Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ONU
  • iran
  • israël
  • palestinien

La réunion

Source

La commission entend le compte rendu par MM. Robert del Picchia, Robert Hue, Jean-Marc Pastor et Gilbert Roger, membres de la délégation française à la 66e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New-York, du 30 octobre au 3 novembre 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Comme chaque année, une délégation de notre commission s'est rendue aux Nations unies à l'occasion de l'Assemblée générale. Le séjour est occupé de manière dense par un ensemble de rencontres avec les ambassadeurs, représentants permanents de leurs pays auprès de l'ONU, et avec les principaux responsables de l'ONU. Le programme du séjour de notre délégation vous a été distribué.

Le très grand intérêt de ces missions consiste en la juxtaposition des analyses et des positions des différents pays ou acteurs intervenant au sein de cet outil irremplaçable du multilatéralisme qu'est l'ONU, en dépit de ses défauts et de ses faiblesses. Elles permettent aussi de juger, dans cette enceinte, de la pertinence de nos choix diplomatiques, de la façon dont ils sont perçus et donc de situer l'action de la France dans le monde.

Il convient d'emblée de rendre hommage à notre représentation à l'ONU pour le très remarquable travail qui y est effectué. L'équipe rassemblée autour de notre ambassadeur, Gérard Araud, est de premier ordre. Les personnalités que nous avons rencontrées, ambassadeurs, responsables de l'ONU, nous ont tous vanté les mérites de notre représentation permanente à l'ONU. C'est un jugement des pairs qui mérite d'être souligné.

Comme l'a très bien synthétisé M. Pierre Sellal, secrétaire général du Quai d'Orsay, la feuille de route de notre diplomatie, c'est de ne pas subir les évolutions du monde, mais en être acteur et permettre à notre pays de jouer tout son rôle face aux bouleversements en cours. C'est indéniablement ce que nous faisons à l'ONU.

La 66e session de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'est ouverte mardi 13 septembre 2011, a été placée sous le signe des évolutions dans le monde arabe, avec comme point d'orgue le traitement aux Nations unies du lancinant dossier israélo-palestinien. Ce sont les principaux thèmes que nous aborderons dans cette communication, ainsi que le rôle de l'Europe dans cette enceinte.

Rappelons néanmoins que l'Afrique reste bien évidemment une des grandes priorités de l'ONU, en particulier en matière de développement, de mise en oeuvre et de suivi des objectifs du millénaire. Ces questions ont été évoquées notamment avec la Secrétaire générale adjointe, Mme Asha-Rose Migiro, avec nos interlocuteurs du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ainsi que sous l'angle du traitement de la crise alimentaire et du rôle de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). L'actualité nous a fait également traiter des questions environnementales avec la conférence de Rio+20 en 2012 et climatiques avec la conférence de Durban qui doit se tenir dans quelques jours.

Nous avons également fait le point sur les opérations de maintien de la paix aux destinées desquelles préside notre compatriote Hervé Ladsous. Ces thèmes font l'objet de notes qui vous ont été distribuées.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Depuis bientôt un an les printemps arabes dominent les thématiques abordées à l'ONU, que ce soit à l'Assemblée générale ou au Conseil de sécurité. Cette question a été abordée lors de tous nos entretiens. Par ses conséquences et le remodelage de la carte des équilibres mondiaux, il recouvre également le conflit israélo palestinien et l'Iran.

Redisons-le, personne n'avait anticipé ces événements, que ce soit dans les diplomaties de tous les pays ou à l'ONU. Ceci est assez caractéristique du conservatisme naturel des politiques internationales, obsédées par l'idée de stabilité. Celle-ci est évidemment essentielle. Nous savons tous que la stabilité des frontières en Europe, en Afrique ou partout ailleurs est un primat diplomatique que nous devons préserver, même si cette année a vu naître un nouvel Etat en Afrique avec le Soudan du sud. Néanmoins, au nom de cette stabilité, et parce que les diplomaties ne reconnaissent que les Etats, parce que l'ONU est une assemblée d'Etats où, comme l'ont dit certains de nos interlocuteurs, le nationalisme est consubstantiel. Pour ma part je dirai plutôt que l'ONU est une organisation où les identités nationales jouent un rôle central. Quoi qu'il en soit, il est évident que nous avons attaché trop de crédit - chacun comprend que c'est un euphémisme - à des régimes qui apparaissaient comme le meilleur rempart contre l'extrémisme et contre le terrorisme. Les peuples ont démenti ce conservatisme et les politiques des Etats en ont pris acte, mais à des degrés divers que l'on mesure bien à l'ONU.

Avant de traiter de la Libye, de la question palestinienne et de l'Iran, l'impression générale de nos interlocuteurs est que, si les printemps arabes constituent une avancée démocratique importante, la phase qui s'annonce est extrêmement délicate. Tout en tenant compte de la diversité de chacun des pays, les processus électoraux et la mise en place de nouvelles institutions font entrer ces pays dans une zone très sensible. Au centre des incertitudes des six mois à venir la question de l'évolution de l'Algérie est celle de ce « ventre mou » de l'Afrique qui va de la Mauritanie au Soudan a été soulignée.

Les questions économiques seront particulièrement importantes puisqu'un effondrement économique réduirait à néant les avancées des révoltes arabes. Dans ce contexte, les aides à la reconstruction, que ce soit à travers le partenariat de Deauville, les aides bilatérales ou l'action du PNUD en matière de développement, revêtent un caractère central.

Il faut aussi nuancer le caractère « démocratique » de certains de ces mouvements, parfois qualifié de « science-fiction » par l'un de nos interlocuteurs. Il est évident que la situation en Tunisie, au Maroc ou en Jordanie n'est sans doute pas généralisable à tous les pays touchés par ces « printemps ». Les incertitudes sur les évolutions vers une certaine forme de démocratie le sont encore plus. Le phénomène est éminemment fragile, fragilité qui justifie totalement l'investissement de la communauté internationale.

Il a également été souligné que, la révolte passée, ce que recherchent les populations, c'est un minimum de stabilité et de visibilité. Les attentes de la population sont modestes et raisonnables : la reconnaissance de leur dignité, un minimum de justice sociale et une meilleure répartition des fruits de la croissance.

Interrogés sur une généralisation de la charia, nos interlocuteurs ont rappelé que celle-ci s'inspire du Coran et du comportement du Prophète, ce qui permet de l'interpréter de manière très différenciée entre les pays. Un pays comme le Maroc, par exemple, s'inspire de la charia mais sa législation est euro-compatible à 95 %, nous disait son ambassadeur à New York.

Toutefois, et en particulier s'agissant de l'Égypte, plusieurs de nos interlocuteurs se sont interrogés sur la montée en puissance des islamistes et, en l'occurrence, des frères musulmans. Ils ont souligné l'existence d'une stratégie indirecte de prise de contrôle à long terme par une infiltration progressive des institutions. Le parti Ennahda, qui a remporté 89 des 217 sièges de l'Assemblée constituante tunisienne, fera l'objet d'une attention soutenue pour la mise en oeuvre de ces engagements en faveur de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

La France a su modifier sa politique arabe, passé le premier mouvement d'errements. Elle a été avec la Grande Bretagne et le soutien remarquable et courageux du Liban, le fer de lance de l'adoption de la résolution 1973 qui a autorisé l'intervention en Libye.

Cela a déjà été dit, il s'agit d'une avancée majeure du droit international avec la première mise en pratique par le Conseil de sécurité du concept de la « responsabilité de protéger », version onusienne et différente de son prémisse, le droit d'ingérence. Dans le contexte syrien, sur lequel nous reviendrons, la Ligue arabe réfléchit en ce moment même aux moyens qu'elle pourrait recommander pour protéger les populations actuellement massacrées par un pouvoir qui a perdu toute légitimité. L'ONU constatait il y a quelques jours que la répression a fait au moins 3500 victimes.

Il est nécessaire de rappeler les trois conditions qui ont permis l'adoption de la résolution 1973 : l'urgence avec l'annonce de massacres par le pouvoir libyen du colonel Khadafi, l'appel de la Ligue arabe et l'accord, du bout des lèvres, de l'Union africaine, et enfin, la participation à la coalition d'un certain nombre d'Etats arabes.

