Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui – malheureusement, dirai-je – tombe à point nommé, après les terribles événements que nous venons de connaître, même si l’origine de ce texte et les ajouts apportés par l’Assemblée nationale en décembre sont antérieurs à l’attentat survenu le 7 janvier dernier à Charlie Hebdo.
Ce texte, sur le fond, est opportun parce qu’il apporte quelques réponses à la crise de la presse écrite qui s’est accentuée ces dernières années et parce qu’il sécurise la situation de l’AFP. À petites touches, il a l’avantage de proposer des améliorations à notre système d’aides qui, à force de stratifications successives, manque de lisibilité et, surtout, de cohérence, au point de perdre souvent de vue les finalités assignées au soutien accordé à ce secteur si particulier – particulier en ce qu’il participe, au premier chef, au pluralisme de l’information et du débat public.
On peut certes s’étonner de la part belle faite dans ce texte à la question de la distribution et de la diffusion des titres. Il est bon de rappeler que, depuis la Révolution française, le législateur a toujours, et à juste titre, attaché un intérêt majeur au fait de rendre le plus large possible l’accès des citoyens à l’information. La liberté d’expression ne serait en effet que peu de chose sans une pleine liberté de circulation des idées et, donc, de la presse.
Il est, en revanche, juste de s’interroger quand on analyse le prévisionnel budgétaire pour 2015 et que l’on constate que ces aides à la diffusion représentent près des deux tiers des aides directes accordées à la presse, hors AFP. Notons, de plus, que l’attribution de ces aides, comme la plupart des autres aides, ne tient pratiquement pas compte de la nature et de l’apport informatif spécifiques de chacun des supports.
Vous l’avez compris, je n’évoquerai pas ici l’ensemble des points qui composent ce texte ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements. Pour synthétiser les choses, je dirai simplement que le groupe écologiste du Sénat considère que, globalement, ce texte constitue une avancée et, à moins que des amendements qui en altéreraient l’esprit ne soient adoptés, nous voterons en sa faveur.
Je veux plutôt profiter du temps de parole qu’il me reste pour revenir sur certains fondamentaux supposés présider à l’attribution d’aides publiques à la presse et qui, au regard de la réalité des choses, nous enjoignent de repenser prestement notre système d’aides actuel.
Pourquoi aide-t-on la presse – en l’occurrence, ici, les entreprises de presse ? Cette question est, elle aussi, légitime, car nous évoluons dans un système économique à dominante toujours plus libérale et que nous aidons, en l’espèce, des entreprises qui appartiennent toutes au secteur privé. Les aide-t-on simplement comme on aide d’autres entreprises du secteur marchand, parce qu’elles créent de l’emploi ou qu’elles sont menacées d’en perdre sous l’effet de la concurrence internationale ? C’est en partie probable, mais en partie seulement, car, lorsqu’on met en vis-à-vis le volume élevé d’aides accordées et la taille assez réduite de ce secteur en termes d’emplois ou de chiffre d’affaires, on se doute bien que ces aides relèvent de raisons qui ne sont heureusement pas strictement économiques. Non, si nous aidons la presse écrite, c’est en premier lieu au nom du pluralisme et de la diversité de l’information, qui enrichissent la vivacité du débat dans notre pays !
Voilà pour le principe ! Car, dans les faits, lorsqu’on étudie en détail, titre par titre, le global des aides perçues par chacun d’eux, il y a parfois de quoi tomber de sa chaise !