Intervention de Xavier Pintat

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « défense » - Audition du général bertrand ract-madoux chef d'état-major de l'armée de terre

Photo de Xavier PintatXavier Pintat, rapporteur pour avis du programme 146, équipement des forces :

Je partage les propos de Daniel Reiner et je suis heureux qu'il les ait rappelés. Ma première question aura trait au programme consistant à doter l'armée de terre d'un drone tactique. Le ministre de la défense nous a déclaré ici même que des crédits avaient été dégagés pour procéder à une évaluation opérationnelle du drone Watchkeeper de Thales. On peut s'interroger dans cette affaire sur le fait qu'il n'y ait pas de compétitions. Il y a sans doute à cela de bonnes raisons, en particulier la coopération avec l'armée britannique qui va déboucher entre les deux régiments chargés d'opérer ces drones et l'interopérabilité, peut être le partage du soutien et en tous les cas le bénéfice de l'expérience opérationnelle déjà acquise par les forces britanniques sur ce drone, qui est à l'origine un drone israélien, anglicisé par Thales UK à hauteur de 80 %. Mais il y a peut-être aussi des mauvaises raisons, en particulier le fait que le concurrent du Watchkeeper, le drone Patroller de Sagem qui est à 80 % français et 20 % allemand serait peut-être « trop bien », et que face à un drone qui serait un petit MALE, aux performances proches du Harfang (à la liaison satellitaire près), l'armée de terre risquerait d'être dépossédée de cet équipement au profit de l'armée de l'air. En quoi serait-il préjudiciable pour l'Etat de procéder à un appel d'offres ?

On dit que la coopération entre les marines britanniques et françaises est depuis longtemps excellente, mais que la coopération entre les deux armées de terre l'était un peu moins. C'est semble-t-il pour ces raisons qu'a été organisé l'exercice amphibie Corsican Lion. Est-ce que vous nous confirmez que les relations entre les deux armées de terre s'améliorent ? Quel bilan tirez-vous de cet exercice ?

Quel bilan tirez-vous de la BFA - la brigade franco-allemande, vingt trois ans après sa création et à deux mois de la commémoration du Traité de l'Élysée ?

En ces périodes de réduction des forces et de diminution des effectifs, je m'interroge sur la participation de l'armée de terre au dispositif Vigipirate. Selon mes informations, cette participation serait de 897 hommes en année pleine, 537 déployés, et 360 hommes en alerte, mobilisables sous préavis de 48 heures. Outre les questions de principe que pose la participation de l'armée à des tâches de police, j'observe qu'aux Etats-Unis, pays touché s'il en est par le terrorisme, on observe aucun déploiement des forces armées, ni dans les aéroports, ni dans les gares, ni au pied du mémorial du 11 septembre. Il me semble que nos militaires sont formés et entrainés pour faire la guerre, pas la police. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, que pensez-vous de l'utilité opérationnelle de maintenir 250 chars lourds en ligne de combat ? Est-ce vraiment la meilleure façon de parer les menaces auxquelles nous sommes confrontés ? Ne vaudrait-il pas mieux dédier les crédits qui leur sont affectés à parer d'autres menaces, comme par exemple les cyberattaques ?

Général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre - Tout d'abord concernant le système informatique Louvois, je dirais que c'est une excellente nouvelle que le ministre de la défense actuel se soit mis en colère. J'avais pu évoquer ce dossier brulant avec lui lors de notre premier entretien tout comme j'en avais informé son prédécesseur à plusieurs reprises. Or, il s'agit typiquement d'un problème qui dépasse l'armée de Terre et pour lequel je suis en partie désarmé, c'est-à-dire incapable de fournir des réponses claires à mes subordonnées dont un certain nombre se retrouvent dans des situations très difficiles. La vérité est désormais claire : le calculateur de ce programme n'est pas encore au point. Mais dans l'enchaînement et la simultanéité des réformes, celle du système de paiement des soldes constitue la goutte qui pourrait faire déborder le vase. Imaginez-vous si cela s'était passé dans d'autres secteurs de la fonction publique ? Je salue donc la dignité avec laquelle s'est comportée l'armée de Terre dans une telle situation et espère que la mobilisation générale sera payante.

