Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne les représentants des syndicats des personnels civils de défense sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission Défense) :
Nous recevons aujourd'hui, pour la première fois, et à ma demande, les représentants des syndicats des personnels civils de la défense. Je leur souhaite la bienvenue en votre nom à tous. Il s'agit de :
- M. Serge Guitard, de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés ;
- M. Luc Scappini et Mme Sophie Morin de la CFDT - Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat ;
- M. Alain Le Cornec et Mme Christine Moyse, de la Fédération des travailleurs de l'Etat - FNTE-CGT ;
- M. Jean-Yves Placenti, de l'UNSA Défense ;
- MM. Roland Denis et Jean-Michel Rey, de la Fédération CGC-Défense ;
- MM. Patrick Doupsis et Yves Naudin, de la Fédération CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes.
J'ai souhaité en effet que les syndicats des personnels civils de la défense puissent nous apporter leur éclairage sur la mise en oeuvre de la réforme de notre outil de défense. Cette réforme met largement à contribution les personnels civils aussi bien dans la diminution des effectifs que dans les restructurations ou la mise en place des bases de défense.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, tout d'abord, nous vous remercions de nous recevoir afin d'entendre nos analyses et nos revendications sur un budget qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'est pas fait pour rassurer les personnels. Nous soulignons que, pour la première fois, votre commission et, à travers elle, le Sénat, porte un intérêt aux personnels civils du ministère de la défense et à leurs organisations syndicales.
Force Ouvrière a toujours considéré que la politique de défense de la France ne relevait pas de sa responsabilité. Notre rôle n'est pas ici de dénoncer la présence de la France dans quelque théâtre d'opération quel qu'il soit (ce qui en l'occurrence serait faire injure aux soldats qui combattent actuellement hors de France) ou d'apporter un quelconque jugement sur la pertinence de la dissuasion nucléaire.
Nous nous permettrons cependant de considérer que le projet de budget de la défense pour 2012 est loin de répondre aux objectifs et ambitions assignés par le Président de la République. Ceci n'est pas un fait nouveau et traduit une mauvaise habitude des garants de nos institutions qui, depuis de nombreuses années, traitent la défense comme une variable d'ajustement budgétaire. En cela, on peut faire le constat que ce gouvernement ne se distingue pas des précédents quelle qu'en soit leur couleur politique.
Certains chiffres parlent d'eux-mêmes : alors que le Président de la République vante de façon quasi permanente la règle du non-remplacement d'un agent de l'Etat partant en retraite sur deux, le ministère de la défense va bien au-delà puisque ce sont 79 % des effectifs qui ne sont pas remplacés (quasiment 8 sur 10). C'est la RGPP mais en quatre fois plus brutale !
Dans le même ordre d'idées, sur les 460 millions d'euros d'annulation de crédits sur le budget général de I'Etat au second semestre 2011, 211 M€, soit 46 %, seront supportés par le seul ministère de la défense, une majorité de ces suppressions portant sur les autorisations d'engagement du programme 146 « équipement des forces ».
Il va devenir compliqué de nous expliquer que la réforme actuelle qui vise essentiellement les fonctions de soutien, et par voie de conséquence les personnels civils, doit permettre de dégager des marges financières pour mieux équiper nos armées.
Toujours le même contraste entre l'ambition qu'on affiche et les moyens qu'on y consacre. Comment porter le moindre crédit à un budget dont le ministre de l'économie lui-même dit qu'il fera vraisemblablement l'objet d'un réajustement en 2012 et que nous venons de vivre cette semaine une deuxième vague de mesures d'austérité.
Si le budget de la défense est la variable d'ajustement du budget de l'État, les personnels civils sont pour leur part la variable d'ajustement interne au sein du ministère. En effet, loin des engagements pris par M. Hervé Morin, alors ministre de la défense, un peu plus de 11 % des effectifs civils ont été supprimés depuis 2008 contre 9 % des effectifs militaires.
Faut-il rappeler ici que nous sommes passés de 145 000 personnels civils il y a à peine 15 ans à quelque 68 000 aujourd'hui ? En l'occurrence, quand nous disons « personnels civils », nous ne pouvons faire l'impasse sur la précarisation de l'emploi avec le recours accru à des personnels contractuels en lieu et place d'agents sous statut.
La réforme actuelle mise en place depuis 2008 devait, selon le ministre de l'époque, s'accompagner d'un rééquilibrage des effectifs militaires-civils dans les fonctions de soutien. Nous connaissons le discours, mais il y a encore cette fois-ci très loin des paroles aux actes.
Force Ouvrière est et reste attachée à la complémentarité entre les militaires et les civils, mais encore faut-il que cet attachement soit partagé par tous les échelons du ministère jusqu'à son plus haut niveau. Alors que nous attendons toujours les Référentiels en Organisation (REO) 2012 des Groupements de Soutien de Base de Défense (GSBdD), aucun signe tangible de rééquilibrage sur les fonctions de soutien n'apparaît.
Les prévisions de recrutement de personnels civils en 2012 s'élèvent à 1 200, contre 21 000 militaires, sans que vous soyez en mesure de nous dire sur ces 21 000 militaires, combien seront employés sur des fonctions opérationnelles et combien sur des fonctions de soutien.
Cela fait maintenant des années que nous revendiquons notre juste place sans que quiconque nous écoute, ni même nous entende. Les mois et les années passent, et les armées continuent de se réserver les postes à responsabilité, y compris sur des fonctions sans aucun caractère opérationnel.
Est-ce qu'enfin quelqu'un pourrait nous expliquer pourquoi le corps des commissaires, tous officiers avec la masse salariale correspondante, se réserve les postes de chefs de GSBdD sans que personne ne trouve à y redire ?
Pourquoi, lorsqu'un personnel civil est transféré vers un GSBdD, il faut deux, voire trois sous-officiers pour remplir la même fonction ? Faut-il donner des exemples, des noms, de sous-officiers chefs de restauration ou de secrétariat, contrôleurs de gestion qui ne partent jamais en opérations extérieures (OPEX), ou alors vers des destinations considérées OPEX dont le seul danger réside dans la température extérieure ?
Tout cela devient fatigant, usant, de devoir inlassablement répéter les mêmes discours, devant les mêmes interlocuteurs, avec l'étrange sentiment que ceux qui sont censés être aux ordres de la République, appliquent une réforme en prenant soin d'en tirer le meilleur parti pour eux-mêmes en taxant les organisations syndicales de corporatisme.
Il nous faut batailler becs et ongles pour arracher un poste de niveau 1 et, quand nous y parvenons, l'heureux élu est bien souvent victime de suspicion, même s'il justifie de 20 ou 25 ans de carrière et est lauréat de plusieurs concours de la fonction publique. Qu'il ne commette surtout aucune faute, ou c'est toute la composante civile sur laquelle on jette l'opprobre.
La situation ne s'améliore pas, loin s'en faut, et ce ne sont pas les éléments budgétaires pour 2012 qui nous rendront optimistes sur cet aspect des choses.
Et comme si cela ne suffisait pas, on en rajoute en présentant aux agents de l'État la facture d'une crise dont ils ne sont en rien responsables en gelant leur traitement en 2011 et 2012. Allez expliquer à une catégorie C rémunérée à 1.200 € par mois qu'elle ne bénéficiera d'aucune augmentation de salaire pendant au moins deux ans. Il y a même, dans le projet de budget 2012, une catégorie complètement oubliée et qui compte tout de même quelque 28 000 agents : je veux parler des ouvriers de l'État.
Leurs décrets salariaux sont suspendus et ils ne font pas l'objet de la moindre ligne budgétaire sur les 24 millions d'euros alloués à la revalorisation de la condition des personnels civils. Montrés du doigt depuis des années, traités comme d'affreux privilégiés par les conseillers ministériels et hauts fonctionnaires de Bercy qui, pourtant, ne crachent pas sur les largesses qui leur sont octroyées et qui proviennent des mêmes deniers publics, ils sont purement et simplement passés par pertes et profits dans le budget à venir. Et nous ne sommes pas sûrs que ces 24 millions d'euros seront dépensés dans la mesure où nous n'avons aucune lisibilité sur la réalisation des mesures envisagées.
Alors que les besoins en effectifs d'ouvriers de l'Etat se font criants dans des domaines sensibles comme le maintien en condition opérationnelle (MCO), aéronautique ou terrestre, nos décideurs refusent tout recrutement, portés qu'ils sont par leur vision de ce qu'est un ouvrier de l'Etat et qui confine aujourd'hui à la haine. Et on s'étonnera après cela que des militaires occupent des fonctions normalement dévolues aux personnels civils ou que l'on en soit réduit à externaliser par manque d'effectifs.
Les personnels civils sont confrontés à des vagues successives de restructurations depuis maintenant plus de quinze ans. Certains agents ont été restructurés deux ou trois fois et on leur explique que ce n'est peut-être pas fini. En effet, alors que nombre de personnels civils ont subi une mobilité vers des GSBdD lors de la fermeture de leur établissement, ils découvrent que leur poste sera peut-être menacé à partir 2012 lorsque passera la deuxième lame de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sur les GSBdD au titre des réorganisations.
Cette réforme en deviendrait absurde si ce n'était pas aussi dramatique. Alors que le ministre de la défense se déplace actuellement et organise des séminaires en région pour faire un bilan de la mise en place des bases de défense (BdD), nous sommes confrontés à des mises en scène pathétiques dans lesquelles la plupart des participants ont sans aucun doute ordre de dire « tout va bien monsieur le ministre » et des groupes de travail où on évite soigneusement d'inviter des personnels civils. Tout ceci n'est pas sérieux et relève plus de l'autosatisfaction que d'une réelle volonté d'établir un bilan de la mise en place d'une politique.
Mesdames et messieurs les sénateurs, les personnels civils de la défense souffrent : ils souffrent de travailler dans un ministère désorganisé, où la création des BdD est davantage source de dysfonctionnements que de progrès ; ils souffrent de ne pas se voir confier de postes à responsabilité ; ils souffrent d'être déconsidérés par un pouvoir qui n'aime pas ses fonctionnaires et qui l'annonce.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous ne savons pas si nos déclarations d'aujourd'hui auront un quelconque effet sur un budget qui n'est pas de nature à envisager l'avenir des personnels civils au sein de ce ministère avec sérénité, mais, à Force Ouvrière, nous sommes profondément et viscéralement républicains et, à ce titre, nous osons croire que la représentation nationale ne peut pas se désintéresser de nos analyses et revendications.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, c'est avec grand intérêt que nous nous adressons aujourd'hui à la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées du Sénat. Le contexte extraordinaire, provoqué par la crise et ses rebonds, est en train de connaître un nouvel épisode et n'accordera sans doute pas de répit à la défense, pourtant premier élève de la classe pour le gouvernement, à chaque fois qu'il s'agit de réduire les dépenses.
Je ne m'étendrai pas sur ce que pense la CFDT des mesures gouvernementales, des plans de rigueur en réponse à la crise, que la CFDT juge inadaptés, sans parler du fait qu'il est parfaitement inacceptable qu'un sommet social ait été refusé aux syndicats avant que le gouvernement fasse ses annonces.
Il faudra pourtant savoir tirer les leçons de ce qui vient de se passer en Grèce, c'est-à-dire du manque de débat démocratique.
La CFDT Défense souhaite aujourd'hui vous sensibiliser et attirer votre attention, mesdames et messieurs les parlementaires, sur les graves inquiétudes générées par la réforme en cours, réforme qui s'est appuyée sur deux principes, celui de la RGPP et celui des conclusions du Livre blanc dans son volet opérationnel.
Je précise ici que la CFDT s'est toujours intéressée au cadre et à l'environnement des personnels de la défense, parce que lorsque l'on réduit la voilure des missions, des matériels et des armées, c'est l'emploi même des personnels civils, chargés du soutien, qui se retrouve menacé.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité intérieure s'est retrouvé dépassé par les événements quelques mois à peine après sa sortie officielle. Je pourrais citer de nombreux exemples que vous connaissez, mais n'aborderai que la non-anticipation du véritable arc de crise, le développement des guerres asymétriques ou encore le phénomène de piraterie au large de la Somalie. Nos armées ont été confrontées à plus de six théâtres d'opération sans parler des missions pour les forces pré-positionnées. Le Livre blanc a donc explosé en vol devant le principe de réalité. Il est prévu une actualisation de son contenu avant la fin de l'année 2012.
Le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale doit produire un document interministériel d'évaluation stratégique qui sera présenté aux commissions compétentes du Parlement puis validé par le Conseil de défense et de sécurité nationale à la fin de l'année 2011. Pour la CFDT, il serait logique et cohérent de procéder à un arrêt des restructurations et réorganisations en cours puisqu'elles sont appuyées sur un livre blanc en cours de refonte.
La RGPP, dénoncée par la CFDT comme étant une démarche à seule visée comptable, avait prévu 54 000 suppressions d'emploi à la défense entre 2008 et 2014. Pour la CFDT, ce chiffre doit être reconsidéré.
Le CEMA, l'Amiral Guillaud ou le DGA Laurent Collet-Billon ont expliqué ici même que les 10 000 suppressions restantes seront extrêmement périlleuses à réaliser, à moins de renoncer à certaines capacités.
L'accompagnement social des personnels, déclaré comme important par le ministère, afin que l'intégralité des agents puisse trouver une solution positive, pourrait connaître des lendemains difficiles. Pour 2011, 30 % des cas restent encore à régler, du fait de la raréfaction des possibilités de reclassement du personnel dans des structures de défense susceptibles de les accueillir. Quid des 115 millions d'euros prévus pour 2012 en faveur de cet accompagnement social des restructurations au regard du nouveau plan de rigueur ?
Le projet de budget 2012 avait été présenté par le ministre de la défense aux organisations syndicales, comme un budget à la hausse, tel un défi, en cette période de crise et d'austérité, alors qu'il se traduit par une suppression de 7 432 postes.
La CFDT rappelle qu'un budget s'apprécie au terme de son exécution.
En témoigne celui de 2011, raboté par le biais d'une LFR de 200 millions d'euros, arrivant d'ailleurs en tête des réductions budgétaires publiques.
Les budgets Défense depuis 2008 ne sont que le miroir des décisions politiques inspirées par la RGPP et les conclusions du Livre blanc.
A ce sujet et en lien avec l'annonce d'un nouveau plan de rigueur par le premier ministre, M. Gérard Longuet a précisé hier soir, devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, que le budget 2012 sera réduit de près de 285 millions d'euros.
Les économies porteront sur les écoles. On prépare l'avenir sur les fonds « restructuration » des territoires -les élus locaux apprécieront-, et sur le maintien en condition opérationnelle des matériels, alors que les armées s'inquiètent déjà du budget consacré face aux matériels vieillissants.
Pour la CFDT, il est temps de faire une pause et redéfinir les contours des besoins en défense de la Nation, en tenant compte, certes, des nécessaires économies et modernisations, mais sans poser des initiatives seulement à vocation comptable et sans avoir mesuré les effets sur les femmes et les hommes de la communauté défense, qu'ils soient civils ou militaires ; ou encore sur les programmes, qui impacteront le rang même de la France, que ce soit au sein de l'Europe ou de l'Otan.
Le chef d'état-major des armées (CEMA) n'a-t-il pas déclaré lui-même devant vous : « Pour ce qui est des économies, dites-moi de quel montant vous souhaitez réduire le financement des armées et je vous dirai ce que nous devrons enlever... Cela pourra alors aller jusqu'à l'abandon de certaines capacités. Mais un jour nos diplomates ne pourront plus s'appuyer sur l'outil militaire pour porter la voix de la France. En 2011, les dépenses de défense sont tombées à 1,56 % du PIB. »
Quelques mots sur la Gendarmerie, puisque vous entendrez demain le général Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale. Sachez, monsieur le président, que les déclarations du général devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, sur le moral des gendarmes, jugé bon selon lui, ont choqué la communauté civile et militaire de la Gendarmerie. La réalité est toute autre. Effectifs réduits, congés maladie masquant le malaise, demandes de mutation, de départ anticipé à la retraite ou pour une reconversion, sans parler des tentatives de suicide. Les personnels ne voient plus leur avenir au sein de l'institution. Il est temps que la chape du silence soit levée.
Sur la question des externalisations et des partenariats public-privé, malgré les annonces du ministre d'un ralentissement, nous ne pouvons que constater que, malgré les remarques et les recommandations de la Cour des comptes, la démarche se poursuit avec l'attribution à un groupement de sociétés conduit par Alcatel-Lucent, d'un contrat de 350 millions d'euros, portant sur la rénovation, la modernisation et l'exploitation des réseaux informatiques et de communication, des bases de l'armée de l'air pour une durée de 16 ans. Il en est de même avec le projet « Erable » qui concerne la bureautique informatique des armées, même si les décisions ne sont pas encore prises.
Plus inquiétant, voire choquant, en ces temps de crise et de rigueur, le projet Balard, projet pharaonique qui engagera les dépenses pour 30 ans alors qu'on se mord les doigts du côté des Britanniques qui sont engagés dans ces expériences de partenariat public-privé. C'est donc avec du benchmarking aveugle qu'on s'inspire à la défense alors que, plus près de nous, le naufrage de l'hôpital sud-francilien, avec ses 500 millions d'euros de surcoût, ses 130 défauts majeurs, des factures qui s'envolent et des délais qui s'étirent, démontre les limites du partenariat public-privé.
Ne joue-t-on pas aux apprentis sorciers avec les questions régaliennes ? Les sociétés privées assumeront-elles demain les tâches dévolues aux militaires et aux personnels civils de la défense ?
La question peut se poser au vu de l'extension sans fin des domaines externalisés depuis près de dix ans.
Si les externalisations ont touché jusqu'à présent de nombreux services périphériques, comme les cantines ou l'entretien des locaux, elles concernent aujourd'hui des missions de sécurité et de gardiennage ou les télécommunications de plus en plus pointues.
Et ce au gré d'une lecture souple et fluctuante de la notion de «coeur de métier», qui permet au ministère de justifier ces externalisations.
La transition est faite pour aborder le phénomène des sociétés militaires privées qui se développent là où nos armées en manque d'hommes et de moyens se retirent.
Sur les mers, par exemple, ces sociétés privées, a priori et par définition en recherche de contrats, pourraient provoquer une escalade de violence au large de la Somalie selon de nombreux experts.
La CFDT, qui tire le signal d'alarme depuis de nombreux mois, ne peut que constater que ce phénomène se développe alors que les moyens de la Marine nationale sont considérablement réduits par les budgets successifs.
Après avoir nié l'existence des sociétés militaires privées, le ministre de la défense semble vouloir en encadrer leur utilisation, contraint par les arbitrages budgétaires et les mesures d'économie.
La défense va mal. Restructurations et réorganisations ont bousculé les équilibres de l'outil défense. La désertification des unités de la défense sur les territoires met un peu plus en péril le lien armées-nation. Il y a aujourd'hui à peine un militaire pour 600 Français.
La fin de la conscription et la professionnalisation des armées ont également provoqué un éloignement d'année en année, à tel point que le chef d'état-major des armées s'est ému de l'indifférence, selon lui, des citoyens et de la Nation, pour nos soldats tombés en Afghanistan.
Si la CFDT demande une pause, elle demande également l'organisation d'états généraux de la défense, avec l'ensemble des composantes de la société civile autour de la table, à même de recréer l'indispensable lien Armées-Nation, pour définir la défense que nous voulons et les besoins pour la réaliser.
Et parce que c'est l'actualité très récente, sachez mesdames et messieurs les sénateurs, que DCNS, fleuron de la navale militaire en Europe, à 75 % capitaux d'Etat, vient d'annoncer un plan de départs volontaires, avec prime et inscription au chômage à la clé, au lendemain de l'annonce par François Fillon de mesures de rigueur qui porteront sur le passage de la retraite à 62 ans. L'adage « faites ce que je dis et non ce que je fais » est une fois de plus à mettre sur le compte des décisions du gouvernement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, le changement de majorité n'est certainement pas étranger à cette invitation au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Cela constitue une première.
