Intervention de Claude Kern

Réunion du 5 février 2015 à 15h00
Modernisation du secteur de la presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude KernClaude Kern :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’infamie qui a frappé la liberté de la presse et notre pays, les orateurs précédents s’étant exprimés sur ce sujet. Mais je m’associe à leurs propos.

Chacun le sait, la presse écrite traverse aujourd’hui une crise majeure. Effondrement des ventes, vieillissement du lectorat, diminution du nombre de points de vente, raréfaction des recettes liées à la diffusion – publicité, annonces : je n’insisterai pas sur chacun de ces maux, dont les précédents intervenants ont déjà fait état.

Si elle n’en est peut-être pas la cause première, l’émergence du numérique a bien sûr très brutalement accentué le déclin de la presse écrite. La transition de celle-ci vers le numérique lui impose une mue profonde et, pour ce faire, elle doit être accompagnée.

C’est dans cet esprit que la commission a permis au fonds « presse et pluralisme » de concourir à des actions de développement numérique et de modernisation technologique de la presse.

Mais, plus globalement, la situation actuelle pose trois questions principales très concrètes.

La première concerne les aides publiques à la presse. Faut-il les restructurer ? Dans l’affirmative, selon quels principes directeurs ?

C’est tout l’objet du rapport Cardoso, de 2010, qui a jeté un véritable pavé dans la marre, en révélant l’importance des aides directes qui placent les journaux sous perfusion publique. Dans ce rapport, quinze propositions sont formulées. Si elles étaient mises en œuvre, elles constitueraient une réforme authentiquement structurelle du secteur.

La deuxième question centrale à laquelle il faut bien répondre si l’on veut moderniser le secteur porte sur la messagerie, c’est-à-dire le système de diffusion de la presse papier. En réalité, elle est intrinsèquement liée à la première, puisque le soutien à la distribution représente l’essentiel des aides publiques à la presse, soit plus de 80 % du total des aides budgétaires prévues par la loi de finances pour 2015.

Encore une fois, cela a été dit, la principale messagerie de presse, Presstalis, ex-NMPP, se trouve dans une situation financière très difficile. Son déficit est structurel.

L’un des problèmes bien identifiés est dû au fait que le système de distribution fait coexister deux coopératives, Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse, les MLP, qui, au lieu de se compléter, se concurrencent. C’est pourquoi le rapport commandé par le Gouvernement à Alexandre Jevakhoff et Daniel Guérin préconise la fusion des deux messageries. Mais à quel prix ? Une telle fusion se traduirait en effet par de nouvelles coupes massives dans les effectifs cumulés des deux coopératives d’éditeurs. Le sujet est à ce point sensible que le rapport n’a pas été publié, comme l’a souligné Mme Mélot. De lourdes décisions devront par conséquent encore être prises.

La dernière question relative à la modernisation du secteur de la presse tient à sa régulation et à sa gouvernance.

C’est sur ce point que se concentre la proposition de loi, dont nous ne pouvons que soutenir résolument les dispositions.

Certaines mesures ne sont pas nouvelles pour le Sénat, puisqu’elles reprennent celles d’une proposition de loi de Jacques Legendre résultant elle-même des travaux de la commission.

Si le présent texte est encore plus directement issu du rapport de notre collègue député Michel Françaix, il a aussi été très substantiellement amélioré par la commission, sous la houlette de son rapporteur, Philippe Bonnecarrère, dont je tiens à saluer l’excellence du travail, ce avec d’autant plus de fierté qu’il appartient au groupe UDI-UC, au nom duquel je m’exprime aujourd’hui.

Sur le fond, la proposition de loi a deux objets principaux : réformer la régulation du système coopératif de distribution de la presse et moderniser la gouvernance de l’AFP.

Pour ce qui concerne la régulation de la distribution, nous ne pouvons que soutenir l’orientation générale du texte qui, tout en maintenant la répartition bicéphale des rôles entre le CSMP et l’ARDP, renforce les pouvoirs de cette dernière.

En particulier, l’article 1er opère la traduction législative du principe de péréquation. Son apport principal vise l’homologation des barèmes. À ce sujet, le travail de M. le rapporteur a été déterminant, puisque l’homologation des barèmes est désormais confiée à l’ARDP, et non plus au CSMP comme le prévoyait le texte initial, ce qui est beaucoup plus respectueux des impératifs de confidentialité des tarifs et des règles de concurrence.

L’article 7 permet d’envisager une réforme plus substantielle. Il ouvre la voie de la mutualisation des réseaux de distribution en donnant une base légale aux expérimentations de distribution des quotidiens nationaux par la PQR.

Quant à l’AFP, la proposition de loi n’a pas vocation à répondre aux difficultés les plus structurelles auxquelles l’Agence est aujourd’hui confrontée. Mais, en améliorant sa gouvernance, elle doit contribuer à lui donner les moyens humains et organisationnels de mieux le faire. Dans cet esprit, nous ne pouvons que nous féliciter du renforcement de l’expertise du conseil d’administration.

Là encore, M. le rapporteur a substantiellement amélioré le texte, en y faisant inscrire la précision en vertu de laquelle trois des cinq personnalités qualifiées qui intégreront le conseil d’administration pourront justifier d’une véritable expérience à l’échelon européen ou international. Cela concrétise l’objet même de la réforme.

Cependant, l’apport le plus important de la commission est à rechercher dans la structure même de la gouvernance de l’AFP. Le texte prévoit maintenant de fusionner le conseil supérieur et la commission financière en une véritable « commission de surveillance » de l’AFP. Il s’agit de constituer, au sein de l’entreprise, un réel contre-pouvoir au conseil d’administration et à son président. La nouvelle commission de surveillance contrôlera le conseil d’administration et discutera de sa stratégie. Sa création est soutenue par les actuels présidents du conseil supérieur et de la commission financière : il s’agit donc d’une mesure consensuelle, dont la mise en œuvre est une urgence à l’heure où l’AFP va devoir piloter un plan d’investissement sans précédent pour se moderniser.

En conclusion, je dirai quelques mots sur le titre III de la proposition de loi qui aborde la question du droit pour les parlementaires de visiter les lieux de privation de liberté accompagnés de journalistes. Élargir ce droit aux centres éducatifs dans le cadre du présent texte n’était pas des plus opportuns. La commission a donc bien fait de revenir sur cette disposition introduite par l’Assemblée nationale. De même, la création par la commission d’un filtre préalable – les visites nécessiteront l’accord de la commission compétente de l’assemblée à laquelle appartient le parlementaire – détermine un bon équilibre entre liberté de la presse et impératif de sécurité.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe UDI-UC soutiendront résolument cette proposition de loi.

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