Intervention de Jean-Yves Placenti

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Audition des représentants des syndicats des personnels civils de défense

Jean-Yves Placenti, de l'UNSA Défense :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, L'UNSA-Défense exprime tout d'abord sa satisfaction à la tenue de ce débat au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Elle en remercie le président et souhaite que cette première rencontre avec les organisations représentatives des personnels civils se perpétue et s'institutionnalise.

Venir vers vous évoquer un budget dans le contexte actuel relève du numéro d'équilibriste. Nous savons tous que le projet de budget 2012 constitue une étape incontournable vers des projets de loi de finances rectificatives et que les éléments dont nous disposons relèvent d'éléments de langage en période pré-électorale plus que l'amorce d'un projet politique pour la défense de notre pays. Faute de pouvoir s'asseoir sur des chiffres réalistes, l'UNSA-Défense souhaite évoquer devant vous des sujets portant sur son appréciation de la situation des personnels et du dialogue social au sein du ministère de la défense.

L'UNSA-Défense est bien consciente des difficultés économiques du pays et de la nécessité d'un budget rigoureux. Mais l'addition de la politique de gel salarial pour les fonctionnaires et les ouvriers, et des efforts d'adaptation permanents demandés aux personnels civils de toutes les catégories du ministère de la défense (ainsi qu'aux personnels militaires d'abord, qui s'expriment assez franchement dans certains blogs) n'est plus supportable. Nous ne pouvons donc qu'exprimer une fois de plus l'inquiétude et la colère des personnels civils de ce ministère.

La révision générale des politiques publiques, avec les suppressions d'emplois correspondantes (7 462 emplois l'an prochain essentiellement sur les fonctions de soutien), ainsi que les restructurations incessantes dans les établissements et services (184 mouvements programmés, notamment la dissolution de 5 régiments et de 4 bases aériennes, le transfert de 2 régiments, de la direction des ressources humaines de l'armée de terre, de la SIMMAD) ont des effets particulièrement néfastes sur les conditions de travail, notamment pour les personnels d'encadrement, avec des risques psycho-sociaux accrus, comme en témoigne un cas particulièrement douloureux qui s'est traduit récemment par un suicide.

Les restructurations pleuvent, les structures sont souvent à durée de vie limitée, les agents ne sont plus considérés comme attachés à un service avec la compétence liée, mais comme interchangeables, ce qui entraîne souvent des pertes de compétences et d'autonomie. Bien des agents sentent dans la réorganisation des tâches que l'expertise-métier et les compétences professionnelles acquises précédemment ne sont pas prises en compte. Nous avons l'impression d'être traités comme des équivalents temps plein (ETP) et rien d'autre. Le changement semble véhiculer, pour les autorités, une image de progrès, tandis que la stabilité est perçue comme un manque de capacité d'adaptation. C'est le ton qui a été donné au plus haut niveau, alors on réorganise à tout crin avec des résultats plus ou moins heureux.

A ce sujet, il n'est qu'à lire les réactions des personnels sur les effets merveilleux de la mise en place des bases de défense et des résultats extraordinaires obtenus en matière de soutien.

L'UNSA-Défense n'est pas opposée par principe à cette mise en place des bases de défense (BdD), mais force est de constater qu'il y a un gouffre entre le discours officiel et la réalité vécue sur le terrain par les agents civils et militaires de ces structures confrontés à un déficit de moyens humains et matériels pour accomplir leurs missions.

Les désagréments sont nombreux et ne semblent pas être une préoccupation réelle des autorités. Pour elles, pas d'état d'âme : il faut suivre vaille que vaille !

Devant tant de raideur de la part de l'administration, l'état du dialogue social dans notre ministère n'est pas ce qu'il devrait être, il conduit à une situation de découragement, voire d'épuisement des agents, qui ne peuvent se projeter dans aucun avenir. Le lien de confiance entre l'UNSA et la direction des ressources humaines du ministère de la défense s'est dégradé au fil des années. Aujourd'hui il est proche de son point de rupture. De promesses non tenues en engagements oubliés, en déclarations artificielles, en affirmations fallacieuses, la Direction des ressources humaines du ministère de la défense a eu raison de la patience de nos délégués.

Nous faisons face à un déni de démocratie sociale, nous ne sommes pas loin de penser, au vu du dernier épisode malheureux des Techniciens Supérieurs d'Etudes et de Fabrications (TSEF) en faveur desquels des élus s'étaient engagés, que vous n'êtes guère plus écoutés que nous par cette direction des ressources humaines, obnubilée par la seule gestion de la masse des ETP.

Un coup particulièrement malheureux est porté par ce biais à l'ensemble de la filière technique, quelle que soit la catégorie des agents. Nous considérons que l'absence d'écoute est un facteur-clé de la souffrance au travail des agents, qui, lassés de cette attitude, sont en phase de perdre l'attachement fort qu'ils avaient vis-à-vis du ministère de la défense.

Nous en avons touché un mot tout à l'heure, la situation matérielle des agents ne les incite pas non plus au sourire. Que dire, notamment, des agents de la catégorie C écrasée par le bas à cause de l'effet « SMIC » et bloquée par le haut compte tenu du déséquilibre des voies de passage en catégorie B ?

La situation matérielle des agents partis avec l'indemnité de départ volontaire (IDV) nous inquiète également depuis que la réforme des retraites a reculé l'âge où ils vont pouvoir faire valoir leurs droits à pension. A cette question cruciale, nous n'avons toujours pas de réponse, nous osons espérer qu'au cours de votre débat sur la loi de finances, ce point sera abordé.

Et nos collègues de DCNS ne sont pas mieux lotis. En effet, l'Etat actionnaire ne suit pas les recommandations de l'Etat régalien. La prime « dividende » proposée aux personnels de cette entreprise est ridicule au vu des bénéfices réalisés et des dividendes touchés par l'Etat, d'autant qu'en sont exclus les ouvriers d'Etat, ce qui apparaît au mieux comme une anomalie, au pire comme une non-reconnaissance de ces personnels à la performance de l'entreprise.

2012 sera marquée par une actualisation du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Le Livre blanc proposait d'accorder une place plus importante aux civils dans le soutien des forces. Cela n'a pas été fait. Les « efforts » du ministère sur ce point ont été pour le moins timides, très loin des objectifs annoncés. Au vu du coût plus élevé des militaires sur les postes de soutien, voilà une piste qu'il faudrait creuser pour réaliser des économies substantielles.

En conclusion, le personnel civil est confronté à une situation de mépris de la part de l'institution. Sommé d'assurer le succès de réformes qu'il subit, de remplir des objectifs qu'il ne peut atteindre, ou de voir ses métiers cédés au sacro-saint secteur concurrentiel, il est en attente d'écoute et de reconnaissance. Cette écoute et cette reconnaissance doivent passer par un réel progrès en termes de civilianisation des postes de soutien. Au-delà des chiffres, I'UNSA jugera la crédibilité du budget 2012 à l'aune des progrès de la civilianisation.

Dans cette perspective, il semble utile de faire une étude comparative du coût respectif des militaires et des civils tout ou long de la carrière. Nous ne remettons pas en cause le primat des militaires ou ministres de la défense dans les domaines opérationnels. Cela n'aurait pas de sens. Mais nous récusons la culture qui consiste à privilégier les militaires par rapport aux civils dans les postes qui n'ont rien d'opérationnel, alors même que le coût moyen d'un militaire à compétence égale est de 30 à 40 % plus élevé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion