Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 20 février 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OTAN
  • américain
  • américaine
  • bahreïn
  • iran
  • qatar
  • États-unis

La réunion

Source

La commission auditionne M. Thomas Enders, président exécutif d'EADS.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous sommes très heureux de vous recevoir ici devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Vous êtes aujourd'hui à la tête de la plus grande entreprise aéronautique européenne qui a été forgée par la volonté des Etats français, allemand et espagnol au tournant de ce siècle afin, notamment, de promouvoir « l'Europe de la défense », terme polysémique non dépourvu d'ambiguïtés. Si nous vous avons demandé de venir aujourd'hui parmi nous c'est précisément pour que vous nous parliez d'Europe et de défense, l'activité civile d'EADS ne nous intéressant, dans cette commission, qu'à titre subsidiaire.

Nous sommes nombreux au Sénat, à droite comme à gauche, à porter le deuil du projet de fusion EADS-BAE. L'Europe de la défense en parler c'est bien, mais la faire c'est mieux ! Nous l'avons écrit, avec mes collègues Daniel Reiner pour le parti socialiste et Jacques Gautier pour l'UMP, dans une tribune bipartisane, et sommes les seuls hommes politiques européens à s'être exprimés en faveur de cette fusion... avant qu'elle n'échoue. Nous sommes donc très intéressés de connaître votre version de l'histoire. Cela est d'autant plus important que nous avons mandaté un groupe de travail sur l'Europe de la défense, dont les co-présidents ne sont autres que Daniel Reiner, Jacques Gautier, Xavier Pintat et André Vallini. Ils vont aller à Berlin et poseront cette même question aux responsables allemands.

Deuxième question : la fusion avec BAE avait pour objectif de permettre à EADS d'équilibrer les cycles de l'industrie aéronautique civile par une activité dans le domaine de la défense. Vous avez dit que dit que l'histoire ne repasse pas les plats. Est-ce que cela veut dire que cette stratégie d'équilibre entre les activités civiles et de défense est définitivement abandonnée et que la feuille de route tracée par Louis Gallois dans le plan « vision 2020 » doit être reconsidérée ?

Troisième question : si vous ne rééquilibrez pas les cycles civils avec la défense, comptez-vous les rééquilibrer avec une autre activité ? Ou bien comptez-vous sortir des activités militaires ? En d'autres termes, quelle nouvelle stratégie comptez-vous mettre en oeuvre ?

Quatrième question : y a-t-il un réel intérêt pour les Etats, pour l'Etat français en particulier, d'être au capital d'EADS ? S'il y a une leçon pour nous Français à retenir de l'échec du projet de fusion EADS-BAE, c'est bien que l'Etat allemand a eu plus d'influence en ne détenant aucune action, que l'Etat français qui détenait 15 % du capital. Par les temps qui courent, laisser autant de capitaux improductifs dans les entreprises de défense soulève des questions. L'Etat britannique ne détient aucune action dans BAE, ce qui ne l'empêche pas d'avoir mis en place les procédures juridiques lui permettant de faire prévaloir ses intérêts chaque fois qu'il estime devoir le faire. Qu'en pensez-vous ?

Cinquième et dernière question : nous avons en France, comme dans le reste des pays européens, beaucoup de mal à rassembler les moyens budgétaires nécessaires pour maintenir nos ambitions de défense au niveau adéquat, quoique déjà « juste insuffisant ». De ce fait, nous explorons toutes les pistes. On sait que la voie de la construction européenne est passablement obstruée, ou, pour dire les choses de façon diplomatique, que la relation franco-allemande a connu et connaîtra je l'espère des jours meilleurs. A tel point qu'aujourd'hui, nous serions assurément incapables de construire un nouvel EADS, de projeter un nouvel A400M ni, du reste, simplement d'imaginer quelque projet industriel que ce soit. Quant à la voie britannique, on se demande encore quelles sont les motivations profondes qui ont poussé le Premier ministre à annoncer l'éventualité d'un referendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Europe. Alors que faire ? Quelle voie nous suggéreriez-vous d'explorer ?

Debut de section - Permalien
Thomas Enders, président exécutif d'EADS

Je vous remercie de votre invitation et du temps que vous consacrez au groupe EADS. J'en suis très honoré. EADS est un acteur industriel majeur en France et en Europe et, à ce titre, il me paraît important de vous présenter notre groupe aujourd'hui.

Avant toute chose, je souhaiterais dire mon respect et mon admiration pour les forces françaises, ce qu'elles font au Mali en ce moment même et surtout pour les soldats français qui sont tombés au combat. Permettez-moi de saluer la mémoire de mon camarade du deuxième Régiment étranger de parachutistes de la légion étrangère. J'ai sauté avec le 2ème REP à Calvi.

Je suis également d'accord avec ce que vous avez dit, avec peut être une légère réserve concernant le Premier ministre britannique, David Cameron. Je fais partie d'un groupe de conseillers autour du Premier ministre britannique, que je trouve à titre personnel beaucoup plus pro-européen qu'on ne le dit.

L'année dernière a été marquante pour EADS. La nouvelle gouvernance a été élaborée. Je ne parle pas de la succession des personnes qui s'est passée comme prévue, sans psychodrame, avec l'arrivée d'hommes issus de l'entreprise comme cela devrait toujours se passer.

S'agissant du projet de fusion avec BAE Systems, même s'il ne s'est finalement pas réalisé, je vous suis très reconnaissant du soutien que vous lui avez apporté. Vous êtes les seuls hommes politiques en Europe à avoir pris position publiquement en faveur de ce projet. Je vous en remercie.

Je souhaiterais maintenant vous présenter l'entreprise en soulignant trois caractéristiques clés. Premièrement, c'est une entreprise multinationale aux racines européennes, qui est une force dans les exportations de la France. Deuxièmement, c'est un maître d'oeuvre industriel qui, par ses grands programmes civils et militaires, entraîne le tissu industriel français. Troisièmement, c'est une entreprise duale capable de tirer parti de la « fertilisation croisée » des technologies et des activités civiles et militaires. Plus qu'aucune autre société, EADS est particulièrement concerné par l'Europe de la défense à laquelle votre commission consacre ses réflexions.

Les résultats de 2012 sont remarquables. Le chiffre d'affaires a augmenté de 10 % alors même que la croissance stagne et qu'il n'est pas certain qu'il y ait encore une reprise. EADS a été une des plus belles réussites industrielles en Europe dans la dernière décennie. La profitabilité de notre Groupe s'est améliorée, même si elle reste trop faible et insuffisante au regard de celle de nos concurrents américains. Nous devons encore améliorer notre résultat net afin de renforcer notre robustesse.

Grâce à sa croissance, EADS a été capable de créer de nombreux emplois dans les pays de sa base nationale. Cela est particulièrement vrai en France où EADS emploie aujourd'hui plus de cinquante-deux mille employés, ce qui représente 20 % de plus que lors de sa création en 2000.

Le projet de fusion entre EADS et BAE était une étape majeure dans notre stratégie, plus particulièrement pour nos activités de défense. Comme vous le savez, je me suis personnellement engagé dans ce projet. J'avais conscience, dès le départ, que nous prenions un risque important, mais que le jeu en valait la chandelle. C'était un moyen de réaliser en une seule fois le plan stratégique « Vision 2020 », lancé en 2008 par Louis Gallois afin d'équilibrer les activités d'Airbus et les autres activités et d'élargir notre empreinte géographique.

Mais les choses ne se sont pas déroulées comme nous l'espérions. L'opération aurait sans aucun doute renforcé EADS et à travers elle toute l'industrie aéronautique et la défense européennes. Quoi qu'il en soit, après quelques mois de négociations, il est apparu que les conditions requises n'étaient pas remplies et j'ai préféré, avec mon ami Ian King, président exécutif de BAE Systems, arrêter ce projet malgré son grand intérêt pour nos deux entreprises.

Le projet a échoué parce que l'environnement politique était trop complexe. Nous n'avons pas pu bénéficier d'une conjonction de paramètres qui aurait permis l'alignement de trois gouvernements européens. Sur les trois, l'un était opposé. Les deux autres ont été positifs, mais leur soutien n'a pas été suffisamment décisif pour infléchir la position du premier. Nous étions convaincus qu'à un moment où l'Europe est en difficulté, ce projet serait accueilli plus favorablement. Quoi qu'il en soit, cet événement est derrière nous.

L'échec du projet de fusion nous conduit à réexaminer la vision stratégique d'EADS et proposer de nouvelles directions ainsi qu'une nouvelle gouvernance pour y conduire. Ce réexamen progresse et devrait aboutir d'ici quelques mois. Les paramètres financiers sont déterminants : aucune entreprise ne peut avoir une stratégie de long terme soutenable sans faire de profits. C'est un prérequis pour être capable de faire de la recherche et du développement et renforcer notre compétitivité.

Sur la question de savoir si nous aurons une autre occasion, c'est difficile à dire. Un tel alignement de planètes ne se produit pas tous les jours. Néanmoins nous avons pu bénéficier d'éléments de gouvernance que nous avions élaborés pour ce projet de fusion. Daimler et Lagardère voulaient sortir depuis longtemps du capital d'EADS. Je rappellerai que leur soutien a été déterminant lors de la création d'EADS et que cette entreprise n'aurait pas existé aujourd'hui sans leur concours.

En décembre, nous sommes parvenus à un accord que nous n'aurions jamais estimé possible l'été dernier. En ce sens, au moins, le projet de fusion BAE System/EADS a porté des fruits. L'accord multilatéral signé entre les gouvernements français, allemand et espagnol ainsi que Lagardère et Daimler marque le coup d'envoi d'une nouvelle gouvernance et d'une nouvelle structure actionnariale pour l'entreprise, une sorte de « reset » qui est sans aucun doute le changement le plus important depuis la création de l'entreprise il y a douze ans.

