l’automne dernier, pour étudier le problème posé par la refonte des APL accession.

À ce sujet, je crois savoir, monsieur Lenoir, qu’un groupe de travail du Sénat est en cours de réflexion sur le même sujet.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

C’est la raison pour laquelle, comme j’ai eu l’occasion de le dire, les deux assemblées pouvaient bien évidemment se saisir de cette question, afin de faire des propositions, lesquelles seront, elles aussi, soumises au débat que nous aurons forcément dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen des prochains textes budgétaires.

Pour revenir sur l’ensemble des propositions de ce rapport, je tiens tout de même à préciser que nous avons absolument besoin de stabilité dans cette politique, pour avoir des résultats. Aussi, je souhaite, à l’instar d’un certain nombre d’entre vous, que les mesures que nous prenons ne soient pas de nature à faire perdre la confiance qui revient progressivement dans ce domaine.

Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau de l’ensemble de ces dispositifs, mais je veux que nous avancions avec des mesures équilibrées, sans porter préjudice à la relance de la construction et de la rénovation, qui est aujourd’hui notre priorité.

Monsieur Dallier, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de favoriser une meilleure territorialisation de la politique du logement, afin de mieux agir sur les marchés locaux et sur les besoins que l’on y rencontre. Je suis d’accord avec cette proposition, et c’est d’ailleurs le sens de la démarche, que j’ai évoquée tout à l’heure, du « tour de France de la construction », lequel a pour objet de rencontrer les acteurs locaux, afin de mieux cerner les besoins et les dispositifs nécessaires. Là encore, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Plusieurs d’entre vous sont revenus sur un sujet important, à savoir la situation des personnes les plus fragiles, au moment où la Fondation Abbé Pierre vient de rendre public son rapport annuel. Je veux souligner combien je partage les préoccupations de François Fortassin, qui a rappelé que c’était un sujet essentiel de préoccupation et de mobilisation pour les élus, comme le Président de la République l’a indiqué lundi dernier aux représentants de la fondation venus lui présenter ce rapport.

Pour répondre aux inquiétudes légitimes tant de nos concitoyens les plus démunis que des acteurs de l’hébergement et du logement d’urgence, qui accomplissent un travail tout à fait remarquable, j’ai présenté le détail d’un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières.

En effet, comme l’a dit François Fortassin, il s’agit de mettre fin à la progression de ce type d’hébergement, qui s’est considérablement accélérée ces deux dernières années, alors qu’il offre des conditions de vie très dégradées pour les personnes concernées et qu’il est, par ailleurs, très coûteux pour les finances publiques.

Pour y parvenir, nous dégagerons les crédits correspondant à 10 000 nuitées sur trois ans, soit 22 millions d’euros par an, afin de créer 13 000 places dans les dispositifs alternatifs : quelque 9 000 places en intermédiation locative, ce qui devrait satisfaire Mme Aline Archambaud, qui m’a interrogée sur la mobilisation du parc privé ; quelque 2 500 places d’hébergement dans des centres conçus pour les familles ou dans des logements sociaux vacants dans les zones moins tendues ; enfin, 1 500 places en maisons relais.

En outre, quelque 6 000 demandeurs d’asile hébergés à l’hôtel se verront proposer des solutions de prise en charge adaptées dans des structures spécialisées dans l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des demandeurs d’asile. Ce dispositif s’ajoutera au précédent.

Au total, une somme de 105 millions d’euros en trois ans sera réorientée de l’hôtel vers des prises en charge alternatives mieux adaptées aux besoins des personnes hébergées. Avec l’ensemble de ces mesures, le recours à l’hébergement à l’hôtel doit devenir exceptionnel et de courte durée, d’ici à 2017.

Mme Archimbaud et M. Fortassin ont fait le lien avec la nécessité d’améliorer la prévention des expulsions des ménages. À ce sujet, j’ai annoncé mardi dernier que les procédures d’expulsion concernant les ménages reconnus prioritaires en matière de droit au logement seront suspendues tant que les préfets ne leur auront pas proposé de relogement.

Je souhaite que 2015 soit l’année d’une véritable politique de prévention des ruptures dans le logement. C’est pourquoi une charte de prévention des expulsions fera l’objet d’un décret avant la fin de la trêve hivernale. Élaborée en concertation avec l’ensemble des acteurs, elle devra notamment prévoir le traitement des impayés beaucoup plus en amont. Un pôle national de prévention des expulsions locative, qui vient d’être mis en place au sein de la DIHAL, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, sera chargé de veiller à son application et de conduire cette politique, laquelle ne peut être que globale.

Pour répondre à certains d’entre vous, notamment à Joël Guerriau, qui sont revenus sur l’application de la loi SRU, je souhaite tout d’abord réaffirmer que le Gouvernement restera ferme sur l’application des obligations fixées par l’article 55 de ce texte.

En effet, il faut en avoir conscience, il s’agit d’un véritable moteur de solidarité, qui doit permettre de recréer un équilibre social dans chaque territoire. Il est de ce point de vue essentiel que les collectivités jouent leur rôle et prennent leurs responsabilités en appliquant, de manière volontariste, les dispositions relatives à la construction de logements sociaux.

Au vu du bilan triennal actuellement en cours de finalisation, il existe encore trop, beaucoup trop, de disparités non seulement entre les territoires, mais également dans l’application des sanctions, malgré un message de fermeté passé depuis des mois. Ce n’est pas acceptable.

Nous devons utiliser pleinement toutes les possibilités offertes par la loi, et même aller plus loin s’il le faut, afin de contrecarrer les égoïsmes et favoriser la mixité sociale. Je n’hésiterai pas, pour apporter une réponse à ces situations de blocage, à mobiliser davantage et à améliorer les outils d’urbanisme à la disposition de l’État lorsque la commune est récalcitrante.

Néanmoins, monsieur Guerriau, je n’oublie pas de saluer les efforts réalisés par certaines communes, notamment la vôtre, pour rattraper leur déficit de production de logements sociaux. Je tiens à les encourager dans cette voie.

En l’espèce, je me refuse à la polémique, mais je considère que, s’il y a des élus qui agissent véritablement sur le terrain, d’autres bloquent volontairement, et de manière à l’évidence délibérée, des projets de construction de logements sociaux. D’après les remontées d’information dont je dispose, ce n’est pas le cas dans votre commune, monsieur le sénateur.

Bien sûr, comme Claude Dilain l’a rappelé, il faut favoriser la mixité sociale dans tous les territoires. Il s’agit aussi de progresser dans certains domaines où il est possible de mieux faire. Je pense, par exemple, à la transparence dans l’attribution des logements sociaux, c’est-à-dire dans le fonctionnement des commissions d’attribution du logement social, mais aussi à une réflexion sur la meilleure échelle d’attribution. Ainsi, l’intercommunalité ou la métropole peuvent apparaître comme l’échelon pertinent pour définir des orientations partagées sur ces territoires.

Vous le savez, un comité interministériel consacré à ces sujets, présidé par le Premier ministre, aura lieu au mois de mars prochain. Nous aurons l’occasion de travailler avec vous sur ses propositions.

Monsieur Dilain, vous avez aussi évoqué, comme Mme Archimbaud, la question de la rénovation énergétique des logements. À travers vous, monsieur le sénateur, qui êtes aussi président de l’ANAH, je tiens à saluer l’action et l’engagement déterminés de cet organisme pour soutenir cette politique particulièrement efficace.

Vous avez souligné l’intérêt du programme « Habiter mieux » et les efforts accomplis en termes de financement pour les propriétaires les plus modestes, ce sur quoi je ne puis que vous rejoindre. J’ajouterai que nous avons amélioré les conditions financières de l’écoprêt logement social, pour ne pas opposer parc privé et parc social.

En outre, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte tend à améliorer un certain nombre de dispositifs que j’ai déjà évoqués tout à l’heure.

Évidemment, la priorité accordée par l’ANAH à la lutte contre la précarité énergétique est particulièrement importante. À ce titre, vous le savez, je souhaite que nous puissions travailler cette année sur les copropriétés dégradées, et pas seulement les plus grandes d’entre elles. Nous devons élaborer ensemble un plan pluriannuel qui s’appliquerait aux petites villes ou aux petites agglomérations dont les centres-villes sont en perte de vitesse et se désertifient.

Monsieur Le Scouarnec, vous êtes revenu sur le financement du logement social, qui constitue pour nous une priorité et un axe politique majeur.

On ne peut pas aborder cette question uniquement par le biais des aides à la pierre. Je rappelle que l’État a fait beaucoup, dès notre arrivée au pouvoir en 2012, notamment en abaissant le taux de TVA à 5, 5 % pour la construction de logements sociaux. Par ailleurs, nous avons récemment décidé, dans le cadre de l’agenda 2015-2018, de reconduire l’exonération de la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant les vingt-cinq premières années de vie des logements sociaux.

Si l’argent produit par le logement social doit être réinvesti dans le logement social, tous les bailleurs ne sont pas aussi dynamiques que d’autres en la matière. C’est pourquoi la mutualisation des ressources entre bailleurs, qui a été renforcée dans l’agenda, permettra de mieux répartir cette manne en aidant les bailleurs sociaux les plus actifs.

Enfin, avec un taux du livret A très bas, donc des prêts de la Caisse des dépôts et consignations destinés au logement social à un coût historiquement faible, toutes les conditions financières sont aujourd’hui réunies pour dynamiser la création et la rénovation des logements sociaux.

Monsieur Le Scouarnec, vous avez insisté sur la nécessité d’innover dans la production et la construction, et je vous rejoins sur ce point.

Il s’agit d’un des axes de travail que j’ai eu l’occasion de présenter au mois de décembre dernier. J’ai ainsi lancé trois plans majeurs, mobilisant 70 millions d’euros, sur la transition numérique du bâtiment, sur la détection et l’extraction de l’amiante, qui est un sujet majeur de préoccupation, et sur la formation des entreprises à la mise en œuvre des matériaux et techniques innovants dans la rénovation.

J’ai également demandé au CSTB, le Centre scientifique et technique du bâtiment, de mettre en place un outil de mesure de l’innovation dans la filière. Ce baromètre devrait nous être présenté la semaine prochaine. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, l’innovation est un facteur d’emploi et d’attractivité des jeunes dans ce secteur.

Monsieur Mayet, il est inexact de dire que la France présente le plus bas taux de propriétaires en Europe. Notre pays a une position médiane entre, d’un côté, les pays d’Europe du Nord – Pays-Bas, Allemagne, etc. –, où la part de locataires est très supérieure, et, d’autre part, les pays d’Europe du Sud, où la propriété est prédominante, ce qui n’est pas sans poser des difficultés au regard de la mobilité des travailleurs.

Je ne vous répéterai pas ce que j’ai déjà indiqué sur le prêt à taux zéro, d’une part, dans le neuf, et, d’autre part, dans l’ancien situé dans 6 000 centres-bourgs.

Le prêt « accession sociale », quant à lui, permet à davantage de ménages modestes primoaccédants de bénéficier de la garantie publique de l’État sur leur prêt. Les plafonds de ressources ont été augmentés et alignés sur le prêt à taux zéro. C’est une mesure dont on parle peu, mais qui est importante. Du reste, nous avons également agi pour dynamiser le PSLA, le prêt social location-accession.

Monsieur Commeinhes, vous êtes revenu sur les mesures de simplification indispensables pour améliorer et relancer la construction en abaissant les coûts.

La plupart de ces actions sont aujourd’hui en vigueur, puisque 37 mesures de simplification ont d’ores et déjà été prises, les autres étant en cours de concertation avec les instances compétentes. Avec l’ensemble des professionnels, nous poursuivons ce chantier important. D’ailleurs, la Haute Assemblée sera saisie de certaines de ces dispositions concernant les procédures d’urbanisme à l’occasion de la discussion du projet de loi sur la croissance et sur l’activité, porté par Emmanuel Macron.