Monsieur le président, la CGT prend acte de cette invitation, toutefois nous espérons que le traitement que vous nous réservez ne sera pas à l'image de votre homologue de l'Assemblée nationale qui, lors de notre audition du 19 octobre, a envoyé les affaires courantes en ne daignant nous accorder au mieux que 10 minutes de débat.
Que retenir de ce nouveau budget du gouvernement Sarkozy/Fillon suite à l'annonce récente de son deuxième plan d'austérité et des implications pour la défense ?
En premier lieu, le gouvernement souhaite tenir dans les abîmes la revalorisation des salaires de l'ensemble des agents civils du ministère par le maintien du blocage du point d'indice de la fonction publique et le blocage de la revalorisation des bordereaux de salaire des agents à statut ouvrier de l'Etat par la suspension des décrets salariaux.
A l'heure où les milliards d'euros pleuvent pour sauver un système libéral et boursier en déroute, les salariés civils du ministère sont très amers quant à la diminution de leur pouvoir d'achat.
Le gouvernement préfère donc répondre aux injonctions de la financiarisation plutôt que de répondre aux besoins sociaux urgents de ses propres agents.
Le gouvernement nous explique que le surcoût des OPEX (600 millions d'euros) serait partagé en interministériel comme s'y est engagé le Premier ministre.
Pourquoi ne pas se poser la question sur le financement de la dissuasion nucléaire qui, chaque année, engloutit 3,4 milliards d'euros ?
L'addition ne se mesure pas uniquement par le blocage des salaires des agents. Au titre de multiples réductions de budgets, le ministère a engagé une vaste politique de vente des bijoux de familles, espérant pouvoir réaliser les fameuses recettes exceptionnelles. C'est irréaliste, mais ce même gouvernement vient de confirmer lundi 7 novembre son intention d'accroître les ventes des biens d'Etat et plus particulièrement les surfaces occupées. Une fois de plus, les visionnaires de l'hôtel de Brienne sont atteints d'une cécité sans limite. Dans un contexte de crise, les rentrées financières ne sont pas au rendez-vous et de facto le budget prévisionnel devient compliqué à tenir. En témoigne la 2ème loi de finances rectificative, et comment ne pas citer les 1,35 million d'euros manquant dans les mesures catégorielles votées par le Parlement dont les personnels civils ne verront jamais la couleur.
Au même titre des fameuses économies à venir par le biais de l'inter-armisation, la CGT reste très dubitative quant aux éventuelles économies générées par les externalisations.
En 2008, la Cour des comptes avait validé, dans un rapport, le montant de 1,7 milliard d'euros pour le coût annuel des externalisations. Qu'en est-il exactement des sommes dépensées depuis 2008 pour le coût de ces externalisations ?
Le gouvernement vient d'annoncer une réduction des finances de l'ordre de 500 millions d'euros sur le budget de l'Etat. Ce mardi 8 novembre, le ministre de la défense a été convoqué de toute urgence devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale afin de s'expliquer sur les conséquences directes pour le ministère. Monsieur le président, nous souhaitons connaître la teneur de cet entretien.
De déficit de vision de gestion en déficit financier en passant par le trou béant du futur Balardgone qui, pour le moment ne se rebouche pas, il y a de quoi être pessimiste pour notre avenir. Ce pessimisme se traduit dans l'ensemble du ministère pour les personnels civils par un mal-être croissant qui, hélas, se traduit parfois par une fin dramatique. A l'heure actuelle le ministère compte lui aussi de multiples cas de suicides depuis le début de cette réforme.
Pour la CGT, les membres de la majorité gouvernementale actuelle, de par leurs décisions politiques, sont responsables de ces disparitions tragiques de personnels civils.
Les restructurations voulues par la majorité actuelle ont engendré une désorganisation permanente des services du ministère, avec à la clé un mensonge permanent des autorités auprès des personnels civils afin de les rassurer sur le bien-fondé de la disparition de leur activité, emploi, régiment, établissement, etc...
Au sujet des disparitions d'emplois, un récent rapport parlementaire est assez critique sur la notion de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui semble avoir atteint ses limites. Le sous-dimensionnement des équipes et le manque de recrutement placent les agents dans des conditions de travail inadmissibles, et mettent en danger la pérennité de nos missions, comme l'ont rappelé très récemment, ici même, le délégué général pour l'armement (DGA), le chef d'état-major des armées (CEMA) et le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT).
Mais le gouvernement veut continuer dans ce sens en indiquant, dans la présentation du budget, la diminution des effectifs de 2 000 emplois supplémentaires pour 2012. Parlementaires de la majorité gouvernementale, vous continuez dans votre politique anti-sociale et destructrice d'hommes et de femmes.
Cette restructuration est porteuse de l'éclatement de la communauté de travail qui faisait la force d'un établissement ou d'un régiment. Ce recentrage sur le « coeur de métier » engendre une incompréhension sur le travail que les agents doivent faire. Dorénavant, le travail ne se conçoit que par le biais de contrats de service entre collègues.
Cette refonte du ministère est comme une pelote de laine que l'on déroule sans fin, de restructuration en restructuration. Nous sommes dans la tourmente d'une gestion par le chaos ou plus personne n'est responsable de rien.
Tout semble être fait pour que le ministère ne fonctionne plus et, de surcroît, cela alimente l'idée pour la majorité : puisque l'étatique ne fonctionne pas, on va privatiser.
Le but de cette réforme est bien de vendre aux entreprises privées les prestations rentables et de facto de privatiser dans leur quasi-totalité les entreprises et missions de défense. Alors il faut, de la part du gouvernement, sectoriser, pour ne pas dire filialiser, les multiples fonctions de soutiens et autres.
Le seul dilemme pour le ministre est de savoir s'il doit s'orienter vers des acquisitions patrimoniales ou plutôt préférer des fumeux partenariats public-privé. A ce sujet, l'exemple de l'hôpital sud francilien de l'Essonne est un exemple à ne pas suivre.
Cette limite très floue entre l'étatique et le privé est criante sur le cas du Maintien en Condition Opérationnelle. La bataille qui est engagée par les industriels afin de récupérer les charges de travail de la maintenance des matériels des armées est symptomatique d'une envie de privatisation de l'ensemble du soutien par le gouvernement.
Il est un fait avéré que, sur un coût global de possession d'un matériel, le maintien en condition opérationnelle représente 70 % de ce coût global. A l'heure de l'aveuglement du tout financier, les appétits s'aiguisent.
Mais quel avenir pour nos régiments de soutien, pour nos Ateliers Industriels Aéronautiques, pour notre Service de Soutien à la Flotte ? Pour la CGT, cette maîtrise du soutien doit rester sous maîtrise étatique. A ce titre, il convient de relancer le recrutement de personnels à statut afin de pouvoir assurer la transmission des savoirs.
La CGT rappelle sa proposition d'édification d'un Pôle Public National de Défense qui assurerait la pérennité de nos établissements sous maîtrise étatique. Afin de totalement sortir notre industrie de défense du joug de la financiarisation, ce Pôle Public serait adossé à un Pôle Financier Public.
Concernant particulièrement le secteur industriel, le gouvernement aurait tout intérêt à respecter les engagements qu'il a formulés lors du Grenelle de l'environnement. Durant ce Grenelle, la CGT a été force de proposition quant à l'édification d'une filière de déconstruction des navires en fin de vie, mais aussi pour le matériel terrestre et aéronautique.
Force est de constater que, hélas, ces projets ne sont pas assez portés par le gouvernement qui s'en remet aux préfets de régions pour des propositions. Quoiqu'il en soit, il est inscrit dans le budget 2012 que les maîtres d'ouvrage ont été retenus ainsi qu'une programmation financière. Nous formulons ici officiellement dans cette assemblée une demande afin de connaître la liste des maîtres d'ouvrage ainsi que le montant de la programmation budgétaire.
A l'heure où l'hexagone, et surtout les salariés, vivent des heures très sombres suite aux fermetures de différents sites industriels, il nous apparaîtrait incompréhensible d'abandonner de tels engagements.
Nous sommes face à un manque cruel et crucial de politique industrielle en France.
Le seul axe de réflexion des décideurs est l'impérieuse nécessité de marier les entreprises, tant sur le champ national qu'européen afin de construire un EADS de la navale et un de l'armement terrestre, avec comme ambition d'inonder le marché mondial de l'armement sans aucune réflexion sur la stabilité des équilibres régionaux.
Les récents massacres perpétrés par l'armée libyenne sur les populations civiles, par l'intermédiaire d'armements français, doivent faire réfléchir sur notre politique d'exportation à tout crin.
A l'heure où l'Europe et les apôtres de la concurrence libre et non faussée veulent faire entendre leur voix, la CGT rappelle et affirme que les armes ne sont pas des marchandises comme les autres.
Dans ce no man's land de réflexion stratégique, quel avenir réserve le gouvernement aux entreprises dans lesquelles il est un actionnaire majoritaire ? Nous voulons parler de Nexter, DCNS et SNPE. Ces entreprises doivent rester dans le giron étatique et nous refusons par avance toute forme de restructuration capitalistique ou fusion avec d'autres entreprises.
Ce dont ont besoin ces entreprises, mais surtout les salariés, ce sont des carnets de commande qui permettent de garantir l'emploi et la stabilité, de garantir les besoins en équipements de nos forces armées pour une défense nationale non agressive.
Les femmes et les hommes de ces entreprises sont les garants de notre souveraineté et de notre indépendance industrielle et militaire. C'est pourquoi il convient de doter ces entreprises de plans d'investissement à la hauteur de l'enjeu industriel à venir.
A ce jour, un point commun de ces deux entreprises vient de leurs PDG qui ont un sens du partage des bénéfices très très très restrictif ! ! !
450 € de prime Sarkozy à Nexter après mobilisation des personnels, 150 € à DCNS de prime Sarkozy (pour un coût global de 3 millions d'euros) avec une fin de non recevoir du PDG pour de vraies négociations. Mais il est vrai que le PDG préfère donner 37 millions d'euros à l'actionnaire majoritaire, donc l'Etat, plutôt que de rémunérer à sa juste valeur la force de travail, donc les salariés.
Mesdames et messieurs les sénateurs, prenez la mesure de l'oeuvre de destruction mise en place depuis les annonces du 24 juillet 2008 : suppression des 54 000 emplois, fermeture de multiples établissements et de régiments, destructions de nos savoir-faire et de nos compétences, mise en dépendance de notre industrie à l'égard des fourches caudines du monde de la finance et des industries étrangères, retour dans le commandement intégré de l'OTAN et de facto inféodation aux tentations guerrières des Etats-Unis ; invocations explicites du ministère pour avoir la peau des décrets salariaux et mise en place de statuts précaires pour les personnels.
Tous ces plans dévastateurs, qui plus est en période de grave crise économique, doivent être abandonnés.
Quoiqu'il en soit, les salariés du ministère et des sociétés nationales sont debout face à la tempête. Ils résistent et font oeuvre de propositions revendicatives. La CGT est et restera à leurs côtés afin de promouvoir une défense souveraine et indépendante, une politique d'emplois qualifiés et bien rémunérés.
C'est cet engagement sans faille des salariés pour le maintien de leur emploi, statut et rémunération, dont nous tenons à témoigner devant vous ce jour. La CGT continuera d'interpeller la représentation nationale afin que les attentes légitimes des personnels soient enfin prises en compte.
Je suis très heureux que nous puissions nous rencontrer pour cette première fois autour des enjeux liés à l'examen de la loi de finances pour 2012. J'attire votre attention sur le fait que nous ne représentons pas ici le gouvernement. C'est à lui de répondre sur un certain nombre de questions que vous vous posez, je pense notamment aux nouvelles mesures d'économies demandées au budget de la défense. Pour notre part, nous ne manquerons pas de demander au ministre de la défense de venir expliquer devant la commission comment il compte répartir les 285 millions d'économies évoqués. Vous avez devant vous l'ensemble des rapporteurs des différents programmes budgétaires qui composent la mission Défense. Aussi je vous demanderai de bien vouloir vous concentrer sur des observations et des propositions relatives au débat budgétaire. Nous aurons, je l'espère, l'occasion d'avoir un débat plus général sur la politique de défense.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, L'UNSA-Défense exprime tout d'abord sa satisfaction à la tenue de ce débat au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Elle en remercie le président et souhaite que cette première rencontre avec les organisations représentatives des personnels civils se perpétue et s'institutionnalise.
Venir vers vous évoquer un budget dans le contexte actuel relève du numéro d'équilibriste. Nous savons tous que le projet de budget 2012 constitue une étape incontournable vers des projets de loi de finances rectificatives et que les éléments dont nous disposons relèvent d'éléments de langage en période pré-électorale plus que l'amorce d'un projet politique pour la défense de notre pays. Faute de pouvoir s'asseoir sur des chiffres réalistes, l'UNSA-Défense souhaite évoquer devant vous des sujets portant sur son appréciation de la situation des personnels et du dialogue social au sein du ministère de la défense.
L'UNSA-Défense est bien consciente des difficultés économiques du pays et de la nécessité d'un budget rigoureux. Mais l'addition de la politique de gel salarial pour les fonctionnaires et les ouvriers, et des efforts d'adaptation permanents demandés aux personnels civils de toutes les catégories du ministère de la défense (ainsi qu'aux personnels militaires d'abord, qui s'expriment assez franchement dans certains blogs) n'est plus supportable. Nous ne pouvons donc qu'exprimer une fois de plus l'inquiétude et la colère des personnels civils de ce ministère.
La révision générale des politiques publiques, avec les suppressions d'emplois correspondantes (7 462 emplois l'an prochain essentiellement sur les fonctions de soutien), ainsi que les restructurations incessantes dans les établissements et services (184 mouvements programmés, notamment la dissolution de 5 régiments et de 4 bases aériennes, le transfert de 2 régiments, de la direction des ressources humaines de l'armée de terre, de la SIMMAD) ont des effets particulièrement néfastes sur les conditions de travail, notamment pour les personnels d'encadrement, avec des risques psycho-sociaux accrus, comme en témoigne un cas particulièrement douloureux qui s'est traduit récemment par un suicide.
Les restructurations pleuvent, les structures sont souvent à durée de vie limitée, les agents ne sont plus considérés comme attachés à un service avec la compétence liée, mais comme interchangeables, ce qui entraîne souvent des pertes de compétences et d'autonomie. Bien des agents sentent dans la réorganisation des tâches que l'expertise-métier et les compétences professionnelles acquises précédemment ne sont pas prises en compte. Nous avons l'impression d'être traités comme des équivalents temps plein (ETP) et rien d'autre. Le changement semble véhiculer, pour les autorités, une image de progrès, tandis que la stabilité est perçue comme un manque de capacité d'adaptation. C'est le ton qui a été donné au plus haut niveau, alors on réorganise à tout crin avec des résultats plus ou moins heureux.
A ce sujet, il n'est qu'à lire les réactions des personnels sur les effets merveilleux de la mise en place des bases de défense et des résultats extraordinaires obtenus en matière de soutien.
L'UNSA-Défense n'est pas opposée par principe à cette mise en place des bases de défense (BdD), mais force est de constater qu'il y a un gouffre entre le discours officiel et la réalité vécue sur le terrain par les agents civils et militaires de ces structures confrontés à un déficit de moyens humains et matériels pour accomplir leurs missions.
Les désagréments sont nombreux et ne semblent pas être une préoccupation réelle des autorités. Pour elles, pas d'état d'âme : il faut suivre vaille que vaille !
Devant tant de raideur de la part de l'administration, l'état du dialogue social dans notre ministère n'est pas ce qu'il devrait être, il conduit à une situation de découragement, voire d'épuisement des agents, qui ne peuvent se projeter dans aucun avenir. Le lien de confiance entre l'UNSA et la direction des ressources humaines du ministère de la défense s'est dégradé au fil des années. Aujourd'hui il est proche de son point de rupture. De promesses non tenues en engagements oubliés, en déclarations artificielles, en affirmations fallacieuses, la Direction des ressources humaines du ministère de la défense a eu raison de la patience de nos délégués.
Nous faisons face à un déni de démocratie sociale, nous ne sommes pas loin de penser, au vu du dernier épisode malheureux des Techniciens Supérieurs d'Etudes et de Fabrications (TSEF) en faveur desquels des élus s'étaient engagés, que vous n'êtes guère plus écoutés que nous par cette direction des ressources humaines, obnubilée par la seule gestion de la masse des ETP.
Un coup particulièrement malheureux est porté par ce biais à l'ensemble de la filière technique, quelle que soit la catégorie des agents. Nous considérons que l'absence d'écoute est un facteur-clé de la souffrance au travail des agents, qui, lassés de cette attitude, sont en phase de perdre l'attachement fort qu'ils avaient vis-à-vis du ministère de la défense.
Nous en avons touché un mot tout à l'heure, la situation matérielle des agents ne les incite pas non plus au sourire. Que dire, notamment, des agents de la catégorie C écrasée par le bas à cause de l'effet « SMIC » et bloquée par le haut compte tenu du déséquilibre des voies de passage en catégorie B ?
La situation matérielle des agents partis avec l'indemnité de départ volontaire (IDV) nous inquiète également depuis que la réforme des retraites a reculé l'âge où ils vont pouvoir faire valoir leurs droits à pension. A cette question cruciale, nous n'avons toujours pas de réponse, nous osons espérer qu'au cours de votre débat sur la loi de finances, ce point sera abordé.
Et nos collègues de DCNS ne sont pas mieux lotis. En effet, l'Etat actionnaire ne suit pas les recommandations de l'Etat régalien. La prime « dividende » proposée aux personnels de cette entreprise est ridicule au vu des bénéfices réalisés et des dividendes touchés par l'Etat, d'autant qu'en sont exclus les ouvriers d'Etat, ce qui apparaît au mieux comme une anomalie, au pire comme une non-reconnaissance de ces personnels à la performance de l'entreprise.
2012 sera marquée par une actualisation du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Le Livre blanc proposait d'accorder une place plus importante aux civils dans le soutien des forces. Cela n'a pas été fait. Les « efforts » du ministère sur ce point ont été pour le moins timides, très loin des objectifs annoncés. Au vu du coût plus élevé des militaires sur les postes de soutien, voilà une piste qu'il faudrait creuser pour réaliser des économies substantielles.
En conclusion, le personnel civil est confronté à une situation de mépris de la part de l'institution. Sommé d'assurer le succès de réformes qu'il subit, de remplir des objectifs qu'il ne peut atteindre, ou de voir ses métiers cédés au sacro-saint secteur concurrentiel, il est en attente d'écoute et de reconnaissance. Cette écoute et cette reconnaissance doivent passer par un réel progrès en termes de civilianisation des postes de soutien. Au-delà des chiffres, I'UNSA jugera la crédibilité du budget 2012 à l'aune des progrès de la civilianisation.
Dans cette perspective, il semble utile de faire une étude comparative du coût respectif des militaires et des civils tout ou long de la carrière. Nous ne remettons pas en cause le primat des militaires ou ministres de la défense dans les domaines opérationnels. Cela n'aurait pas de sens. Mais nous récusons la culture qui consiste à privilégier les militaires par rapport aux civils dans les postes qui n'ont rien d'opérationnel, alors même que le coût moyen d'un militaire à compétence égale est de 30 à 40 % plus élevé.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais au préalable rendre un hommage aux soldats morts en opération. S'agissant du budget, la Défense-CGC est consciente des difficultés économiques de la France et des difficultés financières de l'Etat.
Néanmoins, les efforts subis, depuis plusieurs années, par les personnels civils de toutes catégories du ministère de la défense deviennent insupportables.
