ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. - J'ai le plaisir de répondre à l'invitation de votre commission pour répondre à vos questions sur la présentation du budget 2012 de la gendarmerie nationale et de la politique d'immigration, d'asile et d'intégration.
L'exercice d'aujourd'hui présente un caractère particulier, deux ans après la publication de la loi du 3 aout 2009 relative à la gendarmerie nationale, et un an après que la politique d'immigration est désormais conduite par le ministre de l'intérieur.
Où en sommes-nous deux ans après la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ?
Ayant suivi de près, au titre de mes précédentes fonctions, la préparation de cette loi, qui a donné lieu à certaines inquiétudes concernant le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, j'ai été agréablement surpris, lors de ma prise de fonction en tant que ministre de l'intérieur, de constater que la gendarmerie nationale avait pris toute sa place au sein du ministère de l'intérieur et que la coexistence entre la police et la gendarmerie se déroulait au quotidien dans un climat apaisé.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur permet d'accroître l'efficacité de notre réponse face aux évolutions de la délinquance et d'adapter notre outil de sécurité aux nouvelles menaces.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur répond d'abord à une exigence d'efficacité. Nos compatriotes n'entrent pas dans les détails d'organisation, mais nous demandent simplement d'assurer leur protection. Ils expriment une attente d'autorité, de protection, de justice et nous devons donc réfléchir au meilleur moyen de répondre à cette triple attente.
Je pense que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur apporte une réponse, en nous permettant de nous adapter en permanence, dans nos modes d'action et dans notre organisation. Il permet d'avoir une plus grande efficacité, une meilleure synergie et un renforcement de la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie.
Chacun en sera d'accord, une plus grande efficacité suppose d'abord une meilleure cohérence dans l'utilisation des moyens. C'est pour cette raison que ce rattachement s'est imposé comme une nécessité.
A titre d'illustration, on peut citer les mutualisations logistiques et de soutien, qui sont systématiques. Les réseaux d'ateliers automobiles sont en synergie, les réseaux immobiliers se rapprochent, les achats en commun sont désormais systématisés.
Des structures communes ont été mises en place, par exemple dans le domaine des systèmes d'information et de communication, cette structure commune étant dirigée par un officier de gendarmerie.
La coordination opérationnelle permanente est désormais la règle en matière de forces mobiles pour le maintien de l'ordre, de sécurité dans les transports, de sécurité routière, de forces d'intervention exceptionnelles.
La coordination opérationnelle au niveau d'un territoire est mise en place à travers la CORAT (coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et territoires). Elle s'applique autant en zone rurale qu'en zone urbaine ou péri-urbaine.
Je me suis rendu récemment dans le département de l'Ain, où policiers et gendarmes se félicitent de pouvoir faire appel aux renforts de l'une ou l'autre force en cas de besoin. Les brigades de gendarmerie font appel aux brigades anti-criminalité de la police nationale et inversement lorsqu'elles sont confrontées à une situation d'urgence.
Enfin, je voudrais rappeler que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a permis une amélioration des perspectives de traitement et de carrières au sein de la gendarmerie, qui sont désormais à l'unisson avec celles de la police nationale, grâce notamment au Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE).
Je constate, lors de mes déplacements sur le terrain, que de plus en plus de brigades départementales sont désormais commandées par un lieutenant, à l'image d'ailleurs de ce qui se passe dans les sections de l'armée de terre.
Concernant le rapport d'évaluation établi par la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier et le député M. Alain Moyne-Bressand, que j'ai rencontré le 18 octobre dernier, je retiens de leurs travaux un constat de satisfaction. Les deux parlementaires estiment, en effet, que ce rattachement, qui avait pour objectif premier l'amélioration du service public de sécurité, a été conduit de manière équilibrée. Ils soulignent que les inquiétudes et les interrogations initiales qui ont pu s'exprimer au sein de la gendarmerie se sont dissipées et que la confiance s'est installée.
Les conclusions des deux parlementaires font apparaître que le travail approfondi qui a été conduit par le ministère de l'intérieur s'est fait dans le souci permanent de l'équilibre et du respect de l'identité de la gendarmerie nationale.
Le caractère de « force armée » de la gendarmerie nationale, auquel le gouvernement est tout comme vous très attaché, est assuré.