En résumé, je suis convaincue que c’est en agissant sur l’ensemble des leviers et des segments du logement, sans nous opposer les uns aux autres, que nous réussirons à relancer ce secteur extrêmement important pour la croissance et la création d’emplois dans notre pays et que nous pourrons aider nos concitoyens les plus modestes à obtenir un logement adapté à leur situation et à leurs besoins.

L’État a besoin de tous – bailleurs, élus locaux, investisseurs, ménages –, pour rétablir la confiance grâce à une action déterminée. Nous comptons donc sur le soutien des parlementaires pour pouvoir réussir l’année 2015, qui doit être l’année de la relance.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous en avons terminé avec le débat sur la politique du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour le conseil d’administration de l’agence Business France.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame M. Alain Chatillon membre du conseil d’administration de l’agence Business France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle le débat sur la transparence dans le transport aérien, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à M. Pascal Allizard, orateur du groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Ryanair vient de fêter ses trente ans, avec un faste qui couronne l’envol spectaculaire de cette compagnie au cours des dix dernières années. Pendant la même décennie, les compagnies du Golfe, comme Emirates ou Qatar Airways, ont également accru leur part de marché.

Qu’est-il arrivé pendant ce temps aux compagnies aériennes traditionnelles, comme Air France, Alitalia ou Lufthansa ? Elles ont traversé de graves perturbations, puisque fusions, craintes de faillites et mouvements sociaux ont scandé l’actualité.

Il faut souligner une caractéristique fondamentale des transports aériens : l’ouverture à la concurrence dans l’espace européen est sans commune mesure avec celle qui est observée dans n’importe quelle autre forme de transport.

Certes, l’ouverture à la concurrence des transports nationaux de passagers par voie ferrée au sein des États membres de l’Union européenne se heurte à de fortes résistances. Certes, les camionneurs polonais, roumains ou bulgares sont régulièrement critiqués parce que leurs conditions de rémunération provoquent une concurrence déloyale dans le fret routier. Cependant, ni le chemin de fer ni la route n’accueillent d’opérateurs extraeuropéens. Ni les chauffeurs routiers ni les conducteurs de train ne sont officiellement domiciliés en Thaïlande. Et aucun d’entre eux n’est titulaire d’un contrat régi par le droit de Singapour !

La concurrence parmi les transporteurs aériens est donc totalement singulière. Qui plus est, les nouveaux venus dans les airs de l’Union européenne contournent à plaisir les contraintes fiscales et sociales que les opérateurs historiques persistent, eux, à respecter.

La concurrence peut être aussi asymétrique en dehors des frontières européennes qu’à l’intérieur de celles-ci. Pour obtenir des conditions loyales de concurrence, l’idéal serait bien sûr d’obtenir un accord au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Au minimum, toute action en ce domaine doit être engagée et conduite à l’échelle de l’Union européenne.

Par souci de clarté, je dresserai le constat de la situation, avant d’aborder l’action actuelle, et surtout à venir, de l’Union européenne.

Le moment est bien choisi pour y procéder, après une année riche en nouveautés : de nouvelles lignes directrices ont été formulées en février 2014 par la Commission européenne pour les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes ; le 1er octobre dernier, une série de décisions a été publiée, qui portait précisément sur les aides aux aéroports et aux compagnies aériennes ; enfin, une décision majeure pour la gestion du ciel unique européen a été prise le 7 décembre dernier par la Commission européenne, deux jours après l’annonce d’un « papier stratégique » par Mme Violeta Bulc, commissaire en charge des transports dans l’équipe de Jean-Claude Juncker.

S'agissant de la situation actuelle, le principal constat est simple : depuis dix ans, la fausse monnaie chasse la bonne. En d’autres termes, la concurrence déloyale s’impose au premier rang. Sur les grandes lignes internationales, cette concurrence est imputable à des opérateurs très généreusement subventionnés par leur pays d’origine. Sur les liaisons internes à l’Union européenne et sur certaines liaisons internationales moyen-courriers, les désormais célèbres compagnies low cost peuvent être, elles aussi, interpellées à juste titre.

Commençons par les compagnies subventionnées du Golfe. Elles sont trois, dont les principales sont Emirates et Qatar Airways ; dénommée Etihad Airways, la troisième est moins connue. Ces trois compagnies offrent 69 fréquences hebdomadaires entre la France, d’une part, Doha, Dubaï et Abu Dhabi, d’autre part.

De son côté, Air France ne propose qu’un seul vol quotidien vers le Golfe, soit sept fréquences hebdomadaires – dix fois moins que les compagnies du Golfe. Autant dire que ces liaisons avec la France sont devenues un quasi-monopole des compagnies locales. Ainsi, quelque 3 000 emplois ont été détruits dans l’Hexagone. Et nos finances sociales perdent des cotisations atteignant 50 millions d’euros, en moyenne annuelle sur vingt ans.

Si Air France avait été la seule compagnie européenne à perdre la quasi-totalité de son marché sur ces liaisons, la lucidité aurait conduit à mettre en cause son fonctionnement. Toutefois, une situation comparable préside aux liaisons entre les autres États membres de l’Union européenne et ces trois grandes villes du Golfe. Globalement, les compagnies aériennes européennes auront perdu, d’ici à 2016, quelque 32 millions de passagers.

Comment nos concurrents ont-ils obtenu un aussi brillant résultat ? La recette est simple : dans leurs États d’origine, les trois compagnies du Golfe bénéficient d’infrastructures facturées à un tarif empreint de compréhension, voire de compassion. S’y ajoute un environnement fiscal et social sans grand rapport avec les normes européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Enfin, je n’évoque même pas les aides directes accordées par les Émirats arabes unis et le Qatar, dont les budgets publics ont amplement les moyens d’une charité d’autant mieux ordonnée qu’elle commence par leurs propres intérêts. Une récente étude commandée par les grandes compagnies aériennes américaines tend à montrer que les trois compagnies du Golfe auraient ainsi bénéficié, pendant dix ans, d’environ 40 milliards de dollars de subventions.

Quelle est la motivation de ces États ? Veulent-ils favoriser la découverte du monde par leurs habitants, afin qu’ils s’ouvrent à d’autres cultures ? Souhaitent-ils accueillir plus de touristes à des prix suffisamment incitatifs pour qu’ils ne comptent pas lorsqu’ils fréquentent leurs centres commerciaux ? Non !

Si Dubaï est devenu la quatrième destination internationale long-courrier au départ de Paris, ce n’est pas pour ramener chez eux les Qataris ou Émiratis après leur avoir laissé admirer les splendeurs de l’Hexagone. Ce n’est pas non plus pour que nos concitoyens puissent découvrir les plus hauts gratte-ciel au monde et les plus vastes ensembles d’îles artificielles. C’est tout simplement pour capter la clientèle long-courrier vers une grande partie des destinations asiatiques, très à l’est du Golfe.

En effet, ces trois compagnies assurent les trois quarts des voyages entre l’Europe, d’une part, et le Moyen-Orient, l’Inde, l’Asie du Sud-Est et l’Océanie, d’autre part. Entre 2008 et 2013, les compagnies européennes ont réduit de 30 % leur capacité sur la zone formée par le Golfe, le sous-continent indien et l’Asie du Sud-Est.

Cette réduction de 30 % a intégralement profité aux compagnies du Golfe. Celles-ci ont capté toute la hausse du trafic sur ces destinations. Il importe de souligner qu’un avion affrété par une compagnie européenne crée indirectement quatre fois plus d’emplois en Europe que le même appareil exploité par une compagnie de pays tiers.

Cette forme de concurrence, observée à l’échelon international, n’est pas la seule à déplorer. Sur certaines liaisons mondiales et sur les marchés intérieurs de l’Union européenne, parfois même sur des liaisons nationales, de nouveaux venus s’imposent par des moyens particulièrement peu orthodoxes : il s’agit des compagnies low cost, dont le contre-modèle mérite notre attention.

La plus célèbre et la plus ancienne en Europe est l’irlandaise Ryanair, fondée en 1985 avec un seul avion de quinze sièges, à hélices, reliant Dublin et Londres. Cette compagnie détient aujourd’hui la deuxième place en Europe, après Lufthansa. Sa capitalisation boursière est quatre fois supérieure à celle d’Air France-KLM…

La deuxième grande compagnie européenne low cost est la britannique Easyjet. Fondée en 1995, elle s’est hissée aujourd’hui à la quatrième place en Europe. Cet opérateur utilise 200 avions qui desservent 700 lignes en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, sur 127 aéroports. Là aussi, le succès est au rendez-vous.

Depuis l’invention du concept low cost, il y a une quarantaine d’années, par la compagnie américaine Southwest, de nombreuses variantes sont apparues. Je limiterai mon propos à la plus grande de ces compagnies, Ryanair, qui exploite aujourd’hui 25 % de lignes de plus que Southwest, mais avec deux fois moins d’avions. L’élève a dépassé le maître, en quelque sorte.

Son modèle économique, ou plutôt son contre-modèle, associe vente de billets à un tarif dérisoire et bénéfices procurés par la combinaison du dumping social, de subventions publiques moissonnées sans vergogne et d’une évasion fiscale érigée en art de vivre.

Le dumping social vient en premier, car une compagnie voulant proposer des tarifs imbattables commence logiquement par contracter ses charges de personnel. Trois leviers sont mis en œuvre à cette fin.

Tout d’abord, les salariés de Ryanair sont dotés d’un contrat de droit irlandais, bien que seules trois des cinquante-sept bases du réseau Ryanair se trouvent en République d’Irlande. En application d’une disposition du droit de l’Union européenne que je qualifierai d’absurde, les cotisations sociales patronales sont calculées aux taux du pays d’implantation de la compagnie, donc aux conditions irlandaises. Pour un même salaire brut, le coût de ces cotisations est quatre fois inférieur à ce qu’il serait en France. Peu importe à cet égard que, dans leur écrasante majorité, les salariés concernés ne posent jamais le pied en Irlande !

Au demeurant, tout professionnel consacrant son activité au service de Ryanair n’est pas toujours salarié, loin de là. En effet, quelque 70 % des pilotes et 60 % des hôtesses et stewards sont employés aujourd’hui avec un statut de travailleurs indépendants, alors même que 100 % de leur temps de travail est consacré à Ryanair. Les puristes de notre droit du travail pourraient à juste titre s’interroger sur la notion de recel de main-d’œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

En effet, chaque pilote doit créer une société à son nom. Il va de soi que les conditions d’embauche, si l’on peut utiliser ce terme, sont à prendre ou à laisser. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le taux de renouvellement du personnel navigant soit très élevé.

Faut-il y voir une sorte de garde-fou contre les abus de dumping social ? Pas du tout, car cet « employeur » réussit même à gagner de l’argent sur le dos de ses employés, là où tous ses concurrents subiraient des coûts supplémentaires. Comment fait-il ? La solution est simple : il suffisait de penser à leur faire supporter le coût de leur formation ! Le statut permet non seulement de faire des économies, mais aussi d’encaisser des recettes. Tout pilote de Ryanair verse chaque année plus de 4 000 euros à la compagnie pour maintenir sa qualification. Ce sont au total 8 millions d’euros que les employés paient ainsi à l’employeur.

Qu’en est-il des quelque 5 200 hôtesses et stewards de la compagnie ? La formation professionnelle leur coûte en moyenne 3 000 euros, versés à Ryanair ! L’attractivité des emplois étant ce qu’elle est, les intéressés ne restent guère plus d’un an, mais, moyennant des conditions de travail totalement exorbitantes du droit commun, le recrutement devient une affaire assez rentable.

Que la société ait été condamnée à Marseille le 2 octobre 2013 pour travail illicite n’a rien changé. Une seule conséquence a été tirée de cette condamnation : aucune base de Ryanair ne sera ouverte en France. Dont acte.

Le véritable sésame du bénéfice dégagé par Ryanair paraît être son premier commandement : « Des subventions publiques toujours tu moissonneras ». La récolte obtenue a transmuté l’économie libérale en entreprise assistée !