Bien que le gouvernement allemand achète 12 % d'EADS, l'influence des gouvernements sur la gouvernance de l'entreprise sera moindre qu'avant. Le pacte d'actionnaires actuel sera dissous et l'entreprise disposera d'un conseil d'administration normal. Cette amélioration nous permet de clarifier les droits des Etats et nos obligations.

EADS va devenir une entreprise « normale ». Les membres du conseil d'administration seront proposés par le comité des nominations, formé au sein du conseil lui-même. Ce comité des nominations garantira que chaque personne nommée est celle qui correspond le mieux au profil du poste. Aucun actionnaire ne pourra nommer un membre du conseil d'administration directement ou indirectement. Au lieu d'avoir un pacte d'actionnaires compliqué, notre nouvelle structure de gouvernance rendra l'intervention des trois gouvernements similaire à celle qu'ils auraient avec une action de contrôle, une golden share par exemple, pour prévenir toute opération de prise de contrôle hostile.

Les intérêts légitimes de sécurité des gouvernements seront sauvegardés à travers des accords particuliers de sécurité et des mécanismes prévenant les OPA hostiles. C'est une amélioration, puisque de telles transformations clarifient les droits des Etats et les obligations d'EADS, plus particulièrement en matière de défense, sans placer en conflit d'intérêt les actionnaires et les parties prenantes (stakeholders).

Le mois dernier, j'ai proposé aux autorités françaises que le Général Bernard Thorette, Anne Lauvergeon et Jean-Claude Trichet soient nommés au conseil d'administration de la filiale qui détiendra les actifs de sécurité français. Je suis convaincu que ces nominations sont les bienvenues. Sur le long terme je ne vois pas la nécessité pour la France de rester actionnaire. S'il s'agit de préserver ses intérêts stratégiques, elle peut y parvenir d'une autre manière.

Le changement de gouvernance va nous permettre aussi d'accéder plus facilement à certains marchés. Aux Etats-Unis en particulier, nous étions jusqu'ici suspectés d'être une société sous contrôle étatique. Les réactions ont donc été positives à l'annonce de la nouvelle gouvernance.

C'est un changement pour notre société qui doit modifier sa gouvernance afin de devenir plus forte, plus rapide dans ses décisions tout en restant un leader toujours plus compétitif sur des marchés aéronautique et de défense. L'accord sera soumis à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires le 27 mars.

Pour ce qui est de la stratégie, soyons lucides : les dépenses de défense vont au mieux ralentir en France, en Europe et même aux Etats-Unis dans les prochaines années. On pourrait être surpris par une telle tendance quand on sait que d'autres pays, en dehors de l'OTAN, augmentent de façon considérable leurs dépenses, en créant de nouvelles menaces et que des moyens militaires nous serons de plus en plus nécessaires à des fins de stabilisation, comme le montre le Mali.

Personne ne peut échapper à la nécessité de s'adapter. Cela soulève la question de savoir si nous ne devrions pas nous concentrer dans le long terme sur nos activités commerciales et en particulier les avions et les hélicoptères.

Les exportations en matière de défense peuvent aider, c'est certain ; mais aucune industrie de défense ne peut prospérer à l'export si elle ne s'appuie pas sur une solide base domestique. C'est le coeur du problème : si nous voulons garder des capacités industrielles clefs en Europe, nous n'éviterons pas une restructuration des industries de défense. C'est ce à quoi nous devons nous préparer et c'est la raison pour laquelle nous entrons dès maintenant dans ce que j'ai appelé « EADS 2.0 ».

Je voudrais remercier les gouvernements français, allemand et espagnols pour avoir eu la volonté et la sagesse de trouver un accord sur la gouvernance qui donne un nouveau départ et apporte à EADS les outils pour être plus fort et plus compétitif dans le futur.

Pour ce qui est de la relation entre la France et EADS, je voudrais préciser le lien futur entre l'Etat français et l'entreprise. Je voudrais souligner combien notre partenariat est crucial l'un pour l'autre : la France est un pays clé pour les activités de défense d'EADS et EADS est un des acteurs essentiels pour la défense de la France. En effet, EADS contribue à la force de dissuasion nucléaire française, puisqu'elle fournit notamment les missiles M51 et ASMPA développés, produits et soutenus respectivement par ASTRIUM et MBDA.

Nous sommes fiers de livrer le premier A400M avant le Bourget à l'armée de l'air française avec un premier contrat de soutien qui vient d'être signé il y a à peine quelques jours. Nous avons proposé l'Airbus A330-200 MRTT pour le ravitaillement en vol à l'armée de l'air française. Nous avons également commencé les livraisons d'hélicoptères NH-90 à la fois à la marine et à l'armée de terre. Depuis trois ans, nous sommes le premier fournisseur industriel du ministère de la défense français, ce que M. Laurent Collet-Billon a confirmé à l'occasion de sa conférence de presse mercredi dernier, lorsqu'il a présenté les résultats de la DGA.

Les opérations au Mali démontrent l'importance de nos systèmes d'armes pour conduire les missions d'aujourd'hui. Les hélicoptères Tigre font la preuve de leur efficacité, comme ils l'ont déjà fait en Libye et en Afghanistan. Les drones Harfang et les satellites d'observation de la terre, tels qu'Hélios 2 B et Pléiades sont également des capacités critiques dans l'opération Serval au Mali.

Les leçons apprises en opérations extérieures renforcent notre détermination à livrer l'A400M avant l'été. La production est en plein essor. Je tiens à remercier la DGA pour son soutien et son leadership vis-à-vis des autres Etats tout au long de ce programme et de sa renégociation. Notre volonté de rester un partenaire du ministère français de la défense est égale dans le domaine des drones afin d'éviter des lacunes capacitaires et des dépendances pour des capacités aussi critiques.

La croissance des activités d'EADS en France a été spectaculaire, grâce à un dialogue constructif entre tous les acteurs de l'industrie aéronautique et de l'espace et, en particulier, l'Etat. Grâce à une politique industrielle de long terme, l'industrie aéronautique et spatiale française est compétitive sur le marché mondial. Elle le restera tant que ce modèle sera préservé.

Une remarque de principe : une industrie ne peut réussir qu'avec une véritable politique industrielle ambitieuse. C'est le rôle de l'Etat. Le succès de notre industrie en France est le résultat d'un partenariat piloté par des institutions publiques telles que la DGA, DGAC ou le CNES qui ont su mettre en place des programmes de long terme, couvrant toutes les étapes de la R&D, depuis la R&T jusqu'aux avances remboursables. Une telle dynamique profite grandement de forums publics privés tels que CORAC dans le domaine de l'aéronautique civile. A tel point que, et c'est une bonne nouvelle, des forums similaires vont être mis en place pour les priorités de demain que sont la Sécurité et l'Espace.

Je voudrais insister sur l'importance stratégique d'avoir à la fois des activités de défense et des activités civiles, ce qui nous permet de tirer le maximum de synergies de notre politique d'investissement en R&T.

La défense a besoin des systèmes les plus en pointe et de technologies qui n'existent pas encore. C'est pour cela que la recherche en matière de défense progresse par ruptures technologiques. Ce sont ces ruptures qui bénéficient ensuite aux activités civiles à moyen et long terme à travers des retombées issues de ces recherches.

C'est pourquoi il est essentiel que le prochain Livre Blanc préserve cette approche et, quelles que soient les décisions budgétaires, sanctuarise à tout prix le budget de la Recherche amont, aussi bien militaire que civile. A travers ces études, la DGA a réussi à construire une base industrielle compétitive et technologiquement avancée. C'est du reste exactement ce que font nos concurrents. Les mesures adoptées devront cibler les technologies clefs pour l'avenir : ces choix n'auront pas simplement d'impact sur la défense mais aussi sur notre compétitivité face aux Etats-Unis et aux grands émergents. Notre projet avec BAE Systems s'inscrivait dans cette perspective industrielle de long terme face à une concurrence bientôt mondiale.

Le deuxième enseignement que je retiendrai est que l'industrie aéronautique ne peut être pas viable sans une approche duale.

La politique industrielle doit porter sur un périmètre industriel et technologique adéquat. Notre industrie est, par nature, duale. On ne peut pas considérer les enjeux de défense, d'un côté, et ceux des activités commerciales, de l'autre. Il y a une fertilisation croisée entre les activités civiles et militaires pour les lanceurs, les satellites, les hélicoptères... Ici aussi une approche globale est nécessaire afin de préserver une base industrielle dans la durée en France.

Prenons en compte un exemple critique : les lanceurs spatiaux et les missiles balistiques. Le développement complet d'Ariane 5ME et les études sur la nouvelle génération de lanceurs Ariane 6 sont absolument indispensables afin de préserver les compétences en matière de missiles balistiques.

Cela n'est pourtant pas suffisant pour préserver les compétences des bureaux d'études des Mureaux et de nos sous-traitants et la capacité à contribuer à la dissuasion nucléaire. Le programme M51 doit pouvoir être poursuivi dans ses versions ultérieures comme prévu dans la programmation, sauf à devoir faire face à des conséquences majeures en matière d'ingénierie pour ASTRIUM et, plus particulièrement, pour son bureau d'études des Mureaux.

Il est également important de garder à l'esprit qu'il n'y a pas de politique industrielle viable si les demandes en matière civile et militaire ne sont pas coordonnées. C'est de cette façon que la compétitivité peut être renforcée dans le long terme et que les politiques peuvent produire ce que l'on appelle « the best value for money ».