Dans ce contexte, la Russie et la Chine, qui disposaient du droit de veto, se sont abstenues. La résolution 1973 est votée par l' Afrique du Sud (qui le regrettera par la suite), la Bosnie-Herzégovine, la Colombie, les États-Unis, la France, le Gabon, le Liban, le Nigeria, le Portugal, et le Royaume-Uni ; cinq membres s'abstiennent : l' Allemagne, le Brésil, la Chine, l' Inde, et la Russie ; aucun des membres du Conseil ne s'y oppose. C'est un moment unique et quasi miraculeux, emporté de haute lutte. Il ne se reproduira pas avant longtemps.

Première constatation l'ensemble des BRICS a manifesté ses très fortes réticences à ce qu'ils considèrent comme une ingérence dans la politique intérieure d'un Etat menée, qui plus est, par les puissances occidentales dont ils contestent de plus en plus la légitimité à agir comme un directoire mondial dont les émergents sont exclus.

Passé le vote, puis l'attitude positive de l'Assemblée générale et du Conseil des droits de l'homme qui a exclu la Libye, nous avons pu constater un certain climat d'amertume des BRICS, Afrique du Sud comprise, qui dénoncent unanimement une intervention qui aurait outrepassé, voire violé, les termes de la résolution. Ces pays considèrent qu'ils ont été trompés et en tirent les conséquences en affirmant qu'ils ne soutiendront plus d'autres résolutions sur la Syrie ou le Yémen par exemple.

Cette attitude s'inscrit dans ce que Hubert Védrine nous décrivait récemment : celui d'un affrontement avec les émergents pour un nouvel équilibre des pouvoirs. On a pu parler à l'occasion de l'affaire libyenne de premier acte de la nouvelle guerre froide qui oppose pays occidentaux et pays émergents. Cet affrontement se sent particulièrement à l'ONU.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

S'agissant de la Syrie, la position de la Russie pourrait être qualifiée de « légitimiste » : la Russie défend le droit et l'ordre, pas les régimes. Si les autorités syriennes n'ont pas géré la situation au mieux, et si la réaction a été disproportionnée, c'est à ce gouvernement, ce peuple, cette société civile d'aboutir à un accord sans interférence extérieure. Cette position de principe renvoie au rôle du Conseil de sécurité qui, selon la Russie, doit maintenir la paix et la sécurité mais non pas juger de ce qui est bien ou de ce qui est mal, de choisir d'aider certains et d'éliminer les autres, de décider d'un changement de régime. En clair, mesurer la démocratie n'est pas du ressort du Conseil et la révolution n'est pas un moyen légal de changement des régimes. Les mieux à même de contribuer à résoudre ces conflits sont les voisins immédiats et les organisations régionales ou sous-régionales.

La Chine aux Nations unies applique la politique de patience stratégique, définie par Deng Xiaoping, qui s'appuie sur trois adages : attendre son heure, garder un profil bas, ne pas assumer de leadership. Cette politique reste le cap inébranlable de la stratégie chinoise. Elle se considère également comme un pays en développement, ce qui nous a été rappelé trois fois par l'ambassadeur chinois. Au Conseil elle adopte une position souverainiste et souligne la complexité et la sensibilité du problème, ce qui lui permet de militer pour une résolution de la crise dans un autre format (régional, bilatéral ou national). Le Conseil est, dans cette perspective, bon au mieux à gérer des crises mineures qui sont sans impact pour la Chine. Sans le dire clairement, elle a la même analyse critique et la même opposition que les autres BRICS.

Quelles que soient les motivations mises en avant, ces pays craignent que des concepts, comme la responsabilité de protéger et l'extension des champs de compétences du Conseil de sécurité, ouvrent des possibilités à terme d'ingérence dans leurs affaires intérieures.

Vis-à-vis de la Syrie, notre pays et d'autres condamnent cette attitude et militent pour l'imposition de sanctions fortes et par une prise de position du Conseil de sécurité, même si l'hypothèse d'un recours à la force sous chapitre VII de la Charte n'est pas envisagé. Il n'est du reste pas souhaité par les opposants syriens pas plus que par la Ligue arabe. La France dénonce dans des propos très vifs l'inaction du Conseil et le blocage qu'effectuent ces pays, en particulier la Chine et la Russie qui ont opposé un double veto.

Notre ambassadeur déclarait le 24 octobre : « Les membres du Conseil qui se sont opposés à un projet de résolution ou ne l'ont pas voté devront expliquer face à l'histoire, face à l'opinion syrienne, face à l'opinion publique internationale et face à leur propre opinion publique ce qu'ils proposent de concret pour mettre un terme au bain de sang. Le temps n'est plus aux mots que le régime n'écoute pas, il est aux actes. Choisir l'immobilisme du conseil, c'est soutenir le régime d'Assad, c'est choisir son camp, le peuple syrien l'a compris. »

Quelles évolutions sont possibles à l'ONU sur cette question ?

À court terme, la troisième commission de l'Assemblée générale est saisie d'une proposition de résolution présentée par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni que soutiennent les Etats-Unis. Elle porte sur la question des droits de l'homme en Syrie. Cette résolution a des chances raisonnables d'être adoptée bien que l'ONU soit en général réticente à adopter des textes visant nommément un pays. Pour l'instant, seuls trois pays, l'Iran, la Corée et la Birmanie, sont concernés par de telles résolutions.

L'adoption d'un texte au Conseil de sécurité est, comme nous l'avons vu, beaucoup plus délicat et supposerait une détérioration forte de la situation.

Plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné que pour le régime syrien il ne saurait y avoir de marche arrière. Une transition reviendrait pour le président Assad à creuser sa propre tombe. Lors de nos discussions quatre possibilités d'évolution ont été évoquées :

- un coup d'état des militaires qui sont les seuls capables de renverser le régime. Compte tenu du lien entre l'armée et le régime et de la nécessité que cette rébellion soit conduite par un membre influent du clan des Alaouites, cette probabilité est présentée comme faible ;

- une guerre civile et l'intervention éventuelle des deux grandes puissances que sont la Turquie et l'Iran. Les conséquences sur le Liban risquent d'être également considérables avec notamment l'utilisation du Hezbollah de manière directe ou en attaquant Israël pour détourner du sujet syrien. Cette hypothèse n'est pas à exclure ;

- la « prise de la Bastille » par la rue, en particulier à Damas ;

- l'accélération des défections et une meilleure organisation de l'opposition qui conduisent à un basculement progressif des choses.

Ces deux derniers scénarios, ou une combinaison des deux, paraissent les plus probables.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

L'autre grand sujet dont nous avons débattu est, bien évidemment, la question de la reconnaissance d'un État palestinien à l'ONU. Elle est directement liée aux printemps arabes puisqu'alors que la région connaît des bouleversements, la légitimité de l'aspiration palestinienne à un État est indiscutable. Notons cependant que si la qualité de peuple opprimé soude les populations derrière leurs dirigeants, les aspirations à la démocratie, la transparence, le partage des responsabilités et des gains de la croissance, la lutte contre la corruption sont aussi des aspirations légitimes du peuple palestinien.

Quelques jours après notre mission, le 11 novembre dernier, la demande d'admission de la Palestine comme État membre n'a pas réuni une majorité de neuf voix au Conseil de sécurité. Le rapport du comité d'admission a souligné les divergences entre les membres et, en tout état de cause, les États-Unis avaient annoncé qu'ils opposeraient leur veto. Le président Obama a prononcé devant l'Assemblée générale l'un des discours les plus pro-israélien des années récentes. Le contexte électoral et l'état de l'opinion publique aux Etats-Unis expliquent cette rigueur. La fermeté du président américain se traduisant directement en gain dans les sondages. Nous avons eu une très intéressante rencontre chez notre Consul avec des experts des sondages, des journalistes et des universitaires qui ont montré les variations des positions du président Obama sur cette question et son effet sur les sondages.

Il était donc connu que la demande palestinienne n'avait aucune chance d'aboutir. Outre son aspect éminemment médiatique, elle permettait de compter les appuis et les oppositions. Par rapport au cas de la Syrie, il est particulièrement intéressant de remarquer que l'opposition entre les pays émergents, en particulier les BRICS, et les pays occidentaux, s'est exactement reproduite.