Jugez-en plutôt : avec un montant total estimé à 800 millions d’euros en 2012, soit 25 % de son chiffre d’affaires, les aides publiques attribuées à cette compagnie étaient supérieures à son bénéfice, qui s’est établi à 569 millions d’euros. Il est vrai que cette société est l’entreprise privée la plus généreusement subventionnée au monde.

En clair, la plus grande société low cost de la planète, celle qui s’est le plus développée au cours de la dernière décennie dans le ciel de l’Union européenne et ailleurs, celle qui se veut emblématique du futur de l’aviation civile dans une économie de marché sans frontières, est portée à bout de bras par les finances publiques des États qu’elle dessert, ou, plutôt, des États où elle se sert dans les poches des contribuables ! À défaut, elle devrait abandonner quasiment toute activité, pour en revenir à sa taille d’avant la collecte systématique de subventions.

Cette situation trouve son origine dans l’un des éléments qui formaient le modèle de la première compagnie low cost : utiliser des aéroports que les grandes compagnies délaissent. Adopté par Southwest pour réduire ses prix de revient, ce positionnement est détourné en stratégie pour capter des aides publiques. Ces aides forment aujourd’hui la totalité du bénéfice de Ryanair, un bénéfice que cette société destine exclusivement à ses actionnaires, puisqu’elle a porté l’évaporation fiscale à une sorte de plénitude.

Nous arrivons ainsi au deuxième commandement de Ryanair : « Aux recettes publiques jamais tu ne contribueras ». De la délocalisation fiscale des subventions en passant par de prétendus frais de location, tout y passe !

Commençons par la « masse maximum au décollage » des avions, un problème repéré par les autorités allemandes en décembre 2012. Les redevances dues aux aéroports par les compagnies aériennes prennent notamment en compte ce critère. Modifier à grande échelle ce paramètre permet d’économiser plusieurs millions d’euros chaque année. Autant de millions qui devront être acquittés par les autres compagnies aériennes ou qui pèseront indirectement sur les finances des collectivités publiques équilibrant les comptes de la plateforme aéroportuaire.

Le fisc italien, de son côté, a révélé en janvier 2013 une fraude à la comptabilisation de la valeur ajoutée, donc à la TVA. Finalement, Ryanair a accepté de payer les taxes en Italie. Fort bien pour ce pays, mais qu’en est-il en France ? A-t-on vérifié que les écritures comptables étaient au moins correctement passées ?

Au demeurant, les pratiques comptables de Ryanair prennent des libertés avec la vérité économique, puisque cette compagnie enregistre des « charges de location » pour les avions qu’elle possède, via des filiales dont la localisation ne doit pas grand-chose aux lignes utilisées.

En effet, ces filiales se trouvent sur l’île de Man, dans l’État du Delaware ou à Chypre. Une filiale est créée pour chaque avion. La localisation favorite est constituée par l’État du Delaware, dont la particularité semble extrêmement séduisante : une société n’y est pas imposable pour les activités qu’elle assume à l’extérieur de ses frontières.

Ainsi, le prétendu coût des prétendues locations permet de diminuer la valeur ajoutée calculée ici, de même que l’assiette très résiduelle d’un hypothétique impôt sur les sociétés, alors que les produits très réels, eux, sont encaissés par des filiales que le choix d’adresses fiscalement agréables met là aussi à l’abri de toute contribution aux finances publiques de quelque pays que ce soit !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. C’est de la bonne gestion !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Ainsi, Ryanair se borne à répéter ce qu’elle fait déjà pour la gestion des subventions perçues. En effet, les aides versées par des collectivités locales pour favoriser la desserte de tel petit aéroport par les aéronefs de Ryanair aboutissent dans les comptes d’une filiale dénommée Airport Marketing Services, basée à Jersey ! Avant même que des avions ne soient affrétés, l’argent obtenu à cette fin est donc en sécurité dans un paradis fiscal.

La filiale, bien évidemment, prétend qu’il s’agit non de subventions, mais du paiement d’une prestation commerciale tendant à promouvoir, via un site internet, les régions desservies par Ryanair. Il fallait oser ! Comme on pouvait s’y attendre, le coût de la promotion alléguée est tout simplement proportionnel au nombre des passagers transportés.

Face à la puissance financière des États du Golfe, face à l’imagination au pouvoir dans le monde du low cost, que fait et que fera l’Union européenne ? Cette interrogation m’amène à la dernière partie de mon propos, avec un droit qui n’a rien d’inacceptable, surtout dans la mouture de 2014, mais dont la mise en œuvre manque de détermination.

Dans le domaine qui nous occupe aujourd’hui, point de règlements ou de directives : tout découle du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui encadre les aides d’État, et des conséquences que la Commission européenne en tire. Au cours des dernières années, la Commission a fait sur ce thème deux communications, la première fois en 2005, la seconde en 2014. Par nature, ces lignes directrices ne sont soumises ni au vote du Parlement européen ni à l’approbation du Conseil. Seule éventuellement la Cour de justice de l’Union européenne pourrait se prononcer.

Rien de tel ne s’est produit jusqu’à présent. J’ajouterai que les lignes directrices adoptées en 2014, applicables depuis le 4 avril dernier, sont toutefois préférables à celles de 2005. Toutefois, l’important n’est pas là, car le véritable inconvénient du texte en vigueur de 2005 à 2014 tient précisément à ce qu’il était peu appliqué, voire pas appliqué du tout. Ainsi, la compagnie Ryanair n’a réellement pris son envol qu’après l’adoption des lignes directrices de 2005.

Comme je l’ai souligné, une série de décisions de la Commission européenne a été publiée le 1er octobre 2014. Relative aux aides consenties en 2001 à l’aéroport de Charleroi et à la compagnie Ryanair par la Région wallonne, l’affaire la plus ancienne, ayant trouvé son épilogue en 2014, avait fait l’objet d’une première enquête approfondie décidée en 2002. Celle-ci avait été prolongée en 2012, après que la première décision de la Commission eut été annulée en 2008.

Il est piquant de noter que, les lignes directrices ayant été modifiées en cours de procédure, les décisions prises il y a quatre mois se sont souvent fondées sur celles qui sont entrées en vigueur le 4 avril 2014.

Parmi les sujets compatibles avec le texte de 2005 et violant les orientations fixées en 2014, seules ont été déclarées récupérables les sommes versées à compter du 4 avril dernier… C’est un paradoxe qui ne manque pas de sel, puisque la durée excessive de la procédure a, en fait, permis d’appliquer dans des délais records le premier encadrement véritable des aides publiques aux aéroports et aux compagnies low cost !

Une vision optimiste des choses conduit à se réjouir du résultat, mais je suis circonspect, car la Commission européenne paraît singulièrement manquer de détermination dans l’affaire Norwegian Air Shuttle. Cette filiale de Norwegian Air International Limited veut ouvrir une nouvelle brèche pour que les opérateurs aériens low cost puissent s’engouffrer dans les liaisons long-courriers. De quoi s’agit-il ? Oh, d’un tout petit marché, d’un presque rien : il n’est question ici que des lignes aériennes entre le continent européen et les États-Unis !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

La liaison convoitée par Norwegian Air Shuttle desservirait les États-Unis au départ de Londres-Gatwick. Je me félicite du vetoque les États-Unis ont jusqu’ici opposé à ce projet. En revanche, j’ai beaucoup de mal à comprendre la position adoptée par la Commission européenne. Comment est-il concevable qu’elle soutienne le projet d’une société norvégienne venue s’établir pour la forme en Irlande, afin de desservir les États-Unis depuis l’Angleterre avec du personnel fictivement domicilié en Thaïlande et engagé sous contrat à Singapour ?

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

D’après la Commission européenne, les États-Unis auraient dû accepter presque immédiatement la demande formulée par Norwegian Air Shuttle. On se demande pourquoi ! En effet, l’accord « ciel ouvert » de 2007, modifié par un protocole en 2010, dispose en son article 17 bis que ce texte ne doit pas servir à contrer les normes sociales. C’est clair et c’est parfaitement justifié. Si le projet de Norwegian Air Shuttle n’est pas une façon de contrer les normes sociales, il faut nous expliquer quelle est sa raison d’être.

Monsieur le secrétaire d’État, où en est cette affaire ? Quelle position la France fait-elle valoir auprès de la Commission européenne et au sein du Conseil européen ?

Pour terminer, je voudrais rappeler que les compagnies aériennes contribuent plus ou moins directement aux revenus perçus par les habitants des territoires qu’elles desservent.

En ce domaine, il faut distinguer les revenus directs procurés par la vente de billets, les dépenses personnelles, les consommations en biens et la participation à la fiscalité, des revenus indirects, à savoir les dépenses effectuées par les passagers transportés, et des revenus induits, correspondant aux dépenses effectuées par les bénéficiaires des revenus directs ou indirects.

D’après l’Observatoire des dynamiques industrielles et territoriales, la somme de tous les revenus générés par un passager de Ryanair ne dépasse guère 350 euros, alors qu’Air France procure à l’économie française plus de 26 milliards d’euros par an, soit 1, 4 % du PIB, c'est-à-dire plus de 1 700 euros par passager transporté.

J’ai déjà mentionné qu’un avion affrété par une compagnie européenne créait indirectement quatre fois plus d’emplois que le même appareil affrété par un opérateur de pays tiers. Avec les sociétés low cost, c’est encore pire : les retombées économiques directes et indirectes sont divisées par plus de cinq !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Je terminerai sur une note optimiste. Un accord, très récent, puisqu’il remonte au 7 décembre dernier, a permis de véritablement passer à la vitesse supérieure pour le déploiement du système SESAR, Single European Sky Air Traffic Management Research, acronyme anglais d’une expression qui désigne la gestion du trafic aérien dans le ciel européen. Ce coup d’envoi d’une modernisation vitale pour l’Europe doit permettre à l’Union de maintenir sa place dans le trafic aérien mondial, qui devrait s’accroître de 50 % d’ici à 2035, pour atteindre quelque 14, 5 millions de vols.

Par leur ampleur et par leurs enjeux, les défis à relever méritent une réflexion approfondie. Il est donc heureux que la commission des affaires européennes du Sénat ait décidé récemment de créer un groupe de travail sur ce thème. Puisse notre débat d’aujourd’hui éclairer le démarrage de ses travaux !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Dubois

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, selon plusieurs études réalisées par l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI, et comme cela s’explique aisément, le tarif est le principal critère qui détermine le choix du transporteur par les passagers. Toujours selon ces études, quelque 43 % seulement des passagers estimaient avoir été clairement et pleinement informés des tarifs réellement appliqués.

Pourtant, au cours de ces dernières années, des mesures importantes ont été adoptées en vue de l’instauration de la transparence des prix pour les compagnies aériennes exerçant leur activité dans l’Union européenne.

Concurrence effrénée, environnement juridique de plus en plus favorable aux passagers : le marché du ciel, bien qu’il soit en berne ces derniers temps, suscite toujours autant les convoitises et incite à des pratiques parfois peu commerciales. Mon collègue Pascal Allizard en a relevé un certain nombre à l’instant.

Dans un arrêt très remarqué rendu le 15 janvier dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé d’imposer aux compagnies aériennes, aux agences de voyages et à tout intermédiaire vendant des billets d’avion au départ de l’Union européenne d’indiquer clairement le prix du billet qui sera payé lors de la validation de la commande.

La Cour de justice de l’Union européenne précise ainsi que « dans le cadre d’un système de réservation électronique […] le prix définitif à payer doit être précisé non seulement pour le tarif aérien sélectionné par le client, mais également pour chaque service dont le tarif est affiché ». Ces indications constituent évidemment une protection et une information indispensables pour le passager, mais, en l’état, elles demeurent encore trop faibles et insuffisamment détaillées.

