Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Débat sur la politique du logement

Sylvia Pinel :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je participe à ce débat, dont je salue l’inscription à l’ordre du jour du Sénat.

Je remercie l’ensemble des orateurs pour leurs remarques et pour l’intérêt dont ils témoignent à l’égard de ce sujet majeur et essentiel pour la vie de nos concitoyens. Je tiens à souligner la qualité des interventions et l’état d’esprit particulièrement responsable dont elles témoignent.

Après les événements terribles que nous avons traversés, c’est ce qu’attendent de nous les Français. Bien sûr, nous pouvons avoir des visions, des propositions et des sensibilités différentes sur tel ou tel aspect. Mais il est nécessaire de nous mobiliser collectivement sur un tel sujet.

Il est bien entendu indispensable que la confiance revienne dans le secteur du logement. C’est pourquoi, avec le Premier ministre, nous avons pris des mesures pragmatiques, concrètes et adaptées aux différentes situations que nous connaissons et à la diversité des territoires.

Jean-Claude Lenoir ainsi que Joël Guerriau et Michel Le Scouarnec sont revenus sur les chiffres de la production de logements. Comme vous, nous sommes particulièrement inquiets de la situation du logement et de la construction en France, car ce secteur est l’un des pivots de la reprise économique. La situation de la construction et de la rénovation des logements emporte, chacun le sait, des conséquences importantes, non seulement pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, mais aussi pour la croissance et la création d’emplois en général. Elle a aussi, c’est une évidence, un impact social et humain, car il s’agit de permettre à nos concitoyens de se loger dans des conditions adaptées et dignes.

Je veux ici vous assurer que le Gouvernement poursuit avec détermination son action pour relancer le secteur de la construction, qui connaît des difficultés depuis plusieurs années.

Il est important de rappeler que la baisse de la construction a débuté en 2009. D’ailleurs, les chiffres de la construction de 2014 ne sont pas si éloignés que cela de ceux de 2009. Je souligne également que ces chiffres doivent être analysés dans le contexte économique et social que nous connaissons, mais aussi dans le cadre de la nouvelle orientation que le Gouvernement a souhaité donner à la politique du logement, en particulier en procédant à un rééquilibrage entre les territoires pour offrir des logements plus abordables là où se situent les besoins. Aujourd’hui, on construit plus de logements dans les zones tendues qu’entre 2007 et 2012. Il y a encore, cette année, près de 110 000 logements sociaux qui ont été financés, malgré la baisse globale de production de logements.

Toutes les mesures que j’ai annoncées cet été avec le Premier ministre doivent permettre au secteur de redémarrer cette année, de rétablir la confiance nécessaire des investisseurs, mais également des ménages. Cette confiance, quelques-uns d’entre vous l’ont souligné, est aussi érodée par le contexte économique actuel qui touche la France, mais également toute l’Europe.

Les mesures en vigueur depuis cet automne n’ont pas encore eu le temps de produire leurs effets ; je pense, par exemple ; au nouveau dispositif d’investissement locatif intermédiaire, à l’abattement sur les plus-values des terrains constructibles ou encore au renforcement et à l’élargissement du prêt à taux zéro. Rappelons que le délai moyen entre la délivrance du permis de construire et la mise en chantier est de huit à neuf mois.

C’est évidemment encore davantage le cas des mesures prises par le Gouvernement qui sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier de cette année. Il s’agit, notamment, de l’ouverture du dispositif d’investissement locatif aux ascendants et descendants, de l’exonération des donations de logements neufs, de l’aide aux maires bâtisseurs ou encore de l’ouverture du PTZ à la réhabilitation de l’ancien en zone rurale.

Je vous remercie, monsieur Dilain, d’avoir rappelé les mesures plus précises du plan de relance de la construction. Je vois bien, à l’occasion de ce débat, qu’il est encore nécessaire d’expliquer et de faire de la pédagogie, car ces mesures s’articulent autour de cinq priorités qui touchent l’ensemble des champs et des segments de la production du logement.

D’abord, ce plan permet de favoriser l’accession à la propriété, car – beaucoup d’entre vous l’ont signalé – c’est l’une des clés du succès de la relance de la construction.

