Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 9 décembre 2010 à 21h30
Débat d'orientation sur la défense antimissile dans le cadre de l'otan

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Par conséquent, nous avons une défense antimissile qui correspond à la volonté des États-Unis de soumettre les alliés à leur hégémonie.

Les États-Unis jouent le rôle du réassureur en dernier ressort, ce qui ne va pas sans quelques contreparties, le fameux burden sharing, le « partage du fardeau ». Cela peut ne pas se traduire sous forme de budget militaire, mais le rôle du dollar, par exemple, la planche à billets, le financement du déficit américain grâce à des bons du Trésor que nous sommes aussi heureux que d’autres d’acheter, n’est-ce pas une forme de vassalisation subtile ?

Il ne faut pas se faire d’illusions sur ce qui est en train de se passer. La France avait toujours été réservée, pour ne pas dire hostile, au bouclier spatial américain, et ce dès 1984. Son langage a évolué. Le Président de la République, dans son discours de Cherbourg, a admis que la défense antimissile pouvait être un « complément » de la dissuasion nucléaire française, mais en aucun cas un substitut. L’argument est connu : la possession d’un glaive ne dispense pas de se donner la protection d’un bouclier.

M. de Rohan a rappelé qu’il y avait bien une défense antiaérienne, pourquoi pas une défense antimissile ? Sauf que là, on se place par rapport à une menace qui toucherait nos intérêts vitaux. Mais, à mon sens, la dissuasion est un bouclier aussi, dans la mesure où elle dissuade l’agresseur de passer à l’acte. Nous avons donc deux boucliers, dont l’un évidemment répond à un concept différent de l’autre : une arme de non-emploi, d’un côté, une arme de défense classique, de l’autre.

Dans la lutte entre le glaive et le bouclier, il n’y a pas d’exemple que le glaive ne l’ait pas, en définitive, emporté. On sait par des renseignements puisés aux meilleures sources – M. le président de la commission ne me démentira pas – que les interceptions réalisées par les États-Unis, dans des conditions d’exercice, ne réussissent qu’à 80 % seulement. L’étanchéité du bouclier spatial n’est donc pas parfaite.

L’argument selon lequel la défense antimissile permettrait de rester en dessous du seuil nucléaire est quelque peu spécieux : ne pourrait-il passer pour un encouragement à l’agression ?

Autre argument : cette défense répondrait à la demande de protection des populations. Un responsable de votre ministère a évoqué, monsieur le ministre d’État, la chute d’un missile classique sur Aix-en-Provence.

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