En troisième lieu, je souhaiterais vous parler des exportations. Une de nos principales priorités est de développer notre capacité d'exportation en dehors de nos marchés nationaux. Nous bénéficions d'un fort soutien des pouvoirs publics en ce domaine. Les exportations sont cruciales pour préserver la base industrielle de défense européenne, tout particulièrement dans le contexte actuel de réduction des budgets de défense et de compétition mondiale accrue. Mais comme toujours, les exportations reposent sur la maîtrise des marchés nationaux, ce en quoi la France joue un rôle de leader. J'espère que les résultats du Livre blanc prendront cet aspect des choses en considération.

Je tiens à rappeler qu'EADS s'appuie sur ses partenaires industriels pour être et rester compétitif. Notre groupe sous traite plus de 70 % de son chiffre d'affaires à des milliers d'entreprises françaises, essentiellement des PME-PMI. C'est pour cela que nous avons besoin de réseaux industriels innovants et résilients et c'est la raison pour laquelle Marwan Lahoud a récemment signé le pacte PME avec le ministère de la défense française. Nous avons besoin de partenaires industriels forts, à la fois petits et grands, pour livrer les meilleurs produits aux forces armées françaises et gagner ensemble des contrats à l'export.

Dans le domaine des hélicoptères, Eurocopter s'attaque à l'ensemble des marchés civils et militaires. Nous avons remporté des succès importants avec l'EC-725 Cougar, le NH-90 et le Tigre. Notre préoccupation principale concerne la commande de trente-quatre NH-90 TTH qui doit encore être confirmée par la France. L'export et la coopération sont ici encore, des éléments clés du succès, au même titre que les synergies entre le civil et le militaire, surtout quand Eurocopter doit renouveler son offre de produits.

Accroître notre capacité d'accéder au marché américain sera déterminant pour les années à venir. Ce marché restera le premier marché au monde pour l'aéronautique, l'espace et la défense encore pendant des décennies. EADS a fait des efforts importants pour pénétrer ce marché américain des équipements de défense, et d'aéronautique civile. Le projet de fusionner avec BAE Systems était tout en fait en ligne avec cet objectif, notamment de faire d'EADS un acteur américain sur le marché américain.

Enfin, concernant les enjeux européens, j'ai compris que vous attendiez de moi que je vous donne des avis sur la façon dont on pouvait s'y prendre pour avoir une meilleure coopération en matière de grands programmes d'armement. La période de réductions budgétaires dans laquelle les Etats européens inscrivent leurs politiques appelle un premier commentaire de ma part. C'est le bon moment pour établir des coopérations. Il s'agit de faire « plus », et non pas de faire « moins ». Le second est que le meilleur multilatéral, c'est le bilatéral ou, tout du moins, la coopération entre un nombre limité de partenaires. Les différentes revues internes consacrées à l'A400M ont montré que le manque de coopération structurée et des justes retours ingérables ont généré des problèmes en nombre. Je dois vous dire que je ne détiens pas la formule magique pour réussir une coopération. Néanmoins, EADS a accumulé suffisamment d'expériences, dans ce domaine, qui n'ont pas toutes été des succès, je dois l'admettre. J'en retire quelques enseignements :

Premièrement : pas de juste retour, ni de duplications. Seulement la sélection des meilleurs fournisseurs.

Deuxièmement, les Etats qui s'engagent dans une coopération doivent accepter d'emblée et une fois pour toutes qu'ils créent ainsi des dépendances mutuelles.

Troisièmement, il devrait y avoir un seul maître d'oeuvre industriel, clairement identifié.

Quatrièmement, il doit y avoir, en face de ce maître d'oeuvre un expert étatique fort. Les industriels ne peuvent être efficaces sur un programme en coopération s'ils doivent faire face à plusieurs clients non coordonnés. L'OCCAR est un progrès dans cette direction, mais c'est largement insuffisant. En outre cet opérateur étatique doit inclure l'industrie dès le début du programme. C'est absolument indispensable pour avoir une évaluation réaliste de ce qu'il est possible de faire et à quel coût, à travers un dialogue compétitif. J'en prendrai pour exemple le programme METEOR réalisé par MBDA : le gouvernement britannique a été chef de file du programme pendant que MBDA en était le chef de file industriel.

Les défis face à nous sont importants. Mais nous pouvons les relever dans l'esprit qui a présidé à la signature du Traité de l'Elysée entre la France et l'Allemagne. Depuis cinquante ans, de multiples programmes en coopération ont été réalisés avec succès. Ils ont d'ailleurs favorisé la création d'EADS.

Pour préserver notre industrie, je voudrais encore insister sur deux conditions :

- consolider nos capacités industrielles au niveau européen : ce qui a été réussi avec Airbus et MBDA doit s'appliquer à l'ensemble de l'industrie de défense.

- maintenir des financements publics de R&D à un niveau suffisant pour garder notre avance technologique.

Ces deux conditions sont nécessaires pour préserver les compétences de notre industrie en restant à la pointe de l'innovation et pour nous permettre d'être compétitifs sur les marchés internationaux.

C'est l'enjeu majeur pour l'industrie de défense en France et en Europe, en particulier dans le cadre du Livre Blanc et de la future loi de programmation militaire. Je sais, Monsieur le président et Messieurs les sénateurs, pouvoir compter sur vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous avons été rassurés par ce que vous avez dit sur le Premier ministre britannique, néanmoins c'est quand même un pari risqué. A un moment où l'inquiétude nourrit l'inquiétude, ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire que d'annoncer un referendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Europe. Il faut que le partenariat franco-britannique perdure et prospère. Mais il faut aussi qu'il s'ouvre. Or les Britanniques ne le veulent pas et les Allemands nous reprochent nos liens avec les Britanniques. Les liens sont en train de se tisser, mais cela prend du temps, d'autant que nous avons tous des élections et que, dans le long terme, nous serons tous morts, comme disait Keynes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le président, si nous avons une affection particulière pour EADS, ce n'est pas une question de sentiments ou d'affection, c'est parce que nous pensons de façon raisonnée qu'EADS est un instrument pour la construction de l'Europe de la défense. Vous avez évoqué la nouvelle gouvernance et vous avez également évoqué les effets néfastes du juste retour, ce en quoi nous partageons tout à fait votre appréciation puisque nous avons fait le rapport A400M et avons pu mesurer les dégâts occasionnés par l'application de ce principe. Ma question est simple : est-ce que la nouvelle gouvernance va permettre à la direction d'EADS de s'affranchir de ces pesanteurs nationales lors de programmes en coopération, exercices extrêmement difficiles ? Quand on dit que le juste retour a des inconvénients, nous avons pu en mesurer l'étendue aussi bien en termes calendaires qu'en termes financiers. Deuxième question : l'aviation de combat. Il y a aura un après Rafale et un après Eurofighter. Les Américains ont déjà engagé cet après avec le JSF. Ce JSF va équiper un certain nombre de forces armées européennes et va du reste introduire un biais calendaire important dans le renouvellement des flottes européennes. Comment dans ces conditions envisager le futur de l'aviation de combat européenne ? Était-ce à la base du projet de fusion EADS-BAE ? Je n'imagine pas qu'il y aura plusieurs avions de combat européens. Enfin, les drones. Le Sénat travaille depuis longtemps sur ce sujet. Plusieurs pistes ont été évoquées, notamment celle d'un accord BAE-Dassault sur l'UCAV du futur. Est-ce que le projet de Talarion est définitivement abandonné ? Y aura-t-il une solution alternative ? Peut-on envisager un regroupement des forces ? Alors même qu'on souffre horriblement de ce manque de drones.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je vous remercie de ne pas avoir utilisé la langue de bois. Comme vous, je me réjouis de voir que la succession à la tête d'EADS s'est faite sans drame et de voir à travers vous un président issu du groupe, contrairement à ce que fait généralement la France lorsqu'elle est actionnaire. Pour être à parité avec l'Allemagne, la France acceptera de limiter sa participation à 12 %. Elle en a 15 % actuellement. Que va-t-il advenir des 3 % restants ? Vont-ils être vendus sur le marché ? Allez-vous les racheter ? Dans ce domaine j'ai bien compris que vous n'étiez pas favorable à l'actionnariat d'Etat et, au moment même où nous recherchons des recettes nouvelles et des économies, il faut peut-être que l'Etat français réfléchisse aux douze milliards d'euros de participations qu'il a dans le capital des entreprises de défense publiques ou privées. Enfin, sur l'A400M, le premier exemplaire devrait être livré fin mai début juin et présenté au Bourget, mais mon inquiétude va au-delà. Nous sommes en train de rédiger le Livre blanc et nous savons déjà que le modèle d'armées qui sera retenu obligera de diminuer de 15 à 25 % l'équipement des forces. Ce qui veut dire qu'on va demander - ce qui est toujours une mauvaise chose - un étalement des livraisons et une réduction des cibles. Est-ce que la DGA a commencé des négociations avec vous ? D'autant que le ministre de la défense a déjà annoncé la commande des MRTT, alors que nous n'avons pas le moindre crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Vous nous avez expliqué que votre entreprise s'apprête à signer pour la première fois avec les Etats un SSA (special security agreement). C'est la façon qu'aura l'Etat de protéger ses intérêts. Dans ces conditions, quel est l'intérêt pour l'Etat de rester au capital ? Pourriez-vous nous détailler le contenu de cet agrément et en particulier quels sont les types de décisions sur lesquelles les Etats auront un veto ? Est-ce que, par exemple, les Etats pourraient s'opposer à un nouveau projet de fusion BAE-EADS, si par extraordinaire cela revenait à l'ordre du jour ? Est-ce que vous pourriez décider de vous désengager unilatéralement de votre participation dans Dassault si vous estimiez que cela ne correspond plus aux intérêts de l'entreprise ? Comment s'effectuent les nominations au Conseil d'administration ? Sur les douze administrateurs du futur conseil d'administration, quatre devront recevoir l'agrément des Etats français et allemand. Ceux-là sont bien connus et leurs noms sont dans la presse. Mais les autres, comment sont-ils choisis ? Pourriez-vous expliciter la stratégie d'EADS en matière spatiale ? Êtes-vous satisfait de l'accord qui est intervenu sur Ariane 6 et Ariane 5 ME. L'année 2013 s'annonce comme une année charnière en matière spatiale, comment voyez-vous les choses ? Quelles seront les conséquences des choix effectués dans le domaine civil pour le militaire spatial français, tant en termes de missiles balistiques que de satellites ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Une observation tout d'abord. Vous avez fait valoir tout à l'heure le fait que les Américains étaient toujours méfiants à l'égard d'EADS qu'ils soupçonnent d'être une entreprise contrôlée par les Etats. Depuis ce qui s'est passé avec l'échec du projet de fusion, cette suspicion doit valoir au moins autant pour les Allemands que pour les Français. Ma question concerne la part prise par la Chine dans la production d'aéronefs. On connaît leur détermination et nous avons eu leur première réalisation en matière civile au travers des avions Comac. Il semblerait qu'ils s'essayent également en matière de transport militaire, puisque le prototype du Y-20 « Kupeng » avion à mi-chemin entre le C17 américain et l'A400M a volé le 26 janvier 2013. Qu'en pensez-vous ? Comment voyez-vous arriver ce concurrent, avec sérénité ou inquiétude ?

