Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 janvier 2013 : 1ère réunion
Audition des responsables de la coalition nationale syrienne

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Messieurs, soyez les bienvenus en France en général et au Sénat en particulier. Nous vous remercions d'avoir bien voulu accepter d'éclairer notre commission sur une question qui se complique de jour en jour et où les interrogations sont plus nombreuses que les certitudes.

Première certitude : votre pays est déchiré par une atroce guerre civile et le peuple français est de tout coeur auprès du peuple syrien pour partager sa peine et sa douleur. De tous les conflits, la guerre civile en est la forme la plus atroce. Il y aurait eu plus de soixante six mille morts en Syrie. C'est effrayant !

Seconde certitude ou plutôt confirmation : Bachar-el-Assad est un dictateur qui n'a pas hésité à faire bombarder son propre peuple, lui faire tirer dessus avec des armes lourdes et ordonné des actes de torture. La France ne le considère plus comme un interlocuteur. Nous vous soutenons. Pas seulement en paroles, mais aussi en actes puisque notre pays a été le premier à vous reconnaître et a entraîné derrière lui la plupart des grandes diplomaties occidentales.

Troisième certitude : les ennemis de Bachar-el-Assad sur le terrain n'ont pas, jusqu'à présent, réussi à conquérir les esprits et les coeurs. C'est du reste la une de l'International Herald Tribune le 16 janvier dernier. Notre pays ayant gardé beaucoup d'amis et de contacts en Syrie, certains témoignages jettent le trouble sur le comportement d'une partie des forces d'opposition. Je pense en particulier au front Al Nosra. Il est évident que nous ne souhaitons ni le chaos interne, ni la contagion à la région, ni le remplacement d'une dictature par une autre.

D'où des questions que tout le monde se pose et sur lesquelles vous allez, je l'espère, nous apporter un peu de lumière.

Première série de question : pourquoi l'opposition n'arrive-t-elle pas à s'unir et à former un gouvernement d'unité nationale ? Quand la patrie est en danger, il faut savoir faire taire les querelles et unir les forces. Nous ne sommes pas en train de vous dire de tout accepter sur l'autel des compromis. Il y a peut être de telles divergences entre vous sur la vision politique du « jour d'après » qui rendent impossible tout accord sur « le jour d'avant ». Mais nous avons besoin de comprendre. Nous avons besoin de savoir pour pouvoir mieux vous aider et savoir qui nous aidons.

Deuxième série de questions : comment arrêter cette guerre civile ? Bachar-el-Assad n'est ni Ben Ali, ni Moubarak. Le régime syrien n'est pas la dictature d'un homme seul, ni même d'une famille, comme l'étaient les régimes tunisien, égyptien, libyen ou irakien. S'il en était ainsi il ne serait plus là où il est depuis longtemps. Tout comme son père, Bachar-el-Assad est la partie visible d'un iceberg communautaire complexe que vous connaissez bien mieux que nous et son éventuel départ ne changerait peut être pas grand-chose à la réalité des rapports de force et de pouvoir dans le pays. Vu de Paris, nous comprenons qu'il a derrière lui deux millions de personnes appartenant à des minorités ethniques alaouites, mais pas seulement, encore plus résolues que lui à se battre pour leur survie. Et ce n'est pas les images de combattants islamistes, dont beaucoup ne sont même pas syriens, qui vont inciter ces minorités à changer de camp. Quelle est votre stratégie pour les convaincre à vous faire confiance ? Je pense bien sûr aux druzes et aux chrétiens.

Troisième série de questions : est-ce qu'une intervention occidentale pourrait changer quelque chose ? Les opinions publiques s'émeuvent mais nous écartons à ce jour une intervention directe. Alors que faire ? Beaucoup d'entre vous ne souhaitent pas d'intervention occidentale, mais souhaitent des livraisons d'armes. Ce serait contraire au droit international, et, pourtant, certains pays n'hésitent pas à le faire, ce qui leur donne une influence déterminante sur le terrain. Comment sortir de cette situation ? Quelle est votre position sur les propositions de négociations qui sont poussées, notamment par les Russes, avec pour base le document de Genève ?

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