Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 18 octobre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission auditionne M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « équipement des forces » de la mission Défense).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette nouvelle commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Pour les anciens dont je fais partie, c'est toujours un plaisir de vous recevoir.

Je ne pense pas que les sujets aient sensiblement varié depuis notre dernière rencontre : retour d'expérience sur la Libye, du point de vue des équipements, défense anti-missile balistique et drones figureront certainement parmi les questions que mes collègues, en particulier les rapporteurs du programme 146, vous poseront.

Je rappelle pour mes nouveaux collègues que M. le délégué partage la coresponsabilité avec le Chef d'état-major des armées du programme 146 « équipement des forces » et c'est du reste le seul exemple de partage de responsabilité d'un programme qui a été créé par la LOLF. Je précise également que ce programme regroupe à lui seul les deux tiers des investissements de l'Etat pour 2011-2012. Au total, les crédits d'investissement d'équipements militaires représentent 73 % des crédits d'investissement de l'Etat.

Avant que mes collègues ne vous passent donc sur le grill, si vous me permettez cette expression familière, je souhaiterais que vous nous précisiez, comme vous le faites chaque année, les principaux éléments de cadrage budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2012 et que vous donniez votre sentiment sur l'évolution de la situation, budgétairement parlant s'entend.

Debut de section - Permalien
Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à intervenir, dans le cadre de l'examen par votre commission du projet de budget de la Défense pour 2012.

Je vous présenterai succinctement un point de situation de l'exécution de l'année 2011, puis le projet de budget 2012. Enfin, j'évoquerai, en conclusion, quelques perspectives pour la préparation de l'après-2012.

Notre action en 2011 s'est attachée à livrer les matériels demandés, pour la modernisation de nos armées.

Les mesures décidées l'an dernier en programmation budgétaire triennale, pour la réduction des déficits publics, ont été mises en oeuvre. Elles portent sur le décalage du lancement de programmes futurs, sur des réductions de cibles et sur des étalements de production.

L'équipement des Forces se déroule, je crois, conformément à ce qui a été décidé dans cette programmation.

On notera cette année des livraisons importantes :

- pour la dissuasion : la poursuite des livraisons de missiles M51 pour la FOST et la livraison des derniers missiles ASMPA pour la composante nucléaire aéroportée ;

- dans le domaine conventionnel : les livraisons prévues d'ici la fin d'année : de 4 hélicoptères NH 90, dont le premier dans sa version Terrestre ; de 5 hélicoptères de combat Tigre ; de plus de 4 000 équipements de fantassin Félin ; de 100 véhicules blindés de combat VBCI ; de 11 avions Rafale ; ainsi que des missiles Aster, Exocet MM40 et Mica Rénovés ;

- enfin, la capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d'un Transall Gabriel et de 4 nouvelles nacelles de reconnaissance RECO-NG ;

- on peut aussi citer les 1000 premiers téléphones sécurisés TEOREM.

Pour nos matériels, l'emploi en OPEX reste l'épreuve de vérité. On a pu mesurer l'efficacité des armements. Les opérations en Afghanistan nous ont amenés à engager, en urgence opération, quelques améliorations pour la protection des combattants et l'interopérabilité avec nos alliés.

Les opérations en Libye, ont quant à elles montré plus largement l'efficacité de notre dispositif militaire. La capacité à entrer en premier sur un théâtre présentant des menaces sérieuses, puis la capacité à fournir un effort d'intervention soutenu, ont permis de révéler la performance, la cohésion et la disponibilité de nos matériels. On retiendra les premiers tirs opérationnels, avec succès, des missiles de croisière SCALP-EG et des AASM-IR ; mais aussi la reconnaissance internationale de la polyvalence du Rafale et de l'efficacité du Tigre. Globalement, les matériels présentent des performances conformes à ce qu'on en attend.

Cette opération extérieure (OPEX) montre aussi quelques lacunes. Il s'agit de lacunes connues : en premier lieu en matière de drones de surveillance et de capacité de ravitaillement en vol.

Globalement, le peu d'acquisitions selon la procédure dite d'Urgences Opérations générées par ces OPEX - elles représentent 1 à 2 % de nos acquisitions d'équipements - montre la pertinence des choix effectués lors de la conception et de la réalisation de nos systèmes d'armes actuels.

Pour ce qui est des commandes, l'année aura aussi été riche avec l'aboutissement d'affaires complexes, telles que l'avenant pour le rétablissement du programme A400M ; le marché RDIP, en partenariat public privé, pour la desserte IP des bases aériennes de l'Armée de l'Air ; ou la commande du troisième Sous-marin Nucléaire d'Attaque Barracuda.

On peut aussi souligner l'orientation décidée par le Ministre cet été, pour la solution intérimaire des drones MALE.

Concernant l'exécution budgétaire, les engagements sur le programme 146 devraient s'établir à un peu plus de 8 milliards d'euros en fin d'année, si j'exclus NECTAR qui sera décalé sur début 2012. Le besoin de paiements à environ 10,4 milliards d'euros.

Le report de charges est estimé à 1,7 milliard d'euros à fin 2011 pour le programme 146, soit environ deux mois de paiement. Cela constitue une dégradation par rapport à fin 2010. Ce report de charges pourrait être réduit à un milliard d'euros si l'on dispose des ressources extra budgétaires attendues sur le Compte d'Allocation Spécial Fréquences dont 750 millions sont destinés au P146 en 2011.

Pour ce qui concerne la part DGA du programme 144, pour les études amont commandées à l'industrie, le niveau d'engagement à fin d'année est estimé à 700 millions d'euros dont 53 millions pour le dispositif RAPID et les Pôles de Compétitivité et les besoins de paiements à 770 millions d'euros. Le solde de gestion à fin 2011 est estimé à 80 millions d'euros dans l'hypothèse de la disponibilité des 50 millions de ressources du compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences ».

Les difficultés liées au basculement vers le progiciel Chorus, dont j'avais fait état l'an dernier et qui ont entraîné un niveau d'intérêts moratoires notable en 2010, n'ont été que partiellement corrigées à l'issue du passage en gestion 2011. L'héritage de cette situation pèse sur les intérêts moratoires 2011, qui atteignent déjà 11 millions d'euros. La situation en fin d'année ne devrait toutefois pas être aussi mauvaise que l'an passé.

Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, la tendance est aussi à l'amélioration. Les objectifs doivent être tenus : 1,5% sur les devis et 2,25 mois sur les délais de réalisation.

Ces efforts se conjuguent avec la poursuite de la modernisation de la DGA et de la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Le calendrier de redéploiement des activités et de rationalisation des soutiens est parfaitement tenu. A fin août 2011, l'effectif était de 10 950 ETPE (Equivalents Temps Plein Employés), en ligne avec la trajectoire prévue.