Debut de section - Permalien
Tom Enders

Je souhaiterais commencer par la question sur le futur de l'aviation de combat en Europe. C'est une des questions les plus importantes pour nous. Pour l'instant, les armées de l'air sont bien équipées, avec les Eurofighter et les Rafale et cela sera encore le cas pendant de longues années. Les Américains ont eu beaucoup de difficultés dans la mise au point du JSF, ce qui montre bien qu'en matière d'aéronautique militaire, nous sommes sur des technologies de pointe et que les difficultés font partie du métier. Quoi qu'il en soit les Américains arriveront à surmonter ces difficultés. Or nous n'avons aucun projet d'avion de combat pour les forces européennes dans les vingt prochaines années. Dans ces conditions, la question qui se pose à moi est de savoir comment je maintiens les compétences de mes bureaux d'études. Ce n'est pas une simple question de salaires. Même si je payais mes ingénieurs à ne rien faire, en l'absence de défis, en l'absence de projets, ils iraient voir ailleurs. On ne peut pas les ligoter à leur bureau. D'où l'importance des drones. Le Harfang a été un projet très difficile à mener et très coûteux. Il été difficile en particulier de travailler avec les industriels israéliens. Mais nous en avons néanmoins retiré beaucoup d'expérience. Nous avons fait de même avec le système Global Hawk américains. Votre gouvernement va peut-être se décider pour la solution du Reaper. Nous avons fait savoir au gouvernement français que nous étions intéressés par la francisation de ce drone. Et bien sûr nous sommes toujours intéressés par un éventuel projet de drone MALE européen. Mais nous avons bien compris que c'est très compliqué. Quand les Allemands ont l'argent pour le faire, les Français ne veulent pas et quand les Français veulent, les Allemands reculent. L'avenir de l'aviation de combat passe probablement par des avions sans pilote. Nous devons absolument nous mobiliser sur des projets car sinon l'avenir de l'Europe dans l'aviation de combat sera nul. Nous perdrons les compétences. Il y a un besoin criant d'ingénieurs dans l'aéronautique civile, nous n'allons pas garder les ingénieurs à travailler sur des projets de défense qui ne verront jamais le jour.

Est-ce que la nouvelle gouvernance permettra d'éviter des situations où le respect du principe du juste retour entrave la bonne réalisation d'un programme tel que l'A400M ? J'ai bien peur que non. Les gouvernements continueront à faire pression sur les entreprises pour avoir du retour industriel dans leur pays, dans leur région, et c'est à nous industriels de voir si on peut accepter ça ou si on doit négocier. Avec le recul je vois que cela nous fait courir des risques et nous faire perdre de l'argent. Au moment de la signature du contrat, nous savions que nous aurions des difficultés à respecter les coûts et le calendrier, mais ce programme représentait une opportunité extraordinaire pour que l'Europe reste dans l'aviation de transport militaire aéronautique. Sinon il n'y aurait pas eu de successeur au Transall. Mais on ne peut pas empêcher l'intervention des Etats par une nouvelle gouvernance. Du reste cela existe aussi aux Etats-Unis. Il faut que ce jeu reste équilibré. Ce n'est pas à la DGA, ce n'est pas aux Etats de mettre la pression maximale pour imposer des conditions irréalistes aux industriels et nous ne nous rendons pas service à nous-mêmes en acceptant de tels contrats.

Je n'ai pas de commentaire à faire sur ce que décidera le gouvernement français des 3 % de participation restants. Sur les douze milliards d'euros immobilisés dans le capital des entreprises de défense, je suis d'accord avec vous. Si vous sortez cet argent du capital des entreprises et que vous l'investissez dans la recherche et le développement alors vous aurez fait énormément pour la compétitivité des entreprises françaises. Mais je ne sous-estime pas les difficultés politiques et ne souhaite pas faire davantage de commentaires.

Pour ce qui est de l'A400M, ce programme est déjà déficitaire pour nous. Nous avons perdu beaucoup d'argent. Vous vous souvenez de la crise de 2009. Pour le futur on peut nous demander la flexibilité et nous ferons ce que nous pouvons. Mais il nous faut aussi de la stabilité. On ne peut pas modifier le calendrier de cette année et de l'année prochaine et remettre en cause la livraison d'appareils qui sont en passe de sortir des chaînes de production. Un tel étalement serait générateur de pertes supplémentaires : si chaque nation demande à nouveau à négocier, vous mettrez EADS et ses sous-traitants en grande difficulté

Debut de section - Permalien
Marwan Lahoud, directeur général délégué d'EADS

Nous n'avons pas été approchés pour l'instant car l'exercice de révision stratégique est très confiné au sein de l'Etat. Mais quoi qu'il en soit, la visibilité est essentielle pour nous : on ne peut pas avoir des stop and go en permanence. Le ministre a indiqué clairement que les livraisons de 2013 et 2014 seraient préservées. J'ai tendance à le croire. Sur le MRTT, tous les jours en opération, le besoin d'avion ravitailleur se fait sentir. La question n'est du reste pas celle du nombre : quatorze, neuf, dix, il y a beaucoup de discussions autour de ce chiffre, mais c'est avant tout une question de capacité pour les forces. Sur les 3 % de la participation, techniquement, le gouvernement français a plusieurs options. Il peut les « loger » dans une fondation, et ne pas exercer les droits de vote. Il peut les vendre, soit sur les marchés, soit dans le cadre du rachat d'actions que nous allons lancer après accord de notre Assemblée générale. Ce qui est sûr, parce qu'il s'y est engagé, c'est qu'à l'issue du processus l'Etat français n'aura plus que 12 % des droits de vote.

Debut de section - Permalien
Tom Enders, président exécutif d'EADS

Sur la question de savoir si, compte tenu du SSA, l'Etat a intérêt à rester au capital de l'entreprise, c'est une bonne question. Les Britanniques n'ont jamais déclaré qu'il était important pour eux de détenir autant d'actions que les Français ; ils n'en détiennent pas d'ailleurs ! J'ai essayé, sans succès, de convaincre le gouvernement allemand que le SSA était une excellente chose pour eux car, pour la première fois, il aura des droits sur la société, sans avoir à payer des milliards d'euros pour acquérir 12 % du capital. Pour les pays continentaux, les perceptions sont différentes. L'Etat a semble-t-il besoin de posséder ces actions. Il n'y a pas si longtemps, l'Etat français détenait 100 % du capital de Thales, d'Aérospatiale et de Thomson. C'est un long chemin avec sa part d'émotionnel et nous le comprenons tout à fait.

Est-ce que les Etats seraient encore en mesure d'émettre un veto au projet EADS-BAE ? La réponse est théoriquement oui. Mais il ne faut pas envisager cette question de façon dogmatique. Supposons que Lockheed-Martin veuille fusionner avec Boeing, croyez-vous que son président ne demanderait pas l'avis du Pentagone ? Bien sûr que oui. Le contraire serait inimaginable. Et si le Pentagone manifestait son désaccord, croyez-vous que le président de Lockheed-Martin irait à l'encontre ? J'en doute fort, compte tenu de l'importance du gouvernement américain en tant que client. Donc, sur le fond, cela ne change rien pour EADS : cette influence subsistera. Si nous avons à l'avenir un projet de la même importance que la fusion avec BAE, nous prendrons l'avis des gouvernements. Et cela donne la garantie aux gouvernements que l'entreprise ne fera pas cavalier seul, sans considération des intérêts des Etats dont nous mesurons bien l'importance pour EADS. S'agissant du comité des nominations, un nouveau conseil d'administration sera élu à la fin mars. Ce nouveau conseil élira en son sein un comité d'audit et un comité des rémunérations et des nominations. Ce sont les membres du conseil d'administration qui décident. La composante allemande et française n'est pas pertinente. Nous avons proposé au gouvernement français les noms des deux administrateurs du groupe EADS, qui ont été acceptés. Nous avons fait de même vis-à-vis du gouvernement allemand. Nous avons donc deux membres du conseil d'administration approuvés par le gouvernement français et deux membres d'administration approuvés par le gouvernement allemand.

