Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Philippe Bonnecarrère vient de présenter la position de la commission sur cette proposition de loi. Nous pouvons unanimement saluer la qualité de son travail et nous féliciter des apports significatifs que le Sénat est aujourd’hui en mesure d’apporter à ce texte adopté par l’Assemblée nationale.
L’état d’esprit qui nous a animés lors de l’examen de ce texte est conforme au souhait de la nouvelle majorité du Sénat, qui désire conduire un travail législatif de qualité avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement dans le droit fil de la lettre et de l’esprit de nos institutions. Il faut dire que le sujet qui nous occupe aujourd’hui se prête particulièrement à cette œuvre d’enrichissement. Qui plus est, depuis de nombreux mois, que ce soit avec l’ancien rapporteur de ce texte, David Assouline, ou avec Philippe Bonnecarrère, notre commission a conduit des débats nombreux, approfondis et constructifs.
À la suite du rapporteur, je me dois de rappeler que les dispositions de la proposition de loi relatives à l’Agence France-Presse sont largement issues d’une proposition de loi déposée en son temps par notre collègue Jacques Legendre, que je salue moi aussi. Quant aux mesures qui concernent la régulation des messageries de presse, elles visent à améliorer la loi de 2011, qui a fait l’objet d’un large accord.
Madame la ministre, dans cet hémicycle ne se trouvent aujourd'hui que des femmes et des hommes attachés à l’existence d’une presse forte, libre et indépendante, tous fiers de l’Agence France-Presse et déterminés à assurer son avenir.
Vous avez reconnu des points de convergence importants sur des dispositions essentielles de la proposition de loi. Je pense au fait de permettre, à l’article 7, à la presse quotidienne régionale de distribuer la presse quotidienne nationale ou au renforcement du conseil d’administration de l’AFP. Certaines dispositions proposées par le Sénat qui avaient suscité des interrogations de vos services ou de certaines parties prenantes font aujourd’hui consensus, qu’il s’agisse de l’article 1er, qui prévoit de confier à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse la responsabilité d’homologuer les barèmes des messageries, ou de la réduction à un mois du délai supplémentaire accordé à l’ARDP dans le cadre de son pouvoir de réformation.
Un accord semble donc à notre portée si chacun veut s’en donner la peine. Je vois deux conditions pour atteindre cet objectif.
En premier lieu, il faut reconnaître l’apport très important du Sénat sur la gouvernance de l’AFP. Le rapporteur a souhaité compléter le volet relatif au conseil d’administration par un volet consacré aux instances de contrôle. Sa proposition de créer une « commission de surveillance » constitue à l’évidence un progrès particulièrement nécessaire. Les syndicats ne s’y sont pas trompés, qui soutiennent sans réserve la disposition et expliquent qu’il ne saurait être question de revenir en arrière.
Le travail du rapporteur a montré que la situation de l’AFP n’était pas aussi bonne qu’on l’imaginait, notamment en raison d’une gouvernante défaillante. Tous ceux qui sont attachés à l’AFP doivent donc se retrouver pour répondre à cet enjeu. Philippe Bonnecarrère, par son écoute et sa disponibilité, a montré qu’il était prêt à prendre en compte toutes les suggestions pour améliorer encore la rédaction qui a fait l’objet d’un très large accord en commission.
En second lieu, il convient de rester dans le cadre raisonnable du périmètre de la proposition de loi et de ne pas chercher à ajouter des dispositions qui, pour intéressantes ou pertinentes qu’elles soient, soulèveraient des problèmes juridiques qui en rendraient l’adoption difficile. Je pense en particulier à la question de la protection juridique des sources des journalistes à laquelle nous sommes très attachés et qui, à ce titre, mérite d’être traitée de manière complète et approfondie dans un texte particulier. Madame la ministre, vous avez annoncé que le Président de la République confirmait l’engagement qu’un texte uniquement dédié à ce sujet soit rapidement inscrit à l’ordre du jour des travaux du Parlement ; je m’en réjouis.
J’ai aussi à l’esprit la question très sensible des annonces judiciaires et légales. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi ne refonde pas le modèle économique de la presse, notamment pour l’adapter à l’ère numérique. C’est un chantier très vaste et très complexe ; je le sais pour avoir beaucoup travaillé sur ces sujets ces deux dernières années. Dans ces conditions, modifier l’un des aspects de ce modèle ne peut avoir que des effets contre-productifs et déstabilisateurs sur l’ensemble du système, dont nous ne pouvons mesurer l’étendue des conséquences. J’en appelle donc à la raison pour que chacun mesure les limites inhérentes à l’initiative dans le cadre qui nous est imparti si nous voulons être efficaces.
Je terminerai en évoquant un sujet qui nous concerne tous et que vous avez évoqué, madame la ministre, à savoir l’amendement dit « Charb » relatif au soutien que peuvent apporter les citoyens au financement de la presse. Cette question a fait l’objet d’un long débat en commission. Très sensibilisés, l’ensemble des sénateurs ont pris position afin qu’une solution efficace et adaptée soit trouvée.
Des propositions de rédaction ont circulé, qui n’avaient pas toujours été expertisées et dont on mesure aujourd’hui les risques qu’elles présentent pour notre système d’aides à la presse. Une nouvelle proposition de rédaction est maintenant en discussion, sur laquelle nous pouvons nous accorder et à laquelle le Gouvernement semble prêt à se rallier, compte tenu de certaines précisions complémentaires. En tout état de cause, c’est bien sur l’initiative de nos collègues de la commission de la culture que ce débat aura été engagé, ce qui témoigne, là encore, de notre engagement à tous.
Compte tenu de l’importance du sujet, mes chers collègues, je crois que nous avons l’obligation de trouver le meilleur accord possible, qui respecte à la fois notre volonté d’aider la presse tout en respectant nos obligations européennes sans fragiliser l’édifice de notre dispositif d’aides à la presse. Rappelons à quel point ce secteur est à la fois précieux et fragile. C’est ce que n’ont cessé d’affirmer le rapporteur du Sénat et le rapporteur de l’Assemblée nationale, et il faut leur faire confiance.
Si nous sommes capables d’avancer ensemble sur ces deux sujets, nous serons très proches d’un accord qui montrera que la représentation nationale est unie pour aider la presse. Plus que jamais, dans ce domaine, nous avons besoin de ce message d’unité pour témoigner de notre détermination à protéger la liberté d’expression et les valeurs de notre démocratie.