Les redéploiements, dont certains sont achevés, sont menés sans rupture notable d'activité et en préservant notre capital de compétences techniques. C'est un point auquel nous apportons une attention particulière. Il s'inscrit dans une politique plus générale de croissance de l'expertise technique, par un renfort des effectifs dans cette fonction.

L'autre point d'attention porte sur le reclassement des personnels qui ne souhaitent ou ne peuvent pas suivre ces redéploiements. Les cas d'Angers et de Vernon sont les plus délicats, tout étant mis en oeuvre pour trouver des solutions.

Le format de 2014 visé par la RGPP sera obtenu, mais nous aurons alors atteint la limite d'optimisation du fonctionnement de la DGA et nous n'aurons plus aucune marge de manoeuvre disponible.

Pour ce qui concerne l'industrie, nous sommes enfin parvenus à concrétiser la rationalisation de la filière de la propulsion solide avec le projet Herakles. Ce rapprochement entre SNPE Matériaux Energétiques et la filiale Snecma Propulsion Solide de Safran devrait donner naissance au numéro deux mondial de la propulsion à poudre. En revanche, les rationalisations nécessaires dans les secteurs électronique et optronique entre THALES et SAFRAN, restent à faire. De même que dans les secteurs naval et terrestre. D'une façon coopérative ou pas, ces rationalisations devront se faire. C'est une question de survie pour leurs compétences et en partie pour notre souveraineté. Nous n'avons plus les moyens d'entretenir plusieurs filières sur les mêmes secteurs, comme celui de l'optronique par exemple.

Sur le plan européen, le traité de Lancaster House fin 2010 a défini une ambition très forte pour l'axe franco-britannique. Nous avons ainsi consacré nos efforts en 2011 à la mise en oeuvre des différents projets de coopération qui le sous-tendent.

J'ai évoqué les rationalisations industrielles et la coopération, un autre axe essentiel de notre stratégie est l'exportation.

En 2011, malgré un ralentissement mondial, des négociations sur des contrats majeurs ont abouti : BPC russes, rénovation Mirage 2000 pour l'Inde. Ce qui devrait nous amener à une prise de commande de l'ordre de 7,5 milliards d'euros en fin d'année.

Bien sûr les contrats Rafale ne sont toujours pas acquis, mais les discussions sont en cours et je ne ferai pas plus de commentaire.

Venons-en au projet de loi de finances (PLF) pour 2012. Ce PLF s'inscrit dans la ligne définie par la loi de programmation financière. Tout en réalisant les mesures d'économie définies en 2010 par la Programmation Budgétaire Triennale (PBT) 2011 -2013, le PLF 2012 est marqué par la volonté de maintenir l'action de renouvellement de l'équipement des forces. Ainsi la prévision d'engagement pour le P 146 est de l'ordre de 11,3 milliards d'euros.

Les ressources budgétaires pour les paiements du P146 s'élèveront à 9,2 milliards en hausse de 3,6 % par rapport à 2011, complétées dans le cas favorable, de 800 millions de recettes extrabudgétaires sur le CAS Fréquences. Dans cette hypothèse, on prévoit en 2012 une aggravation de l'ordre de 900 millions du report de charges du programme 146, et de 1,7 milliard en l'absence de ces ressources exceptionnelles. Cette éventualité nous conduirait alors à une situation budgétaire très difficile.

Concernant les études amont, sur le programme 144, l'objectif d'engagement est de 730 millions d'euros et les ressources de paiement seront de 680 millions d'euros en comptant sur les ressources extrabudgétaires du CAS « fréquences » à hauteur de 50 millions d'euros. Cette ressource est stable, voire en légère diminution.

Concernant les commandes, elles porteront très majoritairement sur la poursuite des programmes en cours. Quelques unes concerneront de nouvelles opérations d'armement telles que : les drones MALE intérimaires ; les Bâtiments de Soutien et d'Assistance Hauturier (BSAH) ; les missiles Moyenne Portée anti-char devant remplacer les Milan ; etc...

Les livraisons quant à elles, se poursuivront. Pour l'essentiel :

- elles continueront la modernisation des capacités d'intervention : 11 RAFALE, 6 Tigre, 1 FREMM, 100 VBCI, 3 Caracal, et des missiles pour les équiper ;

- elles poursuivront la montée en puissance de la défense anti-aérienne : livraison de 2 systèmes SAMP/T et 61 missiles ASTER ;

- elles enrichiront la maîtrise de l'information avec un nouveau Transall Gabriel rénové et 7 pods RECO-NG supplémentaires ainsi que divers systèmes d'information et de communication ;

- elles renforceront les capacités de projection avec un nouveau Bâtiment de Projection et de Commandement, 8 hélicoptères NH90, 5 avions CASA 235...

Pour l'après 2012, un nouveau chantier nous attend dès maintenant avec la préparation de la révision du Livre Blanc et la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

Il y a peu de marges de manoeuvre sur le programme 146. Les contrats passés, souvent renégociés après les mesures budgétaires, prescrivent l'essentiel des dépenses à venir. Pour autant, nous avons besoin de visibilité sur les années à venir pour lancer les nouveaux programmes.

Il faudra donc faire des choix. Ils seront à faire en tenant compte de l'ensemble des facettes du problème. Je veux parler de l'équilibre qu'il doit y avoir entre :

- notre ambition de défense et de souveraineté ;

- l'accessibilité aux technologies ;

- la capacité industrielle à les réaliser dans un contexte européen ;

- et notre volonté de les financer.

Les options restent ouvertes, les mesures prises en PBT n'ont pas préempté les orientations. Mais on ne pourra pas jouer sur les marges, on ne peut plus optimiser le modèle actuel.

La DGA est un outil de préparation de l'avenir. Nous sommes en ordre de bataille pour contribuer aux réflexions et alimenter les choix politiques de l'après 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le Délégué général, merci pour ce tableau toujours très fourni. Vous savez l'intérêt que nous portons à votre institution qui est un outil essentiel d'aide à la décision du Gouvernement. Le budget 2012 s'inscrit dans l'épure de la LPM, à la révision triennale près, sous réserve de quelques décalages temporels et sous condition que les ressources exceptionnelles soient bien au rendez-vous.

Ma première question concerne les études et les recherches technologiques. Dans le document ministériel qui nous est fourni on constate une progression régulière de la coopération européenne. Les études coordonnées auraient représenté 15 % du total en 2005 et 17 % en 2010. Est-ce que vous confirmez cette progression et sur quels sujets porte-t-elle ?