La concurrence des Chinois : leur avion est très similaire à l'A400M, mais cela ne veut pas dire qu'ils se sont inspirés de nos technologies. Ils ne disposent pas de turbopropulseurs, mais de moteurs à réaction de conception dépassée. Le développement des moteurs en Chine est très en retard par rapport à ce qui est à la pointe du progrès en Europe. Mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Les Chinois apprennent très vite. Du reste, ce qui est inquiétant ce sont les conditions financières très intéressantes qu'ils proposeront pour leurs avions, pas la qualité. Nous devons donc prendre les Chinois au sérieux. La seule chose qui puisse nous sauver c'est l'innovation. C'est pour cela qu'il ne faut pas supprimer les études amont et le capital d'amorçage. Nous n'attendons pas tout de la manne de l'Etat. Nous consacrons trois milliards d'euros chaque année à la recherche et développement. Mais nous ne pouvons pas tout faire tout seuls. Les entreprises américaines bénéficient d'une manne étatique en matière de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Il semblerait qu'il y ait un rapprochement dans le domaine des hélicoptères entre l'italien Agusta et le brésilien Embraer, est-ce que cela vous inquiète ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Votre groupe est très engagé dans le cyber. Il y a dans les années à venir des perspectives formidables. Est-ce que vous avez une politique d'alliance, à deux, à trois ou à plusieurs, face à ces Chinois qu'il faut prendre au sérieux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Il y a un an, les ministres de la défense de la France et de l'Allemagne signaient un document par lequel ils s'engageaient à coopérer davantage, à étendre les capacités, etc.... Très bien. Et puis quelques mois après, il y avait un accord d'exportation français bloqué par les Allemands. Est-ce que dans l'attente d'un nouvel accord franco-allemand, on ne peut pas continuer la coopération avec les Britanniques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Merci de nous avoir présenté la nouvelle gouvernance de l'entreprise. Je vous en remercie. Vous nous avez également dit qu'il fallait que les entreprises s'adaptent en permanence. Ma question est simple, où en êtes-vous de la représentativité des femmes, car quand je regarde votre structure managériale je suis surpris par la masculinité des cadres.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Quel est le nombre d'emplois en France d'EADS et comment, à part soutenir le budget de la défense, pouvons-nous en tant que législateurs soutenir l'effort de votre entreprise en matière de recherche et développement ?

Debut de section - Permalien
Tom Enders, président exécutif d'EADS

Pour ce qui concerne l'emploi en France, il y a aujourd'hui 54 000 employés d'EADS en France. Soit une progression de 20 % depuis 10 ans. Nous sommes le troisième employeur, avec EDF, et Mac Donald's. Cela est dû à la croissance de nos résultats commerciaux et de notre rentabilité. Pour ce qui est du coût du travail -je ne parle pas des salaires directs- mais des charges sociales, si celles-ci continuent à augmenter cela va nous poser un problème dans nos embauches en France. Le coût du travail en Europe conjugué au coût de l'énergie, comparé aux Etats-Unis, sont des données importantes. Nous sommes une grande entreprise parce que nous sommes sur le marché mondial et pour être sur ce marché, nous devons être compétitifs.

Pour ce qui est du cyber, nous avons une petite activité basée en France et en Angleterre pour l'essentiel et des personnes très compétentes. Ce qui m'inquiète est que notre groupe est constamment attaqué par des cybers pirates. C'est pour cela que nous coopérons avec les gouvernements, les agences et les services européens. Nous mettons pour l'instant l'accent sur la protection de notre entreprise, tout en commercialisant ces compétences. C'est une guerre de tous les jours, menée par des personnes que nous commençons à identifier. Nous devons absolument gagner cette guerre, car si nous la perdons nous perdrons notre compétitivité.

Les relations franco-germaniques sont difficiles, j'en suis conscient. EADS, troisième entreprise de défense britannique, est très ouverte à la coopération franco-britannique. Dites à vos collègues allemands mais aussi britanniques que nous sommes ouverts à toute initiative

Sur la parité, il y a quelques années nous avons commencé à cibler un quota de femmes dans l'entreprise : 20 à 25 %. C'est difficile Le problème est de maintenir nos collègues féminines après un certain nombre d'années. En général, elles quittent l'entreprise en cours de carrière, en fonction des projets personnels. Ce sera un processus qui demandera du temps : je ne pense pas que ce serait rendre un service aux femmes que de les placer à des postes où elles ne seraient pas prêtes. Anne Lauvergeon sera au conseil. J'aurais aimé qu'il y ait deux femmes au conseil d'administration, ce qui ne sera malheureusement pas le cas. Du reste, ma réaction n'est pas émotive mais économique : on ne peut tout simplement pas se priver d'un réservoir de talents aussi importants. Je suis très encouragé par ce que j'ai vu en Espagne. Il y a dix ans nous n'avions que très peu de femmes qui travaillaient pour nous dans ce pays. Aujourd'hui elles sont très nombreuses et très performantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Y-a-t-il un risque pour EADS du réexamen des règles d'exportation ITAR ?

Debut de section - Permalien
Marwan Lahoud, directeur général délégué d'EADS

Nous avons fait le choix de ne pas être, notamment dans le domaine de l'espace, « ITAR-free », c'est-à-dire que nous avons fait le choix de respecter les règles d'exportation américaines, comme tout bon citoyen américain. Ce choix nous a forcés à renoncer à certains marchés, comme le marché chinois. Mais en contrepartie cela nous donne accès au marché américain. C'est un choix.

La commission entend le compte rendu de M. Daniel Reiner, Mme Nathalie Goulet et M. Xavier Pintat sur le Forum transatlantique organisé par l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, les 10 et 11 décembre 2012 à Washington.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Les 10 et 11 décembre derniers, nous nous sommes rendus, avec nos collègues Mme Nathalie Goulet et M. Xavier Pintat, à Washington, pour participer au Forum transatlantique.

Institué en 2001, afin de rapprocher les points de vue et éviter l'apparition de divergences ou d'incompréhensions dans les relations transatlantiques, le Forum transatlantique se tient chaque année, généralement en décembre, à Washington.

Organisé par l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, en coopération avec le Conseil de l'Atlantique des Etats-Unis et la National Defense University, il permet aux parlementaires des pays membres de l'OTAN de débattre avec les parlementaires du Congrès et des représentants de l'administration des Etats-Unis, mais aussi avec des experts de think tanks américains, de toutes les questions concernant l'Alliance atlantique. Ces rencontres constituent donc un moment privilégié pour confronter et rapprocher les points de vue des deux côtés de l'Atlantique. Elles représentent aussi une importante source d'information sur la perception américaine, les débats au sein de la classe politique et parmi les experts, ainsi que sur les priorités de la politique étrangère des Etats-Unis à l'égard de l'OTAN et, plus généralement, sur les grands dossiers internationaux.

Lors du dernier Forum, près d'une centaine de parlementaires originaires de 22 pays de l'OTAN étaient présents. Outre la délégation du Sénat, la France était représentée par nos collègues députés Mmes Nicole Ameline et Patricia Adam, MM. Guy Chauveau, Francis Hillmeyer, Jean-Marie Le Guen, Michel Lefait, Pierre Lellouche, Jean-Luc Reitzer et Philippe Vitel.

Après une présentation des priorités du deuxième mandat du Président Barack Obama en matière de politique étrangère par plusieurs hauts responsables américains, nous avons eu des échanges sur la politique étrangère américaine et les relations transatlantiques lors de plusieurs tables rondes avec des représentants de l'administration et des experts américains.

Nous avons ainsi évoqué la nouvelle stratégie américaine de « pivot » vers la zone Asie-Pacifique, et ses conséquences sur les relations transatlantiques, les défis de la politique américaine au Moyen-Orient, notamment à l'égard de la Syrie, de l'Iran ou du processus de paix israélo-palestinien, le dialogue avec la Russie ou encore l'Afghanistan.

Nous avons également assisté à des présentations très intéressantes sur l'évolution des dépenses de défense aux Etats-Unis et ses conséquences pour les relations transatlantiques et l'OTAN. Une table ronde a aussi été organisée sur les opinions publiques des deux côtés de l'Atlantique.

Enfin, au cours de notre séjour, l'ensemble de la délégation française a été reçue lors d'un dîner à la résidence de l'ambassadeur de France à Washington, Son Exc. M. François Delattre, au cours duquel nous avons pu échanger sur la politique étrangère américaine et les relations avec la France.

Que faut-il retenir de ces échanges particulièrement denses ?

Je m'en tiendrai essentiellement aux priorités américaines en matière de politique étrangère, en laissant mes collègues évoquer les autres sujets.

Nous avons eu la confirmation, lors de ce Forum transatlantique, de la nouvelle stratégie américaine de « pivot » vers la zone Asie-Pacifique et donc d'un certain désengagement américain de l'Europe.

Comme l'illustre la faible place accordée à la politique étrangère dans le discours sur l'état de l'Union, prononcé par le Président Obama la semaine dernière devant le Congrès, et après les coûteuses opérations en Irak et en Afghanistan, on peut penser que le deuxième mandat du Président Obama sera surtout concentré sur la situation intérieure, en particulier la reprise de la croissance économique et la lutte contre les déficits aux Etats-Unis.

Dans l'esprit de nos partenaires américains, il est clair que l'Europe n'apparaît plus aujourd'hui comme une priorité du point de vue de la sécurité, mais que leur principale préoccupation se porte désormais sur la montée en puissance de la Chine, qui apparaît désormais comme un rival potentiel et une menace, en particulier dans le Pacifique et en Asie.

Dans un contexte marqué par la forte réduction du budget de la défense aux Etats-Unis dans les dix prochaines années (on parle d'une réduction de l'ordre de 500 à 1 000 milliards de dollars), pour enrayer le déficit abyssal du budget, et au regard de l'expérience des interventions en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis estiment qu'ils n'auront plus les moyens d'assumer seuls à l'avenir la sécurité de l'ensemble de leurs alliés.