Quelques exemples :
- situation salariale des personnels civils qui se dégrade ;
- personnels civils considérés comme des unités de compte ;
- personnels des filières sociale et médicale qui se sentent mis de côté depuis des années, alors qu'ils sont en première ligne pour absorber le choc des restructurations ;
- que dire de la catégorie C, notamment administrative, écrasée par le bas à cause de l'effet « SMIC » et bloquée par le haut, compte tenu du déséquilibre des voies de passage en catégorie B ;
- les agents contractuels du décret 49 qui sont exclus du projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire ;
- les ouvriers de l'Etat, qui, en plus d'être les premières cibles des réductions d'effectifs depuis 15 ans, ont perdu cette année leur indexation salariale.
Les personnels civils n'admettent pas que les promesses qui leur ont été faites n'aient été que de la poudre aux yeux :
- requalification de tous les Techniciens Supérieurs d'Etudes et Fabrication (TSEF) volontaires en catégorie A ;
- création d'un corps A+ technique civil : nécessaire pour créer un débouché au corps des Ingénieurs d'Études et de Fabrications (IEF) mais également pour permettre la titularisation de certains agents contractuels. Dans le même temps, le ministère crée un corps particulier pour les ingénieurs militaires de l'infrastructure (qui est un corps A+),
- mise en place de la prime de fonctions et de résultats pour les ingénieurs d'études et de fabrications, ainsi que pour la filière sociale ;
- réduction de l'écart indemnitaire entre la filière administrative et la filière technique, de même qu'entre services déconcentrés et administration centrale.
Aujourd'hui donc, le sentiment de frustration est immense, d'autant que, dans le même temps, les personnels militaires ont obtenu, ces dernières années, une revalorisation substantielle de leur carrière.
Nous arrêterons là cette énumération et revenons donc au projet de loi de Finances.
En ce qui concerne l'évolution des effectifs de personnels, le pourcentage de personnels civils par rapport à la population globale du ministère s'établissait à 23,7 % en 2009, et 23,5 % en 2010. Les prévisions 2011 indiquent un pourcentage de 23,4 %. Le constat est sans appel, la population de personnels civils baisse dans notre ministère. Un comble, alors que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de juin 2008 prônait la civilianisation des postes dans le soutien et l'administration.
Ainsi, on trouve des personnels militaires sur des postes ne présentant aucun caractère opérationnel, en dehors d'une part minime permettant d'assurer une rotation entre les différentes affectations en opérations. De même, est-il plus normal de trouver des personnels militaires en charge de la gestion des personnels civils ? Les mêmes questions peuvent se répéter pour les fonctions achats et financières et pour bien d'autres encore.
Plus globalement, les postes d'encadrement sont peu occupés par des personnels civils, non pas parce qu'ils n'en ont pas la capacité, mais parce que la préférence est donnée à des personnels militaires.
La position de Défense-CGC est constante : compte tenu du coût trois fois plus élevé, pour les finances de l'État, d'un personnel militaire par rapport à un personnel civil, il faut accélérer la transformation des postes de militaires affectés au soutien et en administration en autant de postes de personnels civils.
Ainsi, dès 2012, et exécutable au PAM 2012, le pourcentage de postes transférés doit être augmenté. Ce transfert doit se faire en douceur, un plan quinquennal de transfert doit être défini pour atteindre 30 % de personnels civils à l'horizon 2016. S'agissant de l'encadrement supérieur, la proportion de civils parmi les chefs de groupement de soutien de base de défense (GSBdD), adjoints au chef de GSBdD et chefs de service, doit être portée à 50 %. La création du corps A+, dont nous avons parlé plus haut, permettrait de faciliter la civilianisation par reclassement de personnels militaires dans un corps civil.
S'agissant de mesures catégorielles, la moitié des gains réalisés sur le dos des personnels civils (par les réductions d'effectifs) devait revenir aux agents sous la forme de mesures catégorielles. Pour mémoire, cela n'a pas été le cas en 2009 et 2010, puisque une partie des gains réalisés n'a pas été redistribuée.
LFI 2011 : en 2011, 25,5 millions d'euros étaient inscrits dans le PLF. Quel est le bilan ? Quitte à se répéter, beaucoup de mesures catégorielles n'ont pas été réalisées. Où sont passées les sommes économisées ? Vu les éléments fournis et les explications données, nous ne pouvons pas trancher. Nous regrettons le manque de clarté.
PLF 2012 : pour 2012, nous prenons acte des 24 millions d'euros (en baisse de 1,5 million d'euros) de mesures nouvelles. Nous retrouvons d'ailleurs bon nombre d'engagements 2011 non réalisés.
Défense-CGC est très perplexe sur la mise en oeuvre de ces mesures.
En matière de formation, sur la base du bilan social 2010, le budget consacré à la formation des personnels civils a continué de diminuer pour s'établir à 71,6 millions d'euros. Celui des personnels militaires s'établit à environ 1,5 milliard d'euros selon les estimations de Défense-CGC, le montant n'ayant pas été fourni.
Le nombre de journées théoriques de formation par individu est de 15,1 journées pour les personnels militaires et de 2,7 journées pour les personnels civils.
Défense CGC est consciente que les comparaisons sont difficiles. Néanmoins, ne faudrait-il pas s'interroger sur l'opportunité de former, hors reconversion, des personnels militaires à moins d'un an de la retraite ?
Les économies réalisées pourraient d'ailleurs être en partie réaffectées. Elles serviraient notamment à parfaire la formation de nos jeunes militaires.
Pour le projet Balard, le partenariat public-privé (PPP) est certes innovant, mais risque d'être plus coûteux sur la durée globale. Lors de la présentation du budget 2012 le 28 septembre dernier, aucune information financière n'a été divulguée. Voudrait-on nous cacher la réalité des chiffres ?
En matière d'harmonisation des pratiques, il serait souhaitable de coordonner enfin les pratiques des bases de défense (BdD) et de Groupements de Soutien de Base de Défense (GSBdD); alors que l'objectif était de faire des économies d'échelle par la mutualisation des moyens et la mise en cohérence des pratiques, nous constatons trop souvent des situations divergentes par rapport à l'objectif.
De plus, sous couvert d'un besoin de coordination des BdD, la mise en place des états-majors de soutien de défense (EMSD) n'est pas en cohérence avec les pratiques des autres ministères visant à la mise en place de deux structures, l'une centrale, l'autre locale. Elle présente par ailleurs le risque de s'opposer à la bonne mise en oeuvre des CMG en complexifiant les circuits d'information.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, nous vous remercions de votre attention.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est une première d'être reçus ainsi en audience au sein de cette honorable commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ! Nous vous en remercions très sincèrement car lorsque notre congrès fédéral nous a confié la gouvernance de notre fédération CFTC Défense, en 2007/2008, notre président, Monsieur Douspis et moi-même, trouvions pour le moins bizarre et inélégant d'être reçus chaque année par nos députés à l'occasion notamment des PLF, et jamais par nos sénateurs. Nous nous en étions ouverts plusieurs fois au président Larcher et à votre prédécesseur, M. Josselin de Rohan. Mais rien n'avait bougé !
Pourtant, nous les OS, si nous répondons habituellement et volontiers à toute invitation parlementaire, vous savez bien, ou vous allez l'apprendre, que nous constatons que nos propositions sont rarement reprises et viennent trop rarement modifier les projets de textes sur lesquels vous êtes appelés à délibérer !
Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvons-nous nous permettre, Monsieur le président, de vous poser une simple question de citoyen néophyte de cette institution sénatoriale ? Pourquoi votre commission porte-t-elle un nom fort différent de celui de la commission homologue de l'Assemblée nationale ? Pourquoi une telle association de mots et redondance ?
L'exercice d'aujourd'hui est un peu particulier pour nous : comment vous donner notre opinion sur le PLF 2012 sans qu'elle soit rigoureusement identique à celle qui figure sur le site de la commission de défense nationale en compte rendu de notre dernière audience du 18 octobre ? Nous pensons que l'actualité hélas va nous y aider.
Situons d'abord votre mission d'élu aujourd'hui. Vous avez à peine commencé à examiner le projet de loi de finances 2012, que la sincérité avec laquelle le gouvernement l'avait préparée est remise en question par les annonces de rigueur budgétaire faites avant hier par le Premier ministre, François Fillon. Non, vous n'avez pas la tâche facile cette année dans vos travaux parlementaires !
S'il y a ce plan d'austérité, c'est qu'il s'inscrit dans la nécessité de contrer la crise financière, née en 2007/2008 par l'activité de certains malfrats voire délinquants américains de la finance internationale, et qui a crucialement mis à jour l'endettement excessif de nos Etats !
Le sommet du G20 à Cannes des 3-4 novembre dernier a eu en trame de fond la crise eurogrecque, la réforme du système monétaire international et le renforcement de la régulation financière. Au-delà de cette tragédie grecque à coups de milliards d'euros, est ce que la baisse de la croissance, la crise morale, les diktats des agences internationales de notation financière (instances non démocratiques), la défiance toujours latente dans le système bancaire, la fragilité des monnaies, la crise de la dette vont s'estomper comme par enchantement ? Non bien sûr !
Vous pourriez nous dire, que la bientôt centenaire CFTC en a connu d'autres, des crises, depuis 1919, celle de 1929 entre autres ! Les citoyens, les syndicalistes CFTC que nous sommes ont constamment défendu des solutions...comme celle notamment de jeter les bases d'une véritable et équitable économie au service des hommes et femmes et de l'environnement, de redonner un sens à nos vies et à nos comportements économiques, de re-réglementer les conduites financières et de renouer avec certaines missions régaliennes de l'État au nom du bien commun dont il est le garant.
Honorables parlementaires que vous êtes, aidez-nous à réinstaller ces valeurs dans notre gouvernance nationale et internationale ! Nos mandants CFTC ont en effet l'impression que le monde marche sur la tête !
Que vaut ce projet de budget Défense 2012 ? Est-il crédible encore dans un tel contexte international ? La CFTC Défense a t-elle le droit d'être mécontente du PLF 2012, sur lequel avant même que vous ne le votiez, l'épée de Damoclès d'un 3e tour de vis budgétaire (annoncé par M. Hollande) est suspendue et qu'il va être soumis aux aléas des incertitudes électorales de l'an prochain ?
Notre président confédéral, Jacques Voisin, commentait ainsi le projet de budget général gouvernemental, première mouture, le 28 septembre 2011 :
« Budget 2012 : entre méthode Coué et déni de réalité.
Imaginer réduire le déficit budgétaire à 3 % en 2012/2013 avec un taux de croissance de 2 % relève, au mieux, de la méthode Coué, au pire, du déni de réalité. Ce sont pourtant les prévisions du gouvernement présentées ce matin à l'issue du conseil des ministres.
La CFTC estime que ces objectifs ne sont pas atteignables, essentiellement parce que l'austérité pèsera sur la croissance [...]. Il existe d'autres moyens de réduire les déficits que par l'austérité.
La CFTC regrette que le gouvernement soit plus enclin à « convaincre les marchés » et les agences de notation que de protéger les Français des méfaits de la crise financière : cela relève du déni de démocratie [...].
La CFTC s'inquiète également des conséquences que ne manquera pas d'avoir l'austérité sur des services publics essentiels : la RGPP a aujourd'hui atteint ses limites [...]. »
Le Premier ministre, avant hier, vient de justifier hélas les craintes que nous avions.
Peut-on encore maîtriser ce système monétaire, ces dérives pseudo-libérales ? Il va falloir rompre avec ce mauvais, très et trop mauvais capitalisme financier ! Il est pour nous en phase terminale et il convient d'en changer rapidement sous peine de plonger le monde dans le chaos. Car, pour la CFTC, avant d'être économique et financière, cette crise est d'abord politique : elle résulte de la décision des États au début des années 80, de s'en remettre à la stricte loi du marché. De la sphère politique, la crise s'est propagée aux sphères sociales puis économiques ! Où est passé le rôle de l'État régulateur, garant du bien commun, cher à notre CFTC ?
Et nous revoilà sur un des budgets régaliens, par excellence, celui de notre défense nationale ! Cela aurait pu être pire, comme nous le disions devant les députés, ce qui a provoqué chez certains une commissure aux lèvres.
Quelques points de satisfaction parmi d'autres donc :
- le projet s'inscrit bien dans la lignée du budget triennal et respecte la loi de programmation militaire 2009/2014 ! Compte tenu d'une inflation prévue à 1,7 %, ce budget est stable en volume et affiche 39,37 milliards d'euros, soit 1,9 % du PIB (31,72 milliards d'euros, hors pensions) ;
- les économies générées par les réductions d'effectifs et la rationalisation des soutiens sont, semble-t-il, redéployées au profit de l'équipement de nos forces et de la condition du personnel, civil et militaire : équipements : 16,5 milliards d'euros au lieu de 16 milliards d'euros en 2011, l'amélioration de la condition du personnel civil maintenu à un bon niveau : 24,15 millions d'euros, effort soutenu pour la seconde année budgétaire (bien qu'il manque les mesures spécifiques concernant les OE)...
- le maintien en condition opérationnelle (MCO), qui accompagne le développement des équipements, enregistre une progression de 200 millions d'euros, soit 7,5 %, pour atteindre un montant de 2,75 milliards d'euros ;
- le montant des provisions pour les OPEX maintenu....
Plusieurs points d'insatisfaction et d'inquiétude aussi, en sus de ce que nous avons dit en introduction à propos du contexte :
- les dissolutions et les transferts de formations et d'unités vont continuer à un rythme élevé en 2012 avec près de 184 mouvements, lit-on dans les propos des autorités ministérielles qui nous ont précédés, avant de décroître significativement en 2013 ;
- le plafond ministériel d'emplois autorisé (PMEA) du ministère de la défense et des anciens combattants s'élève, en 2012, à 293 198 personnes équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit 224 595 militaires et 68 603 civils, pour la première fois ce PMEA des PC passe en dessous de la barre des 70 000 !
- le gel du salaire de ces personnels va perdurer ici comme dans toute la fonction publique !
- inquiétude et désaccord quand certains de vos orateurs vous disent que, par exemple, pour les majors de soutien de la défense (EMSD) et les 60 BDD, le ministère de la défense dispose ainsi d'un dispositif de soutien modernisé et pleinement opérationnel, non pas pleinement opérationnel et « modernisé ». A quel prix ? Rappelons que la DGA traîne les pieds pour rejoindre ce dispositif !
- le bon élève « Défense » dont nous avons parlé dans nos précédentes audiences devant vos collègues députés se traduit par une sorte d'avance de phase dans les déflations, signalée par MM. les députés Cornut-Gentille et Cazeneuve, dans leur 3e rapport relatif au suivi de la modernisation en cours, à sortir à la fin de cette année ;
- en ce qui concerne la manoeuvre RH, relevons devant vous le fait, qu'en ce qui concerne le plan d'accompagnement des restructurations (PAR), qu'aucun parlementaire ne nous ait écoutés sur notre proposition de défiscaliser aussi les indemnités de départ volontaire (IDV) des agents fonctionnaires et contractuels, alors que vous aviez voté cette même mesure pour nos collègues Ouvriers d'État et personnels militaires !
Notons aussi, en matière de restructuration, la faible solidarité de certains ministères et de la Fonction publique territoriale et hospitalière quand il s'agit de reclasser une ressource humaine compétente de la défense. D'ailleurs, ne serait-il pas intéressant de connaître le nombre des personnels Défense restructurés que les honorables parlementaires de cette commission ont pu recruter au titre de leurs divers autres mandats locaux ?
- Relevons enfin la trop faible et trop lente civilianisation des postes dédiés à l'administration générale et au soutien commun, métiers de prédilection pour notre Personnel civil, dixit aussi le Livre blanc en sa page 237.
Avant de conclure, Monsieur le président, voici quelques idées de la CFTC Défense que vous pourriez reprendre à votre actif -je précise qu'elles ont été exposées aussi aux députés.
Afin de donner du travail dans le bassin d'emploi de Toulon, pourrait-on reprendre l'idée d'un entretien des SNA américains dans le seul port méditerranéen à pouvoir assurer cette sécurité nucléaire, plutôt que de voir ces navires mouiller trop souvent à Cannes ou ailleurs ? Le député et vice-président de la commission de la défense nationale Vitel, approché par notre syndicat toulonnais et notre fédération dès 2007, ainsi que l'EMM, DCNs trouvent tous l'idée très bonne. Pourquoi ne pas l'avoir reprise dans la LPM ? Peut-être que M. le sénateur-maire Falco voudrait nous faire partager son sentiment ?
Nous souhaiterions voir repris le cadre législatif et réglementaire du télétravail qui pourrait permettre à des personnels handicapés de la fonction publique, qui ne peuvent pas forcément muter géographiquement, suite aux restructurations, sur certains sites, car malcommodes pour leurs déplacements, d'exercer leur fonctions à distance dans certaines conditions.
Une nouvelle idée aussi est à rappeler vis à vis de notre endettement européen : la France investit grandement dans sa défense et ses forces armées aux lieu et place de tous les autres États européens. Peut-être faudrait-il que les agences de notation en tiennent compte aussi dans leurs critères ?
Conclusion en deux temps :
- retour pour le premier sur le plan d'austérité du gouvernement : il vient de proposer de geler les salaires de ses ministres et de notre chef des armées ; les citoyens que nous sommes disent que c'est un signe qui montre un début de solidarité, comme le réclament d'ailleurs les citoyens grecs vis-à-vis de leur propres gouvernants et élus ! Et vous, nos élus, est-ce que cela vous interroge aussi ? Est ce que ce serait indécent de notre part, représentants des salariés auxquels on demande toujours plus d'efforts, est ce que ce serait passer pour des « antiparlementaires primaires » que de vous demander quel effort vous pourriez vous aussi produire pour montrer une solidarité sénatoriale d'une institution que l'on dit parmi les plus prestigieuses ?
Deuxième temps, concernant les 7 séminaires sur les réformes qu'entreprend notre ministre en région, puissent-ils, au-delà d'une opération de communication avérée, l'aider à mieux prendre en compte les fortes inquiétudes et souffrances du personnel civil de la défense.
Le pire n'est jamais sûr ! C'est le souhait que formule la CFTC Défense quant à ce PLF 2012, dans le contexte très spécial de crise et après les importantes élections du 20 octobre 2011, qui ont permis à notre fédération de rester représentative, et ce sans alliance !
Dans cette société, aidez-nous enfin à passer de l'étalon-dollar à l'étalon-homme ! Je vous remercie de votre attention.
