Intervention de Laurent Collet-Billon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de M. Laurent Collet-billon délégué général pour l'armement programme 146 « équipement des forces » de la mission défense

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour vous présenter ma perception du projet de loi de finances 2014 pour la mission Défense, qui constitue la première annuité de Loi de programmation militaire que je vous ai déjà présentée. Je rappellerai simplement que, malgré un contexte budgétaire contraint, marqué par l'impératif de redressement des finances publiques, le Président de la République a personnellement choisi de maintenir un effort de défense significatif, afin de donner à la France les moyens de mettre en oeuvre un modèle d'armées ambitieux à l'horizon 2025.

Cela a été un exercice difficile et contraint.

Un exercice difficile, qui a visé à conjuguer souveraineté stratégique et souveraineté budgétaire, dans la situation économique d'aujourd'hui, a été demandé à la mission Défense.

Il a fallu ainsi trouver un équilibre financier sous fortes contraintes, un équilibre délicat entre le court terme et le moyen-long terme.

Avant de détailler le PLF 2014, il me semble important de présenter l'exécution 2013 puisqu'elle conditionne celle de l'année à venir.

S'agissant de l'exécution budgétaire et tout d'abord du programme 146, je dirai que :

- Les besoins de paiements, hors titre 2, sont estimés à environ 11,75 milliards d'euros ;

- Les ressources prévues sont aujourd'hui de 10,1 milliards d'euros en escomptant la levée des 754 millions de réserves et « surgels » et en incluant 1 milliard de ressources extrabudgétaires issues de la vente des fréquences.

- Le report de charge en fin d'année est donc évalué à 1,7 milliard d'euros en supposant que la réserve règlementaire soit effectivement levée ainsi que les « surgels », ce qui constituerait une légère amélioration du report de charge par rapport à fin 2012.

Ce report de charge représente environ 20% des 10 milliards d'euros de ressources annuelles, ce qui est une part significative.

Actuellement, un peu plus de 700 millions d'euros de de crédits 2013 sont encore gelés (dont 215 millions au titre du « surgel » et 536 au titre de la « réserve de précaution initiale »).

Si ces crédits ne sont pas débloqués, ou s'il faut financer les surcoûts OPEX, cela augmenterait fortement le report de charge et mènerait à des conditions d'exécution du budget 2014 qui seraient pénibles.

Comme en 2012, les intérêts moratoires sont bien maîtrisés avec un montant identifié à ce jour de 3,4 millions d'euros.

- Le niveau d'engagement à fin d'année est prévu à 10,7 milliards d'euros.

Pour ce qui concerne la part DGA du programme 144, pour les études amont commandées à l'industrie je dirais que :

- le niveau d'engagement à fin d'année est estimé à 732 M€, dont 53 M€ au profit du dispositif RAPID et pôles de compétitivité ;

- le niveau des paiements à fin d'année est estimé à 824 millions d'euros, dont 39 millions au profit du dispositif RAPID et pôles de compétitivité ;

- en termes de ressources, il est prévu 46 millions d'euros issus de la vente des fréquences ;

- dans ces hypothèses, le report de charges prévisionnel à fin 2013 est évalué à 75 millions d'euros.

Concernant la maîtrise des performances et tout d'abord la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, en 2012, je peux dire que l'évolution moyenne des devis à terminaison (- 0,3% pour un plafond de 1,5%) et l'évolution moyenne de délais de réalisation (+1,32 mois pour un plafond de 2 mois) des opérations d'armement ont été maîtrisées.

Sur 2013, les plafonds, inchangés par rapport à 2012, devraient aussi être tenus.