Pour l’Organisation de l’aviation civile internationale, les problèmes liés à la transparence des prix comprennent plusieurs points essentiels : des renseignements inexacts ou incomplets sur les tarifs ; un manque de clarté sur la disponibilité des tarifs réduits ; des surtaxes ; des augmentations subites des tarifs, par exemple pendant les vacances ; de la publicité parfois trompeuse pour les consommateurs, grâce à l’emploi de clauses « subtiles » dans l’annonce des tarifs.

Tout cela est très facilement vérifiable en comparant les sites web de plusieurs compagnies aériennes. Nous remarquons ainsi que, pour un même trajet, les compagnies aériennes ne fournissent pas toutes une description aussi détaillée des différentes composantes du prix total du billet et du tarif aérien.

Cette situation est l’une des conséquences directes du yield management, méthode qui consiste à ajuster les tarifs en fonction des places disponibles et de la facilité à les vendre, de sorte qu’ils sont modifiés en permanence au quotidien, à l’instar de ce qui se pratique également désormais pour les hôtels... Les termes utilisés pour décrire les composantes du prix varient et ne correspondent pas toujours aux mêmes éléments. Il est difficile en conséquence pour les passagers de s’y retrouver ! Aussi, les renseignements sur les prix des billets gagneraient à être beaucoup plus clairs, exhaustifs et précis.

Certes, on le sait, les tarifs des billets d’avion sont directement liés aux fluctuations du prix du baril de pétrole, lesquelles sont régulières et parfois imprévisibles. Entre le mois de juin 2014 et le mois de janvier 2015, le prix du baril de pétrole est ainsi passé de 100 dollars à 50 dollars. À cette occasion, le Syndicat national des agents de voyages, le SNAV, avait demandé la suppression sans délai de la surcharge carburant. En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, cette taxe doit être normalement appliquée lors d’une hausse éventuelle du cours du pétrole.

Cependant, cette taxe structurelle ne reflète pas, ou plutôt ne reflète plus, l’évolution réelle du cours du pétrole ; elle prend en compte différents facteurs. Les transporteurs aériens l’ont d’ailleurs rebaptisée « surcharge transporteur ».

La non-répercussion de la baisse des cours du pétrole sur le tarif du billet d’avion peut ainsi s’expliquer par différents motifs : l’existence de contrats de couvertures carburant ; le poids des réservations anticipées ; l’amélioration des marges. Enfin, de nombreuses compagnies essaient de se refaire une santé financière, car le secteur a été très affecté par la crise économique.

Pour autant, en 2014, les prix du transport aérien en France sont restés relativement stables, avec une augmentation de 1, 1 % entre décembre 2013 et décembre 2014 selon la Direction générale de l’aviation civile.

Néanmoins, on peut se réjouir que certaines compagnies aient spontanément déclaré vouloir supprimer leur surcharge carburant en 2015 si les cours du pétrole demeuraient aussi bas. C’est par exemple le cas, je tiens à le souligner, de la compagnie Air Tahiti Nui, en Polynésie française, laquelle a ainsi décidé de réduire sa surcharge de carburant de près de 8 % après la baisse du prix du baril du pétrole.

Cette décision est d’autant plus louable que cette compagnie n’avait pas augmenté ses tarifs depuis plus de deux ans et demi, dans un contexte international, économique et structurel pourtant très contraignant, avec, par exemple, un gallon de pétrole trois fois plus cher sur Tahiti que sur Auckland, l’existence de redevances transocéaniques par l’État, ou encore des niveaux de salaires élevés par rapport aux compagnies du Golf ou de l’Asie, comme Pascal Allizard l’a rappelé.

En tant que sénateur ultramarin, je ne puis évidemment manquer d’évoquer la situation particulière de la tarification dans les départements et les territoires d’outre-mer.

Le constat est inquiétant, et il est connu, concernant notamment les hausses saisonnières. En effet, la Direction générale de l’aviation civile constate que l’augmentation la plus marquée concerne précisément les voyages aériens de la métropole vers l’outre-mer, avec près de 19 % de hausse entre novembre et décembre 2014. Cette situation n’est pas acceptable, car elle pénalise fortement les citoyens français originaires d’outre-mer.

En effet, de nombreux Ultramarins installés en métropole souhaitent retrouver leur famille et leurs racines pendant les fêtes ou les périodes de vacances scolaires, moments où le prix des billets est bien souvent hors de portée. L’outre-mer souffre ainsi beaucoup de la saisonnalité.

Pour la Polynésie française, en particulier, il s’agit d’une vraie difficulté. Les compagnies desservant Tahiti manquent cruellement de sièges et d’équipages trois mois dans l’année. Le reste du temps, elles sont en surcapacité, une situation qui se répercute directement sur le prix des billets d’avion.

Je souligne cependant les mesures prises par certaines compagnies, comme Air France, Corsair International ou Air Caraïbes pour l’outre-mer, en proposant des sièges à bas coût, des réductions en périodes creuses pour les familles les plus défavorisées, ou encore des facilités de paiement. On ne peut qu’encourager toutes les compagnies à adopter, autant que faire se peut, des mesures similaires.

Je tiens également à souligner une autre initiative prise par le conseil régional d’Île-de-France en 2013 en faveur des Franciliens touchés par le deuil d’un proche en outre-mer.

C’est ainsi une enveloppe annuelle de 50 000 euros qui sera allouée pour financer l’achat de billets d’avion pour les Ultramarins les plus démunis et touchés par un deuil en outre-mer. Le montant de cette aide financière sera de 250 euros par personne pour un vol à destination des Antilles, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de 300 euros pour la Guyane et de 350 euros pour la Réunion et les autres destinations.

J’exprimerai toutefois le regret que l’aide ne soit pas plus importante pour les territoires du Pacifique, notamment pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou bien encore Saint-Pierre-et-Miquelon, bien plus éloignés de la métropole. En effet, le coût d’un billet d’avion est nettement plus élevé pour un vol Paris-Papeete que pour un vol entre Paris et la Réunion, avec près de 700 euros de différence.

À cet égard, je partage évidemment le souhait de M. Patrick Karam, président du Conseil représentatif des Français d’outre-mer, le CREFOM, de voir cette aide se pérenniser, et surtout devenir effective pour l’ensemble des Ultramarins de l’hexagone et non pas uniquement pour les Franciliens.

Cette parenthèse sur l’outre-mer refermée, j’en viens à la conclusion de mon intervention sur la transparence dans le transport aérien.

On notera que l’ensemble des études menées aussi bien par la DGAC que par l’OACI montre clairement que le niveau de transparence en matière de tarification demeure encore insuffisant pour satisfaire aux intérêts des passagers.

Aussi, il conviendra de poursuivre nos efforts, afin d’enrichir et de consolider nos actions tout en conciliant le principe de libre concurrence et de liberté des prix avec l’exigence d’une parfaite information des passagers et des consommateurs du secteur aérien, notamment sur la tarification des billets d’avion.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les grandes compagnies aériennes européennes sont aujourd’hui confrontées à de multiples défis.

L’environnement institutionnel est en pleine mutation, par l’effet de la mondialisation des échanges et de l’essor des puissances émergentes. La concurrence se développe, tant sur le court et le moyen-courrier, à l’échelle des continents, que sur le long-courrier à travers le monde. Les besoins de financement sont considérables dans une activité fortement capitalistique, où tout retard dans la modernisation de la flotte se traduit par une perte de compétitivité.

La redistribution des cartes entre compagnies aériennes a débuté aux États-Unis avec la déréglementation et s’est étendue à l’Europe. Aujourd’hui, de nouveaux acteurs émergent, venant de zones géographiques en pleine croissance. Parmi les géants actuels, certains sont de création récente et ont connu une progression fulgurante.

L’époque où l’avion était le moyen de transport d’une élite, pionnière et aisée, est révolue. Le transport aérien s’est démocratisé, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Cependant, les termes de la concurrence ont également changé : le moyen-courrier est devenu low cost et le long-courrier est un marché que les compagnies aériennes du Golfe veulent conquérir et conquièrent par des offres commerciales agressives.

Plusieurs de nos voisins ont vu leur compagnie porte-drapeau perdre son autonomie, voire disparaître. Trois pays, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont réussi jusqu’à présent à conserver leur compagnie historique. Chacune des compagnies de ces pays s’est renforcée et a construit une alliance avec des partenaires du monde entier. Cependant, leurs difficultés, notamment financières, sont réelles.

Monsieur le secrétaire d’État, le choix de nos politiques publiques aura un impact incontestable sur leur avenir. Nous devons donc nous assurer que les conditions de cette concurrence soient équitables, tant à l’intérieur de l’espace européen qu’entre compagnies européennes ou extraeuropéennes. Tel n’est, malheureusement, pas le cas.

La déréglementation et l’ouverture à la concurrence ont donc conduit certaines compagnies porte-drapeaux à faire faillite ou à se regrouper. Ce mouvement de concentration se poursuit aujourd’hui, sous l’effet de la conjoncture économique défavorable. De plus, la pression concurrentielle est exercée par des compagnies à bas coût, mais également par des compagnies non européennes, qui peuvent tirer parti de subventions déguisées ou de pratiques déloyales.

L’exemple des compagnies du Golfe illustre parfaitement ce point. Ces compagnies sont mues par une stratégie d’État qui les fait bénéficier d’infrastructures facturées à un coût marginal et d’un environnement fiscal, social et réglementaire totalement différent de celui qui prévaut en Europe. De plus, certaines d’entre elles bénéficient d’aides directes considérables.

Les compagnies Delta Airlines, United Airlines et American Airlines indiquent ainsi avoir identifié près de 40 milliards de dollars d’aides directes de la part des Émirats arabes unis et du Qatar à leurs transporteurs.

Nous pouvons estimer que les compagnies aériennes européennes auront perdu près de 30 millions de passagers, soit l’équivalent de l’activité correspondant à l’utilisation de trente Airbus A380, qui auraient pu être basés en Europe.

Ces développements, monsieur le secrétaire d'État, conduiront à la destruction de 30 000 emplois en France et de plus d’un milliard d’euros de charges sociales non perçues si nous ne faisons rien.

J’évoquerai ici le cas de Ryanair. Cette compagnie low cost est aujourd’hui un acteur majeur du ciel européen. Alors que le secteur aérien connaît une crise sans précédent, ses résultats contrastent avec ceux des grandes compagnies européennes en perte de vitesse.

En réalité, lorsqu’on s’intéresse de plus près à ses chiffres, on constate que Ryanair est bien plus qu’une simple compagnie : en effet, la vente de billets ne représente qu’une part assez réduite de ses recettes. L’essentiel de son business repose aujourd’hui sur des financements publics, le non-respect de la législation sociale applicable en Europe et une large optimisation fiscale qui lui confèrent un avantage concurrentiel déloyal indéniable.

Je ne veux pas revenir sur le détail des méthodes de Ryanair, qu’a exposé mon excellent collègue Pascal Allizard, mais j’ai envie de vous demander, monsieur le secrétaire d'État : que fait l’Europe ? Est-ce une concurrence loyale et acceptable ? La réponse est évidemment non ! Il nous paraît urgent de dénoncer ces pratiques pour que l’ensemble des acteurs de l’aérien soit sur un même pied d’égalité.

Enfin, je souhaite aborder la question des taxes et redevances aéronautiques.

Les compagnies aériennes versent des taxes et des redevances aéronautiques destinées au financement du contrôle aérien, des infrastructures, de la sécurité et des services aéroportuaires. Ces services ont la particularité de faire l’objet d’une régulation : leur coût, ainsi que le choix du fournisseur sont imposés à la compagnie.

Or, dans les aéroports parisiens – Orly et Roissy –, les redevances ont augmenté deux fois plus vite qu’à Amsterdam entre 2005 et 2013. Pour Air France, cette situation est handicapante, car elle dégrade la position concurrentielle de son hub. Au total, le groupe Air France-KLM a versé, en 2013, quelque 4, 2 milliards d’euros de taxes et redevances pour un chiffre d’affaires de 25, 5 milliards d’euros.

