Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Débat sur la politique du logement

Sylvia Pinel, ministre :

C’est la raison pour laquelle, comme j’ai eu l’occasion de le dire, les deux assemblées pouvaient bien évidemment se saisir de cette question, afin de faire des propositions, lesquelles seront, elles aussi, soumises au débat que nous aurons forcément dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen des prochains textes budgétaires.

Pour revenir sur l’ensemble des propositions de ce rapport, je tiens tout de même à préciser que nous avons absolument besoin de stabilité dans cette politique, pour avoir des résultats. Aussi, je souhaite, à l’instar d’un certain nombre d’entre vous, que les mesures que nous prenons ne soient pas de nature à faire perdre la confiance qui revient progressivement dans ce domaine.

Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau de l’ensemble de ces dispositifs, mais je veux que nous avancions avec des mesures équilibrées, sans porter préjudice à la relance de la construction et de la rénovation, qui est aujourd’hui notre priorité.

Monsieur Dallier, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de favoriser une meilleure territorialisation de la politique du logement, afin de mieux agir sur les marchés locaux et sur les besoins que l’on y rencontre. Je suis d’accord avec cette proposition, et c’est d’ailleurs le sens de la démarche, que j’ai évoquée tout à l’heure, du « tour de France de la construction », lequel a pour objet de rencontrer les acteurs locaux, afin de mieux cerner les besoins et les dispositifs nécessaires. Là encore, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Plusieurs d’entre vous sont revenus sur un sujet important, à savoir la situation des personnes les plus fragiles, au moment où la Fondation Abbé Pierre vient de rendre public son rapport annuel. Je veux souligner combien je partage les préoccupations de François Fortassin, qui a rappelé que c’était un sujet essentiel de préoccupation et de mobilisation pour les élus, comme le Président de la République l’a indiqué lundi dernier aux représentants de la fondation venus lui présenter ce rapport.

Pour répondre aux inquiétudes légitimes tant de nos concitoyens les plus démunis que des acteurs de l’hébergement et du logement d’urgence, qui accomplissent un travail tout à fait remarquable, j’ai présenté le détail d’un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières.

En effet, comme l’a dit François Fortassin, il s’agit de mettre fin à la progression de ce type d’hébergement, qui s’est considérablement accélérée ces deux dernières années, alors qu’il offre des conditions de vie très dégradées pour les personnes concernées et qu’il est, par ailleurs, très coûteux pour les finances publiques.

Pour y parvenir, nous dégagerons les crédits correspondant à 10 000 nuitées sur trois ans, soit 22 millions d’euros par an, afin de créer 13 000 places dans les dispositifs alternatifs : quelque 9 000 places en intermédiation locative, ce qui devrait satisfaire Mme Aline Archambaud, qui m’a interrogée sur la mobilisation du parc privé ; quelque 2 500 places d’hébergement dans des centres conçus pour les familles ou dans des logements sociaux vacants dans les zones moins tendues ; enfin, 1 500 places en maisons relais.

En outre, quelque 6 000 demandeurs d’asile hébergés à l’hôtel se verront proposer des solutions de prise en charge adaptées dans des structures spécialisées dans l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des demandeurs d’asile. Ce dispositif s’ajoutera au précédent.

Au total, une somme de 105 millions d’euros en trois ans sera réorientée de l’hôtel vers des prises en charge alternatives mieux adaptées aux besoins des personnes hébergées. Avec l’ensemble de ces mesures, le recours à l’hébergement à l’hôtel doit devenir exceptionnel et de courte durée, d’ici à 2017.

Mme Archimbaud et M. Fortassin ont fait le lien avec la nécessité d’améliorer la prévention des expulsions des ménages. À ce sujet, j’ai annoncé mardi dernier que les procédures d’expulsion concernant les ménages reconnus prioritaires en matière de droit au logement seront suspendues tant que les préfets ne leur auront pas proposé de relogement.

Je souhaite que 2015 soit l’année d’une véritable politique de prévention des ruptures dans le logement. C’est pourquoi une charte de prévention des expulsions fera l’objet d’un décret avant la fin de la trêve hivernale. Élaborée en concertation avec l’ensemble des acteurs, elle devra notamment prévoir le traitement des impayés beaucoup plus en amont. Un pôle national de prévention des expulsions locative, qui vient d’être mis en place au sein de la DIHAL, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, sera chargé de veiller à son application et de conduire cette politique, laquelle ne peut être que globale.