Depuis le 1er octobre 2014, le prêt à taux zéro est renforcé et le plafond de revenus élargi pour les classes moyennes. Et depuis le 1er janvier 2015, le prêt est ouvert à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales, afin de favoriser la revitalisation des centres anciens. Notre objectif est d’augmenter ainsi de plus de 60 % le nombre de prêts à taux zéro distribués.

La deuxième priorité est la simplification des règles de construction et d’urbanisme, afin d’abaisser les coûts, de développer l’innovation et d’accélérer les projets, sans pour autant, bien entendu, réduire les exigences de qualité ni faire régresser la protection environnementale.

Soixante-dix mesures de simplification de la régulation élaborées avec les professionnels ont été annoncées en juin et décembre derniers. Beaucoup d’entre elles sont déjà opérationnelles ; les autres le deviendront à l’issue du travail réglementaire et législatif en cours. Le Conseil supérieur de la construction sera installé prochainement. Il évaluera l’impact économique de toute nouvelle règle en matière de construction.

La troisième priorité est de poursuivre le soutien de l’État à la construction de logements sociaux et de créer une nouvelle offre de logement intermédiaire en zone tendue.

Pour cela, nous avons modifié le zonage afférent au dispositif d’investissement locatif le 1er octobre 2014 et amélioré ce dispositif en augmentant sa durée, en contrepartie d’une réduction d’impôt. En outre, l’État et la Caisse des dépôts et consignations, via le groupe SNI, prendront leur part dans cet effort de construction en faveur du logement intermédiaire ; ils financeront quelque 25 000 logements dans les zones les plus tendues.

Monsieur Lenoir, le plan de relance ne s’appuie pas uniquement sur l’investissement des particuliers. Les investisseurs institutionnels, vous le savez, ont déserté le secteur du logement depuis non pas deux, mais vingt ans. Le Gouvernement s’est mobilisé afin de les ramener dans ce secteur. Leur présence est en effet essentielle pour développer une offre intermédiaire.

Le logement intermédiaire bénéficie d’une TVA réduite à 10 % et d’une exonération de taxe foncière pendant vingt ans. Le fonds Argos dédié à ces investissements a levé plus de 500 millions d'euros l’an dernier auprès des assureurs et des caisses de retraite.

Nous voulons également renforcer la mobilisation du foncier, public mais aussi privé ; c’est notre quatrième priorité.

Plusieurs d’entre vous ont souligné l’importance du travail mené par la CNAUF, la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, et par son président, Thierry Repentin ; je crois d'ailleurs que ce dernier a été auditionné par votre commission. Il a rendu son rapport il y a peu de temps et formulé un certain nombre de propositions, sur lesquelles nous travaillons. Toutefois, nous voulons aussi mobiliser le foncier privé, car il est nécessaire d’agir sur les deux leviers pour relancer la construction.

La cinquième priorité est la rénovation des logements. Plusieurs d’entre vous – François Fortassin, Claude Dilain et Michel Le Scouarnec, notamment – sont revenus sur ce point.

Un vaste plan de rénovation du parc social sur trois ans a été engagé pour mutualiser les ressources des bailleurs, à hauteur de 750 millions d'euros. Les prêts de la Caisse des dépôts et consignations ont été renforcés. Pour les particuliers, le crédit d’impôt transition énergétique a été porté à 30 % du montant total des travaux à compter du 1er septembre 2014. L’écoprêt à taux zéro a été simplifié depuis le 1er janvier 2015.

Ces deux dispositifs sont soumis à l’écoconditionnalité, afin d’assurer la qualité des travaux de rénovation. Comme l’a souligné Claude Dilain, dans le cadre du programme « Habiter mieux », quelque 45 000 projets de rénovation énergétique de propriétaires modestes soutenus par l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, seront financés en 2015.

Afin de mieux faire connaître et de diffuser ces mesures du plan de relance, nous avons entamé un tour de France de la construction, allant à la rencontre de tous les acteurs, qu’il s’agisse des acteurs institutionnels, comme les collectivités locales, des bailleurs, des promoteurs, des investisseurs ou encore des ménages. Il s’agit d’aider les personnes concernées à s’approprier ces mesures le plus rapidement possible. En effet, si nous voulons réussir à relancer la construction, il est important que tout le monde se mobilise autour de cet enjeu.