C’est en Europe que le coût d’accès à l’infrastructure est le plus élevé. Ces dix dernières années, l’augmentation a été supérieure à l’inflation, ce qui a fragilisé l’équilibre économique et la croissance de nos compagnies européennes. Dans certains pays du Moyen-Orient, les infrastructures sont alors financées par l’État, et les redevances sont deux à trois fois plus faibles.

Aujourd’hui, le transport aérien a la rentabilité la plus faible dans la chaîne de valeur, bien en deçà des constructeurs et des aéroports. Pourquoi ? Nous ne pouvons pas pénaliser plus longtemps les transporteurs, alors même que ce sont eux qui permettent aux infrastructures d’exister. Il en est de même pour les constructeurs aéronautiques et leurs sous-traitants.

Les redevances aéroportuaires font généralement l’objet d’un contrat de régulation économique signé entre l’exploitant et l’État.

Selon ce dispositif, les charges ont augmenté à Paris de 30 % en huit ans. Au même moment, les résultats d’ADP, Aéroports de Paris, sont en constante augmentation depuis 2011, car les redevances sont régulées non plus selon le principe de la caisse unique, mais selon le principe de la caisse aménagée. Pourtant, il y aurait à dire sur la qualité de la prestation d’ADP, notamment à Roissy ! Mais nous sommes dans une situation de monopole et de répartition des marges totalement injustes.

En d’autres termes, les activités très rentables de commerce et de restauration – dégageant une marge de plus de 50 % – ne participent plus à la détermination du niveau des redevances. Ce modèle conduit mécaniquement à des augmentations de l’ordre de 3 % par an.

Une réintroduction des activités non aéroportuaires dans le périmètre régulé ou simplement une contribution des activités commerciales au financement des infrastructures permettrait de ne plus faire peser la totalité des charges sur les compagnies.

Certaines taxes sont supérieures aux coûts réels du service, comme la taxe de l’aviation civile, dont 19 % sont réinjectés au budget de l’État, soit près de 80 millions d'euros par an.

D’autres taxes, du fait de leur spécificité française ou européenne, sont assimilables à un impôt qui fragilise les compagnies face à la concurrence mondiale. C’est le cas de la taxe sur les nuisances sonores et de la taxe de solidarité, qui rapporte 165 millions d’euros par an. Le tiers des recettes provient de la seule compagnie Air France-KLM !

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

L’écart qui existe donc entre les contributions de cette compagnie et de ses concurrents mérite réflexion. Nous les mettons en situation de concurrence déloyale. On peut tout de même s’interroger sur ce type de démarche, qui pèse sur la France et sur sa principale compagnie aérienne.

Enfin, je ne peux intervenir sur le sujet sans rappeler les grèves scandaleuses des pilotes d’Air France.

M. Éric Bocquet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Notre groupe national doit être encouragé et non découragé, monsieur le secrétaire d'État. Nous devons être attentifs aux mesures à prendre pour que notre compagnie continue de se développer. C’est un enjeu national et européen. C’est notre industrie de transport aérien européen qui est en jeu. Si l’Europe continue de pratiquer une politique orientée vers les intérêts de court terme des usagers du transport aérien, sans vérifier systématiquement la légalité des pratiques de certains acteurs, on peut craindre que cette politique n’entraîne de sérieuses déconvenues à très moyen terme.

La progression du transport aérien est de l’ordre de 3 % par an. Les citoyens du monde aspirent à voyager, à se déplacer, et pas seulement sur internet.

Monsieur le secrétaire d'État, devant cette concurrence totalement déloyale, nous devons, au niveau tant de la France que de l’Europe, réagir immédiatement, pour que les quelques compagnies nationales européennes survivent et se développent. Il y va de l’intérêt national et de la sauvegarde de l’emploi dans cet important secteur de service.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Aubey

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’image que nous avons du transport aérien ne reflète pas sa contribution réelle à l’économie française. Celui-ci représente plus de 2 % du produit intérieur brut français et emploie 78 000 personnes – 150 000 même si l’on inclut dans le périmètre les fournisseurs de premier rang.

Dans le « ciel mondial », la France possède d’importants atouts grâce à son « triple A » : un grand constructeur d’avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire du monde. Pourtant, si le trafic aérien de passagers touchant la France a connu une croissance soutenue ces dix dernières années, de quelque 41 %, force est de constater que celle-ci profite avant tout aux transporteurs étrangers.

Mes chers collègues, en décembre dernier, en tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable sur les crédits relatifs aux transports aériens, j’avais déjà eu l’occasion de vous faire part de certains des dangers qui pèsent sur le transport aérien européen, en particulier français, ainsi que de mes interrogations sur les conditions dans lesquelles s’exerce la concurrence dans ce secteur.

S’agissant de cette concurrence, on peut dire qu’elle s’est fortement développée, au fil des années, tant sur le court et le moyen-courrier, à l’échelle des continents, que sur le long-courrier, à travers le monde. « Par le bas », avec les compagnies low cost, puis « par le haut », avec les compagnies du Golfe. Dans ce contexte, on voit bien qu’il est primordial d’assurer des conditions de concurrence équitables entre les acteurs, tant à l’intérieur de l’espace européen qu’entre compagnies européennes et non européennes.

Alors que la Commission européenne devrait veiller au respect des règles, on peut déplorer que le champ de son contrôle ne couvre qu’une partie seulement des conditions de la concurrence et que, même à l’intérieur de ce champ, son contrôle n’apparaisse pas suffisamment exigeant pour lutter contre la concurrence déloyale et le dumping social.

Ainsi, en février dernier, la Commission européenne adoptait de nouvelles lignes directrices sur les aides publiques en faveur des aéroports et des compagnies aériennes. En se montrant globalement ouverte aux aides publiques en faveur des aéroports régionaux, y compris les plus petits, elle avait pour ambition de garantir les connexions entre les régions et la mobilité des citoyens européens, tout en réduisant le plus possible les distorsions de concurrence.

Pourtant, elle n’a pas mesuré combien des compagnies abusent de leur position dominante sur certains aéroports régionaux en vue d’obtenir moult facilités qui améliorent artificiellement leur position concurrentielle. Elle n’a pas pris la mesure non plus de la situation de dépendance dans laquelle se trouvent les aéroports confrontés à une augmentation progressive du niveau des aides demandées par les compagnies, avec chantage à la suspension du service, sans parler d’autres pratiques abusives, comme la mise en concurrence des territoires.

De même, la Commission européenne n’a pas souhaité prévoir de contrepartie à l’octroi de ces aides publiques, pas même en matière de respect des règles sociales, alors que cette question sociale est centrale lorsque l’on parle de transparence et d’équité dans le secteur du transport aérien.

En 2013, une étude de la DGAC révélait que le coût horaire d’un personnel navigant français, après correction des écarts de niveaux de vie, est plus élevé de 20 % à 60 % en France que dans les autres pays européens. Cette distorsion de concurrence a entraîné une décroissance de 1 % à 2 % par an depuis dix ans de la part de marché du transport aérien français, y compris sur les liaisons entièrement domestiques.

L’impact d’une telle situation sur l’emploi en France est immédiat : une compagnie qui n’est pas basée sur notre territoire engendre deux fois moins d’emplois qu’une compagnie installée en France. On le voit, lorsque les conditions de la concurrence ne sont pas équitables, les conséquences économiques et sociales peuvent se révéler très lourdes.

L’équité suppose que les compagnies n’évoluent pas dans des contextes fiscaux et sociaux si éloignés que la concurrence s’en retrouve faussée. Pourtant, avec la libéralisation progressive du secteur, et plus particulièrement l’émergence des compagnies low cost, c’est un dumping social à grande échelle qui s’est organisé.

En effet, afin de contourner la réglementation européenne et les incidences salariales de la notion de base d’affectation, certaines compagnies, principalement low cost, ont généralisé le recrutement de faux travailleurs indépendants pour composer leurs équipages. De la même manière, certaines utilisent le mécanisme des faux détachements et des fausses bases d’affectation pour frauder la sécurité sociale.

Face à de tels agissements, il apparaît indispensable d’interdire toute aide publique aux compagnies ne respectant pas la réglementation européenne, sauf à tolérer que de telles subventions puissent financer la concurrence déloyale et le dumping social.

Mes chers collèges, on apprenait la semaine dernière que Dubaï s’était imposé comme le premier aéroport au monde devant Londres, avec plus de 70 millions de passagers internationaux en transit en 2014, ce qui m’amène à évoquer les compagnies du Golfe.

Grâce à leur situation géographique idéale, au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, ces compagnies ont réussi à « siphonner » une grande part de trafic des autres compagnies. Là encore, nous sommes face à un cas de concurrence déloyale, tant les compagnies du Golfe sont mues par une stratégie d’État, grâce à laquelle elles bénéficient d’infrastructures facturées à un coût marginal, d’un environnement fiscal, social et réglementaire totalement différent de celui qui prévaut en Europe, ainsi que d’aides directes considérables.

En effet, les compagnies du Golfe ne semblent soumises à aucune obligation de rentabilité, leur seul objectif étant le rayonnement de l’image de leur pays. Elles sont très largement subventionnées par leurs États : infrastructures pharaoniques gratuites, taxes et redevances réduites à un niveau purement symbolique, financement des achats d’avions à des conditions exceptionnelles...

À proximité des champs pétrolifères, elles bénéficient, en outre, de carburant dans de très bonnes conditions tarifaires. S’y ajoutent l’absence de charges sociales et les conditions très éloignées de nos standards sociaux dans lesquelles travaillent certains de leurs employés. Pour toutes ces raisons, il est tout à fait essentiel que les autorités françaises n’accordent pas de droits de trafic supplémentaires aux transporteurs subventionnés du Golfe.

La transparence, mes chers collègues, c’est aussi la bonne information des consommateurs-passagers et l’assurance que ces derniers voyagent en toute sécurité.

Sur la question de la sécurité des passagers, on sait, par exemple, que toutes les compagnies font attention au carburant qu’elles emportent : plus l’avion est lourd, plus il consomme. Cela dit, le cost killing de certaines compagnies low cost peut les conduire à s’aventurer aux confins du territoire sacré de la sécurité. Nous nous souvenons tous de ces avions de compagnies low cost contraints d’atterrir d’urgence, faute de carburant. Là aussi, une plus grande transparence et une meilleure information sur le sujet permettraient de dissiper les craintes légitimes qui s’expriment depuis plusieurs années.

S’agissant de la nécessaire bonne information des consommateurs-passagers, je souhaiterais évoquer la question de l’opacité dans l’affichage tarifaire des comparateurs de prix.

Ces comparateurs créent non seulement une distorsion de concurrence à l’encontre des compagnies aériennes et des distributeurs qui respectent la réglementation, mais aussi, et surtout, un préjudice pour les consommateurs, ces derniers n’étant pas réellement en mesure de comparer les prix des billets d’avion en ligne et d’obtenir, le cas échéant, le meilleur prix.

Pourtant, depuis 2008, un règlement communautaire fixe des règles précises en matière d’affichage tarifaire dans le transport aérien. Toutefois, en pratique, l’affichage tarifaire dans les comparateurs de prix se révèle bien souvent trompeur.

Il conviendrait vraiment de mettre un terme aux mauvaises pratiques, telles que la dissimulation de frais de service, comme les frais de gestion, d’émission et de réservation, l’ajout de frais pour paiement par carte de crédit en fin de processus de réservation ou encore la présélection d’options payantes, telles les assurances voyage.

Enfin, j’aborderai le sujet de la privatisation programmée de nos aéroports.

Les aéroports sont des infrastructures de transport essentielles à l’aménagement du territoire et au développement économique. Au même titre que celles de l’énergie, ces infrastructures sont stratégiques, parce qu’elles constituent un facteur majeur de l’attractivité de la France, donc de sa compétitivité, et qu’elles sont au cœur de la souveraineté du pays.

