Intervention de Nathalie Goulet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 février 2013 : 1ère réunion
Forum transatlantique organisé par l'assemblée parlementaire de l'otan — Communication

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Je souhaiterais, pour ma part, concentrer mon propos sur l'approche américaine vis-à-vis du Moyen Orient, notamment vis-à-vis de l'Iran, de la Syrie et du conflit israélo-palestinien.

Le Moyen-Orient, et en particulier le règlement du conflit israélo-palestinien, était, on s'en souvient, l'une des premières priorités du premier mandat du Président Barack Obama.

Or, après l'espoir suscité par le discours du Caire de 2009, il est peu de dire que, malgré ses efforts, la diplomatie américaine a enregistré une série d'échecs ou de déceptions.

Ainsi, l'espoir suscité par le « printemps arabe » et les révoltes populaires en Tunisie, en Egypte et en Libye, l'arrivée des islamistes au pouvoir à la faveur des élections qui ont suivi ces révolutions, a été perçue à Washington comme une déception devant cet « hiver islamiste ».

De même, la politique d'ouverture et de dialogue engagée avec l'Iran au sujet du dossier du nucléaire militaire n'a pas donné les résultats escomptés, même si la voie diplomatique et des sanctions devrait rester privilégiée par la nouvelle administration présidentielle.

L'expérience désastreuse des interventions en Irak et en Afghanistan explique également la prudence des responsables américains.

Enfin, confrontés à l'intransigeance du Premier ministre israélien et à la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, ainsi qu'à la division des palestiniens, le processus de paix israélo-palestinien apparaît durablement bloqué.

Face à cette situation, d'après les experts, il est peu probable que le Président Barack Obama prenne le risque de s'investir à nouveau sur ce dossier au cours de son deuxième mandat.

A cet égard, nous sommes bien loin du discours très allant des responsables américains sous la présidence de George W. Bush, il y a quatre ans, sur le Moyen-Orient.

Nous avons notamment entendu un ancien conseiller de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient, qui s'est montré très critique sur l'absence de véritable vision et stratégie américaine à l'égard du Moyen-Orient sous l'actuelle administration présidentielle américaine.

A cet égard, lorsque j'ai interrogé les responsables américains sur le soutien américain à Israël, il m'a été confirmé que les Etats-Unis apportaient une aide militaire considérable, de l'ordre de 3 à 4 milliards de dollars par an.

Outre le lobby pro-israélien exercé par des associations comme l'AIPAC auprès de parlementaires américains, on trouve aussi les chrétiens fondamentalistes qui soutiennent sans réserve la politique de colonisation.

On sous-estime aussi en Europe les conséquences géopolitiques de la révolution du gaz de schiste. Grâce à l'exploitation du gaz de schiste, les Etats-Unis devraient passer du statut d'importateur à celui d'exportateur d'énergie, ce qui devrait bouleverser leur dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen-Orient. Le « pivot vers l'Asie » pourrait d'ailleurs s'interpréter davantage comme un désengagement du Moyen-Orient que de l'Europe.

Lors du Forum transatlantique, une large place a été consacrée à l'évolution de la situation en Syrie. L'ambassadeur américain, M. Robert Ford, a présenté la situation particulièrement dramatique en Syrie, qui aurait fait plus de 70 000 morts en deux ans d'après les Nations unies.

Malgré cette tragédie, il est toutefois peu probable que les Etats-Unis interviennent militairement en Syrie, en raison notamment de l'opposition de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité des Nations unies.

Ainsi, en dépit de la demande en ce sens de Hillary Clinton et de Léon Panetta, le Président Barack Obama aurait refusé de livrer des armes à la rébellion syrienne, de crainte que ces armes ne tombent un jour aux mains de mouvements islamistes.

La question de l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran fait aussi l'objet de nombreux débats aux Etats-Unis, comme nous avons pu le constater lors du Forum.

Si les responsables américains demeurent fortement préoccupés par la menace que représente, à leurs yeux, le développement du programme nucléaire iranien, l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran ne fait pas l'objet d'un accord mais suscite au contraire de nombreuses discussions parmi les experts, et même au sein de l'administration présidentielle.

La plupart des responsables ou des experts américains s'accordent à considérer qu'une éventuelle intervention militaire préventive israélienne serait désastreuse, puisqu'elle ne parviendrait sans doute pas à détruire entièrement l'ensemble des installations et qu'elle ne réussirait donc pas à interrompre durablement le développement de ce programme.

Il est aussi évident qu'une telle intervention consoliderait le pouvoir en place, qu'elle renforcerait les extrémistes et qu'elle provoquerait des répercussions dans toute la région, notamment au Liban ou dans le Golfe.

Toutefois, on trouve aussi, notamment dans le camp républicain, d'ardents partisans d'une intervention militaire préventive.

Dans le même temps, tout le monde s'accorde à reconnaître que la politique d'ouverture vis-à-vis de l'Iran, qui a été tentée par Barack Obama au début de son mandat, ne s'est pas traduite par des avancées.

Entre ces deux extrêmes, on trouve toute une panoplie d'opinions concernant l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran. Certains prônent un renforcement des sanctions, notamment à l'égard des hydrocarbures. D'autres souhaitent adopter une attitude plus conciliante, en s'en tenant aux sanctions actuelles, voire même en pratiquant une politique de « main tendue », ce qui pourrait aussi apporter des avantages par exemple dans le cadre de la transition en Afghanistan.

En définitive, si les responsables américains s'accordent sur l'idée que le développement du programme nucléaire iranien représente une grave menace pour la sécurité internationale, ils ne sont pas d'accord entre eux sur la réponse à apporter à cette menace et sur l'attitude à adopter à l'égard de l'Iran.

A la suite de ces présentations, un débat s'est engagé au sein de la commission.

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