Dans la lignée des discours des anciens secrétaires d'Etat à la défense Robert Gates et Leon Panetta, les Etats-Unis considèrent que les Européens doivent prendre davantage leurs responsabilités pour assurer leur propre sécurité et « partager le fardeau ». Ils estiment que la sécurité de l'Europe et de son proche voisinage, notamment au Sud de la méditerranée, doit reposer principalement sur les Européens.

Cela ne signifie pas pour autant que les Etats-Unis vont abandonner du jour au lendemain leurs alliés européens, qui demeurent leurs plus proches alliés, et que la garantie de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord sera moins effective à l'avenir. Simplement, les Etats-Unis ne sont plus disposés aujourd'hui à assumer seuls le coût financier et humain de la sécurité de l'Europe.

C'est le sens du « leadership from behind » évoqué par le Président Barack Obama lors de l'intervention de l'OTAN en Libye, où, pour la première fois, les Etats-Unis sont restés en retrait d'une opération militaire de l'OTAN, tout en apportant un soutien indispensable aux pays participants, ou de l'attitude américaine à l'égard du Mali et du Sahel.

Cette nouvelle attitude des Etats-Unis suscite de fortes inquiétudes chez la plupart de nos partenaires européens, en particulier des pays baltes ou d'Europe centrale et orientale, pour lesquels l'Alliance atlantique et les Etats-Unis restent la meilleure garantie de leur sécurité, notamment à l'égard de la Russie.

Elle constitue toutefois une réelle opportunité pour l'émergence, sinon d'une défense européenne, du moins d'un « pôle européen » au sein de l'Alliance atlantique, dont nous avons pu voir les prémices en Libye. D'ailleurs, comme nous l'a confirmé notre ambassadeur à Washington, les relations entre les Etats-Unis et la France sont excellentes et la nomination du francophone John Kerry à la tête de la diplomatie américaine est une bonne nouvelle.

Lors du Forum transatlantique, je suis d'ailleurs intervenu pour plaider en ce sens auprès de mes collègues et défendre l'idée d'un rééquilibrage entre Européens et Américains au sein de l'Alliance, en appelant les Européens à ne pas relâcher leur effort en matière de défense, mais à développer la coopération, sur le modèle de la coopération franco-britannique ou du « triangle de Weimar ». J'ai aussi souligné tout l'intérêt de renforcer la politique de sécurité et de défense commune et les liens entre l'OTAN et l'Union européenne.

Toutefois, dans un contexte marqué par la forte diminution des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, d'une lassitude des opinions publiques et d'un refus de s'engager militairement chez certains de nos partenaires européens, comme on a pu le constater au Sahel, il n'est pas certain que les Européens soient aujourd'hui disposés à saisir cette opportunité et à consacrer davantage d'efforts pour assurer leur propre sécurité.

Voilà les quelques enseignements que je retire de ce Forum, mais mes collègues auront certainement d'autres éléments à ajouter.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Je voudrais compléter les propos de mon collègue Daniel Reiner en évoquant trois sujets.

L'évolution de l'effort de défense aux Etats-Unis, tout d'abord, et ses conséquences sur l'OTAN et les relations transatlantiques.

Je rappelle que le budget de la défense des Etats-Unis représente aujourd'hui, avec plus de 700 milliards de dollars, 4,7 % du PIB, 19 % du budget fédéral et près de la moitié des dépenses militaires mondiales.

Ce budget a considérablement augmenté depuis 2001 en raison notamment de l'engagement américain en Irak et en Afghanistan.

Compte tenu de la nécessité de réduire le déficit budgétaire, les autorités américaines ont déjà prévu une réduction importante, de près de 500 milliards de dollars, du budget de la défense sur les dix prochaines années.

Au moment de notre séjour à Washington, début décembre, l'attention de l'ensemble des responsables américains était focalisée sur la « falaise fiscale ».

Pour faire fasse aux déficits abyssaux (les Etats-Unis ont une dette publique de 15 000 milliards de dollars, soit 105 % du PIB, un déficit budgétaire de 1 300 milliards et un déficit commercial de 500 milliards de dollars), un accord passé en 2011 entre démocrates et républicains au Congrès prévoyait qu'en l'absence de plan d'envergure pour résorber la dette publique, 1 000 milliards de dollars de dépenses publiques supplémentaires, dites de séquestre, seraient annulées d'autorité. Ces coupes auraient affecté pour moitié les dépenses de la défense (soit une réduction supplémentaire de 500 milliards).

En définitive, un accord provisoire a été obtenu à l'arrachée entre démocrates et républicains, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, prévoyant des hausses d'impôts et des coupes supplémentaires, mais qui ne règle pas définitivement la question.

Cette réduction importante de l'effort de défense (entre 500 et 1 000 milliards de dollars sur les dix prochaines années) aux Etats-Unis devrait porter à la fois sur les personnels (les forces américaines comptent 1,4 million d'hommes auxquels s'ajoutent 1,2 million de réservistes), les équipements et le soutien (par exemple le système de santé) et les opérations.

En revanche, certains domaines devraient faire l'objet d'un renforcement, notamment le renseignement, les forces spéciales, le cyber ou encore les drones, où les Etats-Unis consacrent déjà des moyens considérables.

On voit bien qu'à l'avenir, après l'expérience douloureuse des interventions en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis privilégieront d'autres formes d'interventions, comme les frappes à distance à l'aide de drones.

Quel sera l'impact de cette réduction sur l'OTAN ?

D'ores et déjà, les autorités américaines ont annoncé la suppression de deux brigades (sur quatre) stationnées en Europe et on évoque une réduction des armes nucléaires tactiques. En revanche, les Etats-Unis devraient déployer de nouveaux moyens dans le cadre du système de défense anti-missiles de l'OTAN.

Concernant l'Afghanistan, qui a occupé une place importante lors du Forum, lors de son discours sur l'état de l'Union, le Président Barack Obama a annoncé la réduction de moitié du contingent américain en Afghanistan (qui passerait de 68 000 à 34 000 hommes) d'ici la fin de l'année 2013.

Pour l'après 2014, plusieurs options ont été présentées lors du Forum, allant de 0 soldat (à l'image de l'Irak), hypothèse envisagée si les Etats-Unis n'obtiennent pas des autorités afghanes une immunité de juridiction pour leurs soldats, à 30 000, l'hypothèse la plus vraisemblable se situant autour de 10 000.

Les Etats-Unis attendent un soutien des pays de l'OTAN pour l'après 2014 en Afghanistan (notamment le financement des forces de sécurité afghanes).

Enfin, le dernier sujet que je voulais évoquer concerne les relations avec la Russie.

Le premier mandat du Président Barack Obama avait été marqué par une volonté de renforcer les relations avec la Russie (le « reset » ou nouveau départ). Toutefois, malgré certains progrès, notamment l'entrée de la Russie à l'OMC et la coopération sur l'Afghanistan, cette politique d'ouverture à l'égard de la Russie n'a pas donné les résultats escomptés et les désaccords se sont multipliés, qu'il s'agisse de la Syrie, du système de défense anti-missiles de l'OTAN ou encore de la situation en matière de démocratie et des droits de l'homme en Russie, avec notamment le vote par le Congrès américain de la « loi Magnitsky », du nom d'un avocat américano-russe mort en détention en Russie.

Les relations sont si tendues qu'on évoque à Washington un climat de nouvelle « guerre froide » même si cela peut nous sembler très exagéré.

Le Président américain a toutefois annoncé récemment son intention de négocier avec la Russie une réduction supplémentaire de l'arsenal nucléaire des deux pays, après le traité START de 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je souhaiterais, pour ma part, concentrer mon propos sur l'approche américaine vis-à-vis du Moyen Orient, notamment vis-à-vis de l'Iran, de la Syrie et du conflit israélo-palestinien.

Le Moyen-Orient, et en particulier le règlement du conflit israélo-palestinien, était, on s'en souvient, l'une des premières priorités du premier mandat du Président Barack Obama.

Or, après l'espoir suscité par le discours du Caire de 2009, il est peu de dire que, malgré ses efforts, la diplomatie américaine a enregistré une série d'échecs ou de déceptions.

Ainsi, l'espoir suscité par le « printemps arabe » et les révoltes populaires en Tunisie, en Egypte et en Libye, l'arrivée des islamistes au pouvoir à la faveur des élections qui ont suivi ces révolutions, a été perçue à Washington comme une déception devant cet « hiver islamiste ».

De même, la politique d'ouverture et de dialogue engagée avec l'Iran au sujet du dossier du nucléaire militaire n'a pas donné les résultats escomptés, même si la voie diplomatique et des sanctions devrait rester privilégiée par la nouvelle administration présidentielle.

L'expérience désastreuse des interventions en Irak et en Afghanistan explique également la prudence des responsables américains.

Enfin, confrontés à l'intransigeance du Premier ministre israélien et à la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, ainsi qu'à la division des palestiniens, le processus de paix israélo-palestinien apparaît durablement bloqué.

Face à cette situation, d'après les experts, il est peu probable que le Président Barack Obama prenne le risque de s'investir à nouveau sur ce dossier au cours de son deuxième mandat.

A cet égard, nous sommes bien loin du discours très allant des responsables américains sous la présidence de George W. Bush, il y a quatre ans, sur le Moyen-Orient.

Nous avons notamment entendu un ancien conseiller de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient, qui s'est montré très critique sur l'absence de véritable vision et stratégie américaine à l'égard du Moyen-Orient sous l'actuelle administration présidentielle américaine.

A cet égard, lorsque j'ai interrogé les responsables américains sur le soutien américain à Israël, il m'a été confirmé que les Etats-Unis apportaient une aide militaire considérable, de l'ordre de 3 à 4 milliards de dollars par an.

Outre le lobby pro-israélien exercé par des associations comme l'AIPAC auprès de parlementaires américains, on trouve aussi les chrétiens fondamentalistes qui soutiennent sans réserve la politique de colonisation.