Pour ce qui est des commandes et des livraisons il faut noter :

Parmi les principales commandes de l'année :

- le lancement du programme TRANSOUM relatif aux transmissions stratégiques ;

- la commande de 34 hélicoptères NH90 TTH ;

- la commande d'un premier système de drones MALE « Reaper » ;

- la commande des équipements radios CONTACT ;

Dans la continuité de ces dernières années, les livraisons auront été nombreuses. On notera parmi les livraisons importantes de cette année :

- pour la dissuasion : la poursuite des livraisons des missiles M51 ;

- dans le domaine conventionnel :

la rénovation du 2ème Transall Gabriel ;

les premiers A400 M ;

7 hélicoptères NH90 ;

4 hélicoptères « Tigre » ;

11 RAFALE ;

83 Véhicules Blindés de Combat d'Infanterie (VBCI) ;

130 Petits Véhicules Protégés (PVP) ;

252 roquettes pour Lance-Roquettes Unitaire (LRU) ;

72 Porteurs Polyvalents Terrestres ;

4 036 équipements FELIN ;

220 armements air sol modulaires ;

2 systèmes sol-air SAMP/T et 23 missiles ASTER.

Pour ce qui est des « urgences opérations »

Le nombre de demandes traitées en procédure d'urgence opérationnelle a de nouveau été relativement faible cette année : 13 nouvelles demandes essentiellement liées à l'opération Serval pour un peu plus de 10 millions d'euros.

Ce résultat est cohérent avec l'évolution de l'engagement des armées françaises sur les théâtres extérieurs, marqué par la fin effective ou programmée des opérations en Afghanistan et en Libye puis par le début de notre intervention au Mali.

Il confirme par ailleurs le bon niveau de maturité et de flexibilité des matériels des forces quels que soient les théâtres d'opérations.

En ce qui concerne la base industrielle et technologique de défense (BITD) je dirais que l'année 2013 a été marquée par :

- le rachat de Panhard par Renault Trucks Défense,

- la poursuite de l'opération One MBDA,

- et la restructuration des divisions d'EADS par le regroupement au sein d'Airbus Defense & Space de Cassidian, Airbus Military et Astrium.

Pour ce qui est des exportations d'armement et comme le Ministre l'a présenté en septembre à l'occasion du rapport annuel au Parlement sur les exportations, les prises de commandes des entreprises de défense à l'export s'établissent à 4,8 milliards d'euros en 2012.

Il s'agit d'un fléchissement par rapport à 2011 - 6,5 milliards - qui s'explique par une diminution du socle constitué des contrats inférieurs à 200 millions d'euros.

Nos résultats l'an passé au Moyen-Orient et en Amérique latine n'ont pas été à la hauteur de nos espérances. La France maintient malgré tout son rang dans les 5 premiers exportateurs mondiaux, mais sa part de marché diminue. On observe un renforcement de la concurrence, qu'il s'agisse des Etats-Unis, des pays européens, ou de nouveaux acteurs sur le marché international comme la Chine, la Corée du sud ou la Turquie. Même si un rebond est attendu en 2013 au Moyen-Orient, les enjeux pour la France en Inde et en Asie du sud-est sont devenus incontournables pour notre industrie. En 2012, l'Asie représente 50% de nos prises de commandes et devient, en moyenne sur les 5 dernières années, le premier débouché pour l'armement français à l'export.

L'année 2013 s'annonce sensiblement meilleure dans la mesure où elle se caractérise d'ores et déjà par l'obtention de contrats majeurs, en particulier aux Emirats Arabes Unis ou en Arabie Saoudite, et des signes encourageants qui montrent une tendance au redressement du socle des contrats d'un montant inférieur à 200 millions d'euros.

Concernant les effectifs et la masse salariale, fin 2013, la DGA rejoindra le format d'effectifs d'environ 10 100 personnes et aura réalisé les réductions d'effectifs fixées par la RGPP (soit plus de 2 600).

La masse salariale de la DGA, prévue à 757 millions d'euros sera tenue à moins de 0,7% près, dont une partie est liée à des départs moindres que prévus.

J'en viens maintenant au PLF 2014. Ce PLF est la première traduction des orientations du Livre blanc de 2013 et du projet de loi de programmation militaire 2014-2019.