La position française en faveur de la création d'un Etat palestinien est connue. Il convient d'ailleurs de remarquer que l'idée de deux Etats coexistants dans des frontières sûres et reconnues est unanimement acceptée par la communauté internationale. Elle fait partie de l'acquis. Tous les éléments d'une solution sont sur la table des négociations : la Conférence de Madrid de 1991, le discours du Président Obama du 19 mai dernier, la feuille de route, l'initiative arabe de la paix et les paramètres agréés par l'Union européenne. Pourtant, après 60 ans de conflits, une solution semble plus éloignée que jamais.

C'est la raison pour laquelle, la France, par la voix du président de la République, a proposé un changement de méthode et un calendrier lors de son discours devant l'Assemblée générale de l'ONU le 21 septembre dernier. La reprise des négociations s'accompagnerait de l'octroi d'un statut d'Etat observateur non membre par l'Assemblée générale où une majorité est acquise. Un statut rehaussé et des changements concrets sur le terrain sont inséparables. L'un sans l'autre n'a guère de sens.

Cette proposition française ne s'est pas encore concrétisée, les Palestiniens préférant jouer la carte du Conseil de sécurité, tout en posant leur candidature comme Etat membre de plein exercice dans les agences de l'ONU pour lesquels les Etats-Unis ne peuvent opposer leur veto. L'UNESCO vient, la première, d'accueillir la Palestine comme Etat membre de plein exercice. Selon certains ambassadeurs, son admission crée un capital politique sur lequel il faut investir.

Le vote français en faveur de cette admission tient compte de la nature de cet organisme et était destiné à montrer aux Palestiniens que les choses progressent, qu'ils ne sont pas dans une impasse. Il faut reconnaître que cette décision que nous avons apprise au début de notre séjour n'était pas évidente et qu'elle a surpris. Je m'en félicite naturellement. Cette position n'empêche pas, au-delà d'une contradiction apparente soulignée par M. Mansour, le représentant palestinien, une abstention au Conseil de sécurité.

Comme nous l'a indiqué le représentant américain à l'ONU, cette décision entraîne automatiquement la suspension des contributions des Etats-Unis à l'Unesco ou dans tout autre organisme de l'ONU qui reconnaîtrait un Etat palestinien avant la fin des négociations entre Israël et les autorités palestiniennes. Cette obligation résulte de deux lois adoptées par le Congrès au début des années 90 dont il est évident que le président Obama ne demandera pas la modification dans le contexte actuel. Il en résulte que, si, comme il est probable, les Palestiniens continuent à demander la reconnaissance de leur Etat dans les 16 autres agences de l'ONU, les mêmes sanctions financières s'appliqueront. Selon la représentante américaine, seule l'ONU devrait échapper à cette suppression des cotisations puisque l'octroi d'un statut rehaussé par l'Assemblée générale n'est pas juridiquement l'admission comme Etat membre.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Nous nous sommes bien évidemment entretenus avec le représentant palestinien à l'ONU, M. Riyad Mansour, ainsi qu'avec l'ambassadeur, représentant permanent d'Israël, M. Ron Prosor.

Ces entretiens permettent de mesurer le fossé entre les deux protagonistes. De fait, les chances de réussites sont minces tant la confiance est profondément ébranlée entre les parties. Il est évident que la politique du gouvernement israélien sur les colonies s'inscrit dans ce qui est un projet délibéré pour rendre impossible la création d'un Etat palestinien. Selon les propres termes de notre représentant permanent, l'ambassadeur Araud : « C'est une violation patente du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ». Cette position est du reste celle de l'ONU exprimée par le porte parole du Secrétaire général : « L'activité de colonisation israélienne est contraire au droit international et à la feuille de route et porte préjudice aux négociations sur le statut final ».

Israël dénonce un discours palestinien unilatéral qui renforce les frustrations et génère de la violence. Le soutien de la France aux initiatives palestiniennes est regretté et le discours occidental est qualifié de deux poids, deux mesures, quand il s'agit d'imposer les mêmes exigences aux Palestiniens. D'autres interlocuteurs que l'ambassadeur Prosor ont regretté l'absence de courage politique de l'Europe qui se contente de son rôle de payeur. Le rôle relativement effacé de la Haute représentante et du SEAE dans les négociations reflète les divisions profondes des Européens sur la question du conflit israélo-palestinien. La vision selon laquelle, en cas de vote à l'Assemblée générale, les Européens s'abstiendraient, est loin d'être certaine. Les pressions américaines seront fortes et des Etats comme les Pays-Bas sont des partisans inconditionnels d'Israël.

Pour l'ambassadeur Prosor, si Israël est en faveur d'un Etat palestinien indépendant, celui-ci ne peut être imposé de l'extérieur. Selon lui, le véritable obstacle à la reprise des pourparlers, ce ne sont pas les colonies mais l'exigence de l'application du droit au retour qui, s'il est mis en oeuvre, revient à la destruction d'Israël. De son côté le premier ministre israélien, qui bénéficie d'un soutien parlementaire et populaire très au-delà de son électorat, s'est déjà engagé de manière considérable par exemple en autorisant le gel des colonies pendant 9 mois, en reconnaissant le principe de deux Etats pour deux peuples, en éliminant de très nombreux barrages routiers. La situation économique en Cisjordanie a connu un taux de croissance de 10 % cette année.

Selon l'ambassadeur, face à ces points positifs, les Palestiniens semblent penser qu'ils n'ont plus besoin de négocier et qu'ils peuvent agir unilatéralement. Les gestes faits par Israël n'ont pas de réciprocité du côté palestinien.

En opposition à l'expression de cette position, le représentant palestinien dénonce les mesures de représailles prises par Israël après l'admission de la Palestine à l'Unesco et la poursuite de la colonisation. Si la communauté internationale n'est pas en mesure de forcer Israël à respecter le droit et ses obligations, les Palestiniens continueront à utiliser d'autres méthodes légales et pacifiques pour faire reconnaître leurs droits. Les candidatures palestiniennes à l'Unesco et dans d'autres agences participent de cette logique.

Les Palestiniens sont reconnaissants à la France pour les propositions faites de reconnaissance du statut d'observateur. Cette option reste ouverte même si l'on peut penser que la reconnaissance comme Etat à l'Unesco pourrait entraîner juridiquement la reconnaissance du statut d'Etat non membre, observateur à l'ONU.

La Palestine demande à Israël de se conformer au droit et de satisfaire aux conditions de la feuille de route, c'est-à-dire l'arrêt des colonies, y compris à Jérusalem-est, pendant les négociations. Les frontières sont celles de 1967 mais peuvent faire l'objet d'adaptations et d'échanges de territoires.

Abordant la question du droit au retour, M. Mansour a souligné que les réfugiés palestiniens ont des droits individuels définis par le droit international. Il faut trouver une solution juste. Il ne s'agit évidemment pas que 5 millions de réfugiés reviennent sur le territoire israélien. Certains reviendront, certains recevront des indemnités justes. Il faut une position pragmatique mais, selon M. Mansour, on ne peut accepter une position qui exclut tout retour, même en nombre limité. Des concessions considérables ont été faites pour accepter que le futur Etat palestinien occupe 22 % seulement de la Palestine historique.

Rappelons que parmi les nombreuses raisons qui s'opposent à la reconnaissance de l'Etat de Palestine dans les organes de l'ONU, figure la crainte que les Palestiniens, s'ils étaient reconnus comme partie à part entière du traité fondant la Cour pénale internationale, puissent la saisir pour juger des violations des droits de l'homme par Israël.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Je rappelle à la commission que l'ambassadeur Prosor a rencontré Mme Marine Le Pen. Rencontre qu'il a ultérieurement qualifiée « d'erreur de parcours », ce dont je doute personnellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Signalons enfin que l'élection très remarquable du Maroc, par 151 voix, au Conseil de sécurité comme membre non permanent, peut être un facteur d'espoir dans une reprise des négociations. Même si le Maroc est l'élu du groupe africain, il a toujours joué un rôle de médiateur entre Israël et les pays arabes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

J'en viens à présent à la situation de l'Iran à l'ONU. L'Iran est un pays dont l'évolution s'inscrit aussi dans le cadre des révoltes arabes. Aucun pays de la zone n'y échappe même si le pouvoir a pu écraser toutes velléités de mouvement populaire de protestation. La déstabilisation de la Syrie, que l'Iran continue de soutenir, y compris très vraisemblablement par des livraisons d'armes, l'éventuelle reprise des négociations entre Palestiniens et Israéliens et leurs conséquences sur le Hezbollah et le Hamas, ne peuvent manquer de se répercuter sur la politique intérieure et extérieure de l'Iran.