Je veux revenir plus précisément sur le foncier public. Jean-Claude Lenoir et Claude Dilain ont évoqué le travail de la CNAUF. Le dispositif de mobilisation du foncier public de l’État est aujourd'hui pleinement opérationnel. J’ai installé la commission en juillet dernier ; celle-ci a donné un véritable coup d’accélérateur à la mobilisation des terrains de l’État pour la construction de logements sociaux. Cette commission est placée au plus près des projets qu’elle a vocation à accélérer ou à débloquer en cas de difficultés ; d'ailleurs, vous m’avez souvent sollicitée au sujet de problèmes rencontrés dans vos territoires.

La CNAUF a également établi un premier bilan, qui nous permet d’améliorer le dispositif en tirant les leçons des premières opérations. Si les chiffres de la première année de mise en œuvre de la loi du 18 janvier 2013 ont été décevants, l’élan que nous avons donné au dispositif en 2014 est extrêmement positif.

Lors de ses trois premières séances, la commission a examiné quinze terrains, relevant notamment des ministères de la défense, de l’intérieur et de l’économie et des finances, ainsi que de Réseau ferré de France, ou RFF. Ses préconisations ont permis d’opérer la cession de trois terrains et de faire aboutir les négociations pour cinq autres, dont les cessions pourront être opérées d’ici à la fin du premier trimestre 2015. Par ailleurs, ont été soumises à l’arbitrage du Premier ministre deux opérations parisiennes, qui permettront la réalisation d’une centaine de logements.

La CNAUF a donc d'ores et déjà fait ses preuves dans son rôle d’accompagnement des projets. Une prochaine session se tiendra le 10 février prochain. La commission vient, je le répète, de remettre son premier bilan annuel, qui vous a été présenté. Ce rapport souligne, malgré les chiffres décevants des premiers mois, l’importance, lors des onze premières cessions, de l’effort financier de l’État, qui s’élève à 28 millions d'euros.

Pour élargir le champ d’attributions de la commission, le décret soumettant les établissements publics de santé au régime de la décote a été signé le 30 décembre dernier. La commission a également formulé des propositions opérationnelles pour améliorer les procédures de cession ; nous sommes en train de les étudier.

Nombre d’entre vous sont revenus sur l’application de la loi ALUR ; je pense notamment à Jean-Claude Lenoir, Aline Archimbaud et Joël Guerriau.

Je veux rappeler que la loi ALUR prévoyait un nombre important – 177, pour être précis – de mesures d’application que nous avons réunies en une centaine de décrets. Le Gouvernement a fait le choix de publier en priorité les décrets qui concernent les mesures dont l’impact est concret et fortement positif pour les ménages. Deux critères ont été utilisés pour fixer ces priorités : d'une part, l’impact en termes de redistribution de pouvoir d'achat aux ménages, et, d'autre part, l’amélioration et la sécurisation des relations entre bailleurs, locataires et professionnels de l’immobilier.

Je tiens à réaffirmer que le Gouvernement applique la loi ALUR avec pragmatisme. Cette mise en application se poursuit. Nombre de décrets ont été publiés en 2014. De nouveaux textes seront prêts d’ici à la fin du premier trimestre 2015. Deux tiers des décrets relatifs à la partie logement de la loi auront ainsi été pris d’ici au printemps prochain.

Plusieurs décrets importants ont d'ores et déjà été publiés : le décret relatif à la création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, le décret relatif à l’encadrement des honoraires de location, qui permet de limiter les honoraires payés par les locataires qui recourent aux services d’une agence immobilière, les premiers décrets relatifs à l’encadrement des loyers, qui ont permis à l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne de donner son agrément à l’encadrement des loyers à Paris au printemps 2015, le décret encadrant les loyers en cas de renouvellement du bail de location, enfin – Claude Dilain l’a évoqué –, le décret déclarant d’intérêt national l’opération de requalification de copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois.

