Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer nos collègues de l’Assemblée des départements de France, présents dans les tribunes, qui se sont déplacés pour suivre nos débats.
Cette proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, vise à la fois à remédier en partie à la dégradation financière que connaissent une majorité de départements, mais, surtout, à garantir un financement durable des allocations de solidarité.
Ce débat est ouvert au moment où la crise économique fait sentir ses effets et où la précarité explose, mais aussi au moment où l’évolution des ressources des collectivités locales a été mise à mal par la suppression de la taxe professionnelle et par le gel de l’évolution des dotations de l’État aux collectivités.
Il s’agit bien sûr d’un problème financier important et il y a urgence à trouver rapidement une solution durable, car les solutions construites par obligation, ces dernières années, par les départements, comme la réduction des dépenses de fonctionnement, la baisse de l’investissement, le recours accru à l’emprunt, l’augmentation de la fiscalité, parfois, pour faire face au différentiel entre les recettes et les dépenses liées à leurs compétences, atteignent aujourd’hui leurs limites.
Il n’est plus possible de résoudre l’équation entre la stagnation des recettes et l’augmentation inévitable et exponentielle des besoins. Ce n’est pas l’évolution cyclique et fluctuante, selon les années, des droits de mutation, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, qui apportera une réponse définitive. Aussi, il ne faut pas s’appuyer sur ces droits de mutation pour affirmer que, désormais, tout va bien.
Ce décalage, payé par les départements et remboursé par l’État pour financer les allocations individuelles, constitue le principal obstacle à la résolution de cette équation. Il est d’autant moins admissible qu’il risque de créer des inégalités entre les habitants selon les départements. En outre, il n’est pas admissible que ce soient les contribuables locaux qui financent de plus en plus la solidarité nationale.
À côté de ce problème financier, il y a également un problème humain. La création des allocations individuelles de solidarité – le RMI-RSA, l’APA, la PCH – a permis de traiter plus dignement le processus d’exclusion et de prendre en compte les défis du vieillissement. Ces allocations ont permis de conforter notre pacte républicain. Nous pouvons tous ici, à divers titres, témoigner que la création de l’allocation personnalisée d’autonomie a permis à bien des personnes âgées d’être traitées dans des conditions dignes de nos sociétés modernes et solidaires.
La décentralisation a, par ailleurs, apporté la preuve de l’efficacité de ces dispositifs parce qu’ils ont été conçus, organisés et animés dans la proximité et gérés au plus près des gens. Il est maintenant indispensable de préciser qui, de l’État et des collectivités locales, est responsable, finance, et dans quelles conditions. Est-ce au niveau du territoire ou bien au niveau national que doit être décidé le principe d’un égal accès de chacun aux allocations individuelles de solidarité ?
Pour moi, il appartient au niveau national de garantir le droit à des personnes de vivre dignement. C’est au niveau national d’en assurer le financement intégral par des ressources nationales, reposant sur l’ensemble des revenus du travail et du capital. Il revient au département d’apporter des réponses spécifiques, diversifiées et de plus en plus complexes aux personnes les plus fragilisées. Ces réponses, ce sont la mise en œuvre de l’accueil et de l’accompagnement dans la proximité ou encore l’animation des dispositifs d’appui à l’innovation sociale et territoriale, avec des réponses adaptées au service de nos concitoyens.
C’est cette articulation entre l’engagement de l’État et l’engagement du département qu’il faut construire dans le plus pur esprit de la décentralisation. C’est ce à quoi tend cette proposition de loi.
Le rapport Jamet sur les finances du département, déjà évoqué à plusieurs reprises, réalisé à la demande du Gouvernement, l’a démontré très clairement. La dérive que constitue la montée en puissance de la part du montant des allocations individuelles de solidarité, prises en charge par les départements, est lourde de conséquences. Il y a urgence à agir et à décider et il ne faudrait pas renvoyer cette question, une fois de plus, à de nouvelles lois de finances ou à d’hypothétiques lois sur la dépendance dont on parle depuis plus de trois ans maintenant.
En 2008, l’ensemble des départements ont versé plus de 11 milliards d’euros au titre des trois allocations individuelles de solidarité. Le décalage annuel de compensation pour ces trois allocations s’établit à plus de 3, 8 milliards d’euros. Ce décalage s’est encore creusé en 2009, et devient insupportable en 2010.
Cette proposition de loi vise donc à ce que la compensation de l’État au département, contrôlée par la commission consultative sur l’évaluation des charges, soit conforme à l’objectif d’autonomie financière des collectivités territoriales.
Cette proposition de loi devrait d’ailleurs recueillir l’assentiment de tous, quels que soient les bords politiques, car tous les présidents de conseil général – même s’ils sont moins nombreux à droite – connaissent les mêmes difficultés.
Au-delà d’une préoccupation financière urgente et grave, il s’agit de construire des réponses durables dans le cadre social qui fonde notre pacte républicain et de répondre aux difficultés de nos concitoyens les plus fragiles. C’est donc une véritable question de société qui se pose à nous et que, semble-t-il, nous n’abordons pas de la même façon que vous, madame la secrétaire d’État.
Aussi, je souhaite que vous puissiez nous aider à faire avancer ce dossier primordial pour les départements, et cette proposition de loi, si elle est adoptée, devrait nous permettre d’obtenir des résultats.