S'agissant des drones. Il y a eu une décision du comité ministériel d'investissement (CMI) le 20 juillet dernier pour l'acquisition d'un drone MALE intérimaire -le Héron TP - fabriqué par la société israélienne IAI et importé par Dassault. C'est un sujet qui nous tient à coeur et sur lequel nous travaillons depuis longtemps. Il y a un an, il y avait trois solutions en course : la modernisation du drone Harfang par EADS, l'achat sur étagères du drone Reaper de General Atomics et la solution de francisation du drone Heron TP par Dassault. Cette dernière solution avait été totalement exclue, en raison notamment de son coût, de l'ordre de 700 millions d'euros. Vous imaginez notre surprise quand le ministre de la défense a sorti à nouveau cette offre de Dassault et l'a retenue pour une négociation exclusive. Nous, nous n'avons pas changé d'avis. C'est une offre qui, d'après les renseignements qui nous avaient été communiqués, est financièrement trois fois plus chère, militairement inutile puisqu'elle ne permettra pas de disposer d'un drone à court terme et industriellement inopérante, puisqu'elle ne se traduira pas par des transferts technologiques au profit de Dassault. Tout cela ne prépare pas le drone franco-britannique dans des conditions optimales. Or le ministre a dit qu'il avait pris sa décision à partir d'une « étude minutieuse » de la DGA. Je lui ai donc écrit pour lui demander cette étude et vous ai adressé copie de cette lettre. Pouvez-vous nous dire de quelle étude il s'agit ?

Concernant la défense anti-missile (DAMB), c'est une question importante qui est à l'ordre du jour. Sauf à laisser les Etats-Unis seuls en lice c'est un sujet essentiel dont nous ne pouvons être absents. Il faut donner des signes au plan des études amont sur des sujets où nous avons des compétences reconnues. Or je ne vois rien venir en loi de finances initiale. Rien sur l'alerte avancée, quelques millions sur le radar à très longue portée. Pouvez-vous nous le confirmer ? Par ailleurs, vous aviez fait état de discussions avec d'autres pays sur ce sujet en particulier sur le radar. Où en sommes-nous ? Enfin, nous recommandions dans notre rapport sur ce sujet en juillet dernier la création d'un centre d'expertise français sur la DAMB, une sorte d'équipe de France. Or je ne vois rien d'écrit sur ce point. Est-ce que vous pouvez nous dire si c'est une question qui est à l'étude ou pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Sur la question de la DAMB, et plus particulièrement du satellite d'alerte avancée, la dernière fois que nous nous sommes vus, vous aviez fait état de discussions avec d'autres pays européens, afin de coopérer sur ce programme, discussions qui n'auraient pas débouché. Depuis avez-vous réessayé d'intéresser d'éventuels partenaires européens ? J'ai du mal à croire que nous serions les seuls à être intéressés à préserver notre autonomie stratégique en Europe. S'agissant des drones stratégiques, les drones haute altitude longue endurance (HALE), il y a un programme de l'OTAN, en cours de discussion, le programme AGS (Allied Ground Surveillance) qui pourrait déboucher sur l'achat ou le partage de drones américains du type Global Hawk. Pourriez-vous nous en dire plus ? Sur les drones MALE, Jacques Gautier et moi-même partageons entièrement ce que vient de dire Daniel Reiner. Êtes vous sûrs dans ces conditions que nous prenons la bonne voie pour aller jusqu'au bout du programme de drone franco-britannique ? Enfin, sur les satellites, pourriez nous faire un point de situation sur les programmes CERES, MUSIS et SYRACUSE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les drones, puisque nous avons travaillé ensemble avec mes collègues Xavier Pintat et Daniel Reiner. Je voudrais vous interroger sur la rénovation lourde des avions de patrouille maritime, les ATL 2. C'est une rénovation qui va coûter très cher, puisqu'on parle d'une somme de l'ordre du milliard d'euros. Ne pensez-vous pas que d'autres solutions moins onéreuses, telles que les drones navals - ou les CASA 235 de patrouille maritime - pourraient être envisagées ? S'agissant des avions ravitailleurs KC 135 - qui ne sont rien d'autres que la version militaire des antiques Boeing 707 - là encore ne serait-il pas possible d'économiser des deniers publics en anticipant sur la commande des Airbus MRTT (Multi Role Transport Tanker) ? Enfin, nous savons que la DGA est un outil précieux et efficace au service de l'Etat lorsqu'il s'agit de conduire des grands programmes d'armement ; en revanche, nous avons le sentiment que parfois un surcroît de spécifications et d'exigences peut s'avérer inutile voire contre-productif, lorsqu'il s'agit de petits programmes, tels que le drone DRAC. Comment améliorer cette situation et alléger les spécifications lorsqu'il s'agit de biens consommables ?

Debut de section - Permalien
Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement

Effectivement, il y a une augmentation, très faible, des programmes d'étude amont menés en coopération. Cela est imputable essentiellement à la coopération avec le Royaume-Uni. Avec ces derniers notre objectif est de dépasser les 50 millions d'euros par an pour chaque pays. Nous sommes à peu près à cinquante millions d'euros de programmes cofinancés de part et d'autre. En revanche, il y a une baisse des programmes en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. C'est préoccupant, parce que préparer le futur à plusieurs c'est nécessaire dans bien des domaines.

S'agissant du drone Héron TP notre souci est d'assurer la disponibilité d'une capacité MALE avant l'arrivée de la solution dite pérenne réalisée avec le Royaume-Uni pour l'horizon 2020 et de préserver les capacités des bureaux d'étude sur la chaîne de mission. Le choix qui a été fait par le Ministre est la moins mauvaise décision compte tenu de l'ensemble des facteurs. Financièrement, le Héron TP ne compromet pas le financement du projet commun avec les Britanniques pour 2020. Pour ce qui est de la solution britannique, nous préparons une phase d'évaluation. Notre objectif est de faire travailler ensemble nos producteurs nationaux : Dassault et BAe. Les Britanniques veulent comme nous conserver une capacité industrielle en matière « d'ailes fixes », ce qui inclut les drones.

Sur la DAMB, nous avons des études d'architecture en cours depuis mai 2011. Spirale a achevé son expérimentation, et cela a été très instructif. Pour ce qui est du satellite d'alerte, il est envisagé de lancer ce programme en 2015 pour une mise à poste vers 2019. Nous allons faire des études techniques pour lever les risques. Pour ce qui est du C2 (command and control), nous prévoyons aussi des études sur les prochaines années. Enfin, pour ce qui est du radar à très longue portée, un marché de démonstrateur de radar de détection de missiles balistiques vient d'être notifié à Thales Air System et à l'ONERA.

En matière de DAMB, le sommet de Chicago en mai 2012 sera un point d'orgue.

S'agissant des drones, on espère pouvoir vous présenter en janvier prochain le roll out du démonstrateur NEURON qui s'inscrit dans le cadre d'un projet pour un futur UCAV (unmaned combat air vehicle) européen. C'est une coopération intelligente et efficace.

L'AGS est un sujet compliqué. Nous ne voulons pas payer pour ce type de drones, les drones dits HALE, qui n'entrent pas dans l'éventail des capacités françaises.

