Intervention de Guy Fischer

Réunion du 9 décembre 2010 à 15h00
Compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements — Article 2

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le président, pour vous faciliter la tâche, mon intervention vaudra pour les articles 2, 3 et 4, qui portent sur une question identique, à savoir le financement de l’APA.

Avec ces articles, il s’agit pour nous de créer un véritable droit universel à compensation pour les dépenses publiques assumées par les départements au titre de la gestion de l’allocation personnalisée d’autonomie, ainsi qu’une compensation à hauteur de 90 % du montant des allocations distribuées, tant au titre de l’« APA à domicile » que de l’« APA en établissement ».

Comme vous le savez, l’APA est une allocation universelle, sociale, individuelle, permettant aux personnes âgées et dépendantes de bénéficier des aides et services nécessaires à leur vie quotidienne. Cette aide est très importante et le sera de plus en plus, puisqu’elle permettra notamment aux personnes âgées d’assumer financièrement une partie de leurs besoins : je pense, notamment, à l’embauche d’une aide à domicile qui les accompagne dans leurs démarches quotidiennes et permet leur maintien chez elles.

Tout le monde s’accorde à le dire, nous assistons à un vieillissement de la population. Les gens vivent plus longtemps – et c’est tant mieux ! –, ce qui crée des besoins nouveaux, mais également des solidarités nouvelles, particulièrement lorsque l’on mesure la dégradation du pouvoir d’achat des personnes vieillissantes.

N’oublions pas que, aujourd’hui, en France, plus d’un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté. Pour eux, le maintien à domicile ou l’accueil par une structure ne sont possibles que parce qu’existent des mécanismes de solidarité. Or, M. le rapporteur le souligne, ces mécanismes, précisément parce qu’ils ne sont pas compensés, pèsent de plus en plus sur les budgets départementaux. L’APA constitue, dans le triptyque des dettes dues par l’État au titre des allocations individuelles, le principal élément : ainsi, en 2008, le reste à charge net pour les départements s’élevait à 532 millions d’euros pour le RMI, à 18 millions d’euros pour le RSA et à 3, 25 milliards d’euros pour la seule APA.

Pourtant, dans ce contexte marqué par la baisse des ressources propres et par l’augmentation des besoins, M. le rapporteur nous affirme qu’il serait urgent d’attendre que le Gouvernement prenne des décisions à la suite du débat public qui se tiendra dans le courant de l’année 2011 et qui devrait trouver sa concrétisation dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. On nous a en effet annoncé que l’année 2011 sera « l’année de la dépendance ».

Cet argument nous inquiète, car la dépendance, à elle seule, mériterait dès aujourd’hui un projet de loi, ainsi qu’une véritable discussion qui pourrait se prolonger plusieurs semaines ; l’intégration de cette question dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale augure mal de la volonté du Gouvernement d’aller au fond des problèmes.

D’une part, on repousse, une nouvelle fois, le temps de l’action et on laisse les départements seuls face à leurs difficultés ; d’autre part, nous connaissons par avance les conclusions que le Gouvernement tirera en définitive d’une concertation dont on ne peut espérer qu’une chose : qu’elle se déroule mieux que celle qui avait été engagée lors de la réforme des retraites !

Nous savons en effet que ces conclusions privilégieront les mécanismes assurantiels, qui reposent toujours sur les capacités financières de ceux qui deviennent alors des clients. Une telle solution exclut, de fait, les plus modestes, pour qui vous ne manquerez pas de proposer l’instauration de mécanismes de récupération sur succession et qui se trouveront obligés de vendre leurs biens, imposant ainsi le démembrement de patrimoines familiaux modestes, ce qui est inadmissible !

Si ces mesures ne suffisent toujours pas, vous exigerez des aînés qu’ils engagent contre leurs descendants ou leurs héritiers des actions juridiques de telle sorte que la solidarité familiale prime la solidarité nationale.

Or, pour tous ceux qui n’ont plus rien, il ne restera précisément plus que celle-ci et nous craignons fort que, en lieu et place de cette solidarité nationale, ne s’instaure une solidarité intradépartementale. C’est en tout cas ce que nous fait craindre la déclaration suivante de Mme Berra, lorsqu’elle était secrétaire d’État chargée des aînés : « On ne pourra jamais, avec l’argent public, couvrir l’ensemble des besoins. […] La solidarité nationale continuera à jouer son rôle ».

Aussi, même si nous entendons l’argument selon lequel une loi pourrait rénover, d’ici à la fin de 2012, les règles régissant l’APA, il ne nous semble pas inutile d’agir dès aujourd’hui, même de manière provisoire, afin que cesse cette situation financière insoutenable pour les départements.

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