Pour répondre à certains d’entre vous, notamment à Joël Guerriau, qui sont revenus sur l’application de la loi SRU, je souhaite tout d’abord réaffirmer que le Gouvernement restera ferme sur l’application des obligations fixées par l’article 55 de ce texte.

En effet, il faut en avoir conscience, il s’agit d’un véritable moteur de solidarité, qui doit permettre de recréer un équilibre social dans chaque territoire. Il est de ce point de vue essentiel que les collectivités jouent leur rôle et prennent leurs responsabilités en appliquant, de manière volontariste, les dispositions relatives à la construction de logements sociaux.

Au vu du bilan triennal actuellement en cours de finalisation, il existe encore trop, beaucoup trop, de disparités non seulement entre les territoires, mais également dans l’application des sanctions, malgré un message de fermeté passé depuis des mois. Ce n’est pas acceptable.

Nous devons utiliser pleinement toutes les possibilités offertes par la loi, et même aller plus loin s’il le faut, afin de contrecarrer les égoïsmes et favoriser la mixité sociale. Je n’hésiterai pas, pour apporter une réponse à ces situations de blocage, à mobiliser davantage et à améliorer les outils d’urbanisme à la disposition de l’État lorsque la commune est récalcitrante.

Néanmoins, monsieur Guerriau, je n’oublie pas de saluer les efforts réalisés par certaines communes, notamment la vôtre, pour rattraper leur déficit de production de logements sociaux. Je tiens à les encourager dans cette voie.

En l’espèce, je me refuse à la polémique, mais je considère que, s’il y a des élus qui agissent véritablement sur le terrain, d’autres bloquent volontairement, et de manière à l’évidence délibérée, des projets de construction de logements sociaux. D’après les remontées d’information dont je dispose, ce n’est pas le cas dans votre commune, monsieur le sénateur.

Bien sûr, comme Claude Dilain l’a rappelé, il faut favoriser la mixité sociale dans tous les territoires. Il s’agit aussi de progresser dans certains domaines où il est possible de mieux faire. Je pense, par exemple, à la transparence dans l’attribution des logements sociaux, c’est-à-dire dans le fonctionnement des commissions d’attribution du logement social, mais aussi à une réflexion sur la meilleure échelle d’attribution. Ainsi, l’intercommunalité ou la métropole peuvent apparaître comme l’échelon pertinent pour définir des orientations partagées sur ces territoires.

Vous le savez, un comité interministériel consacré à ces sujets, présidé par le Premier ministre, aura lieu au mois de mars prochain. Nous aurons l’occasion de travailler avec vous sur ses propositions.

Monsieur Dilain, vous avez aussi évoqué, comme Mme Archimbaud, la question de la rénovation énergétique des logements. À travers vous, monsieur le sénateur, qui êtes aussi président de l’ANAH, je tiens à saluer l’action et l’engagement déterminés de cet organisme pour soutenir cette politique particulièrement efficace.

Vous avez souligné l’intérêt du programme « Habiter mieux » et les efforts accomplis en termes de financement pour les propriétaires les plus modestes, ce sur quoi je ne puis que vous rejoindre. J’ajouterai que nous avons amélioré les conditions financières de l’écoprêt logement social, pour ne pas opposer parc privé et parc social.

En outre, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte tend à améliorer un certain nombre de dispositifs que j’ai déjà évoqués tout à l’heure.

Évidemment, la priorité accordée par l’ANAH à la lutte contre la précarité énergétique est particulièrement importante. À ce titre, vous le savez, je souhaite que nous puissions travailler cette année sur les copropriétés dégradées, et pas seulement les plus grandes d’entre elles. Nous devons élaborer ensemble un plan pluriannuel qui s’appliquerait aux petites villes ou aux petites agglomérations dont les centres-villes sont en perte de vitesse et se désertifient.

Monsieur Le Scouarnec, vous êtes revenu sur le financement du logement social, qui constitue pour nous une priorité et un axe politique majeur.