Pour ce qui est des satellites, en particulier CERES, nous avons absolument besoin d'une capacité spatiale de recueil de renseignement électromagnétique. Pour ce qui est du programme MUSIS, la réalisation de sa composante optique a été lancée l'année dernière et il y aura une mise en orbite du premier satellite en 2016. La coopération reste ouverte avec les autres grands pays européens. Pour SYRACUSE, nous allons préparer la relève qui arrivera à l'horizon 2019. La solution sera vraisemblablement un partenariat public-privé. Il faudra que nous conservions la maîtrise en propre d'un noyau dur fortement sécurisé et que pour le reste nous envisagions de passer par la fourniture de service par des industriels de confiance.

Concernant la rénovation des ATL2, il faut traiter les obsolescences puis améliorer les capteurs. Ils sont indispensables pour des missions ponctuelles de type de celles que nous avons menées en Afrique, parce qu'ils offrent une souplesse d'utilisation inégalée.

Nous sommes obligés de rénover les K/C 135 pour leur permettre de conserver leur certificat de navigabilité. Nous ferons l'acquisition des MRTT en 2013. La question se pose à nouveau de savoir s'il vaut mieux faire un partenariat public privé ou bien une acquisition patrimoniale.

Enfin, pour ce qui est du rôle de la DGA dans les petits programmes et leur adaptation aux PME. Les PME ont une aptitude à fournir des solutions innovantes, et nous avons fait de gros efforts avec la procédure dite RAPID pour les soutenir. Toutefois pour la réalisation des programmes notre action reste évidemment inscrite dans les limites du code des marchés publics. J'ajouterai que les PME ont quelquefois des difficultés à soutenir leurs produits dans le long terme, ce dont nous avons besoin pour le suivi en service. Nous devons trouver les moyens de les alléger de ces contraintes, par exemple par un adossement à de plus grands industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Quel est le pourcentage d'armes vendues aux pays de l'OTAN ? La concurrence s'exacerbe t-elle avec les Etats-Unis ? Sommes-nous toujours obligés de passer par des intermédiaires ?

M. Jean-Pierre Chevènement - Prenons acte pour une fois que les performances des matériels commandés sont au rendez-vous. Sur la DAMB, je ne voudrais pas laisser penser qu'il y a unanimité de la commission afin que l'on engage beaucoup de crédits sur cette affaire. La dissuasion a marché pendant des décennies et nous a permis d'éviter un conflit avec l'URSS. Pourquoi le serait elle moins dans l'avenir vis-à-vis de pays comme l'Iran ou d'autres en Asie ? Il y a en outre une contradiction entre les exigences financières de ce programme, que nous ne pouvons pas nous payer, et politiquement, nos opinions publiques qui sont de plus en plus pacifistes. Je pense en particulier à l'Allemagne ce qui les rend aveugles à la réalité du monde à 15 ou 20 ans. La seule justification est industrielle, dans le cadre d'une complémentarité bien comprise avec notre force de dissuasion. Ma question est : comment voyez-vous la dissuasion après la loi de programmation militaire et les accords post-START. Il est de plus en plus évident que les Etats-Unis d'Amérique ne signeront pas le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Tout le discours anti-nucléaire fait partie d'une ronde médiatique. Comment évaluez-vous le retour d'expérience en Afghanistan ?

Debut de section - Permalien
Laurent Collet-Billon, Délégué Général pour l'Armement

Nous exportons environ 20 % de notre production d'armement dans les pays européens. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous exportons 30 % au Moyen-Orient. Ce qui nous préoccupe c'est que nous nous trouvons face à des concurrents émergents redoutables et d'autres qui ont réinvesti le marché. Ceci s'explique par la baisse des budgets de défense notamment aux Etats-Unis qui pousse à rechercher une compensation à l'export. En Europe, l'Italie nous concurrence durement dans l'industrie navale. Tout cela nous préoccupe car notre industrie a besoin des exportations. D'autant que nous acceptons des transferts de technologies importants et la seule façon de ne pas se créer des concurrents redoutables c'est d'investir dans l'innovation. Cela a un coût. Cela étant, soit on accepte des transferts de technologies soit on se retire du marché.

Pour ce qui est des intermédiaires, je ne signe pas les contrats, donc j'ignore complètement s'il faut recourir ou non à des intermédiaires. S'ils existent, je ne les vois pas et je ne les ai jamais vus.

Concernant la DAMB, nous savons de nos années d'expérience de la dissuasion, que les défenses anti-missiles balistiques n'offrent pas de protection absolue. Il faut donc être prudent et attendre la loi de programmation 2013-2018. De toutes les façons certains pays ne renonceront jamais à l'arme nucléaire. Je ne vois pas de raison de changer de posture de défense. Il nous faut envisager de remplacer nos sous-marins lanceurs d'engins à l'horizon 2030. Dans la DAMB, nous pouvons nous contenter de faire un apport en nature notamment avec la contribution du centre d'essais missiles de Biscarosse.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Constatez vous une amélioration sensible de nos exportations vers les pays de l'OTAN depuis la réintégration du commandement militaire intégré. Par ailleurs, on parle beaucoup dans la presse du fait que l'Arabie saoudite chercherait à se doter d'une capacité nucléaire. Confirmez-vous cela ?

Debut de section - Permalien
Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l'armement

Sur les exportations, non nous ne constatons pas d'amélioration. Mais c'est quand même assez récent. Il y a une inertie des programmes d'armement qui fait qu'il est trop tôt pour juger. Pour ce qui est de l'Arabie saoudite, nous savons qu'ils ont des missiles balistiques. Mais pour ce qui est de la capacité nucléaire, je ne suis pas en mesure de vous répondre.

Jean-Louis Carrère, président - M. le Délégué général, il me semble que vous n'avez pas répondu à notre collègue Daniel Reiner sur l'étude minutieuse que mentionnait le ministre Gérard Longuet et sur laquelle il se serait appuyé pour prendre sa décision concernant le choix du drone MALE. Est-ce vous qui l'avez faite ?

Debut de section - Permalien
Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l'armement

Nous avons produit des kilogrammes papier d'études sur les drones. Mais rien n'égale la pertinence des observations de votre commission sur ce point. Nous avons demandé de nombreuses propositions à EADS pour la modernisation des drones Harfang pour évaluer le potentiel d'amélioration de ces véhicules. Cela a dû commencer fin 2008. Mais nous ne serons pas étrangers à la réponse que le ministre ne manquera pas de faire au Sénateur Reiner.

Jean-Louis Carrère, président - Il nous importe que cette réponse soit formulée dans des délais raisonnables car elle n'est pas étrangère à la préoccupation des trois sénateurs en question et à l'idée d'aller ou non vers une mission parlementaire, dont je ne suis pas sûr de percevoir la pertinence, mais je me pose la question.

La commission auditionne le général Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission Défense).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le chef d'état-major, au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien. Vous allez nous présenter les lignes de force du budget 2012 pour l'armée de l'air. Au nom de la commission, je vous en remercie.