Mais l'intérêt que l'ONU porte à l'Iran tient surtout au risque de prolifération que sa politique nucléaire fait courir.

Notre mission a permis de faire un point d'étape sur la mise en oeuvre des sanctions vis-à-vis de l'Iran. Ces sanctions poursuivent trois objectifs : en premier lieu de freiner le programme nucléaire en rendant sa poursuite plus compliquée ; en second lieu faire pression sur le régime pour le pousser à négocier et, enfin ces sanctions ont une valeur d'exemple pour d'autres pays qui envisageraient de prendre la même voie. Il existe de fortes interrogations sur l'effectivité de ces sanctions.

Le rôle régional de l'Iran explique que certains Etats ou groupes d'Etats, comme en Amérique latine par exemple, sont assez peu attentifs à l'application des sanctions et contribuent à leur contournement. Un certain nombre d'informations publiées par la presse font état de violations, d'exportation d'armes et, dans certains cas, de technologies nucléaires. Par ailleurs, un certain nombre de nos interlocuteurs soulignent que l'on n'a pas fait preuve de la même rigueur pour les programmes nucléaires israélien, indien ou pakistanais.

Lors de notre séjour à New York, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a annoncé la publication d'un rapport qui démontre de manière claire que le discours iranien sur un programme civil est faux et que les autorités de ce pays développent un programme militaire proche d'aboutir.

Dans ce rapport, publié le 8 novembre, l'AIEA fait état de ses «graves inquiétudes» et détaille des activités iraniennes «spécifiquement liées à l'arme nucléaire».

L'Agence rapporte les activités menées par l'Iran dans tous les secteurs nécessaires pour mettre au point une arme nucléaire : le travail sur des composants en uranium métal, les explosifs, les expériences hydrodynamiques, les codes de calcul, l'initiation neutronique, les préparatifs d'essai nucléaire, l'intégration dans un missile. Elle rappelle que l'Iran a développé clandestinement son programme nucléaire. Le rapport montre que l'Iran n'a jamais réellement coopéré pour répondre aux doutes de l'Agence sur ses activités dans des domaines hautement sensibles, et a rompu tout dialogue en 2008 avec l'Agence sur ces questions.

Par ailleurs, l'Agence rappelle que l'Iran continue ses programmes sensibles à Natanz, Qom et Arak. Toutes ces activités sont en violation des résolutions du Conseil de sécurité et du Conseil des gouverneurs de l'AIEA. Elles n'ont aucun débouché civil crédible.

Les intentions de l'Iran de se doter d'un programme nucléaire militaire ne font donc aucun doute. Nous sommes passés du faisceau d'indices concordants à des preuves. La question qui se pose est donc de savoir quelles mesures vont être prises pour tirer les conséquences de ces révélations ou plutôt de cette confirmation du caractère militaire du programme nucléaire iranien.

Notre pays a une position très ferme sur cette question. Un communiqué du ministère des affaires étrangères précise que : « La France considère qu'il faut franchir un palier dans le renforcement de la pression diplomatique sur l'Iran. Si l'Iran refuse de se conformer aux demandes de la communauté internationale et refuse toute coopération sérieuse, nous nous tenons prêts à adopter, avec tous les pays qui suivront, des sanctions d'une ampleur sans précédent ».

Vis-à-vis de l'Iran, la Chine et la Russie poursuivent des stratégies différentes. La Russie ne veut pas d'un Iran nucléaire qui constituerait une menace à ses frontières et pour ses intérêts. La Russie pourrait se prononcer en faveur d'une politique d'isolement de l'Iran par un accroissement des sanctions, même si ce pays est un partenaire commercial important. Rappelons que la Russie a livré une centrale nucléaire civile à l'Iran. Toutefois, une déstabilisation de l'Iran risquerait de conduire à un raidissement supplémentaire potentiellement dangereux.

La Chine, pour laquelle l'Iran n'est pas une menace, réagit plutôt pour éviter une prolifération nucléaire régionale.

Pour certains de nos interlocuteurs, il ne fait pas de doute que, à terme, le passage à l'acte à un essai nucléaire sera irrésistible pour les autorités iraniennes. Celles-ci penseraient que la politique du fait accompli leur permettrait de connaître le même sort que celui de l'Inde ou du Pakistan, c'est-à-dire celui d'une reconnaissance de facto de leur qualité de puissance militaire disposant de l'arme nucléaire et des vecteurs pour la lancer. La possession de la bombe par l'Iran sanctuariserait le pays et conduirait à un mouvement de prolifération avec ses voisins. Ce « passage à l'acte » n'est cependant pas sûr. S'il est évident que certains extrémistes en Iran y sont favorables, il est douteux que ce soit la ligne de l'ensemble des pouvoirs en raison des risques évidents que constituerait ce pari.

L'une des conséquences immédiates du rapport de l'AIEA a, en effet, été une très vive réaction d'Israël allant jusqu'à envisager une intervention militaire pour la destruction des sites. Pour la première fois de son histoire, Israël définit comme une menace existentielle le programme nucléaire iranien.

Sauf la fuite en avant d'Israël, on peut douter de leurs capacités à détruire un programme qui, au fil des années, a perfectionné ses protections. Par ailleurs, les défenses anti-aériennes iraniennes se sont renforcées et rendraient une intervention coûteuse. Même s'il ne faut pas l'exclure totalement, les conséquences d'une intervention militaire seraient dramatiques pour l'ensemble de la région et pour le monde. L'hypothèse d'une intervention militaire paraît d'autant moins probable que les États-Unis sont en période électorale. Par ailleurs, les structures du pouvoir iranien sont complexes et il faut se rappeler que le président Ahmadinejad dépend totalement du guide suprême l'ayatollah Khamenei.

La question qui est posée à la diplomatie mondiale est donc de savoir comment maintenir l'Iran comme un État du seuil qui lui permet de se voir reconnaître son rôle régional, et le réintégrer progressivement dans le système international pour l'amener à respecter ses engagements de pays signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et de son protocole additionnel.

Il est frappant de constater que, pour Israël, le but poursuivi par l'Iran est de changer l'environnement stratégique régional dans le cadre d'un conflit, au sein d'une même civilisation, entre chiites et sunnites. Le véritable adversaire des pays arabes sunnites et leur grande inquiétude, ce n'est pas Israël c'est l'Iran. On oublie trop souvent cet aspect fondamental. Au-delà des rodomontades du président Ahmadinejad, il n'est pas certain que le programme nucléaire iranien soit dirigé contre l'Occident ou contre Israël. Il n'en demeure pas moins nécessaire d'éviter un mouvement de prolifération d'autres pays comme la Turquie, l'Arabie Saoudite ou l'Egypte qui se ferait en réaction au programme iranien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

La question des printemps arabes et de leurs conséquences a donc été centrale tout au long de cette 66e Assemblée générale. Il nous a paru intéressant, dans ce contexte, de voir comment la voix de l'Europe était entendue à l'ONU.

Lors du précédent déplacement de la commission à New York, en novembre 2010, l'Union européenne, et à travers elle chacun des Etats membres, venait de connaître un grave échec politique.

En effet, le 14 septembre 2010, l'adoption d'une motion de non action, consistant à renvoyer l'examen d'un projet de résolution présenté et élaboré par les 27 pour changer son statut avait une claire signification : l'Union européenne, premier contributeur au budget de l'ONU (40 %), premier donateur d'aide au développement, n'est pas perçue comme une puissance et ne suscite pas le respect. Si la faiblesse du poids politique de l'Europe et de ses principaux représentants n'est pas une nouveauté, le vote de l'Assemblée générale l'avait révélé de manière particulièrement crue.

On peut distinguer deux causes principales de ce fiasco :

La raison de fond est politique : c'est sans aucun doute la réticence des Etats à ce qu'une entité sui generis obtienne des droits dévolus à des Etats, en particulier le droit de s'exprimer d'égal à égal avec d'autres Etats. Il ne faut en effet pas oublier que l'ONU est une organisation d'Etats et que, par définition, le nationalisme y est une sorte de raison d'être.

