Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, selon plusieurs études réalisées par l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI, et comme cela s’explique aisément, le tarif est le principal critère qui détermine le choix du transporteur par les passagers. Toujours selon ces études, quelque 43 % seulement des passagers estimaient avoir été clairement et pleinement informés des tarifs réellement appliqués.
Pourtant, au cours de ces dernières années, des mesures importantes ont été adoptées en vue de l’instauration de la transparence des prix pour les compagnies aériennes exerçant leur activité dans l’Union européenne.
Concurrence effrénée, environnement juridique de plus en plus favorable aux passagers : le marché du ciel, bien qu’il soit en berne ces derniers temps, suscite toujours autant les convoitises et incite à des pratiques parfois peu commerciales. Mon collègue Pascal Allizard en a relevé un certain nombre à l’instant.
Dans un arrêt très remarqué rendu le 15 janvier dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé d’imposer aux compagnies aériennes, aux agences de voyages et à tout intermédiaire vendant des billets d’avion au départ de l’Union européenne d’indiquer clairement le prix du billet qui sera payé lors de la validation de la commande.
La Cour de justice de l’Union européenne précise ainsi que « dans le cadre d’un système de réservation électronique […] le prix définitif à payer doit être précisé non seulement pour le tarif aérien sélectionné par le client, mais également pour chaque service dont le tarif est affiché ». Ces indications constituent évidemment une protection et une information indispensables pour le passager, mais, en l’état, elles demeurent encore trop faibles et insuffisamment détaillées.
Pour l’Organisation de l’aviation civile internationale, les problèmes liés à la transparence des prix comprennent plusieurs points essentiels : des renseignements inexacts ou incomplets sur les tarifs ; un manque de clarté sur la disponibilité des tarifs réduits ; des surtaxes ; des augmentations subites des tarifs, par exemple pendant les vacances ; de la publicité parfois trompeuse pour les consommateurs, grâce à l’emploi de clauses « subtiles » dans l’annonce des tarifs.
Tout cela est très facilement vérifiable en comparant les sites web de plusieurs compagnies aériennes. Nous remarquons ainsi que, pour un même trajet, les compagnies aériennes ne fournissent pas toutes une description aussi détaillée des différentes composantes du prix total du billet et du tarif aérien.
Cette situation est l’une des conséquences directes du yield management, méthode qui consiste à ajuster les tarifs en fonction des places disponibles et de la facilité à les vendre, de sorte qu’ils sont modifiés en permanence au quotidien, à l’instar de ce qui se pratique également désormais pour les hôtels... Les termes utilisés pour décrire les composantes du prix varient et ne correspondent pas toujours aux mêmes éléments. Il est difficile en conséquence pour les passagers de s’y retrouver ! Aussi, les renseignements sur les prix des billets gagneraient à être beaucoup plus clairs, exhaustifs et précis.
Certes, on le sait, les tarifs des billets d’avion sont directement liés aux fluctuations du prix du baril de pétrole, lesquelles sont régulières et parfois imprévisibles. Entre le mois de juin 2014 et le mois de janvier 2015, le prix du baril de pétrole est ainsi passé de 100 dollars à 50 dollars. À cette occasion, le Syndicat national des agents de voyages, le SNAV, avait demandé la suppression sans délai de la surcharge carburant. En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, cette taxe doit être normalement appliquée lors d’une hausse éventuelle du cours du pétrole.
Cependant, cette taxe structurelle ne reflète pas, ou plutôt ne reflète plus, l’évolution réelle du cours du pétrole ; elle prend en compte différents facteurs. Les transporteurs aériens l’ont d’ailleurs rebaptisée « surcharge transporteur ».
La non-répercussion de la baisse des cours du pétrole sur le tarif du billet d’avion peut ainsi s’expliquer par différents motifs : l’existence de contrats de couvertures carburant ; le poids des réservations anticipées ; l’amélioration des marges. Enfin, de nombreuses compagnies essaient de se refaire une santé financière, car le secteur a été très affecté par la crise économique.
Pour autant, en 2014, les prix du transport aérien en France sont restés relativement stables, avec une augmentation de 1, 1 % entre décembre 2013 et décembre 2014 selon la Direction générale de l’aviation civile.