Pour ce qui me concerne, je serais très intéressé de recueillir votre analyse, lorsque les questions budgétaires auront été épuisées, sur la question du retour d'expérience en Libye, les enseignements que vous en tirez, au-delà des lacunes capacitaires que tout le monde connaît maintenant. Est-ce que cette opération, dont la principale caractéristique, pour ce que j'en retiens, est la faiblesse délibérée, voulue, organisée, d'empreinte militaire au sol, est-elle susceptible de devenir un modèle pour de futures interventions ?

Général Jean-Paul Palomeros - Merci Monsieur le Président. C'est avec fierté et plaisir que je m'exprime devant votre commission pour la troisième fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air. J'apprécie toujours cette occasion qui m'est donnée de vous rendre compte de l'engagement des aviateurs au service de la nation.

Je tiens également à rendre hommage aux élus de votre commission qui nous ont toujours soutenus dans leur action. Je salue les nouveaux membres et son président. J'aurai d'ailleurs plaisir à vous faire découvrir notre belle base de Mont de Marsan et à vous y présenter notre armée de l'air.

Depuis ma dernière intervention devant votre commission, il y a un an, les aviateurs ont connu un niveau d'engagement sans précédent sur les différents théâtres d'opérations et ce dans un contexte de réforme particulièrement dense. Tout au long de cette période, les hommes et les femmes de notre armée de l'air ont su faire preuve d'un sens élevé de la mission au service de notre pays avec une détermination et une abnégation qui méritent le respect. Ils ont été au rendez-vous des missions fixées par le chef de l'Etat. Ils sont aussi au rendez-vous d'une réforme indispensable mais ô combien difficile.

Il y a un an, peu de temps après vous avoir présenté nos capacités en Provence, à Istres, je vous déclarais : « une armée de l'air moderne, tournée vers l'avenir, est loin d'être un luxe. C'est, à mes yeux, un atout indiscutable pour une nation qui veut compter sur la scène internationale ». Les événements qui se sont écoulés depuis ont largement illustré mes propos. Si notre pays a pu imposer sa voix dans le concert des nations et être un élément moteur de la mobilisation internationale, qui a permis au peuple libyen de prendre en main son destin, l'action de l'armée de l'air y a été essentielle. Cela est reconnu. Notre pays aurait-il pu réunir autant de nations autour de la résolution 1973 de l'ONU s'il n'avait pas disposé d'une armée de l'air capable, dès les premières décisions, dès les premières heures, d'imposer une zone d'interdiction aérienne au-dessus du territoire libyen ? Que serait-il advenu de Benghazi et de ses habitants si, le 19 mars 2011 dans l'après-midi, les aéronefs de l'armée de l'air n'avaient pas été en mesure de stopper l'avancée des colonnes de blindés du colonel Kadhafi ? La puissance aérienne a démontré par cette opération, si tant est qu'il en était encore besoin, toute sa justification, toute sa pertinence.

C'est par cette dimension opérationnelle que je souhaite débuter mon propos pour faire écho au niveau d'engagement exceptionnel de nos aviateurs dans le vaste éventail des missions qui leur sont confiées.

Dans un deuxième temps, je dresserai un état des lieux de la réforme de grande envergure qui touche notre institution et, en premier lieu, ses hommes et ses femmes. Enfin, je conclurai sur les perspectives de modernisation de l'armée de l'air, de ses capacités actuelles et futures à l'aune du retour d'expérience des opérations et du projet de loi de finances 2012.

A ce jour, quatre mille aviateurs et une centaine d'avions et d'hélicoptères de l'armée de l'air sont engagés hors du territoire métropolitain dans le cadre d'opérations extérieures ou de pré-positionnement de forces. Cette aptitude à la projection s'est particulièrement illustrée lors de notre implication dans l'opération Harmattan en Libye, elle est démontrée, au quotidien, depuis dix ans, en Afghanistan, ainsi que sur de nombreux théâtres dont l'Afrique.

Suite aux premiers signes d'instabilité en Libye, l'armée de l'air a configuré ses moyens pour être en mesure d'agir dès la prise de décisions politiques. Depuis l'évacuation des ressortissants français et européens du 23 février jusqu'à la frappe du 19 mars, l'armée de l'air a ainsi fait preuve d'une réactivité exemplaire. Alors que la conférence de Paris se terminait, les chasseurs français avaient décollé de leurs bases aériennes en métropole pour assurer l'établissement de la zone d'interdiction de vol au-dessus de la Libye et être en mesure de porter secours aux populations menacées de Benghazi. Cette capacité d'entrée en premier, qui a mobilisé nos avions Rafale, Mirage 2000D et Mirage 2000-5 pour la défense aérienne, accompagnés d'avions ravitailleurs C135 et d'un avion AWACS de commandement, a été réalisée en totale autonomie. En effet, la campagne de recueil de renseignement menée en amont des opérations, en particulier grâce aux Mirage F1 équipés du pod ASTAC et du C160 Gabriel, avait permis d'établir un ordre de bataille précis des forces pro-Khadafi permettant d'évaluer les risques encourus. Deux atouts ont permis une telle performance : le maintien d'une posture de permanence et l'aptitude à passer instantanément du temps de paix au temps de crise sur les bases aériennes de métropole.

Autre facteur clé de succès des opérations : le niveau de violence est demeuré en permanence maîtrisé et proportionnel aux objectifs politiques. En somme, la puissance aérienne a permis un emploi précis, retenu et dosé de la force au travers d'une large palette d'effets allant du tir d'opportunité à la frappe conventionnelle stratégique de missiles de croisière. Nous sommes très loin de bombardements massifs, puisque 100 % de nos tirs ont été des tirs de précision dans un strict respect des règles d'engagement et avec le souci constant d'épargner la population.

L'empreinte humaine générée par l'armée de l'air est demeurée en permanence limitée quelles que soient les plateformes de déploiement, avec une moyenne d'une vingtaine de personnes par chasseur. L'emploi de l'arme aérienne a ainsi permis de répondre à des objectifs politiques ambitieux à coût financier et humain maîtrisé. C'est ainsi, par exemple, qu'en Crète nous avons 310 aviateurs déployés pour 16 avions de chasse.

Dès le début des opérations, l'armée de l'air, selon les directives que j'avais fixées, s'est inscrite dans la durée. La proximité des bases de déploiement a favorisé la relève régulière des équipages et a permis d'installer un rythme ternaire d'activité opérationnelle, d'instruction des jeunes équipages et de repos. Ainsi l'armée de l'air a apporté sans relâche sa contribution aux opérations depuis près de 7 mois au travers d'une vingtaine de vols quotidiens qui aujourd'hui diminue progressivement pour atteindre une petite quinzaine de sorties.

Harmattan a démontré la forte capacité de l'armée de l'air à travailler de concert avec nos partenaires étrangers, en particulier avec le commandement européen du transport aérien (EATC) créé il y a un an. Ce dernier, qui n'avait pas encore atteint sa pleine capacité opérationnelle, a ainsi démontré une réactivité et une efficacité exemplaire, au cours de la phase de montée en puissance de l'opération.