De plus, de nombreux Etats n'ont pas voulu, en créant ce précédent, ouvrir la boîte de Pandore d'une multiplication de demandes d'autres groupes ou ensembles régionaux. Cela explique le vote négatif de pays comme la Russie ou la Chine mais aussi sans doute l'abstention-trahison d'alliés comme le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Beaucoup de pays ont voulu éviter une logique d'affrontement entre les blocs au sein de l'ONU. Les petits Etats craignaient de perdre tout poids si les groupes régionaux se renforçaient. De grands pays émergents comme le Brésil ou l'Inde souhaitaient également préserver leur autonomie par rapport à leur groupe régional.

L'Union européenne a repris les négociations et l'Assemblée générale a décidé, le 3 mai 2011, de lui accorder le statut d'observateur, créant ainsi une nouvelle catégorie de membres non étatiques des Nations unies.

Selon les termes du texte, l'Assemblée générale décide « d'adopter les modalités » pour la participation des représentants de l'Union européenne, « en qualité d'observatrice », à ses sessions et travaux et à ceux de ses commissions et groupes de travail, aux réunions et conférences internationales organisées sous son égide, ainsi qu'aux conférences des Nations unies.

Il est intéressant de noter que dans ce texte, l'Assemblée générale réaffirme qu'elle est un organe intergouvernemental dont le statut de membre à part entière est limité aux États Membres de l'Organisation des Nations unies.

Depuis cette date l'Union européenne peut être inscrite sur la liste des orateurs prenant part aux travaux de l'Assemblée, avec les représentants des grands groupes, pour faire des interventions, et peut participer au débat général de l'Assemblée générale selon le précédent établi pour les observateurs. Elle peut également exercer un droit de réponse au sujet de positions de l'Union européenne.

En tant qu'observatrice, l'Union européenne n'a, en revanche, ni le droit de vote, ni celui de présenter des candidats. Elle ne peut pas non plus se porter coauteur de résolutions ou de décisions, ni présenter de motion d'ordre.

Cette position nouvelle fait toujours l'objet d'une guérilla des petits groupes, notamment de la communauté des Caraïbes (CARICOM), qui interprète le dispositif de la résolution de manière très fermée, précisant notamment que l'Union européenne aura le droit de s'exprimer, mais sans qu'elle n'ait de préséance sur les autres grands groupes régionaux. Vis-à-vis des Etats, l'Union européenne est aussi impopulaire que les autres groupes régionaux sans toutefois en avoir les moyens de pression.

De plus, l'Europe qui a deux de ses membres en tant que membres permanents du Conseil de sécurité auxquels s'ajoutent l'Allemagne et le Portugal comme non permanents, est considérée par les autres groupes régionaux comme surreprésentée au Conseil. C'est du reste ce qui explique l'échec de la Slovénie à laquelle l'Azerbaidjan a été préféré lors du renouvellement des membres non permanents.

Au sein même de l'Union européenne, le Royaume-Uni interprète de manière très littérale le dispositif du traité de Lisbonne, allant jusqu'à paralyser l'expression des 27. L'explication de cette attitude « théologique », juridiquement valide quant à la lettre du traité, est à rechercher dans la politique intérieure britannique. Selon cette analyse, l'Union s'exprime quand elle a une compétence unique, mais ce sont, en fonction de l'efficacité recherchée, soit les Etats, soit l'Union qui parlent quand il s'agit d'une compétence partagée, et seulement les Etats quant l'Union n'a pas compétence. Cette politique de détermination au cas par cas complique indiscutablement les choses et ne contribue pas à donner à l'Europe la place que nous souhaiterions la voir occuper.

Enfin, sur un certain nombre de sujets « le drapeau européen est déchiré ». l'exemple le plus frappant est celui du conflit Israélo-palestinien, mais il en est bien d'autres.

Au-delà de cette crise un peu artificielle, il est frappant de constater que l'image de l'Union européenne à l'ONU n'est pas bonne. Cette image est d'autant plus critiquée que la crise économique et financière qui frappe l'Europe, étale ses divisions et qu'un certain nombre d'Etats rendent l'Europe responsable de la crise mondiale et de ses répercussions sur eux. Les émergents critiquent la répartition des pouvoirs au sein des organisations financières internationales, où les « chaises » ont été rééquilibrées à leur profit et l'influence au sein du G8 et du G20. Sans trop caricaturer, l'Europe est perçue comme une grande ONG qui donne des leçons et qui paye. Surtout, la réalité qu'est l'Europe n'est pas comprise, peut être parce que mal ou insuffisamment expliquée.

Pourtant, il nous paraît évident qu'il n'y a pas d'autre voie qu'une Union européenne plus présente, plus soudée et plus active aux Nations unies. Elle en est le principal bailleur de fonds. Ce sont ses valeurs qui progressent au sein de l'organisation. Les 27 doivent passer moins de temps à se concerter entre eux et consacrer leur énergie à convaincre les 166 autres Etats membres. Nous pouvons espérer que l'un des effets bénéfiques de la crise que nous traversons amène l'Europe sur le chemin d'une plus grande intégration politique, vers une sorte de fédéralisme dont le ministre d'Etat s'est fait l'écho.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de ces quelques jours à l'ONU ?

La première est que ces déplacements de notre commission sont indispensables. Ils nous permettent de nous informer aux diverses sources de premier ordre qui sont rassemblées à l'ONU sur les grandes problématiques mondiales.

La seconde est que le « machin » fonctionne de manière assez satisfaisante en dépit de ses faiblesses, de sa lourdeur administrative et de ses difficultés à se réformer. L'ONU est utile, nécessaire et surtout irremplaçable. Son bilan récent est satisfaisant.

Nous n'aurions pas porté un jugement aussi positif il y a quelques années où l'ONU paraissait en crise et en décrochage, en partie en raison de la politique d'unilatéralisme de l'hyperpuissance américaine sous les deux présidences de Georges W. Bush. Décalage par rapport aux émergents qui dénonçaient son manque de représentativité, et menaçaient de s'en retirer au profit de blocs régionaux et marginalisation du fait de la crise économique et financière de 2008 : telle était la situation dans un passé encore récent.

Certes, beaucoup de problèmes restent pendants aujourd'hui.

Si les émergents ne sont pas partis, si les Etats-Unis sont revenus, la réforme de l'ONU et notamment du Conseil de sécurité n'avance pas. Les questions économiques ne sont pas traitées à l'ONU mais au FMI, à la Banque mondiale et surtout dans les nouveaux forums de la gouvernance économique : le G8 et le G20. Une réforme du Conseil économique et social (ECOSOC) est indispensable.

Pourtant depuis 2010 l'action de l'ONU s'est vue confortée avec des succès indéniables. Succès qui correspondent aussi à des lignes directrices de notre diplomatie.

Succès dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales en Côte d'Ivoire et en Libye. Prises de position fermes de l'institution et de son secrétaire général partout où les droits de l'homme sont menacés ou bafoués comme en Syrie.

Succès de la mise en oeuvre opérationnelle du concept de responsabilité de protéger.

Progrès dans le domaine des droits de l'homme avec un Conseil des droits de l'homme, créé en 2005, qui commence enfin à répondre aux attentes.

Succès dans le domaine de la réponse humanitaire aux crises, certes imparfaite mais sans équivalent (Haïti 2010, Libye et Corne de l'Afrique...).

Succès incontestable bien que perfectible, de la justice internationale alors que le processus n'a pas vingt ans.

Succès « en creux » des opérations de maintien de la paix que l'on critique beaucoup mais qui se font là où personne ne veut aller et où la situation serait bien pire en leur absence.

Et pendant toutes ces années, dans le domaine normatif, les Nations unies continuent à « produire » des traités, des règles universelles et des mécanismes permettant leur mise en oeuvre et leur respect.

Le Conseil de sécurité, qu'il est question d'élargir depuis près de vingt ans, souffre certes d'un défaut de représentativité, mais force est de constater que son efficacité est incontestable et que paradoxalement, il agit et exécute son mandat plus que jamais. Son plan de charge a été multiplié par quatre depuis 1990.

Point gris : les activités de développement font l'objet d'une rationalisation progressive, mais l'organisation pèche toujours par manque de cohérence. Les fonds et programmes (PNUD, UNICEF, PAM...) et les grandes organisations spécialisées (OMS, FAO, ONUDI, UNESCO...), à des degrés divers, fonctionnent nettement mieux qu'il y a quinze ou vingt ans, mais, en dépit de l'amorce d'une réforme (initiative « One UN » de K. Annan), l'ensemble donne toujours l'impression d'un émiettement préjudiciable à l'efficacité de l'ensemble, au détriment finalement des plus pauvres, censés être les vrais « clients » de l'organisation.