Sachez qu'au Sénat les temps d'intervention sont proportionnels aux effectifs des groupes politiques. Je pense que cette règle serait inapplicable en l'état pour la représentation syndicale, et sans doute faut-il faire attention à ce que les temps d'intervention ne soient pas inversement proportionnels à la représentativité de chacun. Sachez que devant cette commission la parole est absolument libre, c'est donc bien volontiers que je réponds à vos questions, même si l'objet de cette audition porte moins sur les questions que vous souhaitez adresser à la représentation parlementaire que sur le budget de la défense et la condition du personnel civil de ce ministère. Vous avez évoqué les économies que pourrait faire le Sénat pour contribuer au redressement des finances publiques. Pour répondre à vos interrogations sur ce sujet, je vous invite à assister à la conférence de presse du Président du Sénat le 16 novembre prochain. M. Jean-Pierre Bel devrait, à cette occasion, annoncer des économies substantielles conformes à une gouvernance modeste pour un Sénat moderne que nous appelons de nos voeux. Je dois souligner que l'audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées des syndicats des personnels civils du ministère de la défense n'est pas une première, puisqu'un de mes illustres prédécesseurs, M. Xavier de Villepin, avait déjà, en son temps, organisé de telles auditions. Quant à l'intitulé de notre commission, il correspond à sa double compétence en matière de défense et d'affaires étrangères. Cette double compétence nous distingue de la situation qui prévaut à l'Assemblée nationale où, comme vous le savez, il existe une commission de la défense et une commission des affaires étrangères. Ces deux dimensions de l'action de l'Etat sont effet intimement liées comme en témoignent les interventions en Libye ou en Afghanistan. Comme vous le savez, il y eu des velléités de scinder la commission en deux, mais l'ensemble des groupes politiques consultés sur le sujet ont manifesté leur attachement à la situation actuelle. S'agissant des relations entre les députés et les sénateurs, sachez qu'elles sont cordiales et constructives dans le respect des prérogatives de chacun. Nos travaux témoignent de préoccupations communes et manifestent une forte complémentarité. J'ai bien entendu vos préoccupations concernant l'emploi des civils au ministère de la défense, initialement la réduction du format des armées de 54 000 personnes d'ici 2014 devait concerner pour 75 % les militaires et 25 % les civils.
r - Pouvez-vous nous indiquer les éléments qui vous font dire que les bases de défense ont créé plus de dysfonctionnements que d'économies ? Considérez-vous que les mesures de revalorisation au sein du ministère ont traité les personnels civil et militaire de façon inégale ? Quelle appréciation portez-vous sur l'agence de reconversion ? Vous évoquez les collectivités territoriales comme un débouché naturel pour le personnel de la défense en reconversion, c'est une voie, mais celles-ci connaissent également des difficultés.
le soutien des bases de défenses représente 10 % des effectifs, 30 000 personnes, 16 000 militaires et 14 000 civils. Or sur 2000 postes d'encadrement de niveau 1, il n'y a qu'environ 300 postes occupés par des civils. Au niveau 2, vous avez sur 8 000 postes 7 000 sous-officiers. Or sur l'ensemble de ces fonctions, nous n'avons pas besoin de militaire. Une des pistes serait de remplacer ces militaires par des civils, du fait des obligations des militaires en matière d'entraînement, on peut remplacer 50 000 militaires par 30 000 civils car les militaires dans le domaine du soutien consacrent réellement que 60 % de leur temps à leur poste de travail stricto-sensus, le reste du temps étant consacré à des obligations militaires annexes et notamment à de l'entraînement. Il y a dans le soutien des possibilités de substitution entre les militaires et les civils qui seraient une source d'économie évidente, car d'un point de vue financier le coût d'un militaire est de ce fait 30 % plus cher qu'un personnel civil à poste identique.
Comme l'a souligné le chef d'état major de l'armée de terre devant votre commission, une des difficultés pour réformer le soutien est liée aux problèmes de débouché des très nombreux colonels de l'armée de terre qui ne veulent pas céder leur responsabilité à des civils. Sur l'ensemble de la réforme notre propos est politique, comme vous l'avez observé, parce que nous récusons le bien-fondé de l'ensemble de la réforme de la politique de défense issue de la loi de programmation et du livre blanc. Nous ne sommes pas les seuls, même les responsables militaires reconnaissent que la suppression des derniers 10 000 postes sur les 54 000 prévus sera problématiques.
otre liberté de parole est entière, mais aujourd'hui nous souhaiterions consacrer cette séance au projet de budget pour 2012.
Je souhaiterais avoir un bilan de l'impact de l'intégration des gendarmes au sein du ministère de l'intérieur.
J'apprécie particulièrement la présence des syndicats aujourd'hui car leur réflexion est particulièrement éclairante. Je souhaiterais savoir quel bilan vous dressez des mesures prises sur l'accompagnement social des restructurations, quels regards sur les externalisations, quelle vision sur Balard ? Je comprends que vous ayez des réticences. Avez-vous été bien associé à la programmation de ce projet, est ce que vous avez une idée du taux de féminisation du personnel civil et des moyens de le faire progresser ?
J'ai été sensible aux propos tenus sur le regard que portent souvent les militaires sur le personnel civil de la défense. Je crois également que certaines missions pourraient être assurées dans de bonnes conditions par les personnels civils. Je souhaiterais avoir votre vision du bilan de l'accompagnement social des restructurations.
Le projet Balard est une opération complexe dont toutes les difficultés n'ont pas été anticipées. Les syndicats n'ont pas été associés à ce projet. Nous nous sommes interrogés sur les conditions dans lesquelles certains salariés civils du ministère seront employés à Balard en tant que salariés du groupe OPAL.
J'espère que vous avez pris connaissance du rapport sénatorial sur Balard dans lequel nous avions manifesté nos réticences sans être malheureusement entendus.
Sur la différence de traitement, il faut savoir que la grille indiciaire des militaires a connu des revalorisations indiciaires substantielles, ce qui est loin d'être le cas du personnel civil. Sur le coût respectif des militaires et des civils, nos calculs conduisent à penser qu'un personnel militaire coûte, sur une carrière, trois fois plus cher qu'un civil. Nous sommes contre les externalisations car on ne nous a jamais démontré que cela conduit à des économies.
Je crois qu'il faut rompre avec le type de dialogue social en cours dans la fonction publique. Il nous faut des accords sur la méthode. Sur l'accompagnement social, cela nous a été refusé. Sur l'externalisation, nous n'avons pas été consultés, nous n'avons pas eu accès à suffisamment d'informations ni d'expertises. Or on travaille à l'aveugle sur des dossiers comme l'externalisation où aucun comparatif sérieux n'a été établi pour savoir si c'était plus rentable que des services en régie.
Pour nous, il ne s'agit pas d'opposer les civils et les militaires. Ce sont les questions d'ensemble sur l'avenir du ministère qui nous préoccupent. Concernant l'accompagnement social, au-delà des indemnités, c'est la question de la distance du lieu de travail qui est au coeur des préoccupations. Il y a une dimension qui n'est pas assez prise en compte c'est, lors des mutations, le sort des conjoints. Ces mobilités forcées provoquent un chômage élevé chez les conjoints. Au-delà de ces questions, il y a la question industrielle, pas seulement la question financière. La France doit assurer la sauvegarde de ses industries souveraines plutôt que d'acheter des armements sur étagère à l'étranger ou de transférer notre production à l'étranger.
Quelques observations sur le budget. Nous observons l'évolution du budget de la réserve avec inquiétude car la réserve conduit souvent à remplacer des postes de civils par des ESR, à un coût généralement supérieur. Il ne faut pas opposer les catégories de personnels, mais force est de constater que le niveau des postes confiés aux civils est systématiquement inférieur au niveau des postes attribués aux militaires, l'encadrement est très systématiquement confié aux militaires, notamment dans les bases de défense. Sur le reclassement, les résultats sont bons parce que les gens n'ont pas le choix, mais, dans la réalité, il y a des dégâts dans les familles. On fait déplacer les civils parfois très loin alors qu'il y a des postes non opérationnels détenus sur place par des militaires qu'on ne veut pas confier à des civils. Un dernier point : certes, les collectivités territoriales ne peuvent pas accueillir tout le personnel touché par les restructurations, mais naturellement on se tourne vers elles car les autres ministères sont également en restructuration. L'ARD est une superbe machine à ne rien produire, car elle externalise l'essentiel de son activité. On peut se demander, par ailleurs, pourquoi ce sont des militaires qui dirigent des organismes comme l'ARD, les infrastructures de la défense ou le service militaire qui est aujourd'hui essentiellement civil.
A Metz, j'ai participé à des réunions publiques sur les restructurations et j'en ai retiré le sentiment que les civils étaient moins bien traités que les militaires. Cette audition me confirme dans ce sentiment, mais je n'ai cependant pas d'exemple précis de personnes à qui l'on n'a pas proposé de reclassement. Je suis preneur d'exemples concrets, sur ce sujet mais aussi sur celui de la substitution entre les emplois civils et militaires. Concernant la formation, je regrette vivement la différence de traitement entre les civils et les militaires. Nous sommes rapporteurs du programme 146, sachez que nous suivons avec attention les restructurations en cours. J'ai enfin des questions sur le traitement des bâtiments en fin de vie.
Je suis préoccupé par les conséquences des mutations en cours sur l'aménagement du territoire : avez-vous des évaluations sur les conséquences pour les équipements collectifs qui environnent les bases qui font l'objet de restructuration ?
DCNS souhaite se positionner sur le traitement des sous-marins en fin de vie, mais néglige, à l'instar du gouvernement, l'enjeu d'ensemble de la déconstruction et du traitement des navires en fin de vie. Il y a des possibilités importantes de construction de filières de déconstruction. Sur les restructurations, nous avons des exemples. Ainsi la DAS, à Angers : la réforme du site s'est traduite par la suppression de 83% des postes dispatchés dans toute la France.
Le ministère est organisé par et pour les militaires, ce qui est normal, mais faut-il pour autant traiter ainsi les civils ? Il y a des mesures symboliques lors des cérémonies, en matière de décorations ou autres qui sont autant de sujet de crispation.
Il faudrait avoir un débat sur la politique industrielle de l'Etat dans le domaine de la défense. Vous demandez des exemples, mais vous pouvez demander au ministère la comparaison des coûts entre civils et militaires. Sur les restructurations, nous n'avons pas de visibilité sur les établissements et bases qui vont fermer.
Nous allons vous fournir des exemples concrets. Sur l'activité sur les territoires, les syndicats sont les premiers à avoir attiré des élus sur la question. Sur la question industrielle, nous sommes demandeurs des états généraux de l'industrie pour sensibiliser l'opinion publique. Car il est important que les Français s'approprient leur outils de défense.
Merci beaucoup de votre présence. C'était un exercice très utile pour nous éclairer sur des enjeux qui sont importants pour l'avenir de notre politique de défense.
- Co-présidence de M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, et de Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture -
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne, conjointement avec la commission de la culture, M. Xavier Darcos, ambassadeur en mission pour la politique culturelle extérieure de la France, président exécutif de l'Institut français, sur le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'Institut français.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Xavier Darcos en sa qualité de président de l'Institut français afin de nous dresser un premier bilan d'étape de la mise en place de la nouvelle agence culturelle et de l'exécution des missions qui lui ont été confiées par la loi du 27 juillet 2010. Cette audition sera également l'occasion de l'interroger sur le contenu du projet de contrat d'objectifs et de moyens qui liera l'Institut à l'État pour la période 2011-2013 et qui a été transmis pour avis à nos deux commissions au début de cette semaine.
Après avoir longtemps milité pour un sursaut de notre diplomatie culturelle et d'influence, nous serons particulièrement attentifs à la définition stratégique de notre action culturelle extérieure et aux moyens que les pouvoirs publics sont prêts à consentir à prestige intellectuel, culturel, linguistique et moral que nous entretenons à l'étranger.
Je souhaite la bienvenue à notre ancien collègue Xavier Darcos. Vous savez l'intérêt que portent nos deux commissions à l'action culturelle extérieure de la France. Je rappelle que le Sénat a beaucoup travaillé sur l'acte de naissance de l'Institut français, c'est-à-dire le projet devenu loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, rapporté par MM. Joseph Kergueris et Louis Duvernois.
Nous sommes donc impatients d'entendre son nouveau président. J'observe également que la stratégie de l'Institut français est indissociable de son financement, comme le précise explicitement le contrat d'objectifs et de moyens sur lequel nous vous entendons. C'est pourquoi nos rapporteurs budgétaires sur les crédits de l'action extérieure de l'Etat, MM. Jean Besson et René Beaumont, auront l'occasion de vous interroger en détail sur les enjeux du déploiement de l'Institut français.
Je vous remercie de votre accueil et suis particulièrement heureux de venir devant les deux commissions de la Culture et des Affaires étrangères du Sénat pour présenter le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français, qui, je le rappelle est le nouvel opérateur de l'action culturelle extérieure, depuis sa création, le 1er janvier 2011. J'adresse tout particulièrement mon amical souvenir aux rapporteurs René Beaumont et Jean Besson.
Il s'agit pour moi d'accomplir, au nom de l'Institut français, une obligation statutaire. En effet, le contrat d'objectifs et de moyens (COM) doit recevoir, conformément à l'article premier de la loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'Etat, un avis des deux assemblées avant son approbation par le Conseil d'administration. Le projet de contrat d'objectifs et de moyens a d'ores et déjà reçu un avis favorable du Comité d'orientation stratégique de l'Institut français, le 28 septembre dernier, sous la présidence du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé, et du ministre de la culture et de la communication, M. Frédéric Mitterrand. Il est prévu, par la suite, de soumettre le COM à l'approbation définitive du conseil d'administration de l'Institut le 15 décembre prochain. Je rappelle également que le projet de COM prévu par les statuts et proposé par le ministère des affaires étrangères et européennes doit être co-signé par le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget, même si l'Institut français n'est soumis à la tutelle du seul ministère des affaires étrangères et européennes.
Ce projet s'articule en quatre objectifs : le premier est d'inscrire l'action culturelle extérieure dans les objectifs de notre politique étrangère ; le deuxième consiste à soutenir et à développer l'action du réseau culturel dans le monde : permettez-moi à ce sujet de souligner combien les personnels de ce réseau parviennent à « soulever des montagnes », avec des moyens réduits mais un dévouement exceptionnel. Le troisième objectif fixé par le COM est de développer des partenariats au profit d'une action plus cohérente et efficace. C'est une nécessité pour le rayonnement et l'efficacité de l'action du nouvel Institut français. Enfin, le quatrième objectif vise à améliorer le pilotage et l'efficience dans la gestion des ressources.
Le préambule du contrat d'objectifs assigne à l'Institut français une mission claire : porter une ambition renouvelée pour notre diplomatie d'influence, contribuer au rayonnement de la France à l'étranger, accompagner le développement culturel des pays envers lesquels nous avons un devoir de solidarité et promouvoir la diversité culturelle et linguistique, dans une démarche d'écoute et de partenariat. L'Institut français a également pour mission de renouveler les modalités d'action de notre diplomatie culturelle, de renforcer nos leviers d'influence et de dialogue avec les sociétés civiles et les nouvelles élites. Il met en oeuvre les priorités géographiques définies par le département.
Pour compléter ce rappel des quatre objectifs, je veux souligner l'ambition qui sous-tend ces différents chapitres du projet de contrat d'objectifs et de moyens.
Tout d'abord, il nous est demandé d'adapter nos actions aux zones géographiques prioritaires pour le ministère et de les orienter plus particulièrement cette année vers le sud de la Méditerranée ainsi que de mettre l'accent sur les pays émergents. Une discussion avec notre autorité de tutelle est en cours pour définir précisément les pays prescripteurs pour notre action. Ensuite, l'accent est mis sur l'appui à la création française contemporaine, dans tous les domaines : artistique, littéraire, cinématographique, et pour la diffusion des savoirs. Cela confirme notre rôle essentiel en matière de soutien aux créateurs vivants, d'arts visuels et d'aide à la traduction d'auteurs. Je tiens à souligner que la diffusion à l'étranger de la création française actuelle est fondamentale à mes yeux : elle implique les hommes et les femmes auteurs, acteurs, artistes, metteurs en scène qui vont entretenir l'image de la France dans les grands médias internationaux. Nous voulons aussi que les créateurs du monde de nationalité étrangère puissent venir se manifester chez nous. Nous favoriserons également le débat d'idées, c'est-à-dire la diffusion de la pensée française, économique, sociale ou scientifique pour défendre notre place intellectuelle dans le monde. J'ajoute que l'enseignement de la langue française, qui est le socle commun de notre action, est pour moi une priorité essentielle et transversale pour l'Institut français. La coopération culturelle et la promotion de la diversité culturelle fait également partie de nos priorités : mes déplacements récents m'ont permis de constater à nouveau combien les créateurs et les artistes africains, par exemples, comptent sur nous pour trouver des plateformes leur permettant de trouver une visibilité et de renforcer leurs chances d'accéder ensuite aux grands circuits internationaux de distribution commerciale.
Sur le terrain, c'est, bien entendu, le réseau culturel de coopération qui a un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de ces objectifs. L'Institut français qui a pour mission de créer une nouvelle relation avec ce réseau - dans lequel, je le souligne, les alliances françaises ont une place éminente - doit d'abord s'efforcer de le soutenir au mieux. Pour cela, nous mettons tout d'abord en place des outils numériques mutualisés et structurants : un effort particulier est consenti pour la diffusion des films français qui seront très aisément accessibles pour le réseau culturel grâce à la mise à la disposition instantanée de fichiers. Ensuite, l'Institut est chargé de l'ensemble des actions de formation des agents du réseau culturel, à la fois les agents expatriés et les agents de recrutement local ; deux millions d'euros ont été consacrés cette année à cette action, qui a concerné 900 personnes, que nous prenons très au sérieux. Nous avons également pour objectif de développer une stratégie de communication visant à construire une image forte, d'instituer une nouvelle marque et de la faire vivre dans le réseau, en coopération avec les alliances françaises avec lesquelles nous travaillons en commun.
Nous sommes par ailleurs en train de nouer des partenariats avec l'ensemble des grands opérateurs de l'action culturelle ; cette politique active nous conduit à signer de nombreuses conventions de partenariat afin de démultiplier notre action. Tel est, par exemple, le cas avec le Centre national du cinéma, avec la Bibliothèque nationale de France et bientôt Campus France. Cette contractualisation permettra de délimiter avec précision nos champs d'intervention respectifs et d'éviter les confusions.
Enfin, conformément à la loi, nous sommes conduits à mener une expérimentation de rattachement de douze postes diplomatiques à l'Institut français. Un bilan d'évaluation en sera tiré d'ici 2013 : il sera soumis aux commissions parlementaires et servira de base à l'éventuelle généralisation de cette expérience.
J'en viens aux questions budgétaires car les objectifs opérationnels formulés dans le projet de contrat sont assortis de moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Je me félicite, au vu de la conjoncture actuelle, que l'Institut français ait pu bénéficier dès sa création d'un cadrage budgétaire triennal. Ainsi, le projet de COM prévoit que l'établissement public dispose d'un budget annuel de 37,6 M€ en 2011, de 37,06 M€ en 2012 et de 36,5 M€ en 2013. Un tableau d'indicateurs de performance et de gestion, en cours de finalisation, servira à vérifier la bonne exécution de ce budget.
Pour conclure, je tiens à souligner, que depuis l'audition à laquelle vous m'aviez convié le du 7 février dernier, le processus d'installation de l'Institut français et de lancement de la réforme a bien avancé dans des délais très brefs. Aujourd'hui même, l'Institut français déménage dans ses nouveaux locaux. L'année 2011 est une année de démarrage pour le nouvel opérateur et l'adoption de son COM marquera une étape importante de sa création.
Ma première question porte sur le caractère industriel et commercial de l'Institut Français. Du point de vue fonctionnel, ce choix peut assurément se justifier par une souplesse de gestion accrue. Cependant, je note d'abord, de façon générale, que le recours aux « agences » est de nature à affaiblir la précision du contrôle parlementaire sur les dotations qui leur sont allouées : c'est pourquoi nous devons observer une vigilance particulière à l'égard de leur stratégie ainsi que de leur gestion et votre audition est, à ce titre, particulièrement opportune. En second lieu, je me demande également de quelle façon vous prenez en compte la dimension symbolique de cette gestion par un établissement industriel et commercial car elle semble, selon certaines organisations syndicales, comporter un risque de démotivation pour certains personnels dont le dévouement procède d'un engagement au service d'une cause désintéressée.
En second lieu, on a souvent déploré une excessive complexité du réseau culturel qui s'accompagnait d'une certaine dissémination des crédits. La mise en place de l'Institut français est, de ce point de vue, un progrès indéniable. Mais certains craignent que le développement de l'Institut amène une dépossession progressive de l'ambassadeur sur la partie culturelle du réseau : qu'en pensez-vous ?