Monsieur le secrétaire d'État, j’avais déjà, en fin d’année, fait part de mes vives inquiétudes lorsque l’État a cédé à deux investisseurs chinois aidés du canadien SNC-Lavalin une participation de 49, 9 % sur les 60 % qu’il détient au total dans le capital de la société d’exploitation de l’aéroport Toulouse-Blagnac. Cette cession est assortie d’une option sur les 10, 1 % restants à valoir dans les trois ans. Car, même en occultant la proximité du siège d’Airbus et le risque d’espionnage industriel, même en évacuant la polémique autour de la domiciliation fiscale des investisseurs chinois, je ne pouvais que m’interroger sur l’opportunité de privatiser nos aéroports, qui sont des monopoles naturels.

Aujourd’hui, par l’article 49 du projet de loi pour la croissance et l’activité, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, le Gouvernement prévoit la privatisation des sociétés Aéroports de Côte d’Azur et de Lyon, respectivement deuxième et quatrième société aéroportuaire française.

Ces sociétés sont, par leur poids stratégique, un enjeu majeur pour la nation. Lyon est l’un des principaux carrefours commerciaux du pays et la Côte d’Azur une destination touristique de premier plan national et mondial. Dotés d’infrastructures au service de leur efficacité, ces aéroports sont rentables et constituent un bien précieux pour l’État et, de fait, pour le peuple français.

Nous sommes en train de céder progressivement des infrastructures critiques, qui ont une valeur inestimable pour la compétitivité et l’attractivité de nos territoires, bien au-delà des quelques centaines de millions d’euros qu’elles permettront à l’État, à court terme, de récupérer. Veillons à ce que tout cela n’aboutisse pas à brader notre patrimoine, réduire le service public, maximiser les profits des sociétés bénéficiaires de ces privatisations et, in fine, aggraver le déficit public. Le précédent des privatisations autoroutières devrait conduire le législateur à la plus grande prudence en la matière…

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, prenons garde à ne pas envoyer le signal d’une capitulation des intérêts économiques de la France !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État – quel plaisir de vous revoir ! –, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Pascal Allizard et le groupe UMP d’avoir versé au débat la question de la concurrence déloyale dans le transport aérien.

Durant de nombreuses années, les compagnies françaises, Air France en tête, ont joui d’une domination indiscutable sur le marché des vols intérieurs et sur les vols au départ de la France. Aujourd’hui, cela a été dit, cette situation est menacée par deux concurrences : les compagnies low cost et les compagnies des pays du Golfe.

Les premières, d’origine européenne, compriment leurs coûts pour offrir des billets toujours moins chers, avec un minimum de service à bord. Les deuxièmes bénéficient d’une domiciliation idéale, à mi-chemin entre l’Europe et l’Asie, d’un pétrole bon marché, de salaires faibles et d’une politique de leur État d’origine volontairement agressive. Nos compagnies « traditionnelles » ne peuvent donc pas lutter à armes égales.

Face à cette situation, un groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien français a été mis en place sous la présidence du député Bruno Le Roux. Sa préconisation principale est simple – je n’ose pas dire simpliste ! –, à savoir réduire la fiscalité pesant sur l’aviation, c'est-à-dire les taxes et redevances aéroportuaires, la TVA sur le transport domestique et les charges sociales. L’objectif est de lutter contre le déclin de nos compagnies nationales, dans un contexte où le trafic aérien français connaît une évolution constante, en augmentation de 2, 7 % en 2012 et de 2, 3 % en 2013.

Si la question de la concurrence entre les compagnies est posée, l’approche retenue par ce rapport est quelque peu réductrice. En effet, pour les écologistes, s’interroger sur la transparence et la concurrence dans le transport aérien revient à poser une question plus large en vérité : le transport aérien peut-il être vertueux ? S’il faut prévoir des règles du jeu équitables dans le domaine économique, il est nécessaire également de se pencher sur les aspects social et environnemental.

En ce qui concerne l’aspect social, les abus sont nombreux, surtout de la part des compagnies low cost européennes : recours abusifs aux « faux » travailleurs indépendants dans les équipages, qui exercent en réalité leur activité dans les mêmes conditions que des salariés, pour une seule compagnie ; déclaration de fausses bases d’affectation, qui ne correspondent pas à la réalité des allers et retours des personnels navigants, pour éviter l’affiliation à des régimes de sécurité sociale plus coûteux ; certificats de détachement de travailleurs non justifiés, là encore pour bénéficier de cotisations sociales moindres.

À défaut d’une harmonisation sociale et fiscale en Europe, il est de la responsabilité de la Commission européenne d’agir comme un réel arbitre pour faire respecter le droit des salariés du secteur aérien. Comme mes collègues, je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'État, pour connaître les actions envisageables au niveau européen.

Le côté environnemental – vous ne serez pas étonné que je l’aborde ! – est tout aussi fondamental. En effet, l’avion, c’est 105 kilogrammes d’équivalent carbone par personne transportée pour 100 kilomètres parcourus, contre 70 kilogrammes pour la voiture et seulement 10 kilogrammes pour le train, ce qui en fait le moyen de transport collectif le plus polluant, toutes catégories confondues. Nous devons donc trouver des solutions !

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je prendrai l’exemple de la pollution due au roulage, c’est-à-dire aux manœuvres au sol des avions : pour le seul aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, elle est équivalente à la pollution de tout le périphérique parisien, soit 300 000 tonnes de CO2 par an. Pour y remédier, Safran, fleuron français de l’aéronautique, développe des moteurs électriques pour les roues des avions long-courriers, ce qui supprime toute pollution. Il faut généraliser cette pratique.

En conclusion, nous devons agir pour instaurer des règles sociales et environnementales, faire respecter le droit des personnels navigants, développer de nouvelles technologies et adapter notre législation, afin de réduire l’impact écologique du transport aérien. C'est là que se situent aujourd'hui les réels enjeux de notre politique de transport.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d’emblée saluer à mon tour la qualité du propos introductif de notre collègue Pascal Allizard. Je souscris en tout point au constat qu’il a brillamment établi.

Il y a quelques mois, la grève des pilotes d’Air France contre le projet de création d’une filiale à bas coût – j’éviterai l’anglicisme ! –, Transavia, afin de diminuer le coût du travail et, donc, de baisser le prix du billet, a fait la une de l’actualité. Les véritables enjeux de cette grève n’ont pas été clairement et objectivement expliqués à l’opinion publique ; ils ont même été parfois caricaturés. Selon l’adage, « quand le savant désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. »

Les prix bas séduisent évidemment les clients potentiels, mais il faut examiner les effets macroéconomiques de cette évolution dans la durée, notamment sur les normes fiscales et sociales, comme l’ont souligné les orateurs précédents.

Le ciel européen est devenu le cimetière des grandes compagnies aériennes nationales, et pas des moindres ; je pense notamment à Swissair, KLM, Alitalia et Iberia.

Le secteur du transport aérien a été complètement déstabilisé au cours des deux dernières décennies. C'est dire si le débat proposé par nos collègues de l’UMP est tout à fait pertinent. Il y a effectivement lieu de demander la transparence absolue sur les enjeux du transport aérien.

Aujourd’hui, en Europe, seuls la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont réussi à conserver leur compagnie historique. C’est d’ailleurs sur ce constat que s’ouvre le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui s’interroge sur la viabilité des compagnies aériennes européennes.

Si les rapports de forces internationaux ont un impact réel sur ce secteur sensible à l’évolution des prix des hydrocarbures, cela ne profite pas aux compagnies européennes, car leur situation s’explique avant tout par une politique de libéralisation hasardeuse et une application souvent biaisée de la notion de concurrence. Ainsi, la déréglementation européenne n’a pas pris en compte l’équité de la concurrence, la capacité financière des entreprises entrantes et la preuve de leur honorabilité, même si la directive de 2008 du Parlement européen et du Conseil essayait d’y remédier.

Le moyen-courrier intracommunautaire est aujourd’hui partagé entre les compagnies généralistes et les compagnies à bas coût, les compagnies charters ayant pratiquement disparu. En effet, le cadre réglementaire européen libéralisé a permis l’émergence de nouveaux acteurs très efficaces, jouant des avantages offerts par le manque d’harmonisation fiscale et sociale au sein de l’Europe, mais aussi de la possibilité, sans aucun souci d’aménagement du territoire, de choisir les lignes à exploiter et de fixer leurs tarifs.

À cet égard, les conclusions de la mission d’information sur le dumping social dans les transports sont sans appel. Le transport aérien, qui a été le premier touché par les politiques de déréglementation mises en place en Europe, a aussi été un laboratoire en matière d’optimisation sociale et de fraude : recours à de faux travailleurs indépendants, contrats de travail établis dans des pays dits « à bas coûts », sociétés boîtes aux lettres, etc. L’absence de lieu de travail fixe et la relative imprécision des normes européennes ont longtemps favorisé ces pratiques.

Ainsi, le succès économique des compagnies à bas coût repose sur une réduction drastique de la plupart des coûts, en particulier des charges de personnel. Ces entreprises sont à la pointe des techniques d’optimisation sociale, contournant le droit européen, voire y dérogeant.

Dans un contexte de concurrence exacerbée, ces pratiques tendent désormais à être mises en œuvre au sein de certaines filiales de grands groupes. Par exemple, afin de contourner la notion de base d’affectation, certaines sociétés ont généralisé le recrutement de faux travailleurs indépendants pour composer leurs équipages. Ce statut permet à l’exploitant de s’exonérer des charges sociales et patronales, les compagnies n’apparaissant plus comme employeurs de leurs propres pilotes ou équipages de cabine.

Et ce n’est qu’un exemple ! Les auteurs du rapport d’information établi au nom de la commission des affaires européennes se sont également penchés sur les salaires scandaleusement bas, les conditions de travail, voire le travail dissimulé, qui mettent la sécurité des personnels et des voyageurs réellement en danger.

Si la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne tend, depuis 2011, à garantir une meilleure protection aux travailleurs concernés, il reste que le manque de concurrence loyale fragilise singulièrement les compagnies nationales. Il convient désormais de veiller à mieux évaluer les conséquences sociales des textes européens visant à créer un marché unique des transports, car le dumping social et fiscal constitue bien la première faiblesse du secteur, au niveau intracommunautaire.

Sur les marchés long-courriers, la présence des compagnies européennes et françaises se trouve, elle, menacée par les grandes compagnies émergentes d’Asie et du Moyen-Orient. Le cas de Dubaï vient d’être cité.

Comme le souligne justement dans son rapport, remis au Premier ministre à l’automne dernier, notre collègue député Bruno Le Roux, le transport aérien reste, malgré la mondialisation, l’activité porte-drapeau d’un pays. C’est un véritable multiplicateur d’emplois, en particulier au niveau des plateformes aéroportuaires. On estime qu’une augmentation du nombre de passagers d’un million de personnes permet de créer 4 000 emplois, dont 1 000 emplois directs. Ce n’est pas rien !

Bien sûr, les questions des hubs aériens, des redevances aéroportuaires, des aides d’État en soutien à ce secteur et aux compagnies nationales, de la volonté européenne de continuer à ouvrir le ciel européen devront aussi être abordées.

Pour ces raisons, et au regard des forts enjeux évoqués ici par les uns et les autres, nous saluons la création de ce groupe de travail, auquel nous prendrons une part active. Peut-être y aurait-il d’ailleurs lieu d’envisager dès maintenant une suite à ce groupe de travail, sous la forme d’une nouvelle mission d’information ou d’une commission d’enquête. Pour notre part, nous en sommes demandeurs !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré les difficultés traversées par le secteur du transport aérien depuis plusieurs années, le poids économique de ce secteur en France est suffisamment important pour que l’on s’interroge sur les défis de compétitivité auxquels il est confronté.

En effet, le transport aérien, en englobant les compagnies, les aéroports et les services de navigation aérienne, représente un million d’emplois, dont environ 300 000 emplois directs. Au cours des dernières décennies, le secteur a connu des mutations importantes, notamment sur le plan technologique, lui permettant de répondre à la hausse continue du trafic de passagers.