Cette impression est encore plus nette s'agissant de l'environnement, et justifie qu'à l'approche de Rio+20 (juin 2012), la France continue à plaider pour la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement.

Enfin, rappelons que la France, membre permanent du Conseil de sécurité, joue un rôle central aux Nations unies. Elle est force de proposition et d'impulsion. A travers son statut et ses initiatives, à travers ses réseaux (Afrique, francophonie....), elle occupe une place à la mesure du rôle mondial qu'elle entend jouer. Notre intérêt est de voir une ONU forte et active continuer à oeuvrer aux affaires du monde. Encore une fois nous devons rendre hommage à notre diplomatie qui nous permet de tenir ce rang et d'avoir ce rayonnement. Mais nous devons également rappeler que le verbe ne suffira pas éternellement à nous maintenir à ce niveau dans une organisation qui a besoin de moyens. De ce point de vue notre déclin budgétaire, notamment pour ce qui est des contributions volontaires, est extrêmement préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Nous n'avons pas abordé dans cette communication les questions relatives au changement climatique et à l'environnement. Nous avons rencontré lors de notre séjour M. Brice Lalonde, chargé de la préparation de la conférence de Rio+20 qui se tiendra en juillet dernier et M. Janos Pasztor, directeur auprès du Secrétaire général de l'ONU pour les changements climatiques. Nos discussions ont porté sur la nécessité d'avoir une gouvernance mondiale et de créer une Organisation mondiale de l'environnement. Avec notre collègue Jean Bizet, j'avais déjà évoqué cette question dans le rapport que nous avions fait sur les OGM. Nous avons également longuement évoqué la question des énergies renouvelables et celle de la sécurité alimentaire. Cette question me semble particulièrement importante alors qu'on oblige à mettre en jachère 10 % des terres arables en Europe et que la faim touche près d'un milliard et demi d'hommes, de femmes et d'enfants dans le monde. M. Lalonde doit venir en décembre à Paris, je crois qu'il serait intéressant de l'entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Les printemps arabes sont effectivement au coeur du débat. Nous ne pouvons qu'être préoccupés par la situation en Syrie et ses répercussions. La mèche est allumée et les difficultés sont devant nous. Il faut nous y préparer.

S'agissant du conflit israélo-palestinien, tous les ingrédients d'un accord sont sur la table mais en fait, ce que veulent les autorités israéliennes, c'est le statu quo. La colonisation fait que l'Etat palestinien est virtuel, c'est un état hors sol. Face à cela les Palestiniens déploient une stratégie politique fondée sur le droit et la justice.

En matière de prolifération, l'Iran peut à bon droit nous reprocher une politique de deux poids, deux mesures alors que nous avons accepté qu'Israël, l'Inde et le Pakistan possèdent la bombe.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Je remercie nos collègues pour leur rapport de mission. En ce qui concerne l'Europe, je voulais seulement faire une remarque : nous déplorons le faible poids de l'Europe à l'ONU mais comment s'en étonner quand les différents pays européens prennent des positions politiques et diplomatiques opposées !

Puis la commission auditionne M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le ministre, depuis quelques semaines, l'Europe traverse une période agitée. La crise financière sur les dettes souveraines semble remettre en cause l'existence même de l'euro et fait douter du bien fondé de la construction européenne. Mais chaque crise est aussi une opportunité et il faut espérer que l'Union en sortira renforcée.

Dans le court terme cela suppose néanmoins de prendre des mesures immédiates. L'ensemble du budget de l'Etat est mis à contribution. Le budget de la défense ne fait pas exception.

Vous avez déposé un amendement à l'Assemblée nationale de réduction de 167 millions d'euros sur le budget initial de la mission défense, au titre du plan d'économies supplémentaires d'un milliard annoncé le 24 août par le Premier ministre. Ces réductions de crédit portent notamment sur le programme « équipement de forces » pour 88,3 millions d'euros. Mais comme par ailleurs vous avez obtenu un surplus de recettes de la cession des fréquences de 86 millions d'euros, cela devrait au final ne pas impacter le 146 et si je comprends bien - la baisse ne sera pas de 167 millions d'euros, mais (167 moins 86 égale 81 millions d'euros). Est-ce bien cela ?

Nous sommes désireux d'entendre vos explications. Sur quoi porteront exactement ces réductions de crédit ?

Vous avez évoqué, à l'Assemblée nationale, une réduction supplémentaire de 100 millions d'euros. Cette réduction est-elle confirmée ? Et, si oui, sur quoi portera-t-elle ?

Par ailleurs, nous avons reçu hier, avec mon collègue Daniel Reiner, des représentants syndicaux du groupe Safran qui ont beaucoup de mal à comprendre quelle est la stratégie industrielle de l'Etat qui veut les marier à tout prix avec Thalès. Comme nous avons-nous-même beaucoup de mal à comprendre, je souhaite que vous nous expliquiez quelle est la stratégie suivie. Mais mon collègue Daniel Reiner va surement vous questionner plus en détail sur ce point. Je vous cède la parole.

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

J'étais venu le 11 octobre dernier vous présenter les grands traits du budget de la défense. Je suis à présent en mesure de vous détailler la manière dont les deux plans d'économies complémentaires décidés -un milliard d'euros annoncés le 25 août puis 500 millions supplémentaires le 7 novembre- vont affecter notre budget.

Un mot tout d'abord sur ces réductions de crédits.

Le premier abattement sur les crédits du PLF 2012 décidé au mois d'août représente 185 millions d'euros en moins pour le ministère de la défense et des anciens combattants.

Le second abattement sur les dépenses de l'Etat de 500 millions d'euros du 7 novembre dernier se décompose en 380 millions d'euros d'économies sectorielles, dont 101 millions d'euros pour le ministère de la défense, et 120 millions d'euros d'économies transversales.

Dans le cadre de la réduction du train de vie de l'Etat, le cabinet du Premier ministre a décidé la mise en oeuvre de plusieurs « économies transversales », pour un montant total de 120 millions d'euros en 2012.

Ces mesures transversales ont été ventilées par ministère, de manière unilatérale et mathématique par le Premier ministre. Ces prélèvements viennent juste de nous être connus.

Un jour de carence dans la fonction publique en cas d'arrêt maladie sera instauré. Le gouvernement a souhaité rapprocher les règles d'indemnisation des fonctionnaires en cas de maladie de celles des salariés du privé. Il a décidé d'instaurer une journée de carence sur les primes et le traitement de base pour les fonctionnaires en cas d'arrêt maladie. Pour l'heure, le délai de carence ne s'applique qu'au secteur privé, où il est de trois jours. Le ministère du budget vient de nous communiquer le montant de notre réduction de crédits à ce titre qui sera de 17,6 millions d'euros.

Autre mesure transversale, l'abattement sur les dépenses de communication et de représentation. Là encore, le prélèvement sur la mission défense sera conséquent puisque, sur les 40 millions d'euros économisés par l'Etat sur les dépenses de communication et représentation en 2012, la contribution du ministère de la Défense et des Anciens Combattants est de 7,4 millions d'euros. Cette contribution est élevée car l'assiette retenue par le budget ne concerne pas les seules dépenses de communication du ministère de la défense et des anciens combattants, mais elle intègre les dépenses liées aux campagnes de recrutement pour 14 millions d'euros, qui sont pourtant des dépenses obligatoires dans une armée fondée sur le volontariat, effectuées par les services en charge des ressources humaines de chaque armée, ainsi que des études. Si l'on avait retiré de la base des dépenses de communication stricto sensu le montant des campagnes de recrutement, soit 15 millions d'euros, notre économie aurait été inférieure de 3 millions d'euros.

Finalement, ce sont donc 25 millions supplémentaires (17,6 + 7,4) qui seront prélevés sur notre dotation 2012 au titre des mesures transversales et 126 millions d'euros au titre global du « deuxième Rabot ».

Ajoutés aux 185 millions d'euros d'août, le ministère a donc dû absorber un abattement au projet de loi de finances pour 2012 de 311 millions d'euros, dont 280 millions d'euros sur la mission Défense.

Comment avons-nous réparti ces réductions de crédits ?