Je le réaffirme : la France n'a pas de meilleur ambassadeur que sa culture et je souhaite donc avant tout vous féliciter pour la rapidité de la mise en place de l'Institut français. Comme vous le savez, les Alliances françaises s'inquiètent des conséquences du déploiement de l'Institut Français et font valoir qu'au moment de la discussion de la loi du 27 juillet 2010, le Gouvernement s'était engagé, pour éviter les « doublons », à ce qu'on ne crée d'Instituts français par fusion que dans les villes où existaient un service culturel (SCAC) et un centre culturel (EAF) ; les alliances française ont besoin d'être confortées sur ce point. Par ailleurs, n'y a-t-il pas un risque de confusion entre les deux « marques » ou logos de l'Institut français et de l'Alliance française pour le citoyen qui a peut-être quelques difficultés à comprendre la distinction entre les entités qui composent le réseau culturel. En outre, au plan financier, le projet de contrat d'objectifs et de moyens comporte des dispositions extrêmement volontaristes pour, je cite, « lever des cofinancements » à tous les niveaux (entreprises, collectivités territoriales et Union européenne) : il est, dès lors, compréhensible que les Alliances françaises puissent s'inquiéter de l'éventuelle concurrence qui pourrait résulter de cette démarche ? Sur ces deux points, quels apaisements et garanties pouvez-vous apporter au réseau des alliances françaises : la voie conventionnelle vous parait-elle suffisante ou faut-il, à votre avis, légiférer dans ce domaine ?
En second lieu, à mon avis, à l'heure de l'Internet, la diplomatie culturelle et la francophonie seront numériques ou ne le seront pas : où en sont la stratégie de l'Institut français et les mesures prises dans ce domaine ?
La conception et l'élaboration de la loi du 27 juillet 2010 a été un exercice compliqué pour diverses raisons. Mais, un an après, on peut se féliciter du chemin parcouru. Aujourd'hui, l'Institut français est en ordre de marche.
Parmi les difficultés déjà évoquées, l'une d'entre elle concerne les relations avec les postes diplomatiques. Au-delà des 12 postes concernés par l'expérimentation, l'Institut français parvient-il à nouer des relations étroites et constructives avec les missions diplomatiques ?
Et quelles sont les perspectives de la refonte du décret relatif au pouvoir des ambassadeurs ?
Enfin, quel est le rôle des collectivités territoriales, déjà présentes bien avant l'adoption la loi ? Elles sont plus que jamais des sources de financement. Elles travaillent déjà à l'international. Ne faut-il pas prévoir un indicateur de résultat dans le contrat d'objectifs et de moyens sur le nombre de partenariats conclus avec les collectivités territoriales afin d'évaluer votre ambition dans le soutien à la coopération décentralisée qui est un acteur important de notre action extérieure de l'État ?
En réponse à M. Besson sur la question du choix du statut de l'EPIC, il s'agit tout d'abord de la volonté du législateur. C'est une structure souple. Aujourd'hui, on a besoin de partenariats, du soutien des entreprises, de la mobilisation des administrations publiques, d'associations croisées. Je comprends bien que vous vous inquiétez du contrôle parlementaire. Les grandes manifestations que porte l'Institut comme les Années croisées se font évidemment avec une partie du budget qui provient de partenaires et de soutiens de toute nature. Porter l'image « France » est valorisant. C'est une tradition française d'utiliser sa culture et son patrimoine comme un moyen de valoriser sa présence dans des pays où elle voudrait par ailleurs avoir une action commerciale et économique. C'est une force.
S'agissant de la complexité du statut du personnel, c'est l'inverse. Il demeure sous statut privé dans la continuité du statut existant à CulturesFrance. Quant à l'Institut, il supervise le rattachement des personnels et la formation, ce qui favorise les débouchés et facilite la transformation des contrats en CDI. Le passage en comptabilité publique est plutôt un avantage aussi bien pour la transparence du contrôle parlementaire que pour la gestion.
En réponse à M. Beaumont, sur la question des rapports avec les alliances françaises, il y a eu une débauche d'affichage de l'Institut français pendant sa période de promotion. Nous avons tout à fait conscience que les alliances françaises représentent la moitié du réseau culturel français, qu'elles sont présentes à des endroits différents de l'Institut et que leur action est tout à fait essentielle, en particulier en matière de promotion de la langue française. Nous aurions pu représenter un nouveau concurrent qui s'installerait avec une nouvelle signalétique et une grande puissance de feu. Mais, l'objectif est bien sûr de travailler ensemble, d'être complémentaire et non concurrent. Nous travaillons ensemble à une convention qui devrait voir le jour en janvier prochain. Je regrette juste que l'on n'ait pas réussi un rapprochement visuel.
Sur la question du numérique, nous mettons un effort considérable dans ce domaine (IF cinéma, IF map). Nous cherchons à mettre en place un site unique qui soit un centre de ressources et d'information. Par contre, il existe encore des difficultés au niveau des récepteurs, le haut débit étant encore loin d'être reçu partout.
En réponse à M. Duvernois, sur les relations entre l'Institut français et les postes diplomatiques, il y a eu dans les premiers temps une inquiétude de la part des ambassadeurs, qui est aujourd'hui levée. L'ambassadeur reste bien entendu le coordonateur de l'action culturelle. Il perçoit clairement les enjeux et inscrit la politique culturelle dans la stratégie diplomatique qui est la sienne.
En ce qui concerne la place des collectivités territoriales, nous avons conscience de la difficulté d'embrasser tous les secteurs de la coopération décentralisée. Nous sommes bien entendu en contact avec les grandes associations d'élus, notamment l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France (ARF) afin de coordonner au mieux les actions et d'apporter notre soutien aux actions d'envergure. Mais nous ne souhaitons pas tout quadriller.
Je souhaite revenir sur deux points : pouvez-vous préciser les termes de la convention qui doit être signée en janvier prochain avec l'Alliance française et quelle est la position des conseillers culturels qui seront chargés d'un nouvel organisme dans leur relation avec l'ambassadeur et le ministère ?
Je m'intéresse aux comparaisons internationales.
Le British Council dispose d'un budget de 600 millions d'euros dont 220 millions proviennent de financements publics, ce qui lui permet d'être présent dans 109 pays.
L'Institut Goethe bénéficie d'implantations dans 183 pays avec un budget de 260 millions d'euros dont 215 millions de subventions publiques.
L'institut dispose d'un budget de 37 millions d'euros.
Pourquoi de telles différences ?
Je voudrais revenir sur les relations entre l'Institut et l'Alliance française. Si les relations entre les deux organismes sont amicales, elles sont aussi tendues. Pouvez-vous apporter des précisions sur les termes de la future convention et quelles sont les difficultés que vous rencontrez ? Par ailleurs, concernant les 12 postes expérimentaux, comment se passe le rattachement quand il y a déjà une alliance sur place et quelles sont les conséquences pour l'Institut en terme de gestion de projet et de gestion de personnel ?
Concernant les termes de la convention entre l'Institut et l'Alliance française, une première convention avait déjà été signée en septembre 2010 à l'initiative de M. Bernard Kouchner, avant la création de l'Institut, qui précisait la nécessité de travailler ensemble.
La nouvelle convention portera sur la rationalisation du travail, la répartition des tâches, la collaboration des personnels et les effectifs à mobiliser, dans une démarche de qualité.
Tout ceci dans un souci de respect des territoires et des compétences de chacun.
Sur la question du rattachement, il y a eu un malentendu. Il s'agissait d'une question très ponctuelle localisée à Abou Dabi due à une législation locale particulière. Le problème a été réglé et il n'est absolument pas question de rattacher le personnel des alliances françaises à l'Institut.
Sur la question de M. Piras, il faut comparer ce qui est comparable. Le British Council est une « charity », association à caractère caritatif (qui inclut des financements privés), et l'Institut Goethe est également une association. La structure juridique de ces organismes est donc très éloignée de celle de l'Institut français qui est un établissement public à caractère industriel et commercial. Si on intègre les fonds privés et les appels à projet au budget central, nous obtenons des chiffres comparables qui atteignent 200 millions d'euros.
Nous avons d'ores et déjà signé une lettre d'intention avec l'Institut Goethe en vue de coordonner nos actions. Et, nous avons un projet similaire avec le British Council.
La commission de la culture est très attachée à la culture scientifique et je sais que le British Council est très avancé sur le sujet.
Je regrette que la culture ne soit pas assez au centre des actions de coopération décentralisée dans les départements.
Dans mon département des Hautes-Pyrénées, je me pose la question de savoir comment mieux accompagner les collectivités qui veulent s'investir dans des projets culturels.
Je constate et regrette un manque de coordination dans l'organisation des initiatives locales. D'où la nécessité d'être accompagné et informé par le ministère.
Nous avons créé, il y a une quinzaine d'années, une « maison du savoir » qui se révèle être un outil de terrain qui devrait être mieux exploité, car il peut être très performant notamment en terme de francophonie. J'aimerais savoir comment faire pour créer un réseau de ces maisons du savoir, maintenant que je sais qu'il en existe déjà un certain nombre.
Je me pose la question de la programmation et des choix artistiques qui seront mis en avant par l'Institut.
L'action événementielle dispose d'une forte visibilité surtout celle de l'année croisée. Mais l'instabilité des choix de programmation, comme l'annulation de l'année du Mexique due à des considérations diplomatico-politiques, ne facilite pas l'obtention de subventions, ni la levée de fonds au titre du mécénat et des partenariats. Il me paraît important de redonner de la stabilité dans la programmation.
Par ailleurs, des problèmes structurels demeurent. L'action extérieure menée par des grandes institutions comme le Louvre, le château de Versailles ou encore la Comédie française participe à la propagation de la culture française à l'étranger. Mais j'ai le sentiment qu'ils considèrent plus CulturesFrance et maintenant l'Institut français comme un pourvoyeur de subventions que comme un partenaire qu'ils associent à leurs choix de programmation.
Enfin, je note l'importance que vous accordez à la promotion des acteurs contemporains émergents de la culture. Toutefois, il existe une contestation sur les choix de programmation considérés parfois comme arbitraires et relationnels.
Comment allez-vous faire dans cette nouvelle structure pour redonner à la fois une diversité, une stabilité, une vigueur et un engagement créatif de notre pays, tout en stabilisant notre programmation et en trouvant des partenaires capables d'amplifier vos capacités budgétaires ?
Il existe beaucoup de micro-projets qui débouchent sur des opérations importantes. L'Institut français est-il là pour les accompagner ? Nous allons examiner la compétence de l'Institut sur tous ces petits projets locaux.
Sur la question de la programmation, je voudrais vous dire tout d'abord que la programmation s'élabore de longue date que ce soit dans le cadre des années croisées, des saisons ou des opérations « tandem ». Nous préparons actuellement les années croisées avec l'Afrique du Sud qui se dérouleront en 2012-2013. C'est vrai que nous avons parfois des déceptions parce que nous avons effectué des choix discutables avec des répercussions financières, mais généralement cela fonctionne bien et nous avons de bons résultats.
Concernant l'action extérieure des très grands établissements publics, ce sont des projets très lourds qui doivent bien entendu être soutenus par l'Institut. C'est notre rôle d'accompagner ces grands opérateurs.
Enfin, sur la question du choix des contenus, quelque soit le choix il sera toujours discuté. Je laisse la programmation à ceux dont c'est le métier, même si leurs choix me laissent parfois perplexe.
Ma remarque concerne la complexité des projets de coopération décentralisée. Nous sommes en relation avec CulturesFrance, l'Alliance française, le conseiller culturel de l'ambassade. Il s'agit d'un véritable parcours du combattant. Je souhaite que l'Institut français devienne l'interlocuteur unique des collectivités territoriales dans ce domaine, surtout dans le contexte actuel d'argent public rare.
Je m'interroge sur deux points : la gestion du personnel expatrié et les projets de coopération avec l'audiovisuel extérieur de la France (AEF) afin de promouvoir notre patrimoine culturel et notre tourisme.
Que l'Institut soit l'interlocuteur principal des collectivités, c'est l'esprit même de la loi. Nous verrons comment les choses évolueront.
Sur le personnel expatrié, il dépend du ministère des affaires étrangères et européennes. C'est la loi.
Sur les relations avec l'AEF, le sujet est compliqué. Ce domaine d'activité a été écarté de la compétence de l'Institut. Nous avons donc essayé de contourner cette difficulté en passant des accords avec les organismes compétents : France 24, TV Monde, RFI, afin de préciser nos missions respectives. Il y a bien entendu des secteurs où nous devons agir ensemble comme dans le domaine du patrimoine cinématographique. Tout n'est pas encore stabilisé du côté de l'AEF.
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -
Puis, la commission auditionne M. Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « gendarmerie » de la mission Sécurité et programme « immigration et asile » de la mission Immigration, asile et intégration).
Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation pour venir devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour cette audition consacrée aux crédits de la gendarmerie nationale et ceux destinés à l'immigration et l'asile dans le projet de loi de finances pour 2012.
Avant de nous présenter les grandes lignes de ces budgets, peut-être pourriez vous, Monsieur le ministre, nous dire quelques mots sur le bilan que vous tirez du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et de la loi du 3 août 2009, à la lumière notamment du rapport d'évaluation présenté par notre collègue député M. Alain Moyne-Bressand et notre collègue sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier. Je pense notamment à la préservation du caractère militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés.
Nous serions également intéressés de connaître votre sentiment sur les conclusions et les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son récent rapport public sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Dans ce rapport, la Cour des comptes relève notamment, qu'entre 2002 et 2010, les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance ont été contrastés, avec un recul des atteintes aux biens mais une augmentation des atteintes aux personnes. Par ailleurs, elle estime que la « culture de résultat », érigée en 2012 en mode de fonctionnement des services de sécurité publique, a fait -je cite- « prévaloir une gestion par objectifs exprimés en fonction des statistiques de la délinquance ».
Plus généralement, nous aimerions connaître vos priorités, en matière de sécurité, notamment à la lumière du récent Livre blanc, mais aussi en ce qui concerne la politique d'immigration et d'asile. Comment expliquez-vous par exemple votre revirement en ce qui concerne le recours à l'immigration économique ou encore votre politique s'agissant des visas ou des autorisations de travail délivrés pour les étudiants étrangers ?
Mais, surtout, nous souhaiterions vous entendre sur le projet de loi de finances pour 2012. Est-ce que ce budget donne à la gendarmerie nationale les moyens de fonctionner et de répondre aux fortes attentes des élus locaux et des citoyens en matière de sécurité ? Comment justifiez-vous la forte diminution des effectifs de policiers et de gendarmes et quelles en sont les conséquences, notamment en termes de maillage territorial ou de présence des gendarmes sur le terrain ?
Enfin, nous aimerions connaître votre sentiment concernant le projet de loi autorisant la ratification du traité portant création de la force de gendarmerie européenne, et notamment son article 38 qui prévoit la possibilité d'utiliser une langue de travail unique, que notre commission a examiné hier et sur lequel elle a décidé de reporter sa décision dans l'attente de votre audition.
En effet, on constate que l'anglais est, en pratique, la seule langue de travail utilisée au sein de la force de gendarmerie européenne, alors même que ni Royaume-Uni, ni l'Irlande n'en font partie et qu'elle comprend en majorité des pays latins, comme l'Espagne, l'Italie ou le Portugal. Ne pensez-vous pas que les gendarmes français devraient s'exprimer en français et que notre langue devrait être reconnue comme la deuxième langue de travail au sein de la force de gendarmerie européenne, comme c'est le cas à l'ONU, à l'OTAN ou dans l'Union européenne ? Pourriez-vous prendre l'engagement, devant notre commission, que la France oeuvrera pour la reconnaissance de ce statut au sein de la Force de gendarmerie européenne ?
Voilà, Monsieur le ministre, quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, nos collègues MM. Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que les deux rapporteurs pour avis sur l'asile et l'immigration, nos collègues MM. Alain Néri et Raymond Couderc, ainsi que d'autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.
ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. - J'ai le plaisir de répondre à l'invitation de votre commission pour répondre à vos questions sur la présentation du budget 2012 de la gendarmerie nationale et de la politique d'immigration, d'asile et d'intégration.
L'exercice d'aujourd'hui présente un caractère particulier, deux ans après la publication de la loi du 3 aout 2009 relative à la gendarmerie nationale, et un an après que la politique d'immigration est désormais conduite par le ministre de l'intérieur.
Où en sommes-nous deux ans après la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ?
Ayant suivi de près, au titre de mes précédentes fonctions, la préparation de cette loi, qui a donné lieu à certaines inquiétudes concernant le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, j'ai été agréablement surpris, lors de ma prise de fonction en tant que ministre de l'intérieur, de constater que la gendarmerie nationale avait pris toute sa place au sein du ministère de l'intérieur et que la coexistence entre la police et la gendarmerie se déroulait au quotidien dans un climat apaisé.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur permet d'accroître l'efficacité de notre réponse face aux évolutions de la délinquance et d'adapter notre outil de sécurité aux nouvelles menaces.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur répond d'abord à une exigence d'efficacité. Nos compatriotes n'entrent pas dans les détails d'organisation, mais nous demandent simplement d'assurer leur protection. Ils expriment une attente d'autorité, de protection, de justice et nous devons donc réfléchir au meilleur moyen de répondre à cette triple attente.
Je pense que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur apporte une réponse, en nous permettant de nous adapter en permanence, dans nos modes d'action et dans notre organisation. Il permet d'avoir une plus grande efficacité, une meilleure synergie et un renforcement de la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie.
Chacun en sera d'accord, une plus grande efficacité suppose d'abord une meilleure cohérence dans l'utilisation des moyens. C'est pour cette raison que ce rattachement s'est imposé comme une nécessité.
A titre d'illustration, on peut citer les mutualisations logistiques et de soutien, qui sont systématiques. Les réseaux d'ateliers automobiles sont en synergie, les réseaux immobiliers se rapprochent, les achats en commun sont désormais systématisés.
Des structures communes ont été mises en place, par exemple dans le domaine des systèmes d'information et de communication, cette structure commune étant dirigée par un officier de gendarmerie.
La coordination opérationnelle permanente est désormais la règle en matière de forces mobiles pour le maintien de l'ordre, de sécurité dans les transports, de sécurité routière, de forces d'intervention exceptionnelles.
La coordination opérationnelle au niveau d'un territoire est mise en place à travers la CORAT (coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et territoires). Elle s'applique autant en zone rurale qu'en zone urbaine ou péri-urbaine.
Je me suis rendu récemment dans le département de l'Ain, où policiers et gendarmes se félicitent de pouvoir faire appel aux renforts de l'une ou l'autre force en cas de besoin. Les brigades de gendarmerie font appel aux brigades anti-criminalité de la police nationale et inversement lorsqu'elles sont confrontées à une situation d'urgence.
Enfin, je voudrais rappeler que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a permis une amélioration des perspectives de traitement et de carrières au sein de la gendarmerie, qui sont désormais à l'unisson avec celles de la police nationale, grâce notamment au Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE).
Je constate, lors de mes déplacements sur le terrain, que de plus en plus de brigades départementales sont désormais commandées par un lieutenant, à l'image d'ailleurs de ce qui se passe dans les sections de l'armée de terre.
Concernant le rapport d'évaluation établi par la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier et le député M. Alain Moyne-Bressand, que j'ai rencontré le 18 octobre dernier, je retiens de leurs travaux un constat de satisfaction. Les deux parlementaires estiment, en effet, que ce rattachement, qui avait pour objectif premier l'amélioration du service public de sécurité, a été conduit de manière équilibrée. Ils soulignent que les inquiétudes et les interrogations initiales qui ont pu s'exprimer au sein de la gendarmerie se sont dissipées et que la confiance s'est installée.
Les conclusions des deux parlementaires font apparaître que le travail approfondi qui a été conduit par le ministère de l'intérieur s'est fait dans le souci permanent de l'équilibre et du respect de l'identité de la gendarmerie nationale.
Le caractère de « force armée » de la gendarmerie nationale, auquel le gouvernement est tout comme vous très attaché, est assuré.
