Intervention de Georges Sabra

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 janvier 2013 : 1ère réunion
Audition des responsables de la coalition nationale syrienne

Georges Sabra, vice-président de la Coalition nationale syrienne :

L'opposition syrienne est unique. Elle rassemble 80 à 85 % des opposants qui sont aujourd'hui unis par un pacte national et la volonté de créer un État démocratique et pluraliste. Cette opposition rassemble toutes les composantes de la société syrienne et toutes les sensibilités politiques, y compris les Frères musulmans. Elle est néanmoins diverse à l'image de la Résistance française pendant l'Occupation.

Vous m'avez interrogé sur les solutions permettant de mettre fin à la guerre. Cette dernière est attisée par les armes russes et les Iraniens. Le peuple syrien s'est révolté et ne renoncera jamais à sa liberté. Quant au régime actuel, il semble croire pouvoir dompter le peuple uniquement par la force. Bachar-el-Assad n'a aujourd'hui que la force des avions et des chars.

Comment cette guerre va-t-elle s'achever ? Sur le terrain, l'équation est claire. Malgré les grands déséquilibres en termes d'armement entre l'armée du régime et l'armée libre, cette dernière remporte, chaque jour, des victoires. La guerre se poursuit depuis quatre jours au coeur même de Damas.

Bachar-el-Assad n'appartiendrait déjà plus à l'avenir de ce pays, sans les avions qui bombardent les villes de façon aléatoire et conduisent leurs habitants à l'exode. Comment imaginer que Bachar-el-Assad puisse continuer à présider aux destinées de la Syrie ? C'est inenvisageable car il n'est plus apte à exercer le pouvoir. Appuyer le régime en place conduirait à cautionner des massacres. En tentant de se maintenir ainsi, ce dernier permet la réalisation des objectifs de l'Iran et de la Russie, en versant le sang syrien.

Toutefois, nous ne souhaitons pas voir des soldats étrangers sur notre sol ou des forces étrangères intervenir pour provoquer la chute de Bachar-el-Assad. Les Syriens sont aptes à le faire. Nous avons libéré déjà plus de 60 % du territoire. Nous demandons à exercer notre droit à nous armer afin de nous défendre, ce qui n'est pas trop exiger. Le fait de s'armer n'est en rien contradictoire avec le respect du droit international car le régime de Bachar continue à s'armer. Pourquoi le ferait-il et pas nous ? Soit les deux parties peuvent s'armer, soit elles ne sont pas autorisées à le faire. Il est juste que l'opposition puisse s'armer pour se défendre.

Sur la question des minorités, qui est une grande question, j'appartiens personnellement à une minorité, j'ai été exposé à des souffrances, j'ai passé de nombreuses années en prison, j'ai été torturé, comme beaucoup de Syriens. Aucune communauté n'est épargnée. Des milliers de jeunes alaouites ont d'ailleurs été emprisonnés, car ils s'opposaient au régime d'Hafez-el-Assad. L'injustice s'est abattue sur toutes les communautés et sur toutes les religions sans distinction. Le système sécuritaire en Syrie a étendu l'emprise de la peur sur tous les Syriens, jusqu'aux Syriens vivant en France qui ont peur pour leur famille, pour leur retour au pays, qui craignent pour le renouvellement de leur passeport. Ce régime terroriste sans équivalent a frappé tous les Syriens.

Il est vrai que le rôle des églises a pu être négatif du fait d'infiltrations du système sécuritaire dans l'ensemble du système religieux, milieux chrétiens mais aussi druzes et musulmans. Aujourd'hui, le régime syrien tue des sunnites, et pourtant il est soutenu par le mufti des sunnites. Les jeunes sont avec la révolution, beaucoup sont emprisonnés, d'autres participent à la résistance armée. Certains groupes sociaux, certaines communautés, hésitent encore. La Syrie de demain, que nous appelons de nos voeux, doit rassurer tous les Syriens, comme dans les années 1950, quand le régime syrien démocratique permettait à chacun de trouver sa place. Notre histoire offre d'ailleurs de nombreux exemples. N'oublions pas que nous avons eu un Premier ministre chrétien par le passé, et plusieurs fois ministre, élu librement par des musulmans, un kurde a été très actif dans la commission de rédaction de la Constitution, au premier plan de la vie démocratique. La Syrie connaît, dans son histoire, dans sa culture, depuis toujours, la diversité. Depuis 1 500 ans, les chrétiens sont à Damas, et le bourdon de leur église y sonne encore tous les dimanches. Pourquoi avoir peur aujourd'hui pour les Chrétiens ? C'est le régime Assad qui a créé cette peur entre toutes les communautés !

Nous ne souhaitons pas une intervention internationale sur le sol syrien, mais un soutien en armes pour renverser l'équilibre des forces et nous permettre de nous défendre contre l'aviation de Bachar-el-Assad. Nous avons besoin d'armes défensives pour protéger non seulement la vie des combattants mais également la vie des Syriens qui meurent sous les bombes de l'aviation gouvernementale.

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