Je retiens également de ce rapport que des coordinations et des mutualisations entre les forces de sécurité sont mises en oeuvre pour une plus grande efficacité du service public de sécurité. Naturellement ces mutualisations doivent respecter l'identité de chaque force.
Je voudrais souligner l'appréciation finale du rapport qui rappelle que « cette réforme (...) s'est calmement, presque sereinement, installée »
Je retiens également le souhait des rapporteurs de voir le ministre de l'intérieur davantage associé au fonctionnement du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), notamment pour ce qui concerne l'ordre du jour, fera l'objet d'une discussion avec le ministre de la défense.
J'en viens maintenant aux conclusions du rapport de la Cour des comptes, sur lequel vous avez souhaité m'interroger.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je considère que ce rapport de la Cour des comptes sur la sécurité publique ne constitue pas un exemple d'objectivité car il contient plusieurs approximations et erreurs d'analyse.
Ce rapport contient un certain nombre d'erreurs. Je pense notamment aux chiffres mentionnés concernant le département des Yvelines qui ne correspondent pas à la réalité.
Surtout, j'estime qu'il y a une sorte de vice de raisonnement dans ce rapport.
Dans un premier temps, je regrette que la Cour n'ait retenu que la période 2002-2009 pour analyser les efforts de réorganisation. L'inscription de cette étude dans un temps un peu plus long aurait, très certainement, permis de mieux révéler les contrastes entre les résultats obtenus aujourd'hui et les politiques de sécurité menées antérieurement, afin d'en tirer tous les enseignements utiles en matière de gestion et d'organisation des forces de sécurité publique.
Parmi les différentes observations de la Cour, vous avez rappelé les affirmations du rapporteur sur le caractère soi-disant « contrasté » des résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002.
Le contraste, c'est très certainement la rupture en 2002 avec plusieurs années de hausse ininterrompue de la délinquance pour atteindre le niveau historiquement le plus élevé. Rappelons que cette mobilisation s'est traduite par huit années consécutives de baisse de la délinquance et ce, alors que la population française, dans le même temps, augmentait de 3,2 millions d'habitants, soit plus que la seule ville de Paris.
Entre 2002 et 2010, la délinquance a diminué de 17 %, après avoir enregistré une forte hausse entre 1997 et 2002.
Il faut surtout différencier les atteintes volontaires aux personnes et les atteintes aux biens. Les premières représentent 13 % de la délinquance, tandis que les secondes représentent quasiment tout le reste, soit plus de 85 %. On ne peut donc pas mettre sur le même plan la diminution de 20 % des atteintes aux biens et l'augmentation de 20 % des atteintes aux personnes, car la proportion des deux n'est pas du tout la même.
Par ailleurs, au sein des atteintes volontaires aux personnes, il faut tenir compte des violences infra familiales, qui, par définition, sont difficiles à prévenir pour la police et la gendarmerie. Pour les autres formes d'atteintes volontaires aux personnes, comme les violences crapuleuses, la délinquance a baissé de 10 % depuis 2002.
Enfin, depuis 2002, le taux d'élucidation est passé de 26 % à plus de 37 % en 2009, ce qui témoigne de la mobilisation des services et de l'efficacité du travail d'enquête et des progrès enregistrés en matière de police scientifique et technique ou en matière de fichiers, par exemple avec le fichier des empreintes génétiques.
Ces résultats attestent de l'efficacité de la politique du gouvernement et, contrairement à ce que laisse entendre la Cour, la « culture du résultat » n'est pas une politique du chiffre, mais bien une politique d'action, car l'action conduit aux résultats et nos concitoyens attendent bien des forces de sécurité de faire baisser la délinquance. Il est normal que le ministre de l'intérieur fixe des objectifs aux forces de sécurité.
Vous avez évoqué le livre blanc sur la sécurité qui vient de m'être remis par MM. Michel Gaudin et Alain Bauer. Ce document, qui n'est pas un document gouvernemental mais une étude très complète, dégage des perspectives de travail et d'évolution. Parmi les sujets principaux évoqués, qui rejoignent les préoccupations du ministère de l'intérieur, je veux notamment citer l'importance de l'amélioration de l'accueil pour les victimes et les plaignants, le développement du contact entre les forces de sécurité et la population, l'amélioration du partenariat entre les forces de sécurité nationales et les polices municipales, l'évolution du cadre juridique des enquêtes avec la mise en place d'une retenue judiciaire, le développement des outils technologiques et des moyens modernes de police technique et scientifique ou encore la poursuite du développement des synergies entre les forces de sécurité, en s'appuyant notamment sur la CORAT (coopération opérationnelle renforcée des agglomérations et des territoires).