Pour ce qui est de SCORPION, son véritable objectif est de nous permettre de contenir les coûts d'un vaste programme de renouvellement des matériels terrestres, programme indispensable car il concerne le coeur de l'armée de Terre. L'ambition de ce programme est la standardisation des plates-formes, un MCO maîtrisé, avec un niveau de performances raisonnables. Le recul d'une année calendaire n'est pas rédhibitoire car il faut bien reconnaître que les échéances initialement prévues étaient très tendues. Nous sommes désormais sur des échéances raisonnables, mais il ne faut pas qu'elles soient à nouveau reportées car il y aurait un risque de rupture capacitaire avec le parc de VAB ou d'AMX10RC bientôt en fin de vie.

Pour ce qui est du VBCI et des équipements FELIN, je vous dirai que c'est une très grande satisfaction pour nos soldats. Le VBCI apporte tout à la fois mobilité, protection et confort, en ce sens qu'il permet d'emporter sous blindage une section d'infanterie avec tout son équipement de marche. Quant à FELIN, il fait de l'infanterie française, l'une des mieux équipées au monde. Certes, le poids est un enjeu majeur, même si, dans ce domaine, il s'explique principalement par celui des protections balistiques. Les soldats français sont désormais capables de combattre jusqu'à 600 mètres, avec leur équipement standard. Or, quand je suis rentré dans le métier des armes, l'infanterie tirait à 200 mètres. Les fantassins sont également capables d'échanger en temps réel des informations très précises. Ils connaissent les positions des amis et des ennemis, ce qui réduit considérablement l'occurrence de tirs fratricides.

S'agissant des deux cent - et non pas deux cent cinquante - chars de combat en ordre de bataille, c'est un sujet qui me passionne et que je connais bien. Je rappellerai simplement que c'est le seul engin de combat capable de faire progresser l'infanterie sous le feu ennemi. Pour avancer au sol, nous avons besoin de chars de combat. C'est parce que nous ne savions pas les utiliser que nous avons perdu la guerre en 1940 et c'est parce qu'il a su en tirer parti que le Général Leclerc a pu reconquérir Paris et puis Strasbourg. Cela est toujours valable aujourd'hui.

En accompagnement des chars de combat et des blindés, nous avons effectivement besoin d'engins spécifiques permettant notamment d'ouvrir des itinéraires et de franchir des brèches ou des coupures humides. Nous avons conservé cette capacité et dimensionné le besoin au strict minimum, par précaution. C'est du reste une niche d'excellence de l'industrie française. Ce n'est donc pas un scandale. Les Britanniques ont également de tels engins de franchissement. Au demeurant le régiment qui opère les SPRAT est le 13ème régiment de génie qui fait une large part à la réserve opérationnelle.

Concernant les drones, la réalité est que le Watchkeeper est plus robuste et correspond davantage aux besoins de l'armée de terre que le Patroller. Surtout, il permettra d'effectuer une véritable mutualisation avec les Britanniques pour tous les aspects que vous avez évoqués. Les deux régiments d'artillerie sont désormais jumelés. Pour une fois qu'il y a une vraie dynamique européenne, de grâce, ne la brisons pas. La France n'est peut être pas exemplaire en matière de drones, mais l'armée de terre qui utilise des drones depuis plus de quarante ans, n'a rien à se reprocher en la matière.

S'agissant des relations avec l'armée de terre britannique, nous avons d'excellentes relations avec elle, et ce depuis longtemps comme en témoigne la bataille d'El Alamein dont nous venons de fêter le 70e anniversaire. Mon homologue britannique, le général Peter Wall est très coopératif et l'un des chefs d'état-major européens avec lequel j'ai le plus de contacts. Nos relations sont donc de haut niveau. Nous travaillons étroitement ensemble à la montée en puissance du corps expéditionnaire franco-britannique qui est d'ailleurs en avance sur ses échéances.

La BFA est une très belle brigade qui a déjà été engagée au Kosovo et en Afghanistan. Nous réfléchissons aujourd'hui à un nouvel engagement significatif qui puisse coïncider avec le cinquantième anniversaire de ce traité. Cela pourrait être une nouvelle fois le Kosovo. Nous avons de nombreux projets avec nos amis allemands.

Pour ce qui est de Vigipirate, l'intervention de l'armée se révèle nécessaire car si certaines menaces se concrétisaient, les forces de sécurité intérieures ne sauraient pas toujours faire seules. Il y a donc une vraie utilité. Et puis cela est très apprécié par la population. Même les Norvégiens ont permis le déploiement de leur armée sur leur territoire national depuis le massacre de l'île d'Utoya. Je reste donc très favorable à la mission Vigipirate.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion