Intervention de Tom Enders

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 février 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Thomas Enders président exécutif d'eads

Tom Enders :

Je souhaiterais commencer par la question sur le futur de l'aviation de combat en Europe. C'est une des questions les plus importantes pour nous. Pour l'instant, les armées de l'air sont bien équipées, avec les Eurofighter et les Rafale et cela sera encore le cas pendant de longues années. Les Américains ont eu beaucoup de difficultés dans la mise au point du JSF, ce qui montre bien qu'en matière d'aéronautique militaire, nous sommes sur des technologies de pointe et que les difficultés font partie du métier. Quoi qu'il en soit les Américains arriveront à surmonter ces difficultés. Or nous n'avons aucun projet d'avion de combat pour les forces européennes dans les vingt prochaines années. Dans ces conditions, la question qui se pose à moi est de savoir comment je maintiens les compétences de mes bureaux d'études. Ce n'est pas une simple question de salaires. Même si je payais mes ingénieurs à ne rien faire, en l'absence de défis, en l'absence de projets, ils iraient voir ailleurs. On ne peut pas les ligoter à leur bureau. D'où l'importance des drones. Le Harfang a été un projet très difficile à mener et très coûteux. Il été difficile en particulier de travailler avec les industriels israéliens. Mais nous en avons néanmoins retiré beaucoup d'expérience. Nous avons fait de même avec le système Global Hawk américains. Votre gouvernement va peut-être se décider pour la solution du Reaper. Nous avons fait savoir au gouvernement français que nous étions intéressés par la francisation de ce drone. Et bien sûr nous sommes toujours intéressés par un éventuel projet de drone MALE européen. Mais nous avons bien compris que c'est très compliqué. Quand les Allemands ont l'argent pour le faire, les Français ne veulent pas et quand les Français veulent, les Allemands reculent. L'avenir de l'aviation de combat passe probablement par des avions sans pilote. Nous devons absolument nous mobiliser sur des projets car sinon l'avenir de l'Europe dans l'aviation de combat sera nul. Nous perdrons les compétences. Il y a un besoin criant d'ingénieurs dans l'aéronautique civile, nous n'allons pas garder les ingénieurs à travailler sur des projets de défense qui ne verront jamais le jour.

Est-ce que la nouvelle gouvernance permettra d'éviter des situations où le respect du principe du juste retour entrave la bonne réalisation d'un programme tel que l'A400M ? J'ai bien peur que non. Les gouvernements continueront à faire pression sur les entreprises pour avoir du retour industriel dans leur pays, dans leur région, et c'est à nous industriels de voir si on peut accepter ça ou si on doit négocier. Avec le recul je vois que cela nous fait courir des risques et nous faire perdre de l'argent. Au moment de la signature du contrat, nous savions que nous aurions des difficultés à respecter les coûts et le calendrier, mais ce programme représentait une opportunité extraordinaire pour que l'Europe reste dans l'aviation de transport militaire aéronautique. Sinon il n'y aurait pas eu de successeur au Transall. Mais on ne peut pas empêcher l'intervention des Etats par une nouvelle gouvernance. Du reste cela existe aussi aux Etats-Unis. Il faut que ce jeu reste équilibré. Ce n'est pas à la DGA, ce n'est pas aux Etats de mettre la pression maximale pour imposer des conditions irréalistes aux industriels et nous ne nous rendons pas service à nous-mêmes en acceptant de tels contrats.

Je n'ai pas de commentaire à faire sur ce que décidera le gouvernement français des 3 % de participation restants. Sur les douze milliards d'euros immobilisés dans le capital des entreprises de défense, je suis d'accord avec vous. Si vous sortez cet argent du capital des entreprises et que vous l'investissez dans la recherche et le développement alors vous aurez fait énormément pour la compétitivité des entreprises françaises. Mais je ne sous-estime pas les difficultés politiques et ne souhaite pas faire davantage de commentaires.

Pour ce qui est de l'A400M, ce programme est déjà déficitaire pour nous. Nous avons perdu beaucoup d'argent. Vous vous souvenez de la crise de 2009. Pour le futur on peut nous demander la flexibilité et nous ferons ce que nous pouvons. Mais il nous faut aussi de la stabilité. On ne peut pas modifier le calendrier de cette année et de l'année prochaine et remettre en cause la livraison d'appareils qui sont en passe de sortir des chaînes de production. Un tel étalement serait générateur de pertes supplémentaires : si chaque nation demande à nouveau à négocier, vous mettrez EADS et ses sous-traitants en grande difficulté

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