Notre objectif a été d'éviter de retarder l'exécution de la loi de programmation. Il s'agit donc de mesures financières constatant des économies ou destinées à être compensées par des autorisations de consommation de reports de crédits ou par des excédents de recettes exceptionnelles.

Le détail de ces réductions de crédits est le suivant :

- 27 millions d'euros ont été imputés à la mission « Anciens Combattants ». Cet abattement correspond à des marges de manoeuvre résiduelles apparues en fin de gestion 2011 sur le programme 169 (qui doté de 3,070 Md€) et qui seront reportés en 2012 :

- 4 millions d'euros seront prélevés sur la « Recherche duale », le programme 191, ce qui touchera le CEA et le CNES ;

- la dotation du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » sera réduite de 10,5 millions d'euros, sur un total de 1,792 milliards d'euros.

A l'issue d'une nouvelle prévision d'exécution pour 2011, il ressort que près de 6,5 millions d'euros de crédits provenant de la subvention Djibouti ne seraient pas utilisés et seraient donc reportés en 2012. Cet écart est lié à l'absence de prise en compte de la rétrocession de la TVA acquittée par les Forces françaises à Djibouti. Cette baisse du besoin en 2011 ne remet pas en cause le montant total que la France doit verser à Djibouti de 30 millions d'euros chaque année.

Par ailleurs, la dotation aux études opérationnelles et à caractère technico-opérationnelles subira une baisse de 1,5 million d'euros.

Enfin trois opérateurs, trois écoles, contribueront aux réductions de dépenses, à hauteur de 1,2 million d'euros, par une baisse du fonds de roulement de l'Ecole nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d'armement. Il s'agit de l'ENSTA Bretagne, ex ENSIETA pour 0,3 million d'euros, de l'Ecole nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) pour 0,4 million d'euros et de l'Ecole polytechnique pour 0,5 million d'euros ;

 - l'équipement des forces -programme 146- supporte une baisse de 89,9 millions d'euros, sur un total de 10,712 milliards d'euros. 86 millions d'euros d'abattement seront compensés par le surcroît de recettes exceptionnelles, au-delà de la prévision de la loi de finances 2011, sur le produit de cession des fréquences Rubis. A la suite de l'appel d'offres sur les fréquences Rubis par l'ARCEP, le ministère de la défense et des anciens combattants a obtenu 936 millions d'euros de recettes exceptionnelles contre 850 millions d'euros prévus en loi de finances initiale, soit un excédent de 86 millions d'euros. Ces crédits ne pourront être consommés en 2011 et seront par conséquent reportés sur le CAS Fréquences en 2012. Une annulation des crédits budgétaires en CP à due concurrence du programme 146 est donc envisageable sans remettre en cause la programmation militaire.

Par ailleurs, il est proposé de diminuer les frais généraux du CEA de 2,3 millions d'euros ;

- l'emploi des forces -le fonctionnement- c'est-à-dire le Programme 178, pourtant très contraint, connaît lui aussi une baisse de 88,1 millions d'euros, sur un total de 21,9 milliards d'euros de dotation initiale.

Les économies concernent le fonctionnement et, plus particulièrement, la « compensatrice SNCF » du fait des négociations en cours. L'objectif est de parvenir à diminuer la facture dès 2012 de 5 millions d'euros. A champ inchangé des ayants-droit, cette économie nécessite un effort commercial de la SNCF dans les négociations en cours sur le renouvellement de la convention.

Par ailleurs , une économie supplémentaire de 20 millions d'euros peut être mise en oeuvre sur l'entretien programmé du matériel (EPM) compte tenu de la progression importante prévue des ressources de l'EPM au PLF, + 7%, et de la perspective d'une nouvelle plus-value sur la cession des fréquences Félin de 800 MHz en 2012, voire de cessions de matériels.

De plus, les prévisions de fonds de concours et d'attributions de produits pour 2012, liées à des cessions de matériels, pourraient être revues à la hausse si la vente du TCD Foudre au Chili se concrétisait pour 40 millions d'euros. Ce sont la moitié, soit 20 millions d'euros de recettes nouvelles, que nous prélevons pour gager des économies.

Enfin, des ressources supplémentaires non programmées en 2011 vont nous aider à réaliser encore 23 millions d'euros d'économies. Il s'agit notamment des attributions de produit issues du rattachement de ventes de biens mobiliers au Domaine (mobilier de bureau, véhicules, fournitures ...) qui étaient, depuis 2010, sur un compte d'attente. Ces ressources supplémentaires perçues en 2011 seront reportées, permettant ainsi une économie à due concurrence en 2012 ;

- le soutien de la politique de défense, qui est la politique immobilière, les restructurations, c'est-à-dire le programme 212, enregistre, lui aussi, une contraction de 91,4 millions d'euros en crédits de paiement sur 3,1 milliards d'euros de dotation initiale.

Au regard du rythme de paiements sur les opérations d'infrastructures en 2011, il apparaît que les crédits non consommés pourraient atteindre cette année au moins 76 millions d'euros et être reportés de 2011 sur 2012 sur le programme 212. Un abattement équivalent pourrait dès lors être mis en oeuvre au PLF 2012, compensé par la consommation des reports en gestion 2012.

Par ailleurs, malgré les économies déjà prises en compte au titre du FRED en 2011 et 2012, tous les crédits ne devraient pas être consommés en 2012 compte tenu du décalage important entre la signature des CRSD et des PLR et les décaissements. Une économie de 10 millions d'euros pourrait être prise en compte. Cette économie ne remet pas en cause le plan de financement économique des restructurations dont 213 millions d'euros sont financés par le FRED.

Par ailleurs, la prise en compte de recettes de cessions de biens mobiliers permet de réduire les dotations budgétaires de 3 millions d'euros.

Enfin, une économie de 0,5 million d'euros est réalisée sur trois opérateurs :

- une économie de 0,2 million d'euros concerne l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) ;

- une économie de 0,2 million d'euros est réalisée sur l'établissement public administratif du service hydrographique et océanique de la marine (SHOM) ;

- enfin, une économie de 0,1 million d'euros est réalisée sur le Musée de l'armée.

En définitive, le ministère supporte 311 millions d'euros d'abattements au PLF 2012 dont 280 millions d'euros sur la mission défense.

Il convient toutefois de souligner que ces économies, largement financées par les reports de crédits et les surcroîts de recettes exceptionnelles, ne remettent pas en cause l'exécution de la loi de programmation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour toutes ces explications. Je comprends que le meilleur prix obtenu pour la cession des fréquences permettra de limiter les réductions budgétaires à 181 millions d'euros. Mais, au total, si on prend en compte l'inflation, nous aurons, en 2012, des crédits d'un montant identique à ceux que nous avions en 2011.

Ma première question a trait aux rectifications de frontières entre, d'une part, Thalès et, d'autre part, Sagem-Safran sur les filières « optronique » et « centrales inertielles ». Nous savons qu'il y a eu un protocole d'accord entre l'Etat et Thalès lorsque Dassault est entré au capital de cette entreprise. Ce n'est pas absurde en soi et il est parfois utile de remettre les choses en ordre. Diverses propositions de Joint Venture et de rapprochement ont été faites. Toutefois, au bout d'un an et demi, il ne se passe rien et le PDG de Safran vient d'annuler la tenue du conseil d'administration qui devait se prononcer sur les dernières propositions. Nous avons bien compris qu'il y avait trois volets dans ce projet : un volet financier, un volet industriel et un volet social. A ce stade, tout le monde -les salariés, les syndicats, les partenaires industriels et, en tout premier lieu, les parlementaires- voudraient comprendre quelle est aujourd'hui la stratégie de l'Etat-actionnaire ?

