Intervention de Alexandra de Hoop Scheffer

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 octobre 2012 : 1ère réunion
Relations transatlantiques — Audition de Mme Alexandra de Hoop scheffer directrice de german marshall fund of the united states - france

Alexandra de Hoop Scheffer, directrice du German Marshall Fund of the United States - France :

Il y a peu encore, l'amélioration des relations entre la Russie et les Etats-Unis était perçue comme un des grands succès de la politique étrangère de Barack Obama, donnant lieu à des accords stratégiques, mais qui a peiné à trouver une dynamique et les dernières élections russes rendent toute perspective d'amélioration encore plus compliquée. L'administration Obama, qui pensait avoir franchi une étape, est confrontée à un retour en arrière. Au départ, l'objectif de l'administration américaine était d'élargir la coopération avec la Russie sur plusieurs dossiers comme l'énergie, l'Afghanistan, la prolifération nucléaire, et lutte contre le terrorisme. En parallèle, Obama n'a pas insisté sur la question des droits de l'Homme ou de la démocratie en Russie.

Or, quatre ans après, il y a beaucoup plus de sujets de tension que de coopération entre les Etats-Unis et la Russie : le bouclier anti-missile, l'application de sanctions vis-à-vis de l'Iran, l'intervention en Libye et enfin le conflit en Syrie ont fortement refroidi ces tentatives de rapprochement. Tous ces évènements ont souligné de graves différences d'intérêt, mais révèlent aussi des ambitions internationales parfois opposées (comme l'avaient révélé le cas du Kosovo ou l'invasion en Géorgie dans le passé). Aujourd'hui, les relations Etats-Unis - Russie se cristallisent donc autour de ces points de désaccord et non plus autour de projets communs.

De façon générale, l'administration américaine a tendu la main à des pays comme la Chine, l'Iran ou la Russie, mais sans assurance de coopération en retour. Ce que j'appelle le « pari de la coopération » ne se traduit pas systématiquement par une réelle coopération.

Il me semble essentiel de comprendre que du fait des élections américaines, Israël, la Chine, la Russie durcissent leurs discours pour faire monter les enchères, mais le nuanceront en cas de réélection du président Obama. D'ailleurs, le recours à des frappes contre l'Iran ne fait pas consensus au sein de la classe dirigeante israélienne.

Quant à l'électorat juif, comme je l'ai souligné, son vote est avant tout motivé par les questions socio-économiques et traditionnellement démocrate, même si on peut constater qu'une proportion croissante des lobbies pro-israéliens, naguère pro-démocrates à une écrasante majorité, s'éloignent de plus en plus des orientations politiques des juifs américains. Toutefois, malgré un moindre soutien qu'en 2008, le vote juif reste en grande partie acquis au président sortant, d'autant que la vision néoconservatrice que Mitt Romney porte sur le monde, décrivant la Russie comme l'ennemi public n°1 par exemple, ne rassure pas les électeurs juifs.

Concernant la réorientation de la stratégie américaine vers l'Asie et ses implications pour l'Europe, je connais bien les travaux de cette commission sur le Livre blanc de la défense. J'ai contribué modestement, quand j'étais au Quai d'Orsay, aux travaux préparatifs portant sur l'avenir de la puissance américaine. L'idée du leadership from behind en Libye traduit très mal la réalité de la contribution américaine : sans la capacité militaire des Etats-Unis, l'Europe n'aurait jamais pu mener à bien l'opération militaire en Libye. Le moteur franco-britannique en matière de défense a certes été décisif, mais il n'est pas optimal et a rapidement montré ses fragilités. L'Allemagne ne faisait pas partie de la coalition. Comment anticiper une réponse européenne plus collective et solide ? Des interventions similaires à celle de la Libye sont difficilement envisageables sans l'aide des Etats-Unis. Washington demande à l'UE de renforcer ses capacités de défense au pire moment, alors que du fait de la crise, tous les pays réduisent leur budget de défense. Or, la crise ne doit pas servir de prétexte pour ne pas avoir une réflexion de fond sur ces sujets. Et c'est un des enjeux du Livre blanc, à savoir proposer des scénarios de coopération en cas de futures interventions comme en Libye, dans un contexte où la posture stratégique américaine a clairement changé, Obama apportant un correctif à la doctrine Powell des années 1990: les Etats-Unis n'emploieront pas leur force militaire massive lorsqu'ils rejoignent une coalition de pays pour lesquels l'enjeu stratégique de la situation et de l'intervention militaire est jugé plus important que pour Washington.

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