Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 9 décembre 2010 à 15h00
Compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements — Rejet d'une proposition de loi deux propositions de loi identiques étant jointes à la discussion

Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État :

Au préalable, je veux vous féliciter, monsieur le rapporteur, de la qualité de votre rapport et de la précision des chiffres qui y sont contenus. Il était, en effet, tout à fait décisif de resituer ce débat et de l’engager sur des données objectives.

Vous l’avez précisé, ces propositions de loi visent, en réalité, à réformer le financement de la dépendance, car, comme votre rapport le montre très bien, c’est bien l’APA qui entraîne les dépenses les plus importantes pour les départements. D’ailleurs, son coût devrait continuer à augmenter, selon les perspectives démographiques qui ont été esquissées.

Ce débat dépasse donc la simple problématique des finances des départements et, par conséquent, les solutions préconisées par les auteurs de ces propositions de loi ne sont pas satisfaisantes à cet égard.

Monsieur Daudigny, quand vous précisez, en introduction de la présentation de ces propositions de projet de loi, que ce ne sont pas des opérations de communication, je vous entends, mais permettez-moi simplement de vous dire, en toute amitié, que cela y ressemble tout de même assez fortement ! Les propositions que vous avez formulées sont effectivement des éléments de réponse, et reconnaissons qu’il y a unanimité sur le constat, mais permettez-moi de penser qu’il n’y a pas unanimité sur les propositions.

Vous avez dressé un tableau très large, politiquement performant, mais, concrètement, la nature des propositions que vous présentez, encore une fois, n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

S’agissant du principe de libre administration des collectivités territoriales, celui-ci est respecté puisque le Gouvernement a fait le choix de procéder à une compensation du RSA similaire à celle du RMI, qui aboutit aujourd’hui à un taux de couverture de 89 %.

S’agissant de l’APA et de la PCH, nous sommes dans une logique différente. Leur création ne correspond pas à un transfert de compétences. Comme je l’expliquais tout à l’heure, si l’on intègre les ressources qui ont été transférées depuis 1984, dont les droits de mutation à titre onéreux, on aboutit à un taux de couverture qui est nettement supérieur à celui que vous avancez puisqu’il est de 70 %.

Ainsi, monsieur le sénateur, je vous rejoins sur le constat et sur le fait que l’enjeu transcende les clivages et appelle une réponse, mais le Gouvernement ne partage pas l’ensemble de vos conclusions.

D’abord, la décentralisation de ces prestations d’aide sociale ne remet pas en cause, contrairement à ce que vous prétendez, le modèle issu du Conseil national de la Résistance, qui place avant tout les bénéficiaires au centre de notre contrat social. Et la décentralisation, vous le savez bien, a justement permis, grâce à l’engagement des départements et à leur connaissance fine du tissu social, de proposer pour ces mêmes bénéficiaires un meilleur accompagnement.

Par ailleurs, le cadre juridique qui définit les obligations de l’État en matière de compensation des transferts – les extensions, la création de compétences – a été renforcé en 2003 par inscription de ces principes dans la Constitution, ce qui est un pas considérable. Ce qui a prévalu lors de l’acte I a donc été renforcé et consacré dans le cadre de l’acte II.

Remettre en cause le principe même de la décentralisation qui, comme on l’a rappelé Charles Guéné, doit responsabiliser les collectivités chargées des compétences transférées, même dans le domaine social, n’est pas opportun.

Je vous informe par ailleurs que le principe de la compensation au coût historique peut aussi être bénéfique pour les collectivités. En matière de RMI-RSA, cinq départements aujourd’hui bénéficient de compensations qui sont supérieures aux charges qu’ils supportent.

Il arrive aussi aux départements de procéder à des arbitrages qui ressemblent à des glissements. Quand on passe du RSA à la PCH, je pense notamment à la situation du handicap psychique, il arrive que ces arbitrages créent d’autres formes de déséquilibre.

S’agissant de l’APA, le reste à charge des départements, qui progresse chaque année, c’est vrai, n’est pas soutenable à terme. Le Gouvernement en a conscience ; c’est pourquoi il propose de répondre à cette difficulté dans le cadre de la réflexion plus globale qu’il va conduire en 2011 sur la réforme de la prise en charge de la dépendance. Cette approche, qui ne va pas de soi, est « impliquante » politiquement, car elle place le Gouvernement face à ses responsabilités sur ce sujet qui touche de près nos compatriotes.

Vous vous demandez, monsieur Baylet, comment l’État va financer le surcoût engendré par la réforme de la taxe professionnelle, évalué à 7 milliards d’euros. Je vous rappelle que ce surcoût est lié à l’engagement de l’État à maintenir les ressources des collectivités locales au moyen de la compensation relais. Or ces propositions de loi tendent à aggraver les dépenses de l’État de plus de 3 milliards d’euros, ce qui rend inconséquente la double approche.

Par ailleurs, vous soulignez que les ressources des collectivités ont été lourdement affectées par la conjoncture. C’est aussi le cas pour l’État, qui a perdu 20 % de ses recettes entre 2009 et 2010 et qui, pourtant, a maintenu son effort financier auprès des collectivités à hauteur de 99 milliards d’euros.

Je vous remercie, monsieur Krattinger, de votre intervention, même si le trait y a été parfois un peu forcé.

Selon vous, les présentes propositions de loi constitueraient une première étape vers la résolution des difficultés financières rencontrées par les départements.

Monsieur le sénateur, il ne me paraît pas sain de figer les choses par des dispositions législatives trop précoces et, pour tout dire, partielles. Il nous faut engager un véritable débat, approfondi, comme l’a annoncé le Président de la République. Je parle d’une discussion d’une double nature, combinant un débat fiscal, promis au printemps prochain, pour analyser les conditions d’une vaste réforme, et un débat plus large, jusqu’à l’été, sur la dépendance.

À partir de constats partagés, nous devons rechercher ensemble des solutions. Le fonds exceptionnel de soutien en faveur des départements en difficulté, actuellement en débat à l’Assemblée nationale, en est une. Je ne dis pas que c’est la panacée, mais cela fait partie des solutions ! C’est une mesure d’urgence, réaliste et concrète, face à un problème plus global, que nous allons par ailleurs aborder ensemble dans le cadre du chantier sur la dépendance.

Telle est du moins l’analyse du Gouvernement, qui prend une fois encore, je le répète, toutes ses responsabilités en la matière.

Monsieur Dallier, je vous remercie d’avoir rappelé des éléments très importants qui montrent à quel point ces propositions de loi identiques ne sont satisfaisantes ni pour l’État ni pour les départements.

Le texte est dangereux pour les départements.

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