Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Débat sur la transparence dans le transport aérien

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Ryanair vient de fêter ses trente ans, avec un faste qui couronne l’envol spectaculaire de cette compagnie au cours des dix dernières années. Pendant la même décennie, les compagnies du Golfe, comme Emirates ou Qatar Airways, ont également accru leur part de marché.

Qu’est-il arrivé pendant ce temps aux compagnies aériennes traditionnelles, comme Air France, Alitalia ou Lufthansa ? Elles ont traversé de graves perturbations, puisque fusions, craintes de faillites et mouvements sociaux ont scandé l’actualité.

Il faut souligner une caractéristique fondamentale des transports aériens : l’ouverture à la concurrence dans l’espace européen est sans commune mesure avec celle qui est observée dans n’importe quelle autre forme de transport.

Certes, l’ouverture à la concurrence des transports nationaux de passagers par voie ferrée au sein des États membres de l’Union européenne se heurte à de fortes résistances. Certes, les camionneurs polonais, roumains ou bulgares sont régulièrement critiqués parce que leurs conditions de rémunération provoquent une concurrence déloyale dans le fret routier. Cependant, ni le chemin de fer ni la route n’accueillent d’opérateurs extraeuropéens. Ni les chauffeurs routiers ni les conducteurs de train ne sont officiellement domiciliés en Thaïlande. Et aucun d’entre eux n’est titulaire d’un contrat régi par le droit de Singapour !

La concurrence parmi les transporteurs aériens est donc totalement singulière. Qui plus est, les nouveaux venus dans les airs de l’Union européenne contournent à plaisir les contraintes fiscales et sociales que les opérateurs historiques persistent, eux, à respecter.

La concurrence peut être aussi asymétrique en dehors des frontières européennes qu’à l’intérieur de celles-ci. Pour obtenir des conditions loyales de concurrence, l’idéal serait bien sûr d’obtenir un accord au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Au minimum, toute action en ce domaine doit être engagée et conduite à l’échelle de l’Union européenne.

Par souci de clarté, je dresserai le constat de la situation, avant d’aborder l’action actuelle, et surtout à venir, de l’Union européenne.

Le moment est bien choisi pour y procéder, après une année riche en nouveautés : de nouvelles lignes directrices ont été formulées en février 2014 par la Commission européenne pour les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes ; le 1er octobre dernier, une série de décisions a été publiée, qui portait précisément sur les aides aux aéroports et aux compagnies aériennes ; enfin, une décision majeure pour la gestion du ciel unique européen a été prise le 7 décembre dernier par la Commission européenne, deux jours après l’annonce d’un « papier stratégique » par Mme Violeta Bulc, commissaire en charge des transports dans l’équipe de Jean-Claude Juncker.

S'agissant de la situation actuelle, le principal constat est simple : depuis dix ans, la fausse monnaie chasse la bonne. En d’autres termes, la concurrence déloyale s’impose au premier rang. Sur les grandes lignes internationales, cette concurrence est imputable à des opérateurs très généreusement subventionnés par leur pays d’origine. Sur les liaisons internes à l’Union européenne et sur certaines liaisons internationales moyen-courriers, les désormais célèbres compagnies low cost peuvent être, elles aussi, interpellées à juste titre.

Commençons par les compagnies subventionnées du Golfe. Elles sont trois, dont les principales sont Emirates et Qatar Airways ; dénommée Etihad Airways, la troisième est moins connue. Ces trois compagnies offrent 69 fréquences hebdomadaires entre la France, d’une part, Doha, Dubaï et Abu Dhabi, d’autre part.

De son côté, Air France ne propose qu’un seul vol quotidien vers le Golfe, soit sept fréquences hebdomadaires – dix fois moins que les compagnies du Golfe. Autant dire que ces liaisons avec la France sont devenues un quasi-monopole des compagnies locales. Ainsi, quelque 3 000 emplois ont été détruits dans l’Hexagone. Et nos finances sociales perdent des cotisations atteignant 50 millions d’euros, en moyenne annuelle sur vingt ans.

Si Air France avait été la seule compagnie européenne à perdre la quasi-totalité de son marché sur ces liaisons, la lucidité aurait conduit à mettre en cause son fonctionnement. Toutefois, une situation comparable préside aux liaisons entre les autres États membres de l’Union européenne et ces trois grandes villes du Golfe. Globalement, les compagnies aériennes européennes auront perdu, d’ici à 2016, quelque 32 millions de passagers.

Comment nos concurrents ont-ils obtenu un aussi brillant résultat ? La recette est simple : dans leurs États d’origine, les trois compagnies du Golfe bénéficient d’infrastructures facturées à un tarif empreint de compréhension, voire de compassion. S’y ajoute un environnement fiscal et social sans grand rapport avec les normes européennes.

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