Intervention de Jean-Marc Pastor

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
66e session de l'assemblée générale des nations unies — Communication

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

La France a su modifier sa politique arabe, passé le premier mouvement d'errements. Elle a été avec la Grande Bretagne et le soutien remarquable et courageux du Liban, le fer de lance de l'adoption de la résolution 1973 qui a autorisé l'intervention en Libye.

Cela a déjà été dit, il s'agit d'une avancée majeure du droit international avec la première mise en pratique par le Conseil de sécurité du concept de la « responsabilité de protéger », version onusienne et différente de son prémisse, le droit d'ingérence. Dans le contexte syrien, sur lequel nous reviendrons, la Ligue arabe réfléchit en ce moment même aux moyens qu'elle pourrait recommander pour protéger les populations actuellement massacrées par un pouvoir qui a perdu toute légitimité. L'ONU constatait il y a quelques jours que la répression a fait au moins 3500 victimes.

Il est nécessaire de rappeler les trois conditions qui ont permis l'adoption de la résolution 1973 : l'urgence avec l'annonce de massacres par le pouvoir libyen du colonel Khadafi, l'appel de la Ligue arabe et l'accord, du bout des lèvres, de l'Union africaine, et enfin, la participation à la coalition d'un certain nombre d'Etats arabes.

Dans ce contexte, la Russie et la Chine, qui disposaient du droit de veto, se sont abstenues. La résolution 1973 est votée par l' Afrique du Sud (qui le regrettera par la suite), la Bosnie-Herzégovine, la Colombie, les États-Unis, la France, le Gabon, le Liban, le Nigeria, le Portugal, et le Royaume-Uni ; cinq membres s'abstiennent : l' Allemagne, le Brésil, la Chine, l' Inde, et la Russie ; aucun des membres du Conseil ne s'y oppose. C'est un moment unique et quasi miraculeux, emporté de haute lutte. Il ne se reproduira pas avant longtemps.

Première constatation l'ensemble des BRICS a manifesté ses très fortes réticences à ce qu'ils considèrent comme une ingérence dans la politique intérieure d'un Etat menée, qui plus est, par les puissances occidentales dont ils contestent de plus en plus la légitimité à agir comme un directoire mondial dont les émergents sont exclus.

Passé le vote, puis l'attitude positive de l'Assemblée générale et du Conseil des droits de l'homme qui a exclu la Libye, nous avons pu constater un certain climat d'amertume des BRICS, Afrique du Sud comprise, qui dénoncent unanimement une intervention qui aurait outrepassé, voire violé, les termes de la résolution. Ces pays considèrent qu'ils ont été trompés et en tirent les conséquences en affirmant qu'ils ne soutiendront plus d'autres résolutions sur la Syrie ou le Yémen par exemple.

Cette attitude s'inscrit dans ce que Hubert Védrine nous décrivait récemment : celui d'un affrontement avec les émergents pour un nouvel équilibre des pouvoirs. On a pu parler à l'occasion de l'affaire libyenne de premier acte de la nouvelle guerre froide qui oppose pays occidentaux et pays émergents. Cet affrontement se sent particulièrement à l'ONU.

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