Grâce à 1,5 milliard d'euros de ressources exceptionnelles, les ressources 2014 du programme 146 pour l'équipement des forces sont quasiment identiques à celles de 2013, soit 9,9 milliards d'euros.

Ces ressources permettront de maintenir le report de charge à fin 2014 au niveau atteint fin 2013.

Les besoins d'engagement, dans les orientations actuelles, sont de 9,5 milliards d'euros.

Les 1,5 milliard d'euros de ressources exceptionnelles prévues pour le P 146 pour 2014 sont d'ores et déjà identifiées : elles seront issues du plan d'investissement d'avenir au bénéfice de l'excellence technologique de l'industrie de défense. Les modalités pour leur consommation sont en cours de consolidation. Dans les grandes lignes, la quasi-totalité sera consacrée au CEA, sur des volets de développement et de recherche qui restent dans l'esprit d'investissement du PIA, et au CNES sur MUSIS dans une moindre mesure.

Concernant les études amont, sur le programme 144 :

- le PLF prévoit le maintien du niveau de crédits destinés aux études amont, qui avaient été augmentés de plus de 10% entre 2012 et 2013, traduisant la priorité donnée à la recherche & technologie (R&T).

- Le niveau de ressources de 746 millions d'euros en 2014 est stable par rapport à 2013 : 749 millions.

- Il est prévu que l'année 2014 soit marquée par le lancement de la première phase du démonstrateur franco-britannique de drone de combat, à la suite des études préparatoires lancées en 2012.

- L'ampleur de ce projet se traduira par un niveau prévisionnel d'engagements sur les études amont en 2014 de plus de 800 millions d'euros, 809 pour être précis, supérieur à celui de 2013 : 732 millions.

Ces engagements recouvrent les principales commandes suivantes :

- la réalisation du MRTT ;

- l'acquisition d'un système de drone MALE ;

- la commande du 4ème sous-marin Barracuda ;

- le lancement du programme SCORPION ;

- l'acquisition d'un avion léger de reconnaissance et de renseignement (ALSA 2R) ;

- 20 torpilles lourdes ARTEMIS.

Les livraisons quant à elles :

- renforceront les capacités d'intervention avec 11 RAFALE, 4 hélicoptères « Tigre », 77 VBCI, 4 036 nouveaux équipements FELIN, 1 frégate FREMM, 13 lance-roquettes unitaires et 60 missiles Missiles De Croisière Naval (MDCN) ;

- poursuivront la montée en puissance de la défense anti-aérienne avec 1 système SAMP/T, 17 missiles ASTER ainsi que 300 missiles Mistral rénovés.

- appuieront la maîtrise de l'information avec les satellites de télécommunication franco-italien SICRAL et ATHENA, ainsi que divers systèmes d'information et de communication,

- et renforceront les capacités de projection et de mobilité avec 4 avions de transport A400M, 115 PTT et 7 hélicoptères NH90.

Pour ce qui est des effectifs et de la masse salariale, la tension sur 2014 reste forte compte tenu de la nécessité de maintenir l'ensemble des domaines de compétences à haut niveau pour répondre aux missions, à la faible efficacité des leviers de départs (IDV) et de l'environnement interne et externe au ministère qui rend certains départs hypothétiques.

En conclusion, je dirais que le projet de LPM 2014-2019 et le PLF 2014 marquent le maintien d'un effort de défense significatif malgré un contexte budgétaire contraint.

Le PLF 2014 est la première annuité de la LPM 2014-2019 et son exécution conditionnera donc le bon début de celle-ci.

En tout état de cause, la LPM prévoit une clause de revoyure fin 2015 qui permettra de vérifier la bonne adéquation entre les prévisions et la réalisation. Elle parait d'autant plus nécessaire que la réalisation des grandes hypothèses de la LPM porte sur le court voire très court terme et conditionne l'équilibre financier de la LPM dès le début de période.

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