On sous-estime aussi en Europe les conséquences géopolitiques de la révolution du gaz de schiste. Grâce à l'exploitation du gaz de schiste, les Etats-Unis devraient passer du statut d'importateur à celui d'exportateur d'énergie, ce qui devrait bouleverser leur dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen-Orient. Le « pivot vers l'Asie » pourrait d'ailleurs s'interpréter davantage comme un désengagement du Moyen-Orient que de l'Europe.

Lors du Forum transatlantique, une large place a été consacrée à l'évolution de la situation en Syrie. L'ambassadeur américain, M. Robert Ford, a présenté la situation particulièrement dramatique en Syrie, qui aurait fait plus de 70 000 morts en deux ans d'après les Nations unies.

Malgré cette tragédie, il est toutefois peu probable que les Etats-Unis interviennent militairement en Syrie, en raison notamment de l'opposition de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité des Nations unies.

Ainsi, en dépit de la demande en ce sens de Hillary Clinton et de Léon Panetta, le Président Barack Obama aurait refusé de livrer des armes à la rébellion syrienne, de crainte que ces armes ne tombent un jour aux mains de mouvements islamistes.

La question de l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran fait aussi l'objet de nombreux débats aux Etats-Unis, comme nous avons pu le constater lors du Forum.

Si les responsables américains demeurent fortement préoccupés par la menace que représente, à leurs yeux, le développement du programme nucléaire iranien, l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran ne fait pas l'objet d'un accord mais suscite au contraire de nombreuses discussions parmi les experts, et même au sein de l'administration présidentielle.

La plupart des responsables ou des experts américains s'accordent à considérer qu'une éventuelle intervention militaire préventive israélienne serait désastreuse, puisqu'elle ne parviendrait sans doute pas à détruire entièrement l'ensemble des installations et qu'elle ne réussirait donc pas à interrompre durablement le développement de ce programme.

Il est aussi évident qu'une telle intervention consoliderait le pouvoir en place, qu'elle renforcerait les extrémistes et qu'elle provoquerait des répercussions dans toute la région, notamment au Liban ou dans le Golfe.

Toutefois, on trouve aussi, notamment dans le camp républicain, d'ardents partisans d'une intervention militaire préventive.

Dans le même temps, tout le monde s'accorde à reconnaître que la politique d'ouverture vis-à-vis de l'Iran, qui a été tentée par Barack Obama au début de son mandat, ne s'est pas traduite par des avancées.

Entre ces deux extrêmes, on trouve toute une panoplie d'opinions concernant l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran. Certains prônent un renforcement des sanctions, notamment à l'égard des hydrocarbures. D'autres souhaitent adopter une attitude plus conciliante, en s'en tenant aux sanctions actuelles, voire même en pratiquant une politique de « main tendue », ce qui pourrait aussi apporter des avantages par exemple dans le cadre de la transition en Afghanistan.

En définitive, si les responsables américains s'accordent sur l'idée que le développement du programme nucléaire iranien représente une grave menace pour la sécurité internationale, ils ne sont pas d'accord entre eux sur la réponse à apporter à cette menace et sur l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran.

A la suite de ces présentations, un débat s'est engagé au sein de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Dans quelle mesure la révolution du gaz de schiste a-t-elle une influence sur la politique étrangère des Etats-Unis, notamment à l'égard du Proche et du Moyen-Orient ? Les Etats-Unis ayant aujourd'hui acquis une autosuffisance énergétique, et pouvant même devenir demain une puissance exportatrice d'énergie, ne seront-ils pas enclins à se désengager progressivement de cette région, notamment au profit de la zone Asie-Pacifique ? Quelles seraient alors les conséquences géopolitiques pour l'Europe, qui reste, quant à elle, fortement dépendante du Proche et du Moyen-Orient pour son approvisionnement en gaz et en pétrole ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Il me semble qu'il convient de relativiser cette crainte. En effet, comme nous l'ont affirmé les responsables américains, y compris lors de notre déplacement à Bahreïn au commandement de la Ve flotte américaine, les Etats-Unis n'entendent pas se désengager du Proche et du Moyen-Orient et conservent des capacités militaires importantes dans cette région. Plusieurs facteurs contribuent à faire de cette région une priorité stratégique de la politique étrangère américaine. Il y a d'abord le soutien à Israël, qui reste un partenaire de premier plan pour les Etats-Unis. Il y a ensuite la menace que représente le programme nucléaire militaire de l'Iran. Il ne faut pas non plus négliger l'importance de cette région en ce qui concerne les routes commerciales maritimes en provenance de l'Asie.

La commission entend le compte rendu de MM. Daniel Reiner et Xavier Pintat sur le déplacement de la commission de la défense et de la sécurité de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, à Bahreïn et au Qatar du 20 au 25 janvier 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Avec mon collègue M. Xavier Pintat, ainsi que nos collègues députés M. Gilbert Le Bris et Mme Nicole Ameline, nous avons participé au déplacement de la commission de la défense et de la sécurité de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, au Bahreïn du 20 au 22 janvier, puis au Qatar du 22 au 24 janvier.

Notre délégation était conduite par Sir John Stanley, ancien ministre de la défense britannique, et composée de 23 parlementaires issus de 12 pays.

Je vous présenterai d'abord le compte rendu de notre visite au Bahreïn, avant de laisser la parole à M. Xavier Pintat, qui vous présentera le compte rendu de notre séjour au Qatar.

Avec une superficie de 711 km², équivalente à celle de Singapour, comprenant 33 îles dans le Golfe persique, le Bahreïn est le plus petit des pays arabes.

Ancien Protectorat britannique, indépendant depuis le 15 août 1971, l'Emirat est devenu un Royaume le 14 février 2002. Il est placé sous l'autorité du Roi Hamad bin Issa Al Khalifa, lequel a succédé à son père le 6 mars 1999.

Le Gouvernement est, quant à lui, dirigé par Cheikh Khalifa bin Salman Al Khalifa, oncle du Roi et Premier ministre depuis 1971. Le Prince héritier, Cheikh Salman bin Hamad Al Khalifa, exerce depuis 1999 les fonctions de commandant en chef des forces armées et porte le titre de « Commandant suprême adjoint des forces armées » depuis janvier 2007. Il préside par ailleurs le Bureau du Développement Economique (BDE) du Bahreïn.

Le Bahreïn, qui compte 1,2 million d'habitants, dont presque la moitié de nationaux (530 000), connaît depuis février 2011 une crise politique sur fond de tensions confessionnelles.

La communauté chiite, majoritaire à 70 %, exige de la dynastie sunnite au pouvoir des réformes politiques et la fin des discriminations dont elle s'estime victime.

Entre le 1er février et le 14 mars 2011, jusqu'à 150 000 manifestants se sont mobilisés, en majorité chiites, pour demander l'instauration d'une monarchie constitutionnelle et la fin des discriminations.

A partir du 14 mars, à la suite de violents incidents survenus dans le centre ville de la capitale, Manama, les autorités ont décidé de réprimer sans concession les mouvements de foule : l'état d'urgence a alors été décrété et le gouvernement a ordonné la destruction du monument de la place de la Perle, symbole de la contestation.

Le 15 mars, le Bahreïn a reçu des renforts militaires des pays du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCEAG), d'Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis, et a mené une vaste campagne d'arrestations.

Si, à partir de l'été 2011, l'état d'urgence a été levé et qu'un « dialogue national » a été officiellement ouvert, la situation reste tendue et de nombreuses ONG ont constaté des violations des droits de l'homme.

Moins richement doté en hydrocarbures que ses voisins du Golfe, le Bahreïn affiche un PIB par habitant de 27 000 dollars (à comparer avec les 100 000 dollars du Qatar).

Le Bahreïn entretient enfin une relation très privilégiée avec les Etats-Unis, en accueillant le commandement de la Ve flotte et le Commandement central des Forces navales américaines, ainsi qu'avec le Royaume-Uni.

Lors de son séjour au Bahreïn, notre délégation a d'abord rencontré le maréchal Cheikh Khalifa bin Ahmed Al-Khalifa, commandant en chef des Forces de défense du Bahreïn, et le lieutenant-général Cheikh Mohamed Bin Abdulla Al-Khalifa, ministre d'Etat chargé des affaires de défense.

Notre entretien a porté sur les forces de défense du Bahreïn, notamment la défense antimissile, avec des questions sur le recrutement des personnels, les différentes appartenances religieuses de Bahreïnis et la place des femmes.

L'entretien a aussi donné lieu à un examen des relations avec les pays de l'OTAN, dont la Turquie, et à un tour d'horizon de la situation régionale, abordant les relations avec les pays voisins, notamment l'Iran, l'importance de la coopération dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe, l'Irak, la Syrie ainsi que les menaces, parmi lesquelles le risque de minage du Golfe persique et du détroit d'Ormuz, ainsi que la lutte contre le terrorisme et contre la piraterie.

Des échanges sont aussi intervenus sur les événements du début de l'année 2012 à Bahreïn et le rôle des forces de sécurité.

Notre délégation a également rencontré, au QG de la Vème flotte américaine, le Commandement interarmées des forces maritimes combinées (CMF), commandée par le Vice-amiral John Miller, commandant de la Vème Flotte américaine, et par le Commodore Simon Ancona, de la Royal Navy.

La CMF intervient dans le quart nord-ouest de l'Océan indien et exerce, outre les missions de surveillance et de sécurité du trafic maritime, des missions de lutte contre le terrorisme et de lutte contre la piraterie.

Une coordination est opérée avec la lutte contre la piraterie opérée à partir de Djibouti, dans le cadre de l'Union européenne (opération Atalante) et de l'OTAN (opération Ocean Shield).