Cet engagement de haute intensité ne doit pas faire oublier les autres théâtres d'opérations et pré-positionnements où nous participons toujours avec la même constance et la même efficacité. Je citerai le Tchad, Djibouti et Al Dhafra aux Emirats Arabes Unis.

En Afghanistan, l'armée de l'air, qui avait là aussi été la première à intervenir dès le 23 octobre 2001 avec nos Mirages IVP, met en oeuvre nos avions Rafale, nos drones Harfang, dont le reste de la flotte est désormais utilisé dans le ciel libyen, ainsi que des avions de transport tactique à Douchanbé. Ces derniers réalisent d'ailleurs sur ce théâtre toute une variété de missions démontrant la pertinence de disposer d'une aviation de transport tactique.

Ces engagements extérieurs multiples ne doivent pas faire oublier la contribution de l'armée de l'air aux missions permanentes. En premier lieu, la dissuasion nucléaire pour laquelle la réduction d'un tiers du format, décidée en 2008, est aujourd'hui effective, puisque la diminution de 3 à 2 escadrons dédiés à la dissuasion s'est concrétisée le 1er juillet 2011. Le contrat opérationnel est dorénavant assuré par la mise en oeuvre de l'ASMP-A au sein d'un escadron équipé de Rafale et d'un autre de Mirage 2000N. Ces unités ont, de plus, été, et sont toujours, fortement sollicitées en Libye où elles ont fait la démonstration de leur expertise pour réaliser des missions conventionnelles, à l'instar des équipages de C135 qui relèvent aussi des forces aériennes stratégiques.

Enfin, l'armée de l'air poursuit ses missions de service public sur le territoire national. Parmi celles-ci, la mission de police du ciel, à travers la posture permanente de sureté aérienne, mobilise près de mille aviateurs, huit avions de chasse et cinq hélicoptères armés. Ce savoir-faire est d'ailleurs mis à profit par l'OTAN dans le cadre de l'opération « Air Baltic » de défense aérienne des Etats baltes qui s'est déroulée de mai à septembre 2011.

En outre, l'armée de l'air, avec ses hélicoptères, participe au dispositif de recherche et sauvetage (SAR). Au 1er septembre 2011, 21 opérations réelles ont ainsi été réalisées avec un bilan humain important : 16 personnes décédées, 24 secourues dont 14 blessées.

Les succès de nos opérations aériennes reposent sur trois piliers que nous n'avons de cesse de consolider : l'entraînement exigeant de notre personnel, l'adaptation de nos équipements et, enfin, la disponibilité de ceux-ci. Et c'est bien du MCO des matériels aéronautiques dont dépendent directement notre crédibilité opérationnelle et le moral des aviateurs.

Il nous faut en la matière satisfaire sans faillir nos contrats opérationnels, mais aussi assurer la préparation, la régénération des forces, en particulier l'entraînement des plus jeunes, et gérer nos flottes sur le long terme dans un souci permanent de sécurité des vols.

La remarquable disponibilité, démontrée en opérations, entre 90 % à 95 % dans la durée, n'est pas le fruit du hasard, elle résulte des investissements et des réformes entreprises et de l'engagement remarquable de notre personnel. Cet effort exceptionnel ne doit pas masquer les difficultés qu'il induit sur l'entraînement en métropole grevé par la priorité donnée aux opérations. Ainsi, cette année l'activité des jeunes équipages sera sensiblement en retrait par rapport à nos objectifs (110 à 130 heures en moyenne en 2011 pour un objectif de 180 heures). C'est pour moi, d'ores et déjà, une priorité pour 2012 et un point de vigilance. A cet effet, nous avons non seulement besoin des crédits de MCO prévus dans le décret de recomplètement du budget OPEX à venir, à hauteur de 123 millions d'euros, mais il faut aussi poursuivre sans relâche l'effort pour compenser la surconsommation du potentiel technique. J'évalue, à ce stade, en première approche, à une cinquantaine de millions d'euros l'effort nécessaire supplémentaire à étaler dans le temps en 2012 et 2013.

Il m'apparaît dès lors indispensable, après l'abondement des ressources de budget OPEX, de sanctuariser l'entretien programmé des matériels (EPM) au niveau prévu en PLF. Les résultats remarquables enregistrés aujourd'hui résultent d'une continuité de nos investissements durant près d'une décennie pour la préparation de nos forces, ne l'oublions pas pour l'avenir.

Je crois qu'au-delà des succès que nous avons rencontrés sur le terrain et des efforts nécessaires pour y parvenir, il est essentiel de souligner que ceux-ci ont été obtenus alors que nos aviateurs sont engagés, depuis maintenant près de trois années, dans une lourde réforme.

En effet, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l'objectif de déflation est de 15 900 aviateurs pour un format cible de 50 000 aviateurs en 2015, soit 25 % du format 2008. Entre 2008 et 2011, nous avons supprimé 7 360 postes. De même, en 2012, la déflation annuelle de nos effectifs en gestion de 2 200 postes sera aussi atteinte. Ces efforts que nous menons se traduisent de manière visible. En effet, sur la période 2008-2010 la diminution de nos effectifs s'est concrétisée par une économie nette de masse salariale que j'estime à 300 millions d'euros hors pensions et hors mesures d'incitation au départ. Pour l'année 2011, nous sommes quasiment à l'équilibre, avec un déficit de gestion inférieur à 0.5% de la masse salariale totale, cela au prix notamment d'une politique particulièrement volontariste.

Cette réduction de nos effectifs se traduit, en particulier, par la fermeture de nombreuses de nos implantations. L'année 2011 a ainsi vu la fermeture de bases majeures comme Reims et Taverny. L'effort sera encore plus conséquent en 2012, qui verra la fermeture de quatre bases importantes en métropole (Brétigny, Cambrai, Metz et Nice) et trois en outre-mer (la Réunion, Papeete, et aux Antilles). Ainsi, en l'espace de quatre années, nous aurons fermé 12 bases aériennes.

Si les hommes et les femmes de l'armée de l'air consentent des efforts nécessaires, légitimes et lourds pour mener à bien cette réforme, ils en attendent une certaine rétribution et la modernisation de leurs équipements.

Au plan des effectifs, il nous faut en premier lieu tirer le retour d'expérience des opérations actuelles pour identifier les compétences critiques et les besoins nouveaux en matière d'effectifs. Je pense en particulier au renseignement, aux systèmes d'information et à la maintenance aéronautique. Ainsi, le flux d'informations numériques rapportées à chaque mission par les différents capteurs induit un besoin sans cesse croissant de compétences humaines rares pour les exploiter et les transmettre dans les meilleurs délais.

