L'autre grand sujet dont nous avons débattu est, bien évidemment, la question de la reconnaissance d'un État palestinien à l'ONU. Elle est directement liée aux printemps arabes puisqu'alors que la région connaît des bouleversements, la légitimité de l'aspiration palestinienne à un État est indiscutable. Notons cependant que si la qualité de peuple opprimé soude les populations derrière leurs dirigeants, les aspirations à la démocratie, la transparence, le partage des responsabilités et des gains de la croissance, la lutte contre la corruption sont aussi des aspirations légitimes du peuple palestinien.
Quelques jours après notre mission, le 11 novembre dernier, la demande d'admission de la Palestine comme État membre n'a pas réuni une majorité de neuf voix au Conseil de sécurité. Le rapport du comité d'admission a souligné les divergences entre les membres et, en tout état de cause, les États-Unis avaient annoncé qu'ils opposeraient leur veto. Le président Obama a prononcé devant l'Assemblée générale l'un des discours les plus pro-israélien des années récentes. Le contexte électoral et l'état de l'opinion publique aux Etats-Unis expliquent cette rigueur. La fermeté du président américain se traduisant directement en gain dans les sondages. Nous avons eu une très intéressante rencontre chez notre Consul avec des experts des sondages, des journalistes et des universitaires qui ont montré les variations des positions du président Obama sur cette question et son effet sur les sondages.
Il était donc connu que la demande palestinienne n'avait aucune chance d'aboutir. Outre son aspect éminemment médiatique, elle permettait de compter les appuis et les oppositions. Par rapport au cas de la Syrie, il est particulièrement intéressant de remarquer que l'opposition entre les pays émergents, en particulier les BRICS, et les pays occidentaux, s'est exactement reproduite.
La position française en faveur de la création d'un Etat palestinien est connue. Il convient d'ailleurs de remarquer que l'idée de deux Etats coexistants dans des frontières sûres et reconnues est unanimement acceptée par la communauté internationale. Elle fait partie de l'acquis. Tous les éléments d'une solution sont sur la table des négociations : la Conférence de Madrid de 1991, le discours du Président Obama du 19 mai dernier, la feuille de route, l'initiative arabe de la paix et les paramètres agréés par l'Union européenne. Pourtant, après 60 ans de conflits, une solution semble plus éloignée que jamais.
C'est la raison pour laquelle, la France, par la voix du président de la République, a proposé un changement de méthode et un calendrier lors de son discours devant l'Assemblée générale de l'ONU le 21 septembre dernier. La reprise des négociations s'accompagnerait de l'octroi d'un statut d'Etat observateur non membre par l'Assemblée générale où une majorité est acquise. Un statut rehaussé et des changements concrets sur le terrain sont inséparables. L'un sans l'autre n'a guère de sens.
Cette proposition française ne s'est pas encore concrétisée, les Palestiniens préférant jouer la carte du Conseil de sécurité, tout en posant leur candidature comme Etat membre de plein exercice dans les agences de l'ONU pour lesquels les Etats-Unis ne peuvent opposer leur veto. L'UNESCO vient, la première, d'accueillir la Palestine comme Etat membre de plein exercice. Selon certains ambassadeurs, son admission crée un capital politique sur lequel il faut investir.
Le vote français en faveur de cette admission tient compte de la nature de cet organisme et était destiné à montrer aux Palestiniens que les choses progressent, qu'ils ne sont pas dans une impasse. Il faut reconnaître que cette décision que nous avons apprise au début de notre séjour n'était pas évidente et qu'elle a surpris. Je m'en félicite naturellement. Cette position n'empêche pas, au-delà d'une contradiction apparente soulignée par M. Mansour, le représentant palestinien, une abstention au Conseil de sécurité.
Comme nous l'a indiqué le représentant américain à l'ONU, cette décision entraîne automatiquement la suspension des contributions des Etats-Unis à l'Unesco ou dans tout autre organisme de l'ONU qui reconnaîtrait un Etat palestinien avant la fin des négociations entre Israël et les autorités palestiniennes. Cette obligation résulte de deux lois adoptées par le Congrès au début des années 90 dont il est évident que le président Obama ne demandera pas la modification dans le contexte actuel. Il en résulte que, si, comme il est probable, les Palestiniens continuent à demander la reconnaissance de leur Etat dans les 16 autres agences de l'ONU, les mêmes sanctions financières s'appliqueront. Selon la représentante américaine, seule l'ONU devrait échapper à cette suppression des cotisations puisque l'octroi d'un statut rehaussé par l'Assemblée générale n'est pas juridiquement l'admission comme Etat membre.