Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à intervenir, dans le cadre de l'examen par votre commission du projet de budget de la Défense pour 2012.
Je vous présenterai succinctement un point de situation de l'exécution de l'année 2011, puis le projet de budget 2012. Enfin, j'évoquerai, en conclusion, quelques perspectives pour la préparation de l'après-2012.
Notre action en 2011 s'est attachée à livrer les matériels demandés, pour la modernisation de nos armées.
Les mesures décidées l'an dernier en programmation budgétaire triennale, pour la réduction des déficits publics, ont été mises en oeuvre. Elles portent sur le décalage du lancement de programmes futurs, sur des réductions de cibles et sur des étalements de production.
L'équipement des Forces se déroule, je crois, conformément à ce qui a été décidé dans cette programmation.
On notera cette année des livraisons importantes :
- pour la dissuasion : la poursuite des livraisons de missiles M51 pour la FOST et la livraison des derniers missiles ASMPA pour la composante nucléaire aéroportée ;
- dans le domaine conventionnel : les livraisons prévues d'ici la fin d'année : de 4 hélicoptères NH 90, dont le premier dans sa version Terrestre ; de 5 hélicoptères de combat Tigre ; de plus de 4 000 équipements de fantassin Félin ; de 100 véhicules blindés de combat VBCI ; de 11 avions Rafale ; ainsi que des missiles Aster, Exocet MM40 et Mica Rénovés ;
- enfin, la capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d'un Transall Gabriel et de 4 nouvelles nacelles de reconnaissance RECO-NG ;
- on peut aussi citer les 1000 premiers téléphones sécurisés TEOREM.
Pour nos matériels, l'emploi en OPEX reste l'épreuve de vérité. On a pu mesurer l'efficacité des armements. Les opérations en Afghanistan nous ont amenés à engager, en urgence opération, quelques améliorations pour la protection des combattants et l'interopérabilité avec nos alliés.
Les opérations en Libye, ont quant à elles montré plus largement l'efficacité de notre dispositif militaire. La capacité à entrer en premier sur un théâtre présentant des menaces sérieuses, puis la capacité à fournir un effort d'intervention soutenu, ont permis de révéler la performance, la cohésion et la disponibilité de nos matériels. On retiendra les premiers tirs opérationnels, avec succès, des missiles de croisière SCALP-EG et des AASM-IR ; mais aussi la reconnaissance internationale de la polyvalence du Rafale et de l'efficacité du Tigre. Globalement, les matériels présentent des performances conformes à ce qu'on en attend.
Cette opération extérieure (OPEX) montre aussi quelques lacunes. Il s'agit de lacunes connues : en premier lieu en matière de drones de surveillance et de capacité de ravitaillement en vol.
Globalement, le peu d'acquisitions selon la procédure dite d'Urgences Opérations générées par ces OPEX - elles représentent 1 à 2 % de nos acquisitions d'équipements - montre la pertinence des choix effectués lors de la conception et de la réalisation de nos systèmes d'armes actuels.
Pour ce qui est des commandes, l'année aura aussi été riche avec l'aboutissement d'affaires complexes, telles que l'avenant pour le rétablissement du programme A400M ; le marché RDIP, en partenariat public privé, pour la desserte IP des bases aériennes de l'Armée de l'Air ; ou la commande du troisième Sous-marin Nucléaire d'Attaque Barracuda.
On peut aussi souligner l'orientation décidée par le Ministre cet été, pour la solution intérimaire des drones MALE.
Concernant l'exécution budgétaire, les engagements sur le programme 146 devraient s'établir à un peu plus de 8 milliards d'euros en fin d'année, si j'exclus NECTAR qui sera décalé sur début 2012. Le besoin de paiements à environ 10,4 milliards d'euros.
Le report de charges est estimé à 1,7 milliard d'euros à fin 2011 pour le programme 146, soit environ deux mois de paiement. Cela constitue une dégradation par rapport à fin 2010. Ce report de charges pourrait être réduit à un milliard d'euros si l'on dispose des ressources extra budgétaires attendues sur le Compte d'Allocation Spécial Fréquences dont 750 millions sont destinés au P146 en 2011.
Pour ce qui concerne la part DGA du programme 144, pour les études amont commandées à l'industrie, le niveau d'engagement à fin d'année est estimé à 700 millions d'euros dont 53 millions pour le dispositif RAPID et les Pôles de Compétitivité et les besoins de paiements à 770 millions d'euros. Le solde de gestion à fin 2011 est estimé à 80 millions d'euros dans l'hypothèse de la disponibilité des 50 millions de ressources du compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences ».
Les difficultés liées au basculement vers le progiciel Chorus, dont j'avais fait état l'an dernier et qui ont entraîné un niveau d'intérêts moratoires notable en 2010, n'ont été que partiellement corrigées à l'issue du passage en gestion 2011. L'héritage de cette situation pèse sur les intérêts moratoires 2011, qui atteignent déjà 11 millions d'euros. La situation en fin d'année ne devrait toutefois pas être aussi mauvaise que l'an passé.
Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, la tendance est aussi à l'amélioration. Les objectifs doivent être tenus : 1,5% sur les devis et 2,25 mois sur les délais de réalisation.
Ces efforts se conjuguent avec la poursuite de la modernisation de la DGA et de la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Le calendrier de redéploiement des activités et de rationalisation des soutiens est parfaitement tenu. A fin août 2011, l'effectif était de 10 950 ETPE (Equivalents Temps Plein Employés), en ligne avec la trajectoire prévue.
Les redéploiements, dont certains sont achevés, sont menés sans rupture notable d'activité et en préservant notre capital de compétences techniques. C'est un point auquel nous apportons une attention particulière. Il s'inscrit dans une politique plus générale de croissance de l'expertise technique, par un renfort des effectifs dans cette fonction.