Ce livre blanc, dresse donc des perspectives intéressantes et recueille beaucoup de bonnes pratiques déjà connues des services. En revanche, aucun bouleversement des structures administratives n'est proposé, ni spécialisation des forces sur de missions spécifiques. Nous travaillons actuellement sur les conclusions de ce document.
Ainsi, nous avons développé, à mon initiative, les « patrouilleurs » de la police nationale, afin de renforcer la présence des policiers sur le terrain, à la fois pour mieux lutter contre la délinquance mais aussi rassurer les citoyens. A cet égard, la gendarmerie a une longue tradition de proximité avec la population, avec notamment les « tournées de gendarmes », qu'elle a toutefois eu tendance à perdre ces dernières années, et que je m'emploie à renforcer.
Enfin, tout en étant intégrée au ministère de l'intérieur, la gendarmerie continue naturellement à participer aux opérations extérieures. A ce titre, elle est présente sur tous les théâtres d'opérations, aux côtés des armées. Elle participe également à la force de gendarmerie européenne (FGE).
Dans ce cadre, vous avez appelé mon attention, Monsieur le président, sur l'usage de la langue anglaise comme langue de travail au sein de la Force de gendarmerie européenne.
L'article 38 du Traité stipule que les langues officielles de la FGE sont les langues des Parties et qu'une langue de travail commune peut être utilisée. Il ne préjuge pas du choix de la ou des langue(s) de travail.
En pratique, les représentants français, dont le directeur général de la gendarmerie nationale, s'expriment systématiquement en français lors des réunions du Comité Interministériel de la FGE (CIMIN), seule instance à revêtir un caractère décisionnel.
On note d'ailleurs que, sur le terrain, en Bosnie-Herzégovine dans un cadre européen, en Haïti sous mandat des Nations unies comme en Afghanistan sous bannière de l'OTAN, les personnels de la FGE ont approfondi leurs connaissances mutuelles et ont développé un climat de confiance qui passe aussi par la maîtrise de la langue de l'autre.
Toutefois, afin de répondre à votre demande, le gouvernement engagera la démarche diplomatique nécessaire afin de renforcer la place du français au sein de la Force de gendarmerie européenne.
J'en viens maintenant au budget de la gendarmerie pour 2012 et aux moyens dont disposera la gendarmerie nationale pour assurer sa mission de service public.
Depuis 2002, ce sont 3,4 milliards d'euros qui auront été consacrés à la modernisation des forces de sécurité. Dans un cadre d'action marqué par la maîtrise des dépenses publiques, l'Etat doit pouvoir garantir aux citoyens leur sécurité. Pour conjuguer l'impératif de la bataille contre les déficits et la lutte contre l'insécurité, j'ai souhaité que les forces de l'ordre bénéficient d'un budget qui préserve leurs capacités opérationnelles.
Comme la police nationale, la gendarmerie dispose d'un budget en progression de 7 892,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit une hausse de +2,9%) et de 7 853 millions d'euros en crédits de paiement (soit une augmentation de +1,7%), qui lui permet d'atteindre ses objectifs opérationnels. Les capacités opérationnelles de la gendarmerie sont donc préservées, notamment dans les moyens de fonctionnement courant qui sous-tendent directement le niveau de performance opérationnelle. D'un montant de 946,4 millions d'euros, le budget de fonctionnement courant de la gendarmerie pour 2012 s'inscrit dans la continuité de celui voté en 2011. Il augmente de +4,8 millions d'euros à périmètre constant (soit une hausse de +0,5%). En particulier, les budgets des régions de gendarmerie, sont préservés pour la totalité des dépenses de loyers et d'énergie, y compris l'inflation.