Je retiens également de ce rapport que des coordinations et des mutualisations entre les forces de sécurité sont mises en oeuvre pour une plus grande efficacité du service public de sécurité. Naturellement ces mutualisations doivent respecter l'identité de chaque force.
Je voudrais souligner l'appréciation finale du rapport qui rappelle que « cette réforme (...) s'est calmement, presque sereinement, installée »
Je retiens également le souhait des rapporteurs de voir le ministre de l'intérieur davantage associé au fonctionnement du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), notamment pour ce qui concerne l'ordre du jour, fera l'objet d'une discussion avec le ministre de la défense.
J'en viens maintenant aux conclusions du rapport de la Cour des comptes, sur lequel vous avez souhaité m'interroger.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je considère que ce rapport de la Cour des comptes sur la sécurité publique ne constitue pas un exemple d'objectivité car il contient plusieurs approximations et erreurs d'analyse.
Ce rapport contient un certain nombre d'erreurs. Je pense notamment aux chiffres mentionnés concernant le département des Yvelines qui ne correspondent pas à la réalité.
Surtout, j'estime qu'il y a une sorte de vice de raisonnement dans ce rapport.
Dans un premier temps, je regrette que la Cour n'ait retenu que la période 2002-2009 pour analyser les efforts de réorganisation. L'inscription de cette étude dans un temps un peu plus long aurait, très certainement, permis de mieux révéler les contrastes entre les résultats obtenus aujourd'hui et les politiques de sécurité menées antérieurement, afin d'en tirer tous les enseignements utiles en matière de gestion et d'organisation des forces de sécurité publique.
Parmi les différentes observations de la Cour, vous avez rappelé les affirmations du rapporteur sur le caractère soi-disant « contrasté » des résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002.
Le contraste, c'est très certainement la rupture en 2002 avec plusieurs années de hausse ininterrompue de la délinquance pour atteindre le niveau historiquement le plus élevé. Rappelons que cette mobilisation s'est traduite par huit années consécutives de baisse de la délinquance et ce, alors que la population française, dans le même temps, augmentait de 3,2 millions d'habitants, soit plus que la seule ville de Paris.
Entre 2002 et 2010, la délinquance a diminué de 17 %, après avoir enregistré une forte hausse entre 1997 et 2002.
Il faut surtout différencier les atteintes volontaires aux personnes et les atteintes aux biens. Les premières représentent 13 % de la délinquance, tandis que les secondes représentent quasiment tout le reste, soit plus de 85 %. On ne peut donc pas mettre sur le même plan la diminution de 20 % des atteintes aux biens et l'augmentation de 20 % des atteintes aux personnes, car la proportion des deux n'est pas du tout la même.
Par ailleurs, au sein des atteintes volontaires aux personnes, il faut tenir compte des violences infra familiales, qui, par définition, sont difficiles à prévenir pour la police et la gendarmerie. Pour les autres formes d'atteintes volontaires aux personnes, comme les violences crapuleuses, la délinquance a baissé de 10 % depuis 2002.
Enfin, depuis 2002, le taux d'élucidation est passé de 26 % à plus de 37 % en 2009, ce qui témoigne de la mobilisation des services et de l'efficacité du travail d'enquête et des progrès enregistrés en matière de police scientifique et technique ou en matière de fichiers, par exemple avec le fichier des empreintes génétiques.
Ces résultats attestent de l'efficacité de la politique du gouvernement et, contrairement à ce que laisse entendre la Cour, la « culture du résultat » n'est pas une politique du chiffre, mais bien une politique d'action, car l'action conduit aux résultats et nos concitoyens attendent bien des forces de sécurité de faire baisser la délinquance. Il est normal que le ministre de l'intérieur fixe des objectifs aux forces de sécurité.
Vous avez évoqué le livre blanc sur la sécurité qui vient de m'être remis par MM. Michel Gaudin et Alain Bauer. Ce document, qui n'est pas un document gouvernemental mais une étude très complète, dégage des perspectives de travail et d'évolution. Parmi les sujets principaux évoqués, qui rejoignent les préoccupations du ministère de l'intérieur, je veux notamment citer l'importance de l'amélioration de l'accueil pour les victimes et les plaignants, le développement du contact entre les forces de sécurité et la population, l'amélioration du partenariat entre les forces de sécurité nationales et les polices municipales, l'évolution du cadre juridique des enquêtes avec la mise en place d'une retenue judiciaire, le développement des outils technologiques et des moyens modernes de police technique et scientifique ou encore la poursuite du développement des synergies entre les forces de sécurité, en s'appuyant notamment sur la CORAT (coopération opérationnelle renforcée des agglomérations et des territoires).
Ce livre blanc, dresse donc des perspectives intéressantes et recueille beaucoup de bonnes pratiques déjà connues des services. En revanche, aucun bouleversement des structures administratives n'est proposé, ni spécialisation des forces sur de missions spécifiques. Nous travaillons actuellement sur les conclusions de ce document.
Ainsi, nous avons développé, à mon initiative, les « patrouilleurs » de la police nationale, afin de renforcer la présence des policiers sur le terrain, à la fois pour mieux lutter contre la délinquance mais aussi rassurer les citoyens. A cet égard, la gendarmerie a une longue tradition de proximité avec la population, avec notamment les « tournées de gendarmes », qu'elle a toutefois eu tendance à perdre ces dernières années, et que je m'emploie à renforcer.
Enfin, tout en étant intégrée au ministère de l'intérieur, la gendarmerie continue naturellement à participer aux opérations extérieures. A ce titre, elle est présente sur tous les théâtres d'opérations, aux côtés des armées. Elle participe également à la force de gendarmerie européenne (FGE).
Dans ce cadre, vous avez appelé mon attention, Monsieur le président, sur l'usage de la langue anglaise comme langue de travail au sein de la Force de gendarmerie européenne.
L'article 38 du Traité stipule que les langues officielles de la FGE sont les langues des Parties et qu'une langue de travail commune peut être utilisée. Il ne préjuge pas du choix de la ou des langue(s) de travail.
En pratique, les représentants français, dont le directeur général de la gendarmerie nationale, s'expriment systématiquement en français lors des réunions du Comité Interministériel de la FGE (CIMIN), seule instance à revêtir un caractère décisionnel.
On note d'ailleurs que, sur le terrain, en Bosnie-Herzégovine dans un cadre européen, en Haïti sous mandat des Nations unies comme en Afghanistan sous bannière de l'OTAN, les personnels de la FGE ont approfondi leurs connaissances mutuelles et ont développé un climat de confiance qui passe aussi par la maîtrise de la langue de l'autre.
Toutefois, afin de répondre à votre demande, le gouvernement engagera la démarche diplomatique nécessaire afin de renforcer la place du français au sein de la Force de gendarmerie européenne.
J'en viens maintenant au budget de la gendarmerie pour 2012 et aux moyens dont disposera la gendarmerie nationale pour assurer sa mission de service public.
Depuis 2002, ce sont 3,4 milliards d'euros qui auront été consacrés à la modernisation des forces de sécurité. Dans un cadre d'action marqué par la maîtrise des dépenses publiques, l'Etat doit pouvoir garantir aux citoyens leur sécurité. Pour conjuguer l'impératif de la bataille contre les déficits et la lutte contre l'insécurité, j'ai souhaité que les forces de l'ordre bénéficient d'un budget qui préserve leurs capacités opérationnelles.
Comme la police nationale, la gendarmerie dispose d'un budget en progression de 7 892,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit une hausse de +2,9%) et de 7 853 millions d'euros en crédits de paiement (soit une augmentation de +1,7%), qui lui permet d'atteindre ses objectifs opérationnels. Les capacités opérationnelles de la gendarmerie sont donc préservées, notamment dans les moyens de fonctionnement courant qui sous-tendent directement le niveau de performance opérationnelle. D'un montant de 946,4 millions d'euros, le budget de fonctionnement courant de la gendarmerie pour 2012 s'inscrit dans la continuité de celui voté en 2011. Il augmente de +4,8 millions d'euros à périmètre constant (soit une hausse de +0,5%). En particulier, les budgets des régions de gendarmerie, sont préservés pour la totalité des dépenses de loyers et d'énergie, y compris l'inflation.
Les contraintes budgétaires imposent des choix en termes d'investissement. Les choix d'équipements concilient souci de la sécurité et modernisation afin de satisfaire aux besoins incompressibles liés au recrutement et à la sécurité des militaires en intervention, mais également de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie en portant notamment l'effort sur les projets de la LOPPSI 2. Ainsi, la modernisation des équipements de protection et d'intervention se poursuit avec les nouvelles tenues de maintien de l'ordre (3500), les nouvelles tenues motocyclistes (220), les tenues de spécialistes et paquetages initiaux. Un effort est également placé sur les véhicules des unités territoriales et de sécurité routière (à hauteur de 17,6 millions d'euros en 2012). 2200 véhicules de brigade et de police de la route seront ainsi livrés en 2012 soit l'équivalent de 50 millions d'euros. Pour l'ensemble des forces de sécurité, il s'agit d'un plan d'un volume global de 100 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 70% par rapport à l'an dernier.
La modernisation est notamment illustrée par la poursuite du développement des capacités de police technique et scientifique et de police judiciaire dans le cadre de la LOPPSI 2, avec, par exemple, 8,5 millions d'euros pour les dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI).
Enfin, l'engagement dans le domaine immobilier est accentué. L'effort porte, d'une part, sur l'entretien courant et la maintenance des casernes domaniales, avec 53 millions d'euros, en hausse de 45 %. Cet effort permettra la remise aux normes de plus de 2 200 logements en gendarmerie mobile et, d'autre part, sur l'évolution du parc locatif, notamment grâce à la forte implication des collectivités territoriales, 15 millions d'euros de subventions seront alloués aux communes pour permettre la mise en chantier de 885 unités logements qui viendront compléter les 354 livraisons d'unités logement attendues. Notre priorité est d'accentuer, dans les années à venir, la rénovation du parc immobilier de la gendarmerie nationale, compte tenu de l'âge de certaines casernes.
Enfin, s'agissant des effectifs, la gendarmerie continue à contribuer à l'effort de réduction de l'emploi public. Les mesures de réorganisation, de mutualisation et d'allègement des tâches permettent de faire face à ces réductions. Dans ce cadre, les effectifs de la gendarmerie seront réduits de 1 466 équivalents temps plein travaillé (ETP) en 2012, la diminution d'effectifs portant sur l'ensemble des périmètres commandement, soutien et opérationnel. Cette évolution ne remet pas en cause l'évolution globale, depuis 10 ans, qui est positive : 2 200 emplois ont été créés entre 2001 et 2010 au sein de la gendarmerie. Le solde reste positif de plusieurs centaines d'emplois. Par ailleurs, les suppressions d'effectifs portent en priorité sur les fonctions de commandement ou de soutien. Cette baisse d'effectif ne remet pas en cause le maillage territorial qui fonde l'organisation même de la gendarmerie. Je réaffirme donc toute la pertinence de ce maillage, même si, dans certaines situations, des ajustements sont nécessaires pour prendre en compte l'évolution des bassins de vie et de délinquance. Ces ajustements sont toujours réalisés en concertation avec les élus locaux.
S'agissant des dépenses de personnels, qui restent stables, les engagements pris au profit des militaires et civils de la gendarmerie nationale sont tenus. Sont ainsi financés la dernière annuité de la nouvelle grille indiciaire des militaires, la dernière annuité du PAGRE rénové (plan d'adaptation des gardes aux responsabilités), ainsi que le nouvel espace statutaire de la grille indiciaire B appliqué aux sous-officiers de gendarmerie comme aux fonctionnaires du corps d'application et d'encadrement de la police nationale dans le cadre de la catégorie B.
J'en viens maintenant à la politique d'immigration.
L'immigration professionnelle représente aujourd'hui environ 20 000 entrées annuelles. Le Gouvernement souhaite réduire ce flux. Il s'agit tout simplement de tenir compte des réalités de notre marché du travail. Notre pays compte plus de 2,7 millions de demandeurs d'emploi. D'après l'INSEE, le taux de chômage des ressortissants étrangers non européens atteint 24 %, ce qui est considérable. Cela signifie que notre pays dispose d'une main d'oeuvre abondante et disponible. Mon objectif est donc de réduire l'immigration légale et l'immigration professionnelle de 10 %.
Notre devoir consiste donc à tout faire pour assurer l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi déjà présents en France, qu'ils soient de nationalité française ou étrangère. Il faut donc développer la formation professionnelle, et organiser les réorientations et les reconversions lorsqu'elles sont nécessaires. Le Gouvernement s'y emploie, comme l'illustre le « plan alternance » qui prévoit de faire passer de 450 000 à 800 000 le nombre de jeunes formés en alternance, d'ici 2015. Je note, par ailleurs, que notre population active va continuer d'augmenter, durablement, d'environ 110 000 personnes par an. Ce sont les chiffres de l'INSEE. Il ne faut donc pas surestimer le besoin d'immigration professionnelle. A l'occasion des réunions des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, je constate que nombre de mes homologues partagent ce point de vue.
Avec mon collègue M. Xavier Bertrand, nous avons donné des instructions aux préfets pour une réduction des flux. Ces instructions ont été suivies d'effet : au cours des neuf premiers mois de l'année 2011, le nombre de titres « salarié » a baissé de 43 % par rapport à 2010.
Par ailleurs, nous avons réduit de moitié la liste des « métiers en tension ». Il faut savoir que le recours à l'immigration professionnelle est facilité pour les métiers inscrits sur cette liste. Mais nous vivions sur des idées reçues. Par exemple, nous vivions dans l'idée que les métiers du bâtiment sont en tension. Or, c'est faux : lorsque Pôle Emploi diffuse une offre d'emploi de « chef de chantier du BTP », il y a deux candidats qui postulent. Nous avons donc rationalisé cette liste. La confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a d'ailleurs indiqué qu'elle y était favorable. La fédération nationale des travaux publics (FNTP) a dit que cela ne lui posait pas de problème.
Vous m'avez questionné également sur l'accueil des étudiants étrangers.
La France est très attachée à sa tradition d'accueil des étudiants étrangers, qui constitue un élément important de l'attractivité internationale de ses écoles et de ses universités. Il s'agit d'attirer les meilleurs étudiants, en particulier dans les filières menant au grade de master et au doctorat, au bénéfice du rayonnement de notre pays. Cette politique d'attractivité s'accorde avec le souci de mieux maîtriser l'immigration professionnelle pour tenir compte de la réalité de notre marché du travail, et d'un chômage qui touche aussi les jeunes diplômés. Elle prend en compte notre volonté de lutter contre les abus et les détournements dont peut parfois faire l'objet le régime de la mobilité étudiante. Elle prend en compte, également, le besoin qu'ont certaines entreprises françaises de s'attacher les compétences d'étudiants étrangers du meilleur niveau.
Vous avez fait allusion à la circulaire sur l'accueil des étudiants étrangers, que j'ai élaborée avec M. Xavier Bertrand. Cette politique n'ajoute rien au droit en vigueur. Elle ne fait que rappeler les termes de la loi du 24 juillet 2006. Cette loi ouvre un droit au séjour aux étudiants de niveau au moins égal au master, qui souhaitent bénéficier d'une première expérience professionnelle en France. Mais la loi en fixe aussi les conditions : le projet de l'intéressé doit « participer directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité », et se faire « dans la perspective du retour dans le pays d'origine ».
Il n'y a donc pas une volonté de fermeture. Le nombre de visas étudiants reste stable en 2011 par rapport à 2010. Le nombre de changements de statut, c'est-à-dire de passages du statut d'étudiant étranger à celui de travailleur étranger bénéficiant d'un titre de séjour lui permettant d'occuper un emploi dans une entreprises française, lui, continue d'augmenter (35 % d'augmentation par rapport à 2010). La controverse autour de cette circulaire est donc, au mieux, un malentendu, au pire, un mauvais procès.
Quelques cas d'étudiants, s'inscrivant dans cette stratégie, n'ont pu obtenir un titre leur permettant de travailler en France à la suite de leurs études. Une application pragmatique de la circulaire a permis de régler ces cas. Sur 359 dossiers transmis, 129 ont donné lieu à une décision favorable de changement de statut. En revanche, les abus manifestes, les logiques de dumping social n'ouvriront aucun droit à un changement de statut. Par ailleurs, la France est attachée à une politique de développement solidaire qui justifie l'emploi, dans leur pays d'origine, de jeunes actifs talentueux, après avoir été formés en France.
A cet égard, je voudrais citer une anecdote qui me semble révélatrice. Lors d'un récent déplacement au Bénin, le président de ce pays me faisait part des très grandes difficultés qu'il rencontre pour créer un système de santé, étant donné que plus des deux tiers des médecins béninois n'exercent pas dans leur pays mais en France. Au Bénin, on ne trouve qu'une dizaine de cardiologues pour tout le pays. Personnellement, je considère que notre pays n'a pas vocation à « piller » les pays en voie de développement de leurs élites dont ils ont grand besoin.
Avant toute chose, je voudrais souligner que la gendarmerie nationale a connu depuis 2009 une mutation sans précédent.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, opéré par la loi du 3 août 2009, s'est, en effet, accompagné de profondes réformes, avec notamment les mutualisations de moyens, la création de structures communes ou encore le renforcement de la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie.
Parallèlement, la révision générale des politiques publiques a eu un impact important sur la gendarmerie, avec notamment la rationalisation de ses soutiens, la fermeture de la moitié de ses écoles ou encore la diminution de ses effectifs.
Or, malgré un contexte budgétaire délicat, non seulement la gendarmerie, en tant qu'institution, s'est parfaitement adaptée, comme l'ont souligné nos collègues le député Alain Moyne-Bressand et la sénatrice Anne-Marie Escoffier dans leur rapport d'évaluation, mais la gendarmerie a également obtenu de très bons résultats en matière de lutte contre la délinquance et l'insécurité routière.
Je souhaiterais donc saluer l'action des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d'opérations extérieures, comme en Afghanistan, une mission difficile au service de la sécurité des Français.
Je voudrais également rendre hommage aux gendarmes décédés ou blessés dans l'exercice de leurs fonctions.
Après ces remarques d'ordre général, je souhaiterais, Monsieur le ministre, vous poser trois questions sur le budget de la gendarmerie pour 2012.
Tout d'abord, je souhaiterais vous interroger sur la question de l'immobilier de la gendarmerie nationale. Comme vous le savez, 70 % du parc domanial de la gendarmerie a plus de 25 ans et certains logements sont dans un état préoccupant. Je pense notamment aux logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, où je compte me rendre prochainement. Or, les conditions de logement des gendarmes et de leur famille ont un impact direct sur le moral et la manière de servir. Compte tenu des fortes contraintes budgétaires, les crédits destinés à la construction ou à la rénovation immobilière sont très limités dans le projet de loi de finances pour 2012. Quelles sont donc vos priorités en matière de construction ou de rénovation immobilière ?
Ma deuxième question porte sur les gendarmes déployés en opérations extérieures et le financement des opérations extérieures. Comme les années précédentes, on constate une sous-dotation des crédits destinés à couvrir les opérations extérieures. ainsi, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une dotation de 15 millions d'euros, identique à l'an dernier, alors que le surcoût des OPEX s'est élevé à près de 30 millions d'euros en 2010. A elle seule, l'opération en Afghanistan représente un budget de plus de 20 millions d'euros. Or, faute de financements suffisants, ces surcoûts sont pris sur le budget de fonctionnement de la gendarmerie, par des redéploiements de crédits.
Ne pensez vous pas, Monsieur le ministre, qu'il serait préférable que les surcoûts des opérations extérieures soient financées par un fonds interministériel, à l'image de ce qui existe pour les armées ? Je compte d'ailleurs déposer un amendement lors de l'examen du projet de fois de finances afin d'attirer l'attention du gouvernement sur cette question en demandant au Gouvernement de présenter annuellement au Parlement un rapport sur les surcoûts occasionnés par les OPEX pour la gendarmerie.
