Cela dit, le respect de la concurrence n’est pas simplement lié aux questions sociales. Vous l’avez souligné au cours du débat, la question de l’émergence des compagnies du Golfe est d’une autre nature.
Les nouvelles lignes directrices de la Commission européenne concernant les aides d’État sont entrées en vigueur en 2014 ; la France y a grandement contribué. Elles doivent normalement clarifier la question de la régularité des nombreux accords, notamment ceux dits « de marketing et publicité », passés entre des aéroports et certaines compagnies.
Il n’est plus acceptable que des transporteurs soient structurellement et durablement subventionnés par des collectivités publiques, ce qui entraîne une distorsion de prix et l’éviction de transporteurs concurrents. Les aides au démarrage de nouvelles lignes doivent être limitées et encadrées dans le temps.
Ayant l’honneur de m’exprimer devant le Sénat et étant amené, de par mes fonctions, à recevoir beaucoup d’élus, je voudrais insister sur la nécessaire cohérence qu’il doit y avoir entre le discours et l’action légitime et compréhensible de ceux qui veulent défendre leur territoire, mais qui, ce faisant, répondent aux aspirations ou aux demandes de ceux qui ne vivent que de subventions publiques. Il s’agit probablement de l’honneur et, parfois, de la contradiction de l’action publique, dont je suis le témoin privilégié ; je tenais à le rappeler.
La Commission européenne a condamné en juillet 2014 des compagnies à bas coûts à rembourser à des aéroports des aides illégalement perçues. La compagnie Ryanair a notamment été condamnée à rembourser plus de 9 millions d’euros.
Le ministère des transports, soucieux d’aider les aéroports à se conformer à ces nouvelles règles, a entrepris une vaste campagne d’information et d’explication, afin que les situations litigieuses soient régularisées.
En ce qui concerne l’affichage des prix des billets, il est important que les voyageurs ne soient pas trompés lors de leurs choix par des informations incomplètes les conduisant à acheter un billet à un prix attractif, lequel, in fine, se révélerait bien plus élevé. À cet égard, les propos tenus par un certain nombre d’entre vous sont totalement justifiés.
La France dispose d’un cadre légal protecteur pour assurer l’information préalable du voyageur. Un règlement européen institue en outre des obligations d’affichage du prix définitif et la Cour de justice de l’Union européenne, cela a été souligné, vient de rendre un arrêt renforçant la protection du consommateur.
J’ajouterai un mot sur la prétendue taxe de surcharge carburant, évoquée par M. Vincent Dubois. Comme je l’ai dit hier devant l’Assemblée nationale, un mauvais débat est en train de s’installer dans l’opinion publique. Le problème est que cette taxe n’existe pas : elle n’a aucune base légale ni réglementaire ! Il s’agit d’une pure invention commerciale, réalisée par les compagnies au moment où le prix du pétrole augmentait, afin de justifier l’augmentation du prix des billets. Chaque compagnie calcule cette taxe comme elle l’entend et décide, ou non, de la faire apparaître.
Or, aujourd’hui, on s’adresse aux pouvoirs publics pour qu’ils en diminuent le montant. Il est toutefois difficile d’agir sur une taxe qui n’existe pas… Encore une fois, il s’agit uniquement d’un affichage commercial. Il n’en reste pas moins que la question de fond, celle de la répercussion de la baisse du prix du baril sur le tarif des billets, doit être posée.
J’apporterai cependant une nuance : cette baisse ne peut être automatique en raison de la politique de couverture des prix que pratiquent les compagnies aériennes. Air France, par exemple, a déjà acheté, au prix de 100 euros le baril, tarif alors en vigueur, à peu près 60 % du carburant dont elle aura besoin en 2015. Si le prix du baril était aujourd’hui à 120 euros, on féliciterait Air France. On ne peut donc critiquer cette politique de couverture.
Le consommateur devra attendre le milieu ou la fin de l’année 2015 pour voir la baisse du prix du pétrole se répercuter sur le prix des billets. En revanche, la taxe de surcharge carburant n’existe que de nom et nous ne pouvons aucunement la faire baisser.
Concernant les compagnies du Golfe, je serai très clair : plus aucun droit de trafic nouveau ne leur sera accordé par la France. Si leur trafic se développe encore, c’est en raison de droits accordés lors des négociations de 2010-2011 et de l’utilisation d’appareils de plus grande capacité, tel l’Airbus A 380.
Les chiffres que je donnais il y a quelques instants ont aussi des conséquences pour la France. Ce n’est pas rien pour un pays que de perdre, en raison d’une telle situation, sa connectivité directe avec plusieurs autres pays. Air France a déjà réduit sa desserte de l’Inde, de Hong-Kong, du Vietnam et de la Thaïlande et abandonné celle de l’Australie, des Maldives, du Sri Lanka et des Seychelles. Il n’existe plus de liaison française directe vers ces pays.
Notre connectivité s’appauvrit ! Sans réaction forte, demain, le lien avec l’Afrique et l’Asie pourrait, non pas disparaître, mais dépendre des compagnies du Golfe, lesquelles bénéficient de subventions de la part des États qui les contrôlent, d’un accès au carburant à un prix modique, d’un coût réduit d’accès aux infrastructures aéroportuaires et de conditions sociales et fiscales avantageuses.
Il ne s’agit pas simplement du problème de la France. Mon homologue allemand, Alexander Dobrindt, et moi-même – nous nous sommes entretenus de ces questions lundi dernier, ainsi que le lundi précédent, à Luxembourg – allons, par une démarche conjointe de la France et de l’Allemagne, saisir officiellement la Commission européenne dans les prochains jours. En effet, cette question ne doit plus relever uniquement d’un dialogue singulier bilatéral entre chacun des pays défendant ses intérêts nationaux et les compagnies.