Ainsi, Ryanair se borne à répéter ce qu’elle fait déjà pour la gestion des subventions perçues. En effet, les aides versées par des collectivités locales pour favoriser la desserte de tel petit aéroport par les aéronefs de Ryanair aboutissent dans les comptes d’une filiale dénommée Airport Marketing Services, basée à Jersey ! Avant même que des avions ne soient affrétés, l’argent obtenu à cette fin est donc en sécurité dans un paradis fiscal.
La filiale, bien évidemment, prétend qu’il s’agit non de subventions, mais du paiement d’une prestation commerciale tendant à promouvoir, via un site internet, les régions desservies par Ryanair. Il fallait oser ! Comme on pouvait s’y attendre, le coût de la promotion alléguée est tout simplement proportionnel au nombre des passagers transportés.
Face à la puissance financière des États du Golfe, face à l’imagination au pouvoir dans le monde du low cost, que fait et que fera l’Union européenne ? Cette interrogation m’amène à la dernière partie de mon propos, avec un droit qui n’a rien d’inacceptable, surtout dans la mouture de 2014, mais dont la mise en œuvre manque de détermination.
Dans le domaine qui nous occupe aujourd’hui, point de règlements ou de directives : tout découle du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui encadre les aides d’État, et des conséquences que la Commission européenne en tire. Au cours des dernières années, la Commission a fait sur ce thème deux communications, la première fois en 2005, la seconde en 2014. Par nature, ces lignes directrices ne sont soumises ni au vote du Parlement européen ni à l’approbation du Conseil. Seule éventuellement la Cour de justice de l’Union européenne pourrait se prononcer.
Rien de tel ne s’est produit jusqu’à présent. J’ajouterai que les lignes directrices adoptées en 2014, applicables depuis le 4 avril dernier, sont toutefois préférables à celles de 2005. Toutefois, l’important n’est pas là, car le véritable inconvénient du texte en vigueur de 2005 à 2014 tient précisément à ce qu’il était peu appliqué, voire pas appliqué du tout. Ainsi, la compagnie Ryanair n’a réellement pris son envol qu’après l’adoption des lignes directrices de 2005.
Comme je l’ai souligné, une série de décisions de la Commission européenne a été publiée le 1er octobre 2014. Relative aux aides consenties en 2001 à l’aéroport de Charleroi et à la compagnie Ryanair par la Région wallonne, l’affaire la plus ancienne, ayant trouvé son épilogue en 2014, avait fait l’objet d’une première enquête approfondie décidée en 2002. Celle-ci avait été prolongée en 2012, après que la première décision de la Commission eut été annulée en 2008.
Il est piquant de noter que, les lignes directrices ayant été modifiées en cours de procédure, les décisions prises il y a quatre mois se sont souvent fondées sur celles qui sont entrées en vigueur le 4 avril 2014.
Parmi les sujets compatibles avec le texte de 2005 et violant les orientations fixées en 2014, seules ont été déclarées récupérables les sommes versées à compter du 4 avril dernier… C’est un paradoxe qui ne manque pas de sel, puisque la durée excessive de la procédure a, en fait, permis d’appliquer dans des délais records le premier encadrement véritable des aides publiques aux aéroports et aux compagnies low cost !
Une vision optimiste des choses conduit à se réjouir du résultat, mais je suis circonspect, car la Commission européenne paraît singulièrement manquer de détermination dans l’affaire Norwegian Air Shuttle. Cette filiale de Norwegian Air International Limited veut ouvrir une nouvelle brèche pour que les opérateurs aériens low cost puissent s’engouffrer dans les liaisons long-courriers. De quoi s’agit-il ? Oh, d’un tout petit marché, d’un presque rien : il n’est question ici que des lignes aériennes entre le continent européen et les États-Unis !