En ce qui concerne la modernisation de nos équipements, le raid mené par nos avions de combat le 19 mars a confirmé la pertinence du choix de la polyvalence. Les Rafale ont assuré leur propre défense aérienne tout en menant des assauts contre les forces terrestres ennemies. Le Livre blanc prévoit, à l'horizon 2020, que la composante aérienne projetable dispose d'un parc unique composé d'avions de combat polyvalents de type Rafale et Mirage 2000. A l'aune du retour d'expérience opérationnel, cet objectif confirme sa pertinence.

Je considère que la rénovation à mi-vie du Mirage 2000D est une opération indispensable pour maintenir la cohérence de l'outil de combat aérien. Cette rénovation, à coût unitaire modeste, fera du Mirage 2000D un aéronef polyvalent, qui pourra assurer entre autres les missions de police du ciel dans notre espace aérien.

Au-delà de l'analyse qualitative, le retour d'expérience des opérations démontre toute la nécessité de disposer d'une flotte de combat en quantité suffisante pour tenir dans la durée. Notre flotte actuelle repose sur environ 250 avions de combat en ligne, nombre qui va encore décroitre d'ici 2014. D'ailleurs parmi les appareils qui se sont illustrés en Libye, certains Mirage F1CT et Mirage 2000C sont déjà en cours de retrait de service.

Le format de notre aviation de combat, tant au plan quantitatif que qualitatif, est bien l'épine dorsale sur laquelle repose notre aptitude à répondre aux engagements futurs.

Les opérations actuelles confirment le caractère primordial de la fonction stratégique connaissance-anticipation. Les drones y jouent dorénavant un rôle incontournable, comme nous l'avions prévu depuis de nombreuses années. Notre armée de l'air, forte de l'expérience acquise sur les systèmes intérimaires, dispose maintenant d'une expertise reconnue au niveau international que l'utilisation du Harfang, en Afghanistan ou en Libye, accroît quotidiennement. Ainsi, en deux ans et demi de présence en Afghanistan, nos Harfang ont réalisé 4 550 heures de vol en plus de 500 missions.

Pour attendre l'arrivée, en 2020, du nouveau système de drone MALE européen, la commande d'un système basé sur le drone Heron TP de la société israélienne IAI est déjà prévue dès le PLF 2012 pour une livraison au plus tard début 2014. Il nous faudra être particulièrement vigilant sur ce calendrier pour éviter tout risque de rupture capacitaire.

La fonction connaissance-anticipation pour l'armée de l'air est également prise en compte en 2012 par la livraison d'un Transall Gabriel rénové ainsi que quatre nacelles RECO-NG employées avec grand succès par nos Rafale en Libye.

Lors des opérations menées en Libye, 80 % des missions de ravitaillement en vol ont été réalisées par des avions ravitailleurs américains. Le lancement du programme MRTT ne doit plus tarder sous peine de pertes de capacités opérationnelles tant à la fois dans le domaine de la projection de puissance que dans celui de la dissuasion nucléaire, qui s'appuient aujourd'hui sur nos vénérables C135 entrés en service il y a maintenant quarante-sept ans. L'année écoulée nous a aussi montré combien ces capacités de transport stratégique étaient cruciales, comme l'a prouvé l'utilisation de nos Airbus A340, dont le contrat de leasing se termine en 2015, pour rapatrier en temps et en heure nos ressortissants de Libye ou évacuer ceux de nos ressortissants du Japon qui le souhaitaient. Du reste, je recommande vivement que l'acquisition des MRTT, qui remplaceront à la fois la flotte de C135 ravitailleurs et celle d'A340 de transport stratégique, soit patrimoniale car ces appareils seront toujours un élément clé de notre dissuasion.

Ces trois programmes, rénovation des Mirage2000D, drones MALE, MRTT, sont donc, à mon sens, les dossiers prioritaires sur lesquels nous devons axer notre effort.

Notre transport aérien est particulièrement sollicité par l'ensemble des opérations en cours, il nous faut gérer un important déficit capacitaire pour plusieurs années encore. La livraison de cinq avions Casa CN235, prévue dans le PLF 2012, nous permettra d'étoffer notre gamme d'avions de transport tactique léger pour préserver à minima les compétences de nos équipages.

D'autres programmes progressent également, comme l'atteste le premier tir d'un missile sol-air Aster 30 réussi le 1er septembre 2011. A ce titre, je souligne avec satisfaction que deux systèmes SAMP-T doivent nous être livrés au titre du PLF 2012. Ces systèmes seront pleinement efficaces si et seulement si on y associe, comme l'a montré un excellent rapport de votre commission, un radar de longue portée et un système de commandement et de conduite, aujourd'hui envisagés à l'horizon 2020, échéance tardive à mes yeux.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous ai tracé le portrait d'une armée de l'air au service de sa nation, qui fait face aux missions les plus exigeantes partout où cela est nécessaire. Je vous ai tracé le portrait d'une armée de l'air qui n'est pas figée dans des dogmes dépassés, qui s'adapte aux évolutions du monde actuel, une armée de l'air qui respecte les engagements pris dans le cadre de la réforme de l'état, une armée de l'air qui figure aujourd'hui dans les tous premiers rangs mondiaux.

Il nous appartient de continuer la modernisation de notre institution à l'aune des ambitions politiques que notre pays souhaite afficher. Nos femmes et nos hommes constituent notre plus grande richesse, ils consentent, depuis de nombreuses années, des efforts pour atteindre les objectifs des différentes réformes, ils sont en droit d'en toucher les dividendes car jamais ils n'ont baissé les bras et ont constamment su se mobiliser pour donner le meilleur d'eux-mêmes au service de leur pays.