Les grandes compagnies européennes se sont inscrites dans ce mouvement. Comme vous le savez, mes chers collègues, des compagnies comme Air France-KLM, British Airways ou encore Lufthansa ont amélioré leur offre pour faire face à la concurrence, en nouant des alliances ou en constituant de grandes plateformes de redistribution du trafic, les hubs.

Bien que ces grandes compagnies européennes, dites « de pavillon », aient consenti des investissements considérables, elles sont néanmoins de plus en plus fragilisées. Sur les petits trajets, elles doivent faire face à la concurrence féroce des compagnies à bas coût, les fameuses compagnies low cost, mais elles sont aussi confrontées, désormais, à l’offensive des compagnies du Golfe sur les vols long-courriers.

Ces difficultés sont régulièrement soulignées dans des rapports aux titres parfois très explicites, à l’image de celui du Commissariat général à la stratégie et à la prospective remis au Premier ministre en 2013 et intitulé Les Compagnies aériennes sont-elles mortelles ?

Sans engager ce très vaste débat, on peut s’interroger sur les dérives liées à ce contexte fortement concurrentiel, qui contribuent à une certaine opacité des règles du marché. Je pense par exemple à la question, déjà évoquée, du dumping social. Des compagnies désormais bien identifiées élaborent sans cesse des stratégies pour minimiser le coût de la main-d’œuvre et contourner les règles sociales.

La France a depuis longtemps mis en avant la notion de « base d’affectation », considérant que les personnels navigants des compagnies aériennes sont rattachés au régime de sécurité sociale de l’État au sein duquel se trouve leur base d’affectation, soit le lieu où ils commencent et terminent leur service. L’Europe a fini par reconnaître ce principe, et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne l’a confirmé.

Toutefois, depuis lors, pour échapper à cette réglementation, des compagnies pratiquent de faux détachements ou recrutent des travailleurs indépendants par le biais de filières complexes, faisant intervenir des sociétés d’intérim et des cabinets d’experts-comptables pour brouiller les pistes.

Je n’oublie pas, bien sûr, les stratégies d’optimisation fiscale, tendant à minorer le bénéfice des compagnies qui les mettent en œuvre. Certaines encaissent les aides publiques, tandis que leurs flottes sont gérées par des entreprises installées dans les paradis fiscaux, parfois très proches de chez nous. Et ce ne sont que quelques exemples des montages peu scrupuleux de compagnies qui, certes, proposent des tarifs compétitifs aux consommateurs, mais qui le font au mépris du droit du travail et des règles de la concurrence.

Un autre sujet important a été évoqué par plusieurs de mes collègues. Il s’agit des larges subventions accordées par les États du Golfe à leurs compagnies nationales.

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que le gouvernement français refuse d’attribuer des droits de trafic supplémentaires aux compagnies du Golfe tant que n’auront pas été établies des conditions de concurrence équitables et davantage de transparence financière. Je sais aussi qu’un dialogue européen est engagé sur ce dossier. J’espère que nous pourrons avancer, d’autant qu’il semble impossible d’occulter plus longtemps la position des aéroports français, qui se satisfont, de leur côté, du positionnement régional des compagnies du Golfe.

Enfin, je souhaitais évoquer un dernier sujet : la transparence due également aux consommateurs, puisqu’ils achètent leurs billets. Sur ce point, beaucoup de compagnies, pour ne pas dire toutes, abusent, où qu’elles soient, de ce que l’on appelle les « prix personnalisés ».

La pratique du yield management, soit la gestion de rendement, est une arme de tarification qui a le don de compliquer les comparaisons pour l’acheteur. Comme vous le savez, mes chers collègues, il s’agit d’instaurer des grilles tarifaires très volatiles, dépendant par exemple du taux d’occupation de l’avion, du type de clientèle ou encore du jour de la semaine.

Le développement d’internet a offert un tremplin à ces prix personnalisés. Si certains consommateurs peuvent s’y retrouver, disons clairement que c’est un moyen pour l’entreprise d’évaluer au plus près la « disponibilité à payer » du client.

Cette évolution du prix unique vers des prix individualisés pose donc une question de transparence. Dans ce système, le client perd un peu le fil de l’information sur son prix, ce qui peut in fine aboutir à renforcer des positions dominantes en faussant les règles de concurrence au niveau de l’achat de billets.

C’est pourquoi, si je souscris naturellement aux principes consistant à protéger les compagnies les plus vertueuses en matière de droit du travail ou de posture fiscale, il est souhaitable de demander à ces mêmes compagnies d’offrir, elles aussi, des garanties de transparence quant à la formation de leurs prix pour les consommateurs.

Puisqu’il est question de transparence, incitons également les aiguilleurs du ciel à pratiquer cette transparence. Ainsi, les arrêts de travail qui ne sont rien d’autre que des grèves perlées ne doivent pas être masqués par des avaries techniques ou des aléas climatiques. Le consommateur est en droit de savoir ce qui se passe dans une tour de contrôle. Ce n’est pourtant pas le cas aujourd'hui !

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier la Haute Assemblée d’avoir organisé ce débat, tout en rejoignant les remarques formulées par plusieurs orateurs quant à la qualité de l’argumentation avancée par M. Pascal Allizard dans son intervention liminaire.

Comme vous le savez, le transport aérien a progressé de 41 % entre 2003 et 2013. Cette croissance a permis au pavillon français d’augmenter son volume de trafic, qui est passé de 61 millions à 65 millions de passagers transportés entre 2010 et 2013. Il n’en reste pas moins que cette croissance est principalement tirée par les transporteurs étrangers. La part de marché du pavillon français se dégrade donc, et cela de façon continue. Mesurée à 54, 3 % en 2003, elle est passée à 44, 8 % en 2014, avec une perte particulièrement marquée sur le trafic intérieur en métropole et sur le moyen-courrier international.

Cette dégradation, on le sait, est essentiellement imputable à un écart de compétitivité entre nos compagnies et leurs concurrents étrangers. Comme beaucoup d’entre vous l’ont souligné, ce fait est avéré s’agissant des compagnies à bas coûts, qui transportent désormais près du quart des passagers.

Toutefois, vous avez tous eu raison de souligner également la situation particulière – j’ai presque envie de dire singulière – des compagnies du Golfe, dont le trafic a progressé de plus de 70 % entre 2010 et 2013 !

Les compagnies aériennes françaises ne sont pas restées sans réaction face à ce double développement. Tous les transporteurs aériens français, conscients de la nécessité de se réformer, ont lancé des plans de restructuration et de modernisation.

Ainsi, Air France-KLM a entrepris des efforts importants, d’abord avec le plan Transform 2015, dont les mesures de réduction des coûts se sont traduites, entre autres conséquences, par des plans de départs volontaires portant sur 5 300 emplois et par un plan de transformation structurelle. Depuis le début de cette année, le plan Perform 2020 lui succède, visant une reprise de la croissance. C’est dans ce cadre que la compagnie a envisagé la création et le développement de Transavia.

Certains d’entre vous l’ont rappelé, les modalités de développement de Transavia ont donné lieu en septembre 2014 à un mouvement social très long, qui a conduit à l’abandon par la direction du groupe de l’hypothèse d’une nouvelle filiale, Transavia Europe, dont les bases délocalisées dans d’autres pays d’Europe auraient pu profiter de normes sociales inférieures aux nôtres.

Permettez-moi, à cet égard, de répondre à certains points évoqués, notamment par Michel Vaspart ; après tout, un débat de cette nature nous offre aussi l’occasion de constater des désaccords. Je crois que le groupe Air France a raison de vouloir répondre au développement du low cost par la création de Transavia France. En effet, il ne sert à rien de constater les chiffres que je viens d’énoncer et d’abandonner une partie du marché low cost. Il faut répondre aux attentes des consommateurs, car ce sont tout de même eux qui décident. La création de Transavia France me paraît donc une initiative heureuse, même si elle fut à l’origine de la grève.

En revanche, il me semble contradictoire de condamner le low cost et d’appeler de ses vœux la création de Transavia Europe. Cela reviendrait en effet à reconnaître que l’on ne peut être compétitif qu’au travers du dumping social et de l’emploi de salariés de statut portugais venant concurrencer, en Europe, les salariés de statut français.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

C'est la raison pour laquelle j’ai soutenu la direction d’Air France, parfois contre les organisations syndicales, à tout le moins celles des pilotes. Le chemin à suivre est celui de Transavia France, pas celui de Transavia Europe. La création d’une telle compagnie irait à l’encontre des propos que nous venons de tenir, même si ce débat mérite d’être approfondi.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Ce conflit social a coûté cher : 330 millions d’euros ! Et Air France-KLM n’est pas la seule compagnie concernée, car d’autres comme Corsair, Air Austral ou Air Méditerranée ont lancé des plans de restructuration visant à réduire leurs effectifs et leur réseau.

Ces réformes essentielles, qui méritent d’être soutenues, ne peuvent, à elles seules, régler la situation que vous avez tous exposée : la libéralisation toujours plus grande du ciel et ses répercussions sur les compagnies mettent en lumière des distorsions de concurrence. Cette situation nous impose une plus grande transparence en ce domaine, notamment s’agissant des lignes exposées à la concurrence internationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement rejoint vos préoccupations et s’emploie à y répondre avec détermination.

Il s’agit, tout d’abord, de contrôler les règles sociales auxquelles sont soumis les transporteurs. Vous le savez, la tentation du détournement est naturellement facilitée par le caractère international de l’activité. Ryanair, dont il a été beaucoup question ici, à juste titre, a été condamnée en octobre 2013 à payer 200 000 euros d’amende et à verser près de 8 millions d’euros de dommages et intérêts à l’URSSAF, à Pôle emploi et aux caisses de retraite, pour les raisons qui ont déjà été remarquablement exposées au cours de ce débat.

Dans d’autres cas, l’action engagée par l’État a abouti à des régularisations avant condamnation. Le Gouvernement, au travers de mon ministère, suit avec une attention particulière la question des faux indépendants, ce système qui vise à contourner ou à éviter l’application des lois sociales.

Nous ne condamnons pas le principe du low cost, qui répond à une demande des consommateurs. Les économies ont permis de faire baisser les prix des billets et de permettre à des gens qui ne le pouvaient pas auparavant d’accéder à l’avion. Néanmoins, cela ne saurait justifier le contournement de toutes les règles sociales et fiscales.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Certaines compagnies parviennent à s’en sortir en suivant un modèle, un business plan, qui est celui que je souhaite pour Transavia France. D’autres, en revanche, prospèrent en utilisant des méthodes parfaitement condamnables.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Cela dit, le respect de la concurrence n’est pas simplement lié aux questions sociales. Vous l’avez souligné au cours du débat, la question de l’émergence des compagnies du Golfe est d’une autre nature.

Les nouvelles lignes directrices de la Commission européenne concernant les aides d’État sont entrées en vigueur en 2014 ; la France y a grandement contribué. Elles doivent normalement clarifier la question de la régularité des nombreux accords, notamment ceux dits « de marketing et publicité », passés entre des aéroports et certaines compagnies.

Il n’est plus acceptable que des transporteurs soient structurellement et durablement subventionnés par des collectivités publiques, ce qui entraîne une distorsion de prix et l’éviction de transporteurs concurrents. Les aides au démarrage de nouvelles lignes doivent être limitées et encadrées dans le temps.

Ayant l’honneur de m’exprimer devant le Sénat et étant amené, de par mes fonctions, à recevoir beaucoup d’élus, je voudrais insister sur la nécessaire cohérence qu’il doit y avoir entre le discours et l’action légitime et compréhensible de ceux qui veulent défendre leur territoire, mais qui, ce faisant, répondent aux aspirations ou aux demandes de ceux qui ne vivent que de subventions publiques. Il s’agit probablement de l’honneur et, parfois, de la contradiction de l’action publique, dont je suis le témoin privilégié ; je tenais à le rappeler.