Certains décrets sont actuellement examinés par le Conseil d'État et seront signés rapidement après cet examen, soit au début du printemps prochain. Je ne les cite pas tous, parce qu’ils sont particulièrement nombreux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous sont revenus sur l’encadrement des loyers. Comme l’a rappelé le Premier ministre, les conditions prévues par la loi ALUR pour encadrer les loyers ne sont pas encore remplies dans l’ensemble des zones tendues.

L’encadrement des loyers se heurte à des difficultés techniques que l’on ne peut pas sous-estimer. Le préalable requis est la mise en place d’un observatoire, qui, pour être agréé, doit récolter suffisamment de données fiables ; il s’agit de ne pas déstabiliser le marché.

Or, à l’exception de l’agglomération parisienne et de quelques autres, dont l’agglomération lilloise, les collectivités ne sont pas encore prêtes. Nous les incitons à installer un observatoire chargé de récolter des données. Nous examinerons ensuite les demandes d’agrément qui nous parviendront. L’agglomération lilloise a déposé sa demande ; celle-ci est en cours d’instruction.

Un autre point a été évoqué par plusieurs orateurs, notamment François Fortassin : la garantie universelle des loyers. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le système de sécurisation prévu par la loi ALUR doit être recentré dans un dispositif efficace et plus économe en fonds publics. Je rappelle que la caution locative pour les étudiants a été généralisée à la rentrée de 2014.

Par ailleurs, nous avons conclu avec Action logement un accord créant une garantie. Ce nouveau dispositif permettra de sécuriser les salariés entrant dans un emploi, quel que soit leur contrat de travail, y compris s’il s’agit d’une mission d’intérim. Il profitera par extension à l’ensemble des jeunes salariés de moins de trente ans. J’ai explicitement demandé que les ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative soient inclus dans la cible de cette caution solidaire.

Nous sommes convenus avec Action logement d’étudier les possibilités d’un élargissement ultérieur du dispositif aux personnes en recherche d’emploi effectuant une mobilité géographique en direction d’un bassin d’emploi situé en zone tendue. Il est enfin prévu que, en cas de nécessité de relogement de ménages locataires concernés par le dispositif en situation d’impayés et susceptibles de faire une demande sur le fondement du droit au logement opposable, ou DALO, le contingent de réservation d’Action logement puisse être mobilisé et que le relogement soit comptabilisé au titre de l’obligation DALO d’Action logement.

Plusieurs d’entre vous – Jean-Claude Lenoir et Philippe Dallier, notamment – sont revenus sur la publication du rapport d’inspection relatif à la politique du logement.

Je veux d'abord rappeler que ce document de travail avait été commandé à la fin de l’année 2013. Je précise également, puisqu’il a suscité des inquiétudes, qu’il n’exprime pas la position du Gouvernement. Notre objectif prioritaire est la relance de la construction, dans le respect de la maîtrise des dépenses publiques. Il est prématuré d’effectuer des choix sans avoir au préalable apprécié toutes les conséquences des propositions formulées dans le rapport.

Néanmoins, certaines recommandations du rapport sont d'ores et déjà mises en œuvre ; je pense notamment au renforcement de la mutualisation de la trésorerie des bailleurs sociaux, à la facilitation de l’accession sociale à la propriété dans le parc social, que nous avons actée avec le Premier ministre dans le cadre de l’Agenda HLM signé au congrès de Lyon en septembre dernier, au renforcement du prêt à taux zéro ou encore à l’expérimentation de l’encadrement des loyers, dont j’ai déjà parlé.

D’autres propositions, qui concernent des dossiers beaucoup plus lourds, complexes et difficiles, demandent encore un temps de réflexion. Il s’agit de trouver le bon équilibre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les propositions relatives aux aides personnelles au logement. Or un groupe de travail a été créé à l’Assemblée nationale, à la suite du débat budgétaire de l’automne dernier, pour étudier le problème posé par la refonte des APL accession.

À ce sujet, je crois savoir, monsieur Lenoir, qu’un groupe de travail du Sénat est en cours de réflexion sur le même sujet.

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