Nos interlocuteurs ont souligné la souplesse de ce type de coopération entre 27 pays, dont la France, sur une base volontaire, sans corps de règles spécifiques : les règles applicables à chaque unité, notamment en matière d'engagement, sont celles du pays d'origine.

Notre délégation s'est rendue à bord de navires de lutte contre les mines de la Royal Navy.

Nous avons également rencontré le major-général Cheikh Hamad bin Abdulla Al-Khalifa, commandant de la Force aérienne royale du Bahreïn, qui a présenté les moyens dont il dispose, notamment ceux de la protection antiaérienne.

La visite de la base aérienne bahreïnienne (Issa Air Base) a permis aux membres de notre délégation, non seulement de voir les équipements du Bahreïn, mais aussi de constater, avec bonheur, la présence de trois Rafale dans le cadre d'un exercice conjoint avec l'Armée de l'air.

Puis elle a rencontré le Commandant des Forces navales américaines du NAVCENT et Commandant de la Vè flotte américaine, le vice-amiral John W. Miller, qui a présenté le fonctionnement opérationnel des forces placées sous ses ordres dans le golfe persique et le quart nord-ouest de l'Océan indien.

Il a présenté les principaux enjeux de la lutte contre les mines dans le Golfe persique, de la lutte contre la piraterie et les implications de la proximité de l'Iran. Dans la foulée, le commandement central du Corps des Marines des Etats-Unis (MARCENT) et les missions des Marines stationnés dans le Golfe ont fait l'objet d'une présentation par le colonel Jackson.

Le Roi Cheikh Hamad bin Issa Al-Khalifa a ensuite accordé une audience à certains membres de la délégation, dont nos collègues députés.

Pendant ce temps, nous avons visité un navire de lutte contre les mines de classe « Avenger » et un patrouilleur de classe « Cyclone ».

Enfin, nous avons rencontré notre ambassadeur au Bahreïn, Son Exc. M. Christian Testot, qui nous a réservé un très bon accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il est intéressant de rappeler que la présence d'une forte communauté chiite au Bahreïn s'explique par les liens historiques de ce pays avec l'Iran, puisqu'il s'agissait à l'origine d'un bagne pour les Iraniens. On peut également relever la présence d'une communauté juive et d'une communauté chrétienne, ce qui constitue une originalité au sein des pays du Golfe.

Il est aussi intéressant de noter que l'intervention au Bahreïn des forces de sécurité des pays du Conseil de coopération du Golfe a été la première intervention armée de cette organisation, qui prend de plus en plus d'importance, comme en témoigne le fait que le Yémen a récemment adhéré à cette organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Notre délégation s'est ensuite rendue au Qatar, du 22 au 24 janvier.

Avec une superficie de 11 437 km² et une population de 1,75 million d'habitants, l'Etat du Qatar est, avec Bahreïn, l'un des plus petits Etats du Golfe.

Devenu indépendant en septembre 1971 après cinquante cinq ans de protectorat britannique, il a refusé d'être intégré dans la fédération des Emirats arabes unis.

Disposant des troisièmes réserves mondiales de gaz, le Qatar est devenu le premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL). Il maintient, en complément, le développement de sa production pétrolière.

En dépit de la crise internationale, le PIB du pays a ainsi connu une croissance de 16 % en 2010 et 19 % en 2011. En termes de PIB/habitant, le Qatar est devenu en 2010 le pays le plus riche du monde (100 000 dollars/hab).

Sous la conduite de l'Emir, Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, de son Premier ministre et ministre des affaires étrangères, Cheikh Hamad bin Jassem, et grâce à des ressources considérables, le Qatar joue un rôle nouveau sur la scène internationale.

Petit pays richissime, situé dans une des régions les plus instables du monde, enserré entre les deux puissances régionales, l'Arabie Saoudite, dont il ne veut pas être le vassal, et l'Iran, dont il se méfie, le Qatar a pour priorité d'assurer son indépendance et sa sécurité.

Cette politique d'« assurance-vie » prend la forme, d'une part d'alliances avec des grands partenaires (le Qatar a passé des accords de défense avec les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni) et d'autre part, un fort activisme sur la scène internationale. Le Qatar s'est ainsi rapproché de l'OTAN, notamment en participant aux frappes aériennes lors d'interventions en Libye (avec 6 mirages qataries).

Le Qatar mène ainsi une diplomatie active en qualité de médiateur régional puis, plus récemment, dans le contexte des printemps arabes, grâce notamment à la chaîne d'information en langue arabe Al Jazira.

Au Qatar, notre délégation a d'abord rencontré le Major Général Hamad bin Ali Al-Attiyah, chef d'Etat-major des forces armées du Qatar, pour un tour d'horizon général.

Celui-ci a notamment insisté sur la qualité des relations avec l'OTAN, qui ont pu être constatées lors de l'intervention en Libye en 2011, ainsi que sur les accords de défense conclus avec de nombreux pays, dont la France, pays ami et partenaire stratégique. La qualité des relations mutuelles a été soulignée.

Des questions ont notamment été posées sur le soutien apporté par le Qatar à l'opposition syrienne et sur les relations avec l'Iran.

Nos entretiens se sont poursuivis avec le général de division aérienne Al-Souleiti, commandant adjoint de la force aérienne du Qatar et le Brigadier Ahmed Al-Malki, qui a participé aux opérations en Libye.

Les interventions ont davantage porté sur les aspects opérationnels, avec entre autres les enseignements de l'opération en Libye, et l'environnement géostratégique du Qatar. Les besoins en équipements, avions et défense antimissile, ont aussi été abordés à l'occasion des questions.

Une visite de la base aérienne attenante a suivi, avec notamment la faculté de voir exposés les Mirage 2000-5 intervenus en Libye, dont les pilotes qataries ont vanté avec force les qualités, devant nos collègues de l'OTAN.

Notre délégation a ensuite visité la frégate de Classe Duke « Monmouth » de la Royal Navy, en escale à Doha.

Elle a également rencontré M. Zayed Al-Naemi, directeur d'Amérique et d'Europe au ministère des affaires étrangères du Qatar, et M. Yousuf Al-Saada, directeur des organisations internationales.

L'entretien a donné lieu à un tour d'horizon des relations avec les Etats voisins et les autres puissances régionales, ainsi qu'à un examen de l'intérêt des partenariats stratégiques.

Les relations avec l'OTAN, notamment dans le cadre de l'initiative de coopération d'Istanbul lancée en 2004, ont été évoquées, de même que l'importance des liens avec l'Union européenne et les pays européens, dont la France.

Les positions de l'Union européenne sur la question palestinienne ont notamment été mentionnées comme appréciées.

A également été affirmé l'attachement du Qatar, d'une part, aux aspirations du peuple syrien et, d'autre part, au règlement de la situation du Mali, avec un rappel de sa participation à la Conférence des donateurs.

Après des premières interventions assez critiques sur l'intervention de la France au Mali, le Premier ministre qatarien a pris des positions plus modérées, qui marquent une nette évolution du discours en faveur de l'intervention française, même s'il faut bien admettre que cette intervention reste perçue par l'homme de la rue comme une « croisade » à l'encontre de musulmans.

Etait également inscrite à l'agenda une visite du Centre aérien des opérations combinées d'Al Udeïd, qui abrite le commandement des forces aériennes américaines pour la zone centrale (COMAFCENT), et notamment le centre des opérations aériennes multinationales. Nous avons été reçus par l'Air commodore australien David Steele.

Enfin, pour conclure, nous avons pu bénéficier au cours de notre séjour d'un très bon accueil de la part de l'ambassadeur de France à Doha, Son Exc. M. Jean Christophe Peaucelle, et de l'ensemble de ses collaborateurs, dont notre attaché de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Le Qatar souhaite moderniser sa flotte de chasseurs de combat Mirage 2000-5. Un appel d'offres a été lancé. Le Rafale est en concurrence avec le F 15, l'Eurofighter et le Grippen. Compte tenu des qualités du Rafale, qui ont été démontrées lors de l'intervention en Libye, on peut toutefois être optimiste sur la décision qui sera prise par le Qatar.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

La presse évoque souvent le rôle ambigu joué par le Qatar en matière de financement de certains mouvements islamistes, y compris au Nord Mali. Ce sujet a-t-il été évoqué lors de vos entretiens avec les représentants de ce pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Nous avons interrogé les représentants du Qatar à ce sujet et tous nos interlocuteurs ont démenti avec force l'idée que leur pays financerait des mouvements terroristes. « Il faudrait que nous soyons devenus fous pour financer des personnes ou des mouvements qui ne rêvent qu'à nous renverser et à nous combattre » nous ont-ils déclaré en substance.

En revanche, ils ont admis que, parmi les très nombreuses organisations non gouvernementales qataries qui recueillent des dons, certaines d'entre-elles viennent en aide aux populations musulmanes y compris dans des zones contrôlées par des mouvements islamistes, comme c'était par exemple le cas au Nord du Mali avant notre intervention, et qu'il est possible qu'une partie de cette aide destinée aux populations civiles ait été détournée par ces mouvements terroristes.

Il faut savoir que les habitants de ce pays sont très pieux et qu'ils considèrent comme leur devoir d'aider les populations musulmanes touchées par la pauvreté.

Sur proposition de son président, la commission a ensuite décidé de se saisir, au titre de l'article 88-4 de la Constitution et en application de l'article 73 quinquies du règlement du Sénat, de la proposition de directive de la Commission concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union (COM(2013) 48 final) du 7 février 2013, qu'elle examinera conjointement avec la stratégie européenne de cybersécurité « un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé » (JOIN(2013) 1 final) et elle a désigné MM. Jacques Berthou et Jean-Marie Bockel comme co-rapporteurs.