Les contraintes budgétaires imposent des choix en termes d'investissement. Les choix d'équipements concilient souci de la sécurité et modernisation afin de satisfaire aux besoins incompressibles liés au recrutement et à la sécurité des militaires en intervention, mais également de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie en portant notamment l'effort sur les projets de la LOPPSI 2. Ainsi, la modernisation des équipements de protection et d'intervention se poursuit avec les nouvelles tenues de maintien de l'ordre (3500), les nouvelles tenues motocyclistes (220), les tenues de spécialistes et paquetages initiaux. Un effort est également placé sur les véhicules des unités territoriales et de sécurité routière (à hauteur de 17,6 millions d'euros en 2012). 2200 véhicules de brigade et de police de la route seront ainsi livrés en 2012 soit l'équivalent de 50 millions d'euros. Pour l'ensemble des forces de sécurité, il s'agit d'un plan d'un volume global de 100 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 70% par rapport à l'an dernier.
La modernisation est notamment illustrée par la poursuite du développement des capacités de police technique et scientifique et de police judiciaire dans le cadre de la LOPPSI 2, avec, par exemple, 8,5 millions d'euros pour les dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI).
Enfin, l'engagement dans le domaine immobilier est accentué. L'effort porte, d'une part, sur l'entretien courant et la maintenance des casernes domaniales, avec 53 millions d'euros, en hausse de 45 %. Cet effort permettra la remise aux normes de plus de 2 200 logements en gendarmerie mobile et, d'autre part, sur l'évolution du parc locatif, notamment grâce à la forte implication des collectivités territoriales, 15 millions d'euros de subventions seront alloués aux communes pour permettre la mise en chantier de 885 unités logements qui viendront compléter les 354 livraisons d'unités logement attendues. Notre priorité est d'accentuer, dans les années à venir, la rénovation du parc immobilier de la gendarmerie nationale, compte tenu de l'âge de certaines casernes.
Enfin, s'agissant des effectifs, la gendarmerie continue à contribuer à l'effort de réduction de l'emploi public. Les mesures de réorganisation, de mutualisation et d'allègement des tâches permettent de faire face à ces réductions. Dans ce cadre, les effectifs de la gendarmerie seront réduits de 1 466 équivalents temps plein travaillé (ETP) en 2012, la diminution d'effectifs portant sur l'ensemble des périmètres commandement, soutien et opérationnel. Cette évolution ne remet pas en cause l'évolution globale, depuis 10 ans, qui est positive : 2 200 emplois ont été créés entre 2001 et 2010 au sein de la gendarmerie. Le solde reste positif de plusieurs centaines d'emplois. Par ailleurs, les suppressions d'effectifs portent en priorité sur les fonctions de commandement ou de soutien. Cette baisse d'effectif ne remet pas en cause le maillage territorial qui fonde l'organisation même de la gendarmerie. Je réaffirme donc toute la pertinence de ce maillage, même si, dans certaines situations, des ajustements sont nécessaires pour prendre en compte l'évolution des bassins de vie et de délinquance. Ces ajustements sont toujours réalisés en concertation avec les élus locaux.
S'agissant des dépenses de personnels, qui restent stables, les engagements pris au profit des militaires et civils de la gendarmerie nationale sont tenus. Sont ainsi financés la dernière annuité de la nouvelle grille indiciaire des militaires, la dernière annuité du PAGRE rénové (plan d'adaptation des gardes aux responsabilités), ainsi que le nouvel espace statutaire de la grille indiciaire B appliqué aux sous-officiers de gendarmerie comme aux fonctionnaires du corps d'application et d'encadrement de la police nationale dans le cadre de la catégorie B.
J'en viens maintenant à la politique d'immigration.
L'immigration professionnelle représente aujourd'hui environ 20 000 entrées annuelles. Le Gouvernement souhaite réduire ce flux. Il s'agit tout simplement de tenir compte des réalités de notre marché du travail. Notre pays compte plus de 2,7 millions de demandeurs d'emploi. D'après l'INSEE, le taux de chômage des ressortissants étrangers non européens atteint 24 %, ce qui est considérable. Cela signifie que notre pays dispose d'une main d'oeuvre abondante et disponible. Mon objectif est donc de réduire l'immigration légale et l'immigration professionnelle de 10 %.
Notre devoir consiste donc à tout faire pour assurer l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi déjà présents en France, qu'ils soient de nationalité française ou étrangère. Il faut donc développer la formation professionnelle, et organiser les réorientations et les reconversions lorsqu'elles sont nécessaires. Le Gouvernement s'y emploie, comme l'illustre le « plan alternance » qui prévoit de faire passer de 450 000 à 800 000 le nombre de jeunes formés en alternance, d'ici 2015. Je note, par ailleurs, que notre population active va continuer d'augmenter, durablement, d'environ 110 000 personnes par an. Ce sont les chiffres de l'INSEE. Il ne faut donc pas surestimer le besoin d'immigration professionnelle. A l'occasion des réunions des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, je constate que nombre de mes homologues partagent ce point de vue.