Enfin, pourriez-vous nous dire votre sentiment à propos des relations entre les préfets et les commandants de gendarmerie ? Est-ce que la loi du 3 août 2009 a permis de trouver un équilibre satisfaisant sur ce point, comme semble le suggérer le rapport d'évaluation de nos collègues Alain Moyne-Bressand et Anne-Marie Escoffier ?
Que pensez-vous, en particulier, du rôle du préfet de région et du préfet de zone à l'égard des commandants régionaux de la gendarmerie et de la recommandation de nos collègues de maintenir le dispositif juridique en l'état, afin d'empêcher toute interprétation abusive sur le rôle d'autorité hiérarchique ?
Vous avez évoqué le cas des médecins béninois. Mais je voudrais vous rappeler qu'un grand nombre d'hôpitaux français, en particulier, situés en zone rurale, ne pourraient pas fonctionner correctement sans la présence de médecins ou de personnel médical d'origine étrangère. Or, on peut avoir certaines inquiétudes concernant le non-renouvellement de cartes de séjour ou d'autorisations de travail de ces personnels.
J'ai trois questions à vous poser concernant le budget de la gendarmerie.
Ma première question portera sur la réduction des effectifs de gendarmes et ses conséquences sur le maillage territorial des brigades territoriales et en termes de présence des gendarmes sur le terrain. L'application de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite devrait se traduire par une nouvelle suppression de 1 185 emplois dans la gendarmerie en 2012. Au total, 6 500 postes devraient être supprimés dans la gendarmerie entre 2008 et 2013. Alors que la gendarmerie a déjà rationalisé ses écoles et supprimé de nombreux postes au sein des états-majors ou des escadrons de gendarmerie mobile, quels sont les postes qui devraient être supprimés à l'avenir ? Le maillage territorial assuré par les brigades territoriales sera-t-il préservé ? Est-ce que cela ne vous paraît pas contradictoire avec l'objectif de vouloir renforcer la présence des gendarmes sur le terrain ?
Je souhaiterais également vous interroger sur le faible niveau des crédits d'investissement, qui ne permettra pas de lancer de grands programmes d'équipement, comme le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères de la gendarmerie. Or, l'état des véhicules blindés, qui datent des années 1970, est préoccupant, puisque le taux de disponibilité n'était que de 71 % en 2007.
De même, le remplacement de la flotte des hélicoptères de type Écureuil, dont certains datent des années 1970, par de nouveaux modèles s'impose au regard de la réglementation européenne qui interdit le survol des zones urbaines aux appareils monoturbine.
Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment sur le rôle joué par les réservistes de la gendarmerie nationale. Comme vous le savez sans doute, j'avais rédigé, avec notre collègue Mme Joëlle Garriaud-Maylam, un rapport d'information consacré au rôle joué par la réserve en cas de crise majeure, qui a donné lieu à une proposition de loi adoptée par le Parlement. Je souhaiterais donc savoir si l'objectif affiché d'une réserve de gendarmerie comptant 40 000 réservistes (contre 25 000 aujourd'hui) vous paraît toujours atteignable et soutenable budgétairement.
Il est vrai qu'une partie de l'immobilier de la gendarmerie est vétuste. Nous avons prévu de consacrer en 2012 38 millions d'euros à l'entretien courant des logements et 52,7 millions d'euros à la maintenance lourde, contre 37 millions en 2011, ce qui permettra de réhabiliter plus de 2 200 logements, notamment des casernes de gendarmerie mobile.
Concernant le site de Versailles-Satory, où la gendarmerie dispose d'un foncier très important, nous envisageons de céder une partie des terrains à la ville de Versailles, ce qui permettrait de consacrer une partie du produit de la vente de ces terrains à la réhabilitation des logements.
Concernant le financement des OPEX, il s'agit d'une question récurrente car il est toujours difficile de prévoir à l'avance le coût des OPEX. Toutefois, une solution est toujours trouvée en fin de gestion. En 2012, la baisse des effectifs engagés en OPEX devrait permettre de limiter le surcoût.
S'agissant des relations entre les préfets et les commandants de gendarmerie, la loi du 3 août 2009 a permis de trouver un bon équilibre. Cette loi ne précise cependant pas les relations entre le préfet de région, qui n'exerce pas de compétences en matière d'ordre public, et le commandant de région de gendarmerie. Cette lacune a donné lieu à quelques difficultés sur le terrain. Toutefois, je ne pense pas qu'une modification de l'ordre juridique soit nécessaire. Plutôt qu'un décret, je pense qu'il suffira de donner des instructions aux préfets de région et aux commandants de régions afin de préciser leurs relations.
En réponse à M. Michel Boutant, je précise que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, actuellement en discussion au Sénat, permet de régler la question des médecins étrangers jusqu'en 2014. Il est vrai qu'un certain nombre d'hôpitaux ne pourraient pas fonctionner sans la présence de médecins ou d'infirmiers étrangers. Nous avons d'ailleurs signé récemment un accord avec la Tunisie qui permettra à une centaine de médecins ou d'infirmières de ce pays de travailler en France.
La diminution de 1 466 ETP dans la gendarmerie en 2012 s'explique par la volonté du gouvernement de réduire les déficits publics. Tout notre effort vise à compenser cette baisse des effectifs par une meilleure utilisation des effectifs et une plus grande visibilité et efficacité sur le terrain. Ainsi, la baisse du nombre des escadrons de gendarmerie mobile a permis de redéployer des gendarmes dans les brigades territoriales.
Concernant les matériels lourds, la gendarmerie nationale dispose d'un parc de plus de cinquante hélicoptères, composé pour moitié d'Écureuils et pour l'autre moitié d'appareils récents de type EC135 ou EC145, qui sont très bien équipés en nouvelles technologies. Un plan de renouvellement des 26 Écureuils par de nouveaux appareils devra être confirmé. 3 EC 135 seront toutefois commandés et livrés en 2012. En revanche, le renouvellement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie, en service dans la gendarmerie depuis 1970, n'a pas pu être programmé. La gendarmerie dispose d'environ 90 véhicules blindés à roue, dont environ 80 sont opérationnels, grâce aux travaux de maintenance. Par ailleurs, en Afghanistan, la gendarmerie dispose de véhicules avant blindés (VAB), cédés à titre gratuit par les armées et dont le blindage a été renforcé dans les ateliers de la police nationale.
Je souhaiterais, Monsieur le ministre, vous poser deux questions sur les moyens destinés à financer l'action 2 du programme 303.
Pour commencer, il y a un an, le décret visant à supprimer le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire était publié. Il rattachait également la politique de l'immigration à votre ministère. Ce rattachement, si l'on se réfère au décret relatif aux attributions du ministère de l'intérieur du 25 novembre 2010, n'a aucune incidence sur la mise en oeuvre pratique de cette politique, puisque la configuration des services reste la même. Pouvez-vous nous le confirmer Monsieur le ministre ? Quelles améliorations peuvent être attendues de ce pilotage unique au sein de votre ministère ?
La hausse des crédits de l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » est seule responsable de l'augmentation des crédits du programme 303, puisque la dotation passe de 327,75 millions d'euros en 2011 à 408,91 millions en 2012, soit une hausse de 24,76 %. Ceci résulte notamment de l'augmentation de la dotation relative à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et de celle relative à l'allocation temporaire d'attente. Pouvez-vous nous expliquer cette hausse et quels coûts impactent le plus cette action 2 ?
Par ailleurs, il apparaît que cette augmentation des dotations risque d'être insuffisante eu égard à l'accroissement parallèle du nombre de demandes d'asile. L'hypothèse sur laquelle le budget a été élaboré est de 60 000 demandeurs d'asile en 2012. Or la tendance actuelle laisserait présager un nombre supérieur. Au premier semestre 2011, la hausse de la demande de protection internationale était, selon vos services, de 14,1 % par rapport à la même période en 2010. N'y a-t-il pas une sous-estimation du nombre prévisionnel de demandeurs d'asile et, par conséquent, une budgétisation biaisée de l'action 2 du programme 303 ?
Enfin, je souhaiterais également connaître vos priorités concernant l'hébergement des demandeurs d'asile et la question sensible des mineurs étrangers isolés. L'Etat ne semble pas en mesure de remplir ses obligations dans ces deux domaines et nos collectivités doivent, en effet, faire face à ce qui s'apparente à un transfert de charges de la part de l'Etat aux départements.
Qu'en est-il des efforts concernant l'apprentissage de la langue française chez les primo-arrivants. Est-ce que les dispositifs mis en place, comme les cours de français, seront généralisés ?
Je souhaiterais, Monsieur le ministre, revenir sur les moyens visant à garantir l'exercice du droit d'asile et, en particulier, les indicateurs rattachés à l'action 2.
Afin de faire face au stock de dossier, ainsi qu'aux nouvelles demandes déposées, le recrutement par l'OFPRA de 30 officiers de protection était prévu et a été réalisé cette année. Or, ce recrutement, tout à fait nécessaire, se révèle insuffisant. Le délai moyen de traitement des dossiers s'accroît pour atteindre 150 jours en prévision actualisée pour 2011. Si le recrutement des 30 officiers de protection a permis une augmentation du nombre de décisions de l'OFPRA, la hausse parallèle du nombre de demandes déposées modère l'impact sur le délai de traitement des dossiers. Quelles solutions envisagez-vous afin de remédier à ce problème qui a des conséquences à la fois sur le demandeur d'asile et sur les finances publiques ?
Je voudrais également revenir sur un point soulevé dans le rapport d'information de nos collègues MM. Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon sur la Cour nationale du droit d'asile, à propos de l'hébergement en CADA. Nos deux collègues pointaient que seules 51 % des places en CADA étaient occupées par des demandeurs d'asile en attente d'une réponse de la CNDA fin 2009, l'autre moitié se composant soit de demandeurs en attente d'une décision de l'OFPRA, soit d'anciens requérants restés logés en CADA. Ces données sont-elles toujours d'actualité ?
La conséquence est que des solutions alternatives doivent être trouvées, comme l'hébergement d'urgence ou l'allocation temporaire d'attente qui sont, comme mon collègue l'a souligné, en forte augmentation. Comment remédier à cette situation et comment optimiser les solutions d'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure ?
Le ministère de l'intérieur a repris les attributions du ministère de l'immigration et le pilotage par un seul ministère est gage d'une plus grande efficacité. Par ailleurs, cela a permis de réduire les dépenses publiques. Certes, il existe deux secrétaires généraux, mais il n'y a pas de doublons car leurs attributions sont distinctes.
Nous sommes confrontés en France, comme en Europe d'ailleurs, à une véritable crise du droit d'asile. Depuis trois ans, le nombre de demandes d'asile a augmenté de 50 %. Dans le même temps, le nombre de décisions visant la reconnaissance du statut de réfugié est resté stable, autour de 10 000 par an. Il y a donc clairement un détournement de la procédure d'asile par l'immigration économique. Or, cela se fait au détriment des vrais demandeurs d'asile qui doivent attendre plus longtemps pour se voir accorder le statut de réfugié. Il s'agit là d'une réelle préoccupation pour le HCR. Face à cette situation, nous constatons une déficience des procédures, illustrées par l'augmentation des délais de traitement des demandes au sein de l'OFPRA et des recours au sein de la CNDA. Cette année, 30 nouveaux emplois ont été créés et 15 nouveaux postes devraient être ouverts en 2012. L'objectif est de réduire le délai de la procédure de deux à un an.
Concernant l'hébergement des demandeurs d'asile, une augmentation des crédits est prévue en 2012. Nous constatons, cependant, des situations très différentes entre les communes, certaines supportant cette charge plus que d'autres. Nous souhaitons donc aller vers une répartition des charges plus équitable entre les communes.
La situation des mineurs étrangers isolés est très préoccupante. Les services départementaux d'aide à l'enfance doivent en effet faire face à l'augmentation de ce phénomène, qui donne parfois lieu à de véritables drames humains avec des enfants exploités par des réseaux criminels, à des fins de prostitution, de mendicité ou de vols. L'aide à l'enfance relève du ministère de la justice, mais le ministère de l'intérieur est concerné lorsque ces mineurs étrangers isolés sont victimes ou auteurs de délits. Prenons le cas des mineurs roumains par exemple. La Roumanie dispose d'un service d'aide à l'enfance, qui a été profondément réformé et qui correspond aujourd'hui aux standards européens. Il n'y a donc aucune raison pour que les mineurs roumains isolés demeurent en France car il serait préférable qu'ils bénéficient d'une protection dans leur pays, au sein d'une institution ou qu'ils retrouvent leur famille.
En tant que rapporteur de la commission chargé de la cyberdéfense, je souhaiterais connaître, Monsieur le ministre, l'action de votre ministère dans ce domaine. Est-ce que votre ministère est suffisamment protégé contre d'éventuelles tentatives de piratage informatique, voire de cyberattaques ? Quelles sont vos priorités en matière de cybersécurité ?
Je souhaiterais revenir sur les conditions d'application de la circulaire relative à l'accueil des étudiants étrangers.
Ne pensez vous pas, Monsieur le Ministre, qu'il conviendrait, afin de renforcer l'attractivité du système français d'enseignement supérieur hors de nos frontières, inciter davantage les étudiants étrangers à s'inscrire dans les universités et grandes écoles françaises, et, pour ce faire, faciliter la délivrance des visas ?
Je voudrais vous interroger, Monsieur le ministre, sur votre décision, prise en février dernier, de retirer l'escadron de gendarmerie mobile déployé au Kosovo dans le cadre de la mission « EULEX » de l'Union européenne.
Comme l'ont souligné nos anciens collègues MM. Jean Faure et André Vantomme, dans le rapport qu'ils ont publié après leur déplacement au Kosovo, la décision prise par la France de retirer l'escadron de gendarmerie mobile, si elle était motivée par des considérations de sécurité intérieure et financières, a eu pour conséquence de désorganiser l'unité d'EULEX chargée du maintien de l'ordre dans le secteur de Mitrovica et dans le nord du Kosovo, d'affaiblir sa capacité opérationnelle et même de fragiliser les conditions de sécurité d'engagement pour la quarantaine de gendarmes français encore présents. Or, comme l'ont montré les affrontements de l'été dernier, la tension reste vive au nord du Kosovo, majoritairement peuplé de Serbes. En outre, cette décision, qui aurait été annoncée sans aucune concertation préalable avec nos partenaires européens, et qui coïncidait avec le retrait des soldats français de la KFOR, s'est traduite par une perte d'influence et de visibilité de notre pays au sein de la mission EULEX de l'Union européenne, pourtant commandée par un français, le général Xavier Bout de Marhnac. Il me semble, pour ma part, que cette décision illustre tous les risques du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. En effet, pour le ministère de l'intérieur, la présence sur le territoire prime sur la participation de la gendarmerie aux opérations extérieures, qui constitue pourtant un aspect fondamental de son statut militaire et représente un atout pour les opérations de gestion de crise.
Je souhaiterais également vous interroger, Monsieur le ministre, au sujet du récent déplacement du Président de la République en Libye et du choix qui a été fait d'assurer la protection du chef de l'Etat par des policiers et non par des gendarmes, comme cela est pourtant la tradition.
Pour répondre à M. Jean-Marie Bockel, le ministère de l'intérieur a été victime de plusieurs attaques informatiques par le passé, heureusement moins graves que celles ayant visé le ministère de l'économie et des finances dans le cadre de la préparation de la présidence française du G8 et du G20. En 2010, nous avons recensé une trentaine d'incidents. Face à ce type de menace, nous avons renforcé nos outils de protection, grâce au soutien de l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information, qui dépend du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Nous nous efforçons également d'améliorer la culture de sécurité informatique, par exemple en limitant le nombre d'ordinateurs fonctionnant en réseau.
En réponse à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, le gouvernement n'envisage par de revenir ou de modifier la loi de 2006 concernant l'accueil des étudiants étrangers. La circulaire ne fait que reprendre les principes contenus dans cette loi. Toutefois, nous souhaitons faire preuve de souplesse dans son application. Ma conviction est que la France doit rester attractive pour les étudiants étrangers qui veulent étudier en France mais qu'elle n'a pas vocation à « piller » les élites des pays en développement.
A M. Daniel Reiner, je voudrais indiquer que le retrait de l'escadron de gendarmerie mobile du Kosovo s'est fait en concertation avec nos partenaires européens. Notre constat était simple : les gendarmes français présents au Kosovo ne servaient pas à grand-chose. Ils étaient surtout employés à des gardes-statiques. Nous avons donc estimé qu'ils seraient plus utiles ailleurs. Cela ne traduit aucune mauvaise volonté de la part du ministère de l'intérieur à l'égard de l'emploi de gendarmes en OPEX. D'ailleurs, une telle décision relève en règle générale du Président de la République ou du Premier ministre. Ainsi, les gendarmes français ont été envoyés en OPEX en Haïti ou en Côte d'Ivoire. Quant au déplacement du Président de la République en Libye, dont la protection était assurée par la police nationale, l'absence de gendarmes s'explique par le fait que la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies relative à la Libye interdit la présence sur le sol libyen de forces armées étrangères. Elle tient donc au statut militaire de la gendarmerie.
Je partage les préoccupations de mes collègues concernant les médecins étrangers. Je souhaiterais également vous interroger sur la politique des visas et des préconisations formulées à ce sujet par notre ancien collègue M. Adrien Gouteyron, qui a rédigé un excellent rapport sur ce sujet.
Je souhaiterais également revenir sur la question des médecins d'origine étrangère. Certes, il serait injuste de priver les pays en développement de leurs élites et de leurs médecins, en particulier, mais pourquoi ne pas envisager une migration circulaire qui soit profitable à tous. Or, je constate que, sur le terrain, on a tendance à privilégier l'emploi de médecins originaires d'Europe orientale qui, généralement, ne maîtrisent pas notre langue, plutôt que les médecins originaires du sud de la Méditerranée, qui sont pourtant francophones. N'y-a-t-il pas là un paradoxe ?
Les compétences en matière d'immigration et de contrôle des frontières relèvent désormais en partie de l'Union européenne, en raison de la libre circulation des personnes au sein de l'espace Schengen. Or, la situation des pays européens reste très contrastée en la matière, avec des pays qui doivent faire face à une forte pression migratoire, notamment au sud de la Méditerranée. Quelle est votre appréciation, Monsieur le ministre, de l'action de l'Union européenne, et notamment de l'agence européenne chargée de la gestion des frontières extérieures de l'Union européenne (Frontex) dans ce domaine ?
Je voudrais vous interroger sur l'action de la gendarmerie nationale en matière de lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane, qui avait donné lieu à un déplacement et à un rapport d'information de notre commission. Est-ce que la coopération policière avec le Brésil et le Suriname s'est améliorée et ne faut-il pas craindre une montée de la violence ?
En réponse à Mme Nathalie Goulet, je voudrais également saluer l'excellent rapport de M. Adrien Gouteyron sur les visas. Notre ministère s'efforce de suivre ses préconisations, notamment concernant la généralisation des visas biométriques.
Monsieur Jean-Pierre Chevènement, je partage votre sentiment concernant la migration circulaire, que nous nous efforçons de mettre en oeuvre aussi bien pour les professions médicales que pour les chercheurs ou les universitaires. Mais cette migration doit jouer dans les deux sens.
A M. Christian Cambon, je voudrais confirmer que, sur Schengen et Frontex, la situation est difficile. Nous assistons actuellement à une forte tension, notamment à la frontière entre la Grèce et la Turquie, où il y aurait environ 300 passages d'embarcations de clandestins par jour. Mon sentiment personnel est que Frontex n'est pas assez efficace car cette agence souffre d'un déficit de pilotage politique. Il existe une lutte d'influence entre le Conseil et la Commission en matière de pilotage, ce qui explique l'absence d'instructions politiques données à cette agence. En conséquence, Frontex n'est pas assez pilotée. L'agence peut aussi faire appel aux moyens dont disposent les Etats membres. Or, lorsque la France a proposé de mettre ses moyens à la disposition de l'agence pour assurer la sécurité des frontières maritimes au sud de la Méditerranée l'été dernier, Frontex n'a pas donné suite à notre proposition.