La Commission européenne a condamné en juillet 2014 des compagnies à bas coûts à rembourser à des aéroports des aides illégalement perçues. La compagnie Ryanair a notamment été condamnée à rembourser plus de 9 millions d’euros.

Le ministère des transports, soucieux d’aider les aéroports à se conformer à ces nouvelles règles, a entrepris une vaste campagne d’information et d’explication, afin que les situations litigieuses soient régularisées.

En ce qui concerne l’affichage des prix des billets, il est important que les voyageurs ne soient pas trompés lors de leurs choix par des informations incomplètes les conduisant à acheter un billet à un prix attractif, lequel, in fine, se révélerait bien plus élevé. À cet égard, les propos tenus par un certain nombre d’entre vous sont totalement justifiés.

La France dispose d’un cadre légal protecteur pour assurer l’information préalable du voyageur. Un règlement européen institue en outre des obligations d’affichage du prix définitif et la Cour de justice de l’Union européenne, cela a été souligné, vient de rendre un arrêt renforçant la protection du consommateur.

J’ajouterai un mot sur la prétendue taxe de surcharge carburant, évoquée par M. Vincent Dubois. Comme je l’ai dit hier devant l’Assemblée nationale, un mauvais débat est en train de s’installer dans l’opinion publique. Le problème est que cette taxe n’existe pas : elle n’a aucune base légale ni réglementaire ! Il s’agit d’une pure invention commerciale, réalisée par les compagnies au moment où le prix du pétrole augmentait, afin de justifier l’augmentation du prix des billets. Chaque compagnie calcule cette taxe comme elle l’entend et décide, ou non, de la faire apparaître.

Or, aujourd’hui, on s’adresse aux pouvoirs publics pour qu’ils en diminuent le montant. Il est toutefois difficile d’agir sur une taxe qui n’existe pas… Encore une fois, il s’agit uniquement d’un affichage commercial. Il n’en reste pas moins que la question de fond, celle de la répercussion de la baisse du prix du baril sur le tarif des billets, doit être posée.

J’apporterai cependant une nuance : cette baisse ne peut être automatique en raison de la politique de couverture des prix que pratiquent les compagnies aériennes. Air France, par exemple, a déjà acheté, au prix de 100 euros le baril, tarif alors en vigueur, à peu près 60 % du carburant dont elle aura besoin en 2015. Si le prix du baril était aujourd’hui à 120 euros, on féliciterait Air France. On ne peut donc critiquer cette politique de couverture.

Le consommateur devra attendre le milieu ou la fin de l’année 2015 pour voir la baisse du prix du pétrole se répercuter sur le prix des billets. En revanche, la taxe de surcharge carburant n’existe que de nom et nous ne pouvons aucunement la faire baisser.

Concernant les compagnies du Golfe, je serai très clair : plus aucun droit de trafic nouveau ne leur sera accordé par la France. Si leur trafic se développe encore, c’est en raison de droits accordés lors des négociations de 2010-2011 et de l’utilisation d’appareils de plus grande capacité, tel l’Airbus A 380.

Les chiffres que je donnais il y a quelques instants ont aussi des conséquences pour la France. Ce n’est pas rien pour un pays que de perdre, en raison d’une telle situation, sa connectivité directe avec plusieurs autres pays. Air France a déjà réduit sa desserte de l’Inde, de Hong-Kong, du Vietnam et de la Thaïlande et abandonné celle de l’Australie, des Maldives, du Sri Lanka et des Seychelles. Il n’existe plus de liaison française directe vers ces pays.

Notre connectivité s’appauvrit ! Sans réaction forte, demain, le lien avec l’Afrique et l’Asie pourrait, non pas disparaître, mais dépendre des compagnies du Golfe, lesquelles bénéficient de subventions de la part des États qui les contrôlent, d’un accès au carburant à un prix modique, d’un coût réduit d’accès aux infrastructures aéroportuaires et de conditions sociales et fiscales avantageuses.

Il ne s’agit pas simplement du problème de la France. Mon homologue allemand, Alexander Dobrindt, et moi-même – nous nous sommes entretenus de ces questions lundi dernier, ainsi que le lundi précédent, à Luxembourg – allons, par une démarche conjointe de la France et de l’Allemagne, saisir officiellement la Commission européenne dans les prochains jours. En effet, cette question ne doit plus relever uniquement d’un dialogue singulier bilatéral entre chacun des pays défendant ses intérêts nationaux et les compagnies.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Il s’agit d’une question qui est posée à la Commission, et c’est à elle qu’il appartient, en vertu du statut prévu pour de telles négociations, de relancer les discussions et de défendre les intérêts de l’Europe, afin d’arriver à un accord avec l’ensemble des pays et des compagnies du Golfe.

Notre objectif n’est pas d’instaurer du protectionnisme.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Nous voulons établir les conditions d’une concurrence transparente et équitable, mais aussi les conditions du contrôle de l’application de ces éventuels accords, ce qui n’est pas un point de détail.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

J’attache une grande importance à la réponse que donnera la Commission, et, dès le prochain conseil des ministres des transports, télécommunications et énergie, je prendrai officiellement cette position au nom de la France, avec le soutien d’un certain nombre de pays, dont l’Allemagne.

La réglementation communautaire doit aussi être renforcée. J’évoquais à l’instant la question du contrôle, mais je pense aussi à celle de la nature des investisseurs.

Certains d’entre vous, à juste titre, ont cité le cas de Nowegian Air Shuttle. Je le dis au nom du gouvernement français : face à une compagnie de ce genre, qui cumule tous les mauvais exemples que vous avez cités – faux indépendants, travailleurs ayant une résidence à Singapour, rotation des personnels, optimisation fiscale, ignorance des lois sociales –, il n’est pas aujourd’hui acceptable que ce soit les seuls États-Unis – leur préoccupation sociale n’est pas forcément dans le périmètre de la première règle – qui refusent de telles pratiques au motif qu’elles les déstabiliseraient, alors que la Commission européenne se contente de dire : « On va voir, on va examiner, il faut négocier ».

Non ! Je pense que, dans ce cas précis, la ligne rouge est franchie, et qu’il faut que la Commission le dise clairement.

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

On ne peut pas assister au démantèlement de notre marché aérien sans réagir ! Je l’ai déjà dit lors du précédent conseil transports, et je le répéterai, fort, manifestement, de votre soutien.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Naturellement, cela ne doit pas nous empêcher de poursuivre notre action en vue d’améliorer la compétitivité du transport aérien français. Certains d’entre vous ont fait référence à l’excellent rapport de Bruno Le Roux. Les propositions qu’il a formulées ne sont pas restées lettre morte, puisque, grâce à la loi de finances que vous avez récemment votée, certaines mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre.

Ainsi, après la réduction en 2012 de la taxe d’aéroport frappant les passagers en correspondance, ceux-ci seront progressivement, d’ici à 2016, totalement exonérés de la taxe sur l’aviation civile. Cette mesure, favorable aux compagnies aériennes, sera aussi un atout de compétitivité pour l’aéroport de Paris–Charles-de-Gaulle, principal hub français.

La modération des redevances aéroportuaires – la démonstration a été faite, je ne reviens pas sur les chiffres – est également une priorité et sera, je le dis, recherchée cette année dans le cadre de la négociation des contrats de régulation économique pluriannuels d’Aéroports de Paris et d’Aéroports de Lyon.

Le rapport Le Roux a souligné le décalage entre un transport aérien en cours de restructuration, dont les marges sont faibles, et la rentabilité des aéroports. Nous ne pouvons pas avoir des aéroports qui vont bien et des compagnies aériennes qui vont mal ! Nous devons donc travailler à rééquilibrer la chaîne de valeur entre les acteurs du transport aérien.

Le Gouvernement doit aussi, dans ce domaine comme dans d’autres, poursuivre les efforts engagés en matière de simplification et de lutte contre l’empilement des dispositifs réglementaires afin que ces efforts bénéficient également aux transporteurs.

Bien sûr, une question a été posée, elle est d’actualité, et je ne veux pas l’éluder : c’est celle de l’ouverture du capital de certains aéroports, qui soulève un débat démocratique légitime, notamment sur le cas de Toulouse.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

La cession d’une partie du capital détenu par l’État est cohérente avec la logique de la loi aéroportuaire de 2005. Je précise bien qu’il ne s’agit pas de privatiser l’infrastructure – celle-ci reste propriété de l’État –, mais de privatiser ou d’ouvrir le capital de la société chargée de son exploitation. C’est d’ailleurs déjà le cas pour l’exploitation de la plupart des aéroports décentralisés aux collectivités locales, qu’elles ont souvent déléguée à un concessionnaire privé. La collectivité conserve la propriété, le concessionnaire exploite l’infrastructure ; la situation sera comparable pour les aéroports qui sont propriété de l’État.

Le rôle de régulateur et de concédant de l’État prendra à l’occasion de ces évolutions du capital une importance accrue. C’est pour prendre en compte de telles évolutions que j’ai été favorable aux amendements défendus par la député Clotilde Valter, rapporteur de la commission spéciale de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, que vous examinerez bientôt, et qui visent en effet à permettre à l’État d’assurer les conditions d’exercice de sa mission de régulation.

Le texte prévoit désormais des dispositions protectrices des intérêts du service public aéroportuaire : renforcement des conditions imposées par le cahier des charges et contrôle, notamment, de la capacité des candidats au rachat à exercer la gestion d’un aéroport.

Je ne veux pas non plus écarter, parce que c’est une réalité, le problème des droits de trafic demandés par certains aéroports régionaux, et parfois par de nombreux élus : certaines voix s’élèvent pour protester auprès du Gouvernement contre le refus d’octroyer aux compagnies du Golfe des droits de trafic supplémentaires pour desservir des aéroports régionaux. J’ai dit en quoi tout cela me paraissait peu cohérent compte tenu de ce que nous avons souligné tout à l’heure.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Les aéroports régionaux peuvent développer leurs services vers de nombreuses destinations dans le monde, par exemple vers l’Europe, les États-Unis, le Canada, le Maroc ou Israël, sans aucune limitation, et vers la Chine, le Brésil, ou l’Inde, pays où il y a une quantité substantielle de droits de trafic encore disponibles.

Octroyer de nouveaux droits de trafic aux compagnies du Golfe dans les aéroports régionaux ne créerait pas de nouvelles destinations pour les voyageurs, les aéroports régionaux étant déjà très bien reliés aux hubs européens comme Paris–Charles-de-Gaulle ou Francfort qui desservent le monde entier.

Dès lors que des négociations bilatérales portant sur les droits de trafic sont engagées avec un autre État, nous proposons systématiquement la desserte des aéroports régionaux. Je souhaite qu’il continue d’en être ainsi.

Le Gouvernement joue donc pleinement son rôle de régulateur en arbitrant entre des intérêts, j’ai essayé de le montrer, parfois contradictoires, et en s’efforçant sans relâche de rechercher l’équilibre et l’intérêt général.

Dans un contexte de croissance régulière du transport aérien, les compagnies françaises disposent d’atouts, mais rencontrent aussi de sérieuses difficultés face à la concurrence étrangère grandissante.

Nous devons assurer les conditions d’une compétition loyale entre les compagnies aériennes afin que notre pavillon national ne soit pas structurellement désavantagé.

La place et l’attractivité de la France dans le monde dépendent aussi de ses liaisons aériennes. Cela impose de rester attentif à notre connectivité directe et de ne pas dépendre excessivement d’autres États pour nos liaisons avec le reste du monde.

Le débat que votre assemblée a ouvert avec raison ce matin soulève donc des enjeux à la fois sociaux, économiques, pour l’emploi, mais aussi de souveraineté nationale, et je souhaite vous dire le plaisir que j’ai eu à y participer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste ainsi que sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jackie Pierre applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous en avons terminé avec le débat sur la transparence dans le transport aérien.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.