Avec mon collègue M. Xavier Bertrand, nous avons donné des instructions aux préfets pour une réduction des flux. Ces instructions ont été suivies d'effet : au cours des neuf premiers mois de l'année 2011, le nombre de titres « salarié » a baissé de 43 % par rapport à 2010.
Par ailleurs, nous avons réduit de moitié la liste des « métiers en tension ». Il faut savoir que le recours à l'immigration professionnelle est facilité pour les métiers inscrits sur cette liste. Mais nous vivions sur des idées reçues. Par exemple, nous vivions dans l'idée que les métiers du bâtiment sont en tension. Or, c'est faux : lorsque Pôle Emploi diffuse une offre d'emploi de « chef de chantier du BTP », il y a deux candidats qui postulent. Nous avons donc rationalisé cette liste. La confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a d'ailleurs indiqué qu'elle y était favorable. La fédération nationale des travaux publics (FNTP) a dit que cela ne lui posait pas de problème.
Vous m'avez questionné également sur l'accueil des étudiants étrangers.
La France est très attachée à sa tradition d'accueil des étudiants étrangers, qui constitue un élément important de l'attractivité internationale de ses écoles et de ses universités. Il s'agit d'attirer les meilleurs étudiants, en particulier dans les filières menant au grade de master et au doctorat, au bénéfice du rayonnement de notre pays. Cette politique d'attractivité s'accorde avec le souci de mieux maîtriser l'immigration professionnelle pour tenir compte de la réalité de notre marché du travail, et d'un chômage qui touche aussi les jeunes diplômés. Elle prend en compte notre volonté de lutter contre les abus et les détournements dont peut parfois faire l'objet le régime de la mobilité étudiante. Elle prend en compte, également, le besoin qu'ont certaines entreprises françaises de s'attacher les compétences d'étudiants étrangers du meilleur niveau.
Vous avez fait allusion à la circulaire sur l'accueil des étudiants étrangers, que j'ai élaborée avec M. Xavier Bertrand. Cette politique n'ajoute rien au droit en vigueur. Elle ne fait que rappeler les termes de la loi du 24 juillet 2006. Cette loi ouvre un droit au séjour aux étudiants de niveau au moins égal au master, qui souhaitent bénéficier d'une première expérience professionnelle en France. Mais la loi en fixe aussi les conditions : le projet de l'intéressé doit « participer directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité », et se faire « dans la perspective du retour dans le pays d'origine ».
Il n'y a donc pas une volonté de fermeture. Le nombre de visas étudiants reste stable en 2011 par rapport à 2010. Le nombre de changements de statut, c'est-à-dire de passages du statut d'étudiant étranger à celui de travailleur étranger bénéficiant d'un titre de séjour lui permettant d'occuper un emploi dans une entreprises française, lui, continue d'augmenter (35 % d'augmentation par rapport à 2010). La controverse autour de cette circulaire est donc, au mieux, un malentendu, au pire, un mauvais procès.
Quelques cas d'étudiants, s'inscrivant dans cette stratégie, n'ont pu obtenir un titre leur permettant de travailler en France à la suite de leurs études. Une application pragmatique de la circulaire a permis de régler ces cas. Sur 359 dossiers transmis, 129 ont donné lieu à une décision favorable de changement de statut. En revanche, les abus manifestes, les logiques de dumping social n'ouvriront aucun droit à un changement de statut. Par ailleurs, la France est attachée à une politique de développement solidaire qui justifie l'emploi, dans leur pays d'origine, de jeunes actifs talentueux, après avoir été formés en France.
A cet égard, je voudrais citer une anecdote qui me semble révélatrice. Lors d'un récent déplacement au Bénin, le président de ce pays me faisait part des très grandes difficultés qu'il rencontre pour créer un système de santé, étant donné que plus des deux tiers des médecins béninois n'exercent pas dans leur pays mais en France. Au Bénin, on ne trouve qu'une dizaine de cardiologues pour tout le pays. Personnellement, je considère que notre pays n'a pas vocation à « piller » les pays en voie de développement de leurs élites dont ils ont grand besoin.