Quelles conclusions pouvons-nous tirer de ces quelques jours à l'ONU ?
La première est que ces déplacements de notre commission sont indispensables. Ils nous permettent de nous informer aux diverses sources de premier ordre qui sont rassemblées à l'ONU sur les grandes problématiques mondiales.
La seconde est que le « machin » fonctionne de manière assez satisfaisante en dépit de ses faiblesses, de sa lourdeur administrative et de ses difficultés à se réformer. L'ONU est utile, nécessaire et surtout irremplaçable. Son bilan récent est satisfaisant.
Nous n'aurions pas porté un jugement aussi positif il y a quelques années où l'ONU paraissait en crise et en décrochage, en partie en raison de la politique d'unilatéralisme de l'hyperpuissance américaine sous les deux présidences de Georges W. Bush. Décalage par rapport aux émergents qui dénonçaient son manque de représentativité, et menaçaient de s'en retirer au profit de blocs régionaux et marginalisation du fait de la crise économique et financière de 2008 : telle était la situation dans un passé encore récent.
Certes, beaucoup de problèmes restent pendants aujourd'hui.
Si les émergents ne sont pas partis, si les Etats-Unis sont revenus, la réforme de l'ONU et notamment du Conseil de sécurité n'avance pas. Les questions économiques ne sont pas traitées à l'ONU mais au FMI, à la Banque mondiale et surtout dans les nouveaux forums de la gouvernance économique : le G8 et le G20. Une réforme du Conseil économique et social (ECOSOC) est indispensable.
Pourtant depuis 2010 l'action de l'ONU s'est vue confortée avec des succès indéniables. Succès qui correspondent aussi à des lignes directrices de notre diplomatie.
Succès dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales en Côte d'Ivoire et en Libye. Prises de position fermes de l'institution et de son secrétaire général partout où les droits de l'homme sont menacés ou bafoués comme en Syrie.
Succès de la mise en oeuvre opérationnelle du concept de responsabilité de protéger.
Progrès dans le domaine des droits de l'homme avec un Conseil des droits de l'homme, créé en 2005, qui commence enfin à répondre aux attentes.
Succès dans le domaine de la réponse humanitaire aux crises, certes imparfaite mais sans équivalent (Haïti 2010, Libye et Corne de l'Afrique...).
Succès incontestable bien que perfectible, de la justice internationale alors que le processus n'a pas vingt ans.
Succès « en creux » des opérations de maintien de la paix que l'on critique beaucoup mais qui se font là où personne ne veut aller et où la situation serait bien pire en leur absence.
Et pendant toutes ces années, dans le domaine normatif, les Nations unies continuent à « produire » des traités, des règles universelles et des mécanismes permettant leur mise en oeuvre et leur respect.
Le Conseil de sécurité, qu'il est question d'élargir depuis près de vingt ans, souffre certes d'un défaut de représentativité, mais force est de constater que son efficacité est incontestable et que paradoxalement, il agit et exécute son mandat plus que jamais. Son plan de charge a été multiplié par quatre depuis 1990.
Point gris : les activités de développement font l'objet d'une rationalisation progressive, mais l'organisation pèche toujours par manque de cohérence. Les fonds et programmes (PNUD, UNICEF, PAM...) et les grandes organisations spécialisées (OMS, FAO, ONUDI, UNESCO...), à des degrés divers, fonctionnent nettement mieux qu'il y a quinze ou vingt ans, mais, en dépit de l'amorce d'une réforme (initiative « One UN » de K. Annan), l'ensemble donne toujours l'impression d'un émiettement préjudiciable à l'efficacité de l'ensemble, au détriment finalement des plus pauvres, censés être les vrais « clients » de l'organisation.
Cette impression est encore plus nette s'agissant de l'environnement, et justifie qu'à l'approche de Rio+20 (juin 2012), la France continue à plaider pour la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement.
Enfin, rappelons que la France, membre permanent du Conseil de sécurité, joue un rôle central aux Nations unies. Elle est force de proposition et d'impulsion. A travers son statut et ses initiatives, à travers ses réseaux (Afrique, francophonie....), elle occupe une place à la mesure du rôle mondial qu'elle entend jouer. Notre intérêt est de voir une ONU forte et active continuer à oeuvrer aux affaires du monde. Encore une fois nous devons rendre hommage à notre diplomatie qui nous permet de tenir ce rang et d'avoir ce rayonnement. Mais nous devons également rappeler que le verbe ne suffira pas éternellement à nous maintenir à ce niveau dans une organisation qui a besoin de moyens. De ce point de vue notre déclin budgétaire, notamment pour ce qui est des contributions volontaires, est extrêmement préoccupant.