Intervention de Colette Mélot

Réunion du 5 février 2015 à 15h00
Modernisation du secteur de la presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte nous rassemble aujourd’hui, au-delà de nos clivages politiques, pour légiférer sur plusieurs sujets concernant le secteur de la presse. Qu’il s’agisse de la distribution de la presse, du fonctionnement de l’Agence France-Presse ou du développement d’une offre solidaire, cette proposition de loi permet plusieurs avancées. J’exprimerai cependant quelques réserves, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, notre groupe déplore les conditions d’examen de ce texte. Du fait de l’engagement de la procédure accélérée et d’une inscription tardive à l’ordre du jour de nos travaux, notre rapporteur, comme il l’a souligné en commission, n’aura eu que trois semaines pour étudier les articles et organiser les auditions des acteurs du secteur, ce qui est bien peu au regard de la technicité des thèmes traités.

La procédure accélérée est devenue nécessaire à partir du moment où le Gouvernement a pris du retard pour mettre en conformité notre droit avec les observations de la Commission européenne en matière de concurrence, ce qui fait qu’il se trouve au pied du mur, comme cela est déjà arrivé à plusieurs reprises. Je pense notamment à un récent projet de loi dont je suis la rapporteur, qui transpose de façon très tardive des directives européennes sur les droits d’auteur et les œuvres orphelines.

Ce sont des méthodes qui ne respectent ni le Parlement ni l’ampleur des enjeux.

Sur le fond, je regrette que, face à la crise que traverse l’ensemble de la chaîne de la presse, le Gouvernement ne propose que des ajustements aux dispositifs existants, loin de la grande réforme attendue. Madame la ministre, vous avez toutefois annoncé un projet de loi à venir.

Depuis les états généraux de la presse décidés par le précédent gouvernement, qui ont dressé un état des lieux de la chaîne de la presse avec l’ensemble des professionnels, les rapports se sont succédé : érosion et vieillissement du lectorat, chute des ventes et des recettes liées à la publicité et aux annonces, déstabilisation du réseau de distribution, réduction du nombre de points de vente, manque d’adaptation au numérique... Les défis sont multiples.

Il devient urgent de réaliser une réforme globale permettant à la presse de s’adapter à de nouvelles pratiques, car les effets de la crise s’amplifient depuis 2012, avec une baisse de la vente au numéro de plus de 12 % sur l’année 2013 et de 3, 52 % entre janvier et octobre 2014, selon le rapport législatif de Michel Françaix à l’Assemblée nationale. En chiffres d’affaires, la baisse du marché a été de plus de 25 % sur la période 2009-2013.

Aussi, nous nous interrogeons sur les projets du Gouvernement en la matière et serons particulièrement attentifs à vos déclarations, madame la ministre.

Certes, cette proposition de loi ne correspond pas à l’ampleur des attentes, mais le groupe UMP la soutiendra, car elle présente plusieurs dispositions équilibrées et pragmatiques.

Le texte a été encore enrichi en commission. Je tiens à féliciter notre rapporteur de la qualité de son travail et de son écoute. Je rappelle en particulier l’importance des amendements relatifs à l’AFP visant à modifier les règles de gouvernance.

Le texte initial reprenait déjà plusieurs dispositions issues d’une proposition de loi de Jacques Legendre, déposée en 2011, mais jamais inscrite à l’ordre du jour de nos travaux. Il s’agit notamment de l’ouverture du conseil d’administration à des personnalités qualifiées pour coller davantage à la réalité de l’AFP et de la prolongation du mandat du président de l’AFP pour lui permettre de mener à bien ses projets de réforme.

Monsieur le rapporteur, vous avez demandé la présence de personnalités qualifiées pouvant « justifier d’une véritable expérience au niveau européen ou international », ce que j’approuve entièrement. Vous êtes allé bien plus loin encore : constatant la faiblesse des instances de direction, vous avez créé une véritable « commission de surveillance » à partir de la fusion du conseil supérieur et de la commission des finances, jusque-là assez démunis. Il s’agit donc d’une garantie de contre-pouvoir et de vérification des résultats d’autant plus nécessaire que l’AFP n’est pas épargnée par la crise. J’espère que les députés nous suivront sur ce point.

J’en viens à la distribution de la presse. Je pense que la proposition de loi, qui s’appuie sur le dispositif créé par la loi du 20 juillet 2011, dont Jacques Legendre est également à l’initiative, renforcera encore la régulation du secteur.

Je profite de ce sujet pour vous interroger, madame la ministre, sur le rapport Jevakhoff, du nom de son auteur, inspecteur général des finances, remis l’été dernier au Gouvernement. Ce rapport n’a pas été rendu public et rien ne permet de dire qu’il le sera, tant il semble avoir créé une certaine confusion en préconisant la fusion entre les deux messageries de presse existantes et la redéfinition de leurs missions, avec un sous-traitement de la dimension logistique. S’il est évident que le Gouvernement n’est pas prêt à suivre les mesures radicales préconisées par ce rapport, celui-ci comporte-t-il des pistes que vous pourriez suivre ?

J’évoquerai enfin les aides qui peuvent être apportées à la presse, notamment par des participations de citoyens. Trois amendements ont été déposés. Je défendrai l’un d’eux, qui tend à encourager par une défiscalisation l’aide financière qui serait apportée à des entreprises de presse par des particuliers ou des entreprises.

Comme nous le verrons tout à l’heure, nos propositions divergent quant à leur portée, puisqu’il pourrait s’agir soit de souscriptions au capital, soit de dons ou de bonifications d’emprunt. Néanmoins, ces amendements révèlent un véritable consensus pour développer ce type de soutien. L’utilité des dons à Charlie Hebdo pour soutenir le pluralisme de la presse est venue illustrer la nécessité d’encourager cette forme d’aide, et nous espérons rencontrer l’assentiment du Gouvernement.

Notre groupe apportera bien évidemment son vote à ce texte, qui va dans le bon sens. Il invite le Gouvernement à se saisir rapidement des problèmes récurrents rencontrés par la presse, car à la réflexion doit un jour succéder l’action.

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