Vous avez raison, M. Jacques Berthou, de souligner que la situation en Guyane est préoccupante, en raison de l'orpaillage clandestin, de l'immigration clandestine ou de délinquance. Nous nous efforçons de renforcer notre coopération avec le Brésil et le Suriname, même si la coopération avec ce dernier pays n'est pas aisée.
Le ministère des affaires étrangères et européennes dispose d'un centre de crise d'une très grande qualité. Est-ce que le ministère de l'intérieur contribue à ce centre de crise et de quelle manière ?
Je souhaiterais avoir des précisions au sujet de la réforme de la garde à vue. Est-ce que la France applique pleinement les principes posés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de garde à vue ?
Qu'en est-il des effectifs et du budget de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ? Que pensez vous de son positionnement institutionnel actuel au sein de la direction générale de la police nationale et de l'idée d'en faire une direction autonome au sein du ministère de l'intérieur ?
J'ai eu l'occasion de me rendre à l'OFPRA et à la CNDA pour constater sur place la situation. Vous avez mentionné l'augmentation des effectifs de ces deux organismes pour faire face à l'augmentation des demandes. Est-ce que ceux-ci font toujours appel à des vacataires ?
Pourriez-vous, Monsieur le ministre, faire le point sur le transfert à l'administration pénitentiaire de la charge des transfèrements judiciaires assurés par la police et par la gendarmerie ? Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées ? Quelles sont les conséquences de ce transfert sur les effectifs de la gendarmerie et quels seront les postes supprimés, puisque la gendarmerie ne dispose pas d'unités dédiées à cette tâche ?
Pourriez-vous également nous dire un mot du recentrage des policiers et des gendarmes sur leur coeur de métier et de la suppression de certaines tâches dites indues, comme les garde-statiques par exemple ?
Enfin, dans le prolongement de la question de ma collègue Mme Josette Durrieu, je souhaiterais savoir quelles ont été les conséquences pour la gendarmerie nationale de la réforme de la garde à vue ?
Le centre de crise du ministère des affaires étrangères et européennes est une réussite et fonctionne très bien. Le ministère de l'intérieur contribue et apporte son soutien aux situations de crise, comme, par exemple, lors des événements de Fukushima.
La réforme de la garde à vue s'est imposée par la décision du Conseil constitutionnel. Le ministère de l'intérieur, et les services de police et de gendarmerie, appliquent pleinement cette réforme. Mon sentiment personnel est que cette réforme aboutit à transformer la nature de la garde à vue, qui était auparavant un élément de l'enquête judiciaire et qui devient de plus en plus une étape de la procédure. Par ailleurs, cette réforme s'est traduite par une charge administrative supplémentaire non négligeable pour les services de police et de gendarmerie, avec une dizaine de formulaires et procès-verbaux à remplir. Nous avons donc là une vraie source de préoccupation. Plus généralement, cette réforme s'inscrit dans le cadre du passage de notre droit d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, ce qui souligne toute l'importance de la police technique et scientifique.
En réponse à M. Jeanny Lorgeoux, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) compte actuellement environ 3 300 agents et dispose d'un budget d'environ 25 millions d'euros, hors dépenses de personnel. Pour ma part, je considère qu'il est souhaitable qu'un service aussi sensible soit placé au sein de la direction générale de la police nationale. Par ailleurs, cela permet certaines synergies, notamment en matière de police judiciaire, car il faut savoir que la DCRI intervient également dans ce domaine.
A M. André Trillard, je voudrais confirmer que l'OFPRA et la CNDA ont toujours recours à des vacataires.
Enfin, en réponse à M. Yves Pozzo di Borgo, je voudrais préciser que la réduction des tâches indues des policiers et des gendarmes et le recentrage sur le coeur de métier sont pour moi une priorité. Ainsi, nous procédons actuellement à une évaluation des gardes statiques affectés à la protection du ministère de l'intérieur et de ses services afin de réduire les effectifs, notamment par l'usage de la vidéosurveillance ou du gardiennage, pour permettre de redéployer ces policiers ou gendarmes sur le terrain.
A la suite de l'accord portant sur la reprise par l'administration pénitentiaire des transfèrements judiciaires assurés par la police et la gendarmerie, une expérimentation a été lancée dans deux régions, la Lorraine et l'Auvergne. Toutefois, il faut bien constater que les choses ne se passent pas aussi bien qu'on aurait pu l'espérer, même si nous sommes toujours dans une période de transition et que les personnels de l'administration pénitentiaire sont encore en formation. J'espère donc que nous pourrons progresser sur ce sujet dans les prochaines semaines.
- Présidence de M. Daniel Reiner, vice-président -
Enfin, la commission auditionne M. Michel Foucher, directeur de la formation, des études et de la recherche de l'Institut des hautes études de défense nationale.
C'est avec un grand plaisir que nous vous accueillons devant notre commission pour cette audition consacrée aux évolutions du contexte stratégique depuis 2008, c'est-à-dire depuis l'adoption du Livre blanc sur la sécurité et la défense.
Vous êtes directeur de la formation, des études et de la recherche à l'Institut des hautes études de défense nationale. Vous êtes géographe et diplomate et un spécialiste incontesté des affaires internationales et c'est à ce titre que nous vous avons demandé de nous faire part de vos analyses sur les changements en cours.
Si la révision du Livre blanc doit intervenir en 2012, vraisemblablement à cheval sur les élections présidentielles et législatives, le Gouvernement a demandé au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de conduire, dès à présent, une réflexion sur les évolutions du contexte stratégique. Cette réflexion a commencé dès le mois de septembre et devrait se conclure fin décembre par la remise d'un rapport qui sera examiné par le Conseil de défense et approuvé par le Président de la République. Le Secrétaire général, M. Francis Delon, devrait venir présenter les travaux du SGDSN devant notre commission début décembre.
Afin de pouvoir exprimer nos propres analyses de manière utile, nous avons mis en place des groupes de réflexion dont le mandat est d'identifier, non pas tous les changements intervenus de manière exhaustive, mais les principales lignes de fracture ou les principaux mouvements de la tectonique des pouvoirs.
Nous avons ainsi souhaité nous concentrer sur :
- les conséquences des printemps arabes ;
- OTAN, Union européenne et « alliances » en général ;
- menaces transverses ;
- les conséquences des crises économiques et financières.
Pour déterminer les principaux changements intervenus depuis le Livre blanc, il faut tout d'abord rappeler qu'il a été élaboré dans le contexte politique de 2007 et du choix du rapprochement fait par les autorités politiques françaises des Etats-Unis et dans le contexte idéologique qui est celui de 2001. Cela explique que le terrorisme ait été considéré à une menace de niveau stratégique. On peut s'interroger aujourd'hui sur l'opportunité de maintenir cette analyse.
En 2007-2008, une partie du Livre blanc reprend les thèses du document de sécurité nationale des Etats-Unis qui datent de 2002. Ces années correspondent également à une rupture avec la politique chiraquienne de distanciation avec la puissance américaine telle qu'elle était au moment de l'invasion de l'Irak. La France décide de réintégrer totalement l'OTAN. En quelque sorte, la carte mentale des stratèges américains devient la nôtre. On fait l'hypothèse que ce qui va structurer notre deuxième décennie du XXIe siècle, ce sont les événements du 11 septembre. Je ne crois pas à cette hypothèse même s'il est évident que les événements du 11 septembre ont conduit à des décisions des Etats-Unis qui à leur tour ont eu des conséquences durables (Irak).
Le principal changement par rapport au contexte intellectuel et stratégique de 2007/2008 est la fermeture de la parenthèse occidentale de l'unipolarité qui débuta avec l'effondrement de l'URSS et culmina avec l'intervention en Irak.
Cette configuration a changé autour de cinq éléments structurants.
Le premier est l'intervention de la crise économique et financière qui n'avait pas été prise en compte dans le Livre blanc de 2008, « véritable surprise stratégique ». L'épicentre de la crise est aux Etats-Unis, ce n'est pas à l'origine une crise mondiale. Elle se diffuse ensuite sur l'Europe. À l'origine, il y a la dérégulation généralisée menée par l'administration Clinton qui revient à une destruction du New Deal et qui affaiblit stratégiquement l'Occident. C'est une réalité durable. Parallèlement à cette politique, les expéditions militaires des Etats-Unis ont alourdi la facture surtout si l'on y ajoute le coût du 11 septembre et les coûts à venir des dépenses pour les vétérans de ces guerres. Au total ce sont 3 300 milliards de dollars, soit 1/5 de la dette des Etats-Unis. Les conséquences de ces crises affaiblissent les Etats, particulièrement en Europe. C'est ce qui explique que le quatrième groupe de travail du SGDSN porte sur les conséquences de la crise sur la souveraineté nationale.
Le deuxième élément structurant, c'est le changement de ton des acteurs dits émergents à l'égard des puissances occidentales. La proposition qu'ont fait le Brésil et la Turquie pour résoudre la question du nucléaire iranien est symptomatique à cet égard. De même, les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s'opposent à la résolution 1973 sur la Libye. Un magazine brésilien, paru fin août, soulignait que c'étaient « les vieilles puissances qui avaient remporté la victoire en Libye et qu'il s'agissait du premier événement de la nouvelle guerre froide qui les opposait aux pays émergents ». Les nouveaux acteurs que sont le Brésil, la Turquie, l'Inde, la Chine, jugent publiquement l'attitude occidentale. Le 6 août dernier, le porte-parole chinois faisait la leçon aux Etats-Unis après la dégradation de leur notation en leur conseillant notamment de diminuer leur budget militaire.
Pour reprendre une expression imagée, il faut porter plus d'attention au « blé qui pousse ». Nous assistons à un mouvement de fond d'émancipation de pays qui veulent leur place au soleil et qui adoptent une posture gaullienne d'affirmation de la souveraineté nationale.
Le contexte à envisager pour une relecture du Livre blanc doit donc, à mon sens, prêter plus d'attention à ces mouvements de fond. Les mouvements tectoniques plus que les points critiques immédiats.
Troisième élément structurant : dans les 17 Livres blancs qui ont été rédigés depuis 2008 dans le monde, il est pourtant question d'intérêts nationaux. La situation qui succède à la parenthèse unipolaire ne ressemble pas à une multipolarité coopérative. Il suffit du reste d'observer la progression des budgets de défense dans le monde. Sans rentrer dans les détails, la moyenne mondiale est une augmentation de 13 % des budgets de défense sur la période 2007-2010. En Europe, ce taux est de 0 % en moyenne, en tenant compte de l'effort français et de l'effort britannique. Les budgets militaires des pays émergents progressent au rythme de leur croissance alors qu'en Europe les dépenses militaires sont considérées comme des variables d'ajustement de budgets contraints.
Quatrième élément structurant : le début de repositionnement stratégique des Etats-Unis à l'échelle du monde. La réorganisation du dispositif américain après l'Irak fait naître un certain nombre de craintes dans la région où il y aurait un moindre contrepoids avec l'Iran et Al Qaïda. Les Etats-Unis concentreraient leurs installations au Koweït et s'appuieraient sur le conseil des états du Golfe qui pourrait évoluer vers une sorte d'OTAN régional. Il y a du reste une volonté de sous-traiter à des acteurs régionaux les actions que l'Amérique ne prend plus directement en charge. Par exemple, la Turquie ou l'Indonésie. On l'a vu particulièrement dans l'opération en Libye. Cela correspond également au discours de Robert Gates et de Léon Panetta appelant les Européens à prendre leur part du fardeau et annonçant le retrait américain.
On note du reste au Congrès une psychologie du désengagement et une logique de retrait d'une Amérique jugée surexposée. Il y a une fatigue de l'opinion sur l'engagement extérieur. Repli et réorganisation sont évoqués aux Etats-Unis par de nouveaux concepts : « leadership from behind » (oxymore, issu de la Harvard Business School, à partir de la métaphore du berger chère à Nelson Mandela), « offshore balancing ». Pour les Etats-Unis, ce qui reste prioritaire, c'est la relation avec Israël, la prolifération nucléaire et la nécessité de contenir l'expansion chinoise (d'où le développement de la présence militaire en Australie (Darwin), de l'alliance avec les Philippines et Singapour).
C'est donc un deuxième mouvement tectonique, même s'il s'agit d'un mouvement lent.
Dernier élément structurant : les révoltes arabes. Celles-ci n'ont pas été anticipées par le Livre blanc mais la France et ses forces armées ont fait preuve d'une grande capacité de réaction, dans le cas de la Libye, au titre de la RAP. Le retour d'expérience a montré leur capacité à travailler en interarmées. L'OTAN a été une boîte à outils efficace. Le clivage Europe/Monde musulman a été brisé par l'engagement français et à la coopération avec le Qatar et les EAU. Le cycle qui commence après cette intervention présente de nouveaux enjeux (Constitution, confrontation des partis islamo-conservateurs avec les réalités, ...). Le fait de se focaliser sur le théâtre sud-méditerranéen avec les révolutions arabes ne doit pas faire oublier l'Afrique. Les événements en Côte d'Ivoire peuvent se répéter ailleurs. Ils ont montré que les forces des Nations unies d'interposition pouvaient avoir besoin d'un appui militaire décisif.
Des événements affectant notre sécurité peuvent se dérouler très loin de nos zones d'influence directe comme par exemple en mer de Chine.
Les évolutions en cours indiquent que le maintien d'un effort de défense est nécessaire pour continuer à peser sur les crises à venir. Il faut également approfondir notre réflexion stratégique avec les grandes démocraties des pays émergents qui veulent disposer des instruments de leur sécurité, ce qui ouvre d'importantes possibilités commerciales.
L'Europe ne dispose pas de Livre blanc depuis le document stratégique de 2003. Un Livre blanc européen serait tout à fait nécessaire de manière à définir les intérêts communs des Européens.
La disparition des conflits d'intérêts tactiques en Europe est-elle définitivement acquise ?
La définition donnée dans le Livre blanc pour l'arc de crise est-elle toujours valable ? Ne faudrait-il pas mieux parler d'arc des crises ? De quels moyens de contrôle disposons-nous pour faire face à la dissémination des armes dans la zone sahélienne à la suite de la guerre en Libye ? Quel rôle voyez-vous pour l'Algérie, après les opérations en Libye, qui a vu une certaine remise en cause de sa position ?
Face à un constat assez pessimiste de la situation, je m'interroge sur les moyens de rebondir et de réagir notamment vis-à-vis des pays émergents. Existe-t-il un plan stratégique européen pour reprendre la main ?
En ce qui concerne les menaces étatiques contre notre pays, le Livre blanc avait identifié la menace balistique essentiellement en provenance d'Iran. La réponse qui a été faite est une participation à certains éléments de la défense antimissile balistique (DAMB), sans affecter la posture de dissuasion. Même si le risque de conflits interétatiques paraît écarté en Europe, le reste du monde n'est pas un monde post-national. Il ressemble beaucoup à ce qu'il était à la fin du XIXe siècle. Les guerres entre Etats sont possibles et peuvent entraîner des conséquences pour notre pays. Ainsi sur l'Iran, compte tenu de nos accords de défense avec les Émirats arabes unis.
Dans le Livre blanc, les enjeux de cyberdéfense et cybersécurité ont été identifiés mais ils ont pris une ampleur inédite depuis lors. Au-delà des attaques directes comme les a connues l'Estonie de la part des hackers patriotes russes, et qui relèvent du déni d'accès, la véritable menace est celle de l'espionnage du potentiel économique, industriel et diplomatique. Les acteurs des cyberattaques sont étatiques. La France travaille sur la cyberstratégie, alors que des pays comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou l'Allemagne ont investi massivement.
La question algérienne est compliquée, La politique algérienne au Mali est liée à notre soutien au Maroc sur cette question. Rappelons également que, à l'origine, AQMI est algérien. Une initiative européenne, financée par l'Union européenne et impliquant les acteurs régionaux, est en cours de mise en place pour surveiller et contrôler la zone sahélienne. Il faut par ailleurs faire du franco-algérien pour sécuriser le sud algérien. La politique du Président malien avec les Touaregs pourrait connaître une remise en cause alors même que ceux-ci se sont réarmés à l'occasion de l'affaire libyenne. Comment réagir ? Devant le risque de rétrécissement stratégique, la France et la Grande-Bretagne ont signé les traités de Lancaster House. Ces traités sont importants mais ils doivent également permettre une ouverture sur les pays qui ont en Europe une volonté de défense, comme la Pologne par exemple. Un plan stratégique européen traduisant une perception partagée des menaces et des intérêts géostratégiques devrait être mis en chantier. Il est possible de commencer à travailler en petit format et de définir une liste courte d'intérêt commun. Le problème de l'Europe c'est celui du rapport à l'usage de la force qui est par exemple écarté par un pays comme l'Allemagne. Il en va différemment pour la France ou la Grande-Bretagne. Un sondage récent sur le sens de l'engagement met en avant le fait de servir son pays, ce qui dénote la résurgence d'un véritable esprit de défense. Il nous faut réfléchir aux conditions d'un réengagement stratégique européen. Nous avons également besoin d'une remise à plat de la relation franco-allemande.
Quelle est la place de la Russie dans la réflexion géostratégique actuelle ?
S'agissant du Mali, la politique du Président Amadou Toumani Touré vis-à-vis des Touaregs ne va-t-elle pas être remise en cause après les élections d'avril 2012 ?
Les élections au Mali ne manqueront pas d'avoir une incidence, d'où l'importance des messages que nous pouvons passer aux responsables politiques pour prévenir une crise d'ici cette échéance. De manière générale, on a sous-estimé le rôle de Khadafi dans les pays du Sahel où il était considéré comme un bienfaiteur et où les mercenaires qu'il recrutait étaient des soldats réguliers de ces pays.
Le rôle et la présence de la France en Afrique seront plus durables que ce qui était envisagé dans le Livre blanc. Aucun des pays africains ne souhaite un départ de la France. Il faut disposer d'une vraie stratégie intégrée qui inclut l'Agence française de développement, qui implique une relation étroite avec l'Algérie et qui s'élargisse aux questions tierces.
Sur la Russie, le Livre blanc était assez lucide. Le Président Poutine a entrepris la construction d'un État-nation. L'évolution de l'étranger proche peut avoir une incidence directe sur la Russie. De ce point de vue, la Grèce ne doit pas sortir de l'euro pour des raisons géostratégiques, puisque cette sortie permettrait à la Russie d'épanouir sa politique néo-balkanique. Si nous avons de bonnes relations économiques et culturelles avec la Russie, les relations diplomatiques sont difficiles. Nous devons aider la Russie à renoncer à l'empire tout en étant parfaitement conscients qu'elle ne renoncera jamais à l'Ukraine. Les Russes n'ont pas une idée claire de leur statut géopolitique. Ils sont obsédés par l'Asie centrale et voient le Pakistan comme un adversaire. Il y des éléments de coopération avec la Russie en Asie centrale. Vis-à-vis de la Russie, nous pouvons choisir deux attitudes : la première consiste à juger le régime et à dénoncer l'absence d'État de droit. Ou bien on regarde nos intérêts à long terme, ce qui doit nous conduire à essayer d'européaniser la Russie, à travailler à une moindre dépendance économique, à développer les échanges étudiants et l'apprentissage commun des langues et à libéraliser la circulation des hommes sous réserve de réciprocité. Face à une Russie arrogante, qui se réjouit publiquement des difficultés européennes, où sont nos intérêts ? Les Russes sont des consommateurs, pas des citoyens, il n'existe pas de société civile et de contrepoids. Il faut prendre en compte tous ces éléments.