Ma deuxième question a trait aux drones. Je vous remercie d'avoir répondu à mon courrier vous demandant, au nom de mes collègues rapporteurs, de nous fournir « l'étude minutieuse » de la DGA sur laquelle vous vous êtes fondé pour prendre votre décision d'entrer en négociations exclusives avec Dassault pour importer un drone MALE israélien. Le moins que l'on puisse dire est que cette étude, un simple powerpoint de présentation de quinze pages, ainsi que la lettre qui l'accompagne, ne nous ont pas convaincu. Vous admettez, en effet, que ce drone, fruit de la « collaboration » entre Dassault et IAI, sera 30 % plus cher et 20 % moins performant que le drone américain, ce qui est encore loin du compte selon nos propres estimations. De surcroît, vous n'avez pas parlé des délais, car le drone israélien arrivera plus tard, ni des besoins opérationnels que ce drone ne satisfait pas car il n'a pas été conçu pour être armé. Au fond, le seul argument justifiant ce choix serait de nature industrielle. Or, de ce point de vue, plus on regarde ce dossier et moins on comprend ce que vous avez voulu faire. La participation de Dassault, selon nos informations est minime et n'ajoute rien à ses compétences dans la perspective du futur drone franco-britannique. Donc nous renouvelons notre question : pourquoi avez-vous fait ce choix qui ne nous paraît pas de nature à poser les bases d'une filière industrielle française de drones ? Vous avez une explication politique à fournir à la représentation nationale, car c'est vous qui avez pris la décision en tant que ministre. C'est votre choix et c'est vous qui en porterez la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Ma question est simple. Nous étions censés acheter cinq Rafale par an, nous en achetons onze. Cette « Rafalisation » accélérée conduit à écarter toute une série d'opérations de modernisation indispensables- je pense à la rénovation des Mirage 2000 D. Or si on ne fait pas cette rénovation, on va le payer cher dans le futur.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Pouvez vous confirmer les informations dont la presse fait état sur le Rafale - Abou Dhabi - l'Eurofighter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Les dernières prévisions budgétaires à l'horizon 2016 font état d'un déficit budgétaire à 0 %. Comment allons-nous y arriver ? Pouvez-vous nous donner quelque éclairage ?

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Il est impossible de poursuivre indéfiniment sur la voie des déficits budgétaires. Est-ce que la défense sera une variable d'ajustement ? La réponse est clairement non. Sera-t-elle solidaire de la politique nationale ? La réponse est oui. Pour l'instant, nous sommes dans l'épure de la loi de programmation militaire, elle-même issue de la réflexion sur le format des armées effectuée dans le cadre du Livre blanc. Une révision du Livre blanc sera bientôt effectuée. Il faut dire que nous avons bénéficié de cessions d'actifs qui nous ont permis de respecter cette programmation. Or ces cessions ne sont pas renouvelables.

Les trois autres questions convergent autour du thème de la politique industrielle. Vous savez comme moi que l'Etat propriétaire a des points de vue différents. Vu de Bercy, de l'Agence pour les participations de l'Etat, l'objectif est d'optimiser la valeur patrimoniale de nos participations. Le meilleur moyen pour ce faire est que les entreprises dans lesquelles l'Etat investit dégagent des bénéfices...

Du point de vue de l'Etat stratège, du ministère de la défense, c'est différent. L'Etat est certes actionnaire de Thalès, d'EADS, de Safran, de DCNS, de Nexter, et indirectement de Dassault Aviation, mais il en est aussi le client. Aucune exportation des produits de ces entreprises ne pourrait se faire sans que l'Etat donne son accord. Du reste, le ministère de la défense n'a pas qu'un seul point de vue. En tant que ministre de la défense, j'ai un bras opérationnel avec le chef d'état-major, qui demande le meilleur matériel, le plus rapidement possible et qui peut succomber à la tentation de l'achat sur étagère, et j'ai un bras industriel avec le délégué général pour l'armement, qui prend en compte les intérêts industriels à long terme. Nous avons quand même, en France, une longue tradition d'ingénieurs, de physiciens nucléaires, qui ont su construire la force de dissuasion. Notre pays assure 6 % des exports mondiaux d'armement, contre 54 % pour les Etats-Unis, 12,5 % pour le Royaume-Uni, 8 % pour la Russie, 5 % pour Israël. C'est une performance remarquable quand on sait que nous ne pesons que 1 % de la population mondiale et 4,5 % de l'économie mondiale. Cela veut dire que le volontarisme industriel de l'Etat a du sens.

Or, pour avoir les meilleurs prix, il faut accepter la concurrence, y compris la concurrence franco-française. Si nous sommes obligés de recourir à des fournisseurs étrangers, nous sommes soumis à leurs conditions de prix et à leurs conditions d'usage. L'Etat doit-il accepter le monopole ? Non, sinon il aura face à lui des vendeurs désinvoltes. Il vaut mieux des industriels duaux tels qu'Eads, Safran, Thalès, Dassault, qui n'encourront pas la disparition et pourront toujours vendre leur production civile si l'Etat ne leur commande pas autant qu'ils le souhaitent en équipements militaires.

L'affaire des drones est emblématique. Il faut la regarder non pas du point de vue de l'EMA, mais du point de vue de la DGA. Le drone c'est d'abord un problème de chaîne mission. L'avion est secondaire.

Dans l'affaire Sagem-Safran, l'Etat est actionnaire de Safran. Il est également actionnaire de Thalès. On a envisagé des rectifications de frontières, dont je dois dire qu'au départ, elles n'étaient pas très équilibrées. Safran aurait perdu des activités profitables en échange d'argent dont il n'avait pas besoin. Sagem est une très belle affaire. Elle a des pôles de compétence qui font l'honneur de ses salariés. Du reste, l'entreprise a une particularité : l'importance de l'actionnariat salarié. Club Sagem est le deuxième actionnaire derrière l'Etat.

Or dans toutes les décisions concernant Thalès et Safran, les représentants de l'Etat au conseil d'administration de ces sociétés ne peuvent pas voter car ils seraient en conflit d'intérêt. Nous sommes donc le premier client, le premier actionnaire et nous n'avons pas notre mot à dire. Tout accord qui ne serait pas accepté par les actionnaires majoritaires en dehors de l'Etat, les salariés actionnaires dans un cas, Dassault dans l'autre, ne serait pas voté.

Il y avait donc une proposition de rectification de frontière : toute l'optronique chez Thalès et tout l'inertiel chez Safran. Cet échange était déséquilibré car si l'optronique de Safran représente un gros volume d'activité, ce n'est pas le cas de l'inertiel de Thalès.

La deuxième possibilité était d'envisager une mise en commun de l'ensemble des activités concernées au sein de sociétés communes. Mais cette piste n'a pas abouti.

Enfin, il y a une troisième voie : faire en sorte que les meilleures équipes des deux entreprises s'entendent et que l'on fasse une société commune d'ampleur plus limitée, mais qui évite à l'Etat de dupliquer les crédits de recherche. C'est dans cette voie que nous nous sommes engagés. Mais cela prend du temps.

S'agissant des drones, vous avez l'explication de mon choix. Nous avons, pour des raisons que je ne m'explique pas, raté la première marche des drones MALE. Pour la deuxième, nous avions le choix entre trois solutions : le Harfang de nouvelle génération, le Reaper américain et le Héron TP de Dassault. Le Harfang, c'était exclu. Du reste, sa mise au point a été longue et chère et nous ne voulons plus de ça. Dassault est un industriel fiable qui respecte les calendriers et la qualité. Mais c'est plus cher. Effectivement, le drone Héron TP sera 30 % plus cher et environ 20 % moins performant que le drone américain Reaper. Mais il permettra de construire le socle industriel de la filière drone en France. Dans le cas du Reaper, nous n'aurions eu aucun transfert de technologie. Nous achèterons le drone Héron TP pour les mêmes raisons que l'Inde pourrait nous acheter le Rafale : il est plus cher que les avions américains, mais il autorise des transferts de technologie.

S'agissant du Rafale, la décision est en cours en Inde. En Suisse, ils sont également en phase de décision. Il n'y a pas de problème d'argent ni de problème de reprises d'avions anciens et ils ont l'habitude de travailler avec les techniciens français. A Abou Dhabi les négociations sont très difficiles. Les Emiratis voudraient qu'on leur reprenne leurs Mirage 2000-9. La démonstration du Rafale au Dubaï Air Show a été éblouissante. Cet avion a un prix. Il remplacera trois avions, puisqu'il est capable de faire de la reconnaissance, de l'attaque au sol et de la défense aérienne. Cela génère des économies d'équipement et des économies d'équipage.

Sur le fait que nous ayons décidé d'en acquérir onze à défaut de six, cela est normal, puisque nous l'avions intégré dans la construction du programme.

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

non, la variable d'ajustement des exportations.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Est-on condamné à ce que l'Etat joue le rôle de variable d'ajustement ?

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Oui, parce que sinon l'industriel monte les prix.