On ne peut pas aborder cette question uniquement par le biais des aides à la pierre. Je rappelle que l’État a fait beaucoup, dès notre arrivée au pouvoir en 2012, notamment en abaissant le taux de TVA à 5, 5 % pour la construction de logements sociaux. Par ailleurs, nous avons récemment décidé, dans le cadre de l’agenda 2015-2018, de reconduire l’exonération de la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant les vingt-cinq premières années de vie des logements sociaux.

Si l’argent produit par le logement social doit être réinvesti dans le logement social, tous les bailleurs ne sont pas aussi dynamiques que d’autres en la matière. C’est pourquoi la mutualisation des ressources entre bailleurs, qui a été renforcée dans l’agenda, permettra de mieux répartir cette manne en aidant les bailleurs sociaux les plus actifs.

Enfin, avec un taux du livret A très bas, donc des prêts de la Caisse des dépôts et consignations destinés au logement social à un coût historiquement faible, toutes les conditions financières sont aujourd’hui réunies pour dynamiser la création et la rénovation des logements sociaux.

Monsieur Le Scouarnec, vous avez insisté sur la nécessité d’innover dans la production et la construction, et je vous rejoins sur ce point.

Il s’agit d’un des axes de travail que j’ai eu l’occasion de présenter au mois de décembre dernier. J’ai ainsi lancé trois plans majeurs, mobilisant 70 millions d’euros, sur la transition numérique du bâtiment, sur la détection et l’extraction de l’amiante, qui est un sujet majeur de préoccupation, et sur la formation des entreprises à la mise en œuvre des matériaux et techniques innovants dans la rénovation.

J’ai également demandé au CSTB, le Centre scientifique et technique du bâtiment, de mettre en place un outil de mesure de l’innovation dans la filière. Ce baromètre devrait nous être présenté la semaine prochaine. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, l’innovation est un facteur d’emploi et d’attractivité des jeunes dans ce secteur.

Monsieur Mayet, il est inexact de dire que la France présente le plus bas taux de propriétaires en Europe. Notre pays a une position médiane entre, d’un côté, les pays d’Europe du Nord – Pays-Bas, Allemagne, etc. –, où la part de locataires est très supérieure, et, d’autre part, les pays d’Europe du Sud, où la propriété est prédominante, ce qui n’est pas sans poser des difficultés au regard de la mobilité des travailleurs.

Je ne vous répéterai pas ce que j’ai déjà indiqué sur le prêt à taux zéro, d’une part, dans le neuf, et, d’autre part, dans l’ancien situé dans 6 000 centres-bourgs.

Le prêt « accession sociale », quant à lui, permet à davantage de ménages modestes primoaccédants de bénéficier de la garantie publique de l’État sur leur prêt. Les plafonds de ressources ont été augmentés et alignés sur le prêt à taux zéro. C’est une mesure dont on parle peu, mais qui est importante. Du reste, nous avons également agi pour dynamiser le PSLA, le prêt social location-accession.

Monsieur Commeinhes, vous êtes revenu sur les mesures de simplification indispensables pour améliorer et relancer la construction en abaissant les coûts.

La plupart de ces actions sont aujourd’hui en vigueur, puisque 37 mesures de simplification ont d’ores et déjà été prises, les autres étant en cours de concertation avec les instances compétentes. Avec l’ensemble des professionnels, nous poursuivons ce chantier important. D’ailleurs, la Haute Assemblée sera saisie de certaines de ces dispositions concernant les procédures d’urbanisme à l’occasion de la discussion du projet de loi sur la croissance et sur l’activité, porté par Emmanuel Macron.

En résumé, je suis convaincue que c’est en agissant sur l’ensemble des leviers et des segments du logement, sans nous opposer les uns aux autres, que nous réussirons à relancer ce secteur extrêmement important pour la croissance et la création d’emplois dans notre pays et que nous pourrons aider nos concitoyens les plus modestes à obtenir un logement adapté à leur situation et à leurs besoins.

L’État a besoin de tous – bailleurs, élus locaux, investisseurs, ménages –, pour rétablir la confiance grâce à une action déterminée. Nous comptons donc sur le soutien des parlementaires pour pouvoir réussir l’année 2015, qui doit être l’année de la relance.

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