L'autre point d'attention porte sur le reclassement des personnels qui ne souhaitent ou ne peuvent pas suivre ces redéploiements. Les cas d'Angers et de Vernon sont les plus délicats, tout étant mis en oeuvre pour trouver des solutions.
Le format de 2014 visé par la RGPP sera obtenu, mais nous aurons alors atteint la limite d'optimisation du fonctionnement de la DGA et nous n'aurons plus aucune marge de manoeuvre disponible.
Pour ce qui concerne l'industrie, nous sommes enfin parvenus à concrétiser la rationalisation de la filière de la propulsion solide avec le projet Herakles. Ce rapprochement entre SNPE Matériaux Energétiques et la filiale Snecma Propulsion Solide de Safran devrait donner naissance au numéro deux mondial de la propulsion à poudre. En revanche, les rationalisations nécessaires dans les secteurs électronique et optronique entre THALES et SAFRAN, restent à faire. De même que dans les secteurs naval et terrestre. D'une façon coopérative ou pas, ces rationalisations devront se faire. C'est une question de survie pour leurs compétences et en partie pour notre souveraineté. Nous n'avons plus les moyens d'entretenir plusieurs filières sur les mêmes secteurs, comme celui de l'optronique par exemple.
Sur le plan européen, le traité de Lancaster House fin 2010 a défini une ambition très forte pour l'axe franco-britannique. Nous avons ainsi consacré nos efforts en 2011 à la mise en oeuvre des différents projets de coopération qui le sous-tendent.
J'ai évoqué les rationalisations industrielles et la coopération, un autre axe essentiel de notre stratégie est l'exportation.
En 2011, malgré un ralentissement mondial, des négociations sur des contrats majeurs ont abouti : BPC russes, rénovation Mirage 2000 pour l'Inde. Ce qui devrait nous amener à une prise de commande de l'ordre de 7,5 milliards d'euros en fin d'année.
Bien sûr les contrats Rafale ne sont toujours pas acquis, mais les discussions sont en cours et je ne ferai pas plus de commentaire.
Venons-en au projet de loi de finances (PLF) pour 2012. Ce PLF s'inscrit dans la ligne définie par la loi de programmation financière. Tout en réalisant les mesures d'économie définies en 2010 par la Programmation Budgétaire Triennale (PBT) 2011 -2013, le PLF 2012 est marqué par la volonté de maintenir l'action de renouvellement de l'équipement des forces. Ainsi la prévision d'engagement pour le P 146 est de l'ordre de 11,3 milliards d'euros.
Les ressources budgétaires pour les paiements du P146 s'élèveront à 9,2 milliards en hausse de 3,6 % par rapport à 2011, complétées dans le cas favorable, de 800 millions de recettes extrabudgétaires sur le CAS Fréquences. Dans cette hypothèse, on prévoit en 2012 une aggravation de l'ordre de 900 millions du report de charges du programme 146, et de 1,7 milliard en l'absence de ces ressources exceptionnelles. Cette éventualité nous conduirait alors à une situation budgétaire très difficile.
Concernant les études amont, sur le programme 144, l'objectif d'engagement est de 730 millions d'euros et les ressources de paiement seront de 680 millions d'euros en comptant sur les ressources extrabudgétaires du CAS « fréquences » à hauteur de 50 millions d'euros. Cette ressource est stable, voire en légère diminution.
Concernant les commandes, elles porteront très majoritairement sur la poursuite des programmes en cours. Quelques unes concerneront de nouvelles opérations d'armement telles que : les drones MALE intérimaires ; les Bâtiments de Soutien et d'Assistance Hauturier (BSAH) ; les missiles Moyenne Portée anti-char devant remplacer les Milan ; etc...
Les livraisons quant à elles, se poursuivront. Pour l'essentiel :
- elles continueront la modernisation des capacités d'intervention : 11 RAFALE, 6 Tigre, 1 FREMM, 100 VBCI, 3 Caracal, et des missiles pour les équiper ;
- elles poursuivront la montée en puissance de la défense anti-aérienne : livraison de 2 systèmes SAMP/T et 61 missiles ASTER ;
- elles enrichiront la maîtrise de l'information avec un nouveau Transall Gabriel rénové et 7 pods RECO-NG supplémentaires ainsi que divers systèmes d'information et de communication ;
- elles renforceront les capacités de projection avec un nouveau Bâtiment de Projection et de Commandement, 8 hélicoptères NH90, 5 avions CASA 235...
Pour l'après 2012, un nouveau chantier nous attend dès maintenant avec la préparation de la révision du Livre Blanc et la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.
Il y a peu de marges de manoeuvre sur le programme 146. Les contrats passés, souvent renégociés après les mesures budgétaires, prescrivent l'essentiel des dépenses à venir. Pour autant, nous avons besoin de visibilité sur les années à venir pour lancer les nouveaux programmes.
Il faudra donc faire des choix. Ils seront à faire en tenant compte de l'ensemble des facettes du problème. Je veux parler de l'équilibre qu'il doit y avoir entre :
- notre ambition de défense et de souveraineté ;
- l'accessibilité aux technologies ;
- la capacité industrielle à les réaliser dans un contexte européen ;
- et notre volonté de les financer.
Les options restent ouvertes, les mesures prises en PBT n'ont pas préempté les orientations. Mais on ne pourra pas jouer sur les marges, on ne peut plus optimiser le modèle actuel.
La DGA est un outil de préparation de l'avenir. Nous sommes en ordre de bataille pour contribuer aux réflexions et alimenter les choix politiques de l'après 2012.