Néanmoins, on peut se réjouir que certaines compagnies aient spontanément déclaré vouloir supprimer leur surcharge carburant en 2015 si les cours du pétrole demeuraient aussi bas. C’est par exemple le cas, je tiens à le souligner, de la compagnie Air Tahiti Nui, en Polynésie française, laquelle a ainsi décidé de réduire sa surcharge de carburant de près de 8 % après la baisse du prix du baril du pétrole.
Cette décision est d’autant plus louable que cette compagnie n’avait pas augmenté ses tarifs depuis plus de deux ans et demi, dans un contexte international, économique et structurel pourtant très contraignant, avec, par exemple, un gallon de pétrole trois fois plus cher sur Tahiti que sur Auckland, l’existence de redevances transocéaniques par l’État, ou encore des niveaux de salaires élevés par rapport aux compagnies du Golf ou de l’Asie, comme Pascal Allizard l’a rappelé.
En tant que sénateur ultramarin, je ne puis évidemment manquer d’évoquer la situation particulière de la tarification dans les départements et les territoires d’outre-mer.
Le constat est inquiétant, et il est connu, concernant notamment les hausses saisonnières. En effet, la Direction générale de l’aviation civile constate que l’augmentation la plus marquée concerne précisément les voyages aériens de la métropole vers l’outre-mer, avec près de 19 % de hausse entre novembre et décembre 2014. Cette situation n’est pas acceptable, car elle pénalise fortement les citoyens français originaires d’outre-mer.
En effet, de nombreux Ultramarins installés en métropole souhaitent retrouver leur famille et leurs racines pendant les fêtes ou les périodes de vacances scolaires, moments où le prix des billets est bien souvent hors de portée. L’outre-mer souffre ainsi beaucoup de la saisonnalité.
Pour la Polynésie française, en particulier, il s’agit d’une vraie difficulté. Les compagnies desservant Tahiti manquent cruellement de sièges et d’équipages trois mois dans l’année. Le reste du temps, elles sont en surcapacité, une situation qui se répercute directement sur le prix des billets d’avion.
Je souligne cependant les mesures prises par certaines compagnies, comme Air France, Corsair International ou Air Caraïbes pour l’outre-mer, en proposant des sièges à bas coût, des réductions en périodes creuses pour les familles les plus défavorisées, ou encore des facilités de paiement. On ne peut qu’encourager toutes les compagnies à adopter, autant que faire se peut, des mesures similaires.
Je tiens également à souligner une autre initiative prise par le conseil régional d’Île-de-France en 2013 en faveur des Franciliens touchés par le deuil d’un proche en outre-mer.
C’est ainsi une enveloppe annuelle de 50 000 euros qui sera allouée pour financer l’achat de billets d’avion pour les Ultramarins les plus démunis et touchés par un deuil en outre-mer. Le montant de cette aide financière sera de 250 euros par personne pour un vol à destination des Antilles, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de 300 euros pour la Guyane et de 350 euros pour la Réunion et les autres destinations.
J’exprimerai toutefois le regret que l’aide ne soit pas plus importante pour les territoires du Pacifique, notamment pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou bien encore Saint-Pierre-et-Miquelon, bien plus éloignés de la métropole. En effet, le coût d’un billet d’avion est nettement plus élevé pour un vol Paris-Papeete que pour un vol entre Paris et la Réunion, avec près de 700 euros de différence.
À cet égard, je partage évidemment le souhait de M. Patrick Karam, président du Conseil représentatif des Français d’outre-mer, le CREFOM, de voir cette aide se pérenniser, et surtout devenir effective pour l’ensemble des Ultramarins de l’hexagone et non pas uniquement pour les Franciliens.
Cette parenthèse sur l’outre-mer refermée, j’en viens à la conclusion de mon intervention sur la transparence dans le transport aérien.
On notera que l’ensemble des études menées aussi bien par la DGAC que par l’OACI montre clairement que le niveau de transparence en matière de tarification demeure encore insuffisant pour satisfaire aux intérêts des passagers.
Aussi, il conviendra de poursuivre nos efforts, afin d’enrichir et de consolider nos actions tout en conciliant le principe de libre concurrence et de liberté des prix avec l’exigence d’une parfaite information des passagers et des consommateurs du secteur aérien, notamment sur la tarification des billets d’avion.