Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le logement est en crise. Aussi loin que je remonte dans le temps, je n’ai jamais entendu autre chose que ce constat négatif. À croire que cette crise est permanente et résiste à tous les efforts politiques, juridiques et financiers qui ont été engagés dans ce secteur.
Depuis quarante ans, aucun des dispositifs en faveur du logement – défiscalisations de toute nature, subventionnements, prêts bonifiés, allocations, etc. – n’est parvenu à mettre en équation les besoins des Français et l’offre de logements adaptés aux différentes catégories d’utilisateurs.
Je n’ai pas intention de brosser aujourd’hui une étude critique et exhaustive de la question ; je veux simplement focaliser mon propos sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’accession à la propriété.
Force est de constater que la France est devenue un pays de locataires. Toutes les « mesurettes » qui se sont succédé depuis trente ans n’y ont rien changé. Au risque d’être trop brutal mais synthétique, on peut l’exprimer de la manière suivante : « Tu as de l’argent, tu es propriétaire ; tu es pauvre, tu es locataire et tu le resteras. »
La France a pourtant la chance de posséder ce levier puissant et essentiel que sont les bailleurs sociaux. J’affirme qu’ils représentent une force technique, juridique et financière capable de changer les choses. Ils ont, depuis la dernière guerre, logé ou relogé des millions de Français, mais ils n’ont pas imaginé autre chose que la location. Il est temps de leur demander de devenir le fer de lance d’un vaste mouvement en faveur de l’accession à la propriété, au service des Français qui n’ont pas osé ou pas pu s’engager dans cette démarche. Puis-je pourtant rappeler que les premières initiatives dans le domaine du logement social, dans les années 1920, étaient entièrement dédiées à l’accession à la propriété ? C’étaient des coopératives de construction.
Aujourd’hui, seulement 56 % des Français sont propriétaires. C’est le plus faible taux des pays européens, et la différence avec certains pays est parfois extrêmement marquée.
La globalité des aides dédiées à la location représente des masses financières que personne n’aurait probablement imaginées au départ puisqu’elles atteignent, voire dépassent 300 000 euros sur la durée de vie d’un couple avec deux ou trois enfants. Pour autant, cette assistance n’en fait pas toujours des habitants satisfaits, coopératifs et respectueux du bien qui leur est confié. Ils sont en souffrance et éloignés d’une solution d’accession à la propriété. C’est cela qu’il faut changer.
Des professionnels sérieux, pour certains issus du monde HLM, ont mené des études qui permettent d’attester que, dans le cadre d’un budget égal, voire inférieur au chiffre précité, il serait possible d’engager les candidats à la location dans un parcours de location-accession, à la condition bien entendu de commencer très tôt, pour en faire des propriétaires avant leur départ à la retraite, car, à cette occasion, les ressources de la plupart des Français diminuent de 30 %, quel que soit leur niveau de revenu.
Le coût d’un logement, collectif ou individuel – foncier, construction et entretien –, est identique quelle que soit sa destination, location-vente ou location. Et il n’existe aucune raison de ne pas orienter les Français les plus faibles vers un parcours d’accession. En faire des propriétaires à l’âge de la retraite, où ils n’auraient plus que l’entretien à financer, leur permettrait d’aborder cette période avec plus de sérénité. Posséder un bien transmissible ou négociable pour assumer leurs dernières années de vie dans une maison de retraite de leur choix serait un confort moral dont ils sont aujourd’hui privés.
Qui mieux que le monde des bailleurs sociaux peut engager, dans notre pays, une telle politique ? Qui mieux que les bailleurs sociaux peut sécuriser, sur l’ensemble du territoire, ce réseau technique et financier capable de gérer des comptes sur une durée de vingt à quarante ans ?
Chaque locataire-accédant doit avoir la possibilité de rester dans le logement initial ou d’en changer, en transférant l’acquis sur une nouvelle résidence, selon l’évolution de sa vie professionnelle et familiale.
Enfin, est-il normal qu’un locataire ayant assumé des loyers pendant quarante ans, même en étant aidé, soit privé de toute propriété ?
Je pense sincèrement que le temps est venu de changer les choses en engageant les bailleurs sociaux à vendre une partie de leur patrimoine aux locataires anciens et cela, à la valeur résiduelle comptable, pour tenir compte des loyers déjà versés. Un parcours personnalisé de location-accession deviendrait l’offre prioritaire pour les entrants, notamment pour les plus modestes.
Parce que le logement, l’immobilier et le monde du bâtiment sont intimement liés, une telle démarche constituerait un formidable booster d’activité. Délestés d’une partie de leur patrimoine, les bailleurs sociaux auraient la volonté et les moyens financiers de le reconstituer. Leur surface financière ne serait pas dégradée puisqu’ils resteraient juridiquement propriétaires jusqu’à la fin de la location-accession, permettant ainsi leur adossement à un support bancaire.
En conclusion, je dirai qu’il est temps de tirer un enseignement sur des habitudes et des méthodes qui n’ont donné satisfaction ni aux utilisateurs ni aux acteurs de la filière logement-construction.