Monsieur le Président, je suis certain que les membres de votre commission continueront à soutenir nos armées comme ils n'ont cessé de le faire ces dernières années. Nos succès d'aujourd'hui sont aussi vos succès. Les aviateurs seront honorés de vous accueillir sur nos bases aériennes pour vous faire partager leur fierté légitime, leurs interrogations aussi et surtout leur grande motivation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le Chef d'état-major, nous avons pu mesurer en Libye, la valeur des forces aériennes françaises. Veuillez transmettre à nos forces les félicitations chaleureuses de la représentation nationale. Ma première question est de savoir pourquoi les forces aériennes libyennes ne se sont pas du tout manifestées ? En quoi avons-nous manqué de moyens pour ce qui est de la suppression des défenses anti-aériennes adverses ? Y-a-t-il là une lacune capacitaire, comme j'ai cru le comprendre des propos du chef d'état-major devant cette commission ? Sur le budget, le projet de loi de finances prévoit d'accorder quelques moyens au système de commandement et de contrôle, le C2, dans le programme appelé SCCOA4. Nous aurions souhaité avec mes collègues de la mission DAMB que l'on trace une route vers un programme de SCCOA5, c'est-à-dire qui intègre, au-delà de la nécessaire rénovation physique des radars, un C2 avec des capacités de traitement des menaces balistiques. Qu'en pensez-vous ? Pouvez-vous par ailleurs nous faire le point sur les exports du Rafale. Enfin, s'agissant des drones, nous avons été très surpris par le choix étrange du ministre, basé selon ses dires sur une étude minutieuse. Ce choix n'est évidemment pas celui que nous aurions fait. Avez-vous donné votre avis ? Avez-vous été consulté ? Quelles en sont les raisons. Il y a un an trois solutions étaient en compétition, et parmi ces trois la solution Dassault avait été éliminée, parce qu'étant la moins sérieuse. Et maintenant c'est elle qui triomphe. Quel retournement ! Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Le ministre de la défense dit avoir fondé sa décision sur une étude minutieuse et complète de la DGA. Or le Délégué général pour l'armement, que nous venons d'auditionner n'a pas vraiment répondu à la question de savoir si une telle étude existait. Est-ce que vous avez eu connaissance de cette étude ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Nous sommes fiers de l'adaptabilité et du professionnalisme de nos aviateurs. Transmettez-leur l'expression de notre admiration. Ma première question concerne le commandement interarmées de l'espace qui a été créé il y a un an. Quel bilan en dressez-vous ? D'autres armées s'organisent différemment. Je pense au Strategic command américain qui joint sous un même commandement : la dissuasion, l'espace, la défense anti-missile et l'armée de l'air. Qu'en pensez-vous ? Concernant les drones, je partage l'inquiétude de Daniel Reiner. Mais je voudrais prolonger sa question. Imaginons que nous sommes en 2030. Comment voyez-vous la situation ? Quel type de drone pour le futur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

En Libye, les forces du Conseil national de transition ne sont pas en capacité d'assurer la surveillance de leur frontière maritime et encore moins de leurs frontières terrestres. Or cela pose un problème de sécurité pour tout le monde, y compris pour nous. Que faire ? Par ailleurs, j'ai été impressionné par le chiffre de 123 millions d'euros que vous mentionnez concernant le surcoût des opérations extérieures pour l'armée de l'air. Seront-ils remboursés par la réserve interministérielle ? Que se passe-t-il s'ils ne le sont pas. Enfin, il y a la question du remplacement des avions ravitailleurs KC135 et C135. Ne serait-il pas moins onéreux d'anticiper la commande des Airbus MRTT ?

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air

Au préalable, je souhaiterais répondre à votre question initiale monsieur le président concernant l'avenir des conflits futurs. Si je vous ai laissé croire un instant que la puissance aérienne pouvait tout faire, c'est sans doute que je me suis mal expliqué. Tout commence au sol et se finit au sol, tout commence par le politique et se termine par le politique. Néanmoins, aucune crise depuis 20 ans ne s'est réglée sans l'intervention de la puissance aérienne, soit pour amener à la raison un dictateur, soit pour appuyer des troupes au sol. Et ces opérations doivent s'inscrire dans la durée. Si nous avons pu décoller le 19 mars dernier lorsque l'ordre nous en a été donné, c'est parce que nous avions un dispositif permanent et donc prêt à le faire. Cela suppose une organisation, des équipements et un investissement humain considérable. Une des conclusions évidentes c'est que la polyvalence est la clé de la modernisation.

Concernant le MRTT je regrette beaucoup son retard. D'autant que cet avion polyvalent supprimerait trois flottes : celle des A340 dédiée au transport stratégique et celle des C135 et des KC135 pour le ravitaillement en vol.

Pourquoi les forces aériennes libyennes ne sont elles pas intervenues ? Grâce à nos moyens de renseignement, qui évoluaient au large de la côté libyenne, nous avons pu observer que les chasseurs de Khadafi frappaient tous les jours à Benghazi avant le 19 mars. Nous avons néanmoins estimé que la menace était raisonnable et que nos équipements nous permettraient de la traiter. Dès que nos pilotes sont intervenus, ils ont immédiatement cessé leurs frappes contre les forces rebelles. Nous n'avons pas envoyé nos pilotes à la légère. Nous avions non seulement réalisé une bonne évaluation de la menace anti-aérienne libyenne mais nos chasseurs possédaient des moyens de guerre électronique adaptés et des munitions de type AASM particulièrement efficaces, car permettant des tirs hors de portée des batteries sol-air,

Pour ce qui est de dédier un type d'armement à la suppression des défenses ennemies, c'est non seulement une question de doctrine mais c'est aussi une question de coût. Un tel investissement serait trop lourd pour nous. Il s'agit de savoir mutualiser les capacités et les équipements entre alliés.

Un des axes majeurs du programme SCCOA4 est le renouvellement des radars de défense aérienne actuels qui vieillissent et dont le coût d'entretien ne cesse de croître. Or les radars civils ne sont pas capables d'assurer la surveillance de l'espace aérien parce qu'ils fonctionnent sur un mode coopératif. Seuls les radars militaires de défense aérienne permettent de détecter et de suivre une menace aérienne. Il est donc temps de passer à de nouvelles technologies et d'assurer de façon plus efficace la surveillance de nos zones sensibles. Un premier radar sera installé à Nice. Nous allons aussi disposer d'un radar transportable. Mais il faudrait disposer en fait de deux radars supplémentaires pour couvrir correctement nos besoins.

En matière de défense anti-missile, les compétences humaines sont là, les technologies également. Il ne reste que le financement et la volonté. Il y a déjà dix ans, je défendais, dans d'autres fonctions, le besoin d'une défense anti-missile de théâtre, au travers du SAMP/T. Or si le missile Aster est un succès, il a besoin de radars de surveillance de longue portée pour pouvoir anticiper une menace et l'intercepter. Votre rapport l'a parfaitement illustré.

S'agissant des exports, le meilleur soutien que nous puissions apporter repose sur les démonstrations de l'armée de l'air. Notre meilleur argument de vente ce sont nos capacités opérationnelles telles qu'elles ont été montrées en Libye ou en Afghanistan. Ce qu'offre l'armée de l'air c'est son savoir faire à la fois pour former des pilotes et pour soutenir une flotte en exploitation. Nous ne le faisons pas toujours suffisamment savoir, notamment en Inde. Il faut insister sur les capacités réelles du Rafale et surtout sa polyvalence, qui est unique au monde. D'ailleurs, nos amis britanniques ont des Eurofighter, des Tornado, et ils attendent maintenant des JSF, qui est un appareil à vocation offensive.

Concernant les drones, c'est une question délicate. Pour commencer, si une décision avait été prise avant, nous ne serions pas dans cette situation. La non-décision est la pire des choses. Or nous avons trop attendu. Deuxièmement, je respecte la décision qui est prise ; nous avons des besoins ; ils ont été démontrés. Ce qui serait inacceptable serait la rupture capacitaire. Le risque le plus grand est là. Or nous connaissons bien IAI. La seule chose qu'on ne puisse pas se permettre est de régresser par rapport à l'existant. Il s'agira donc d'avoir un oeil attentif sur la liaison satellitaire qui occupe une place structurante sur ce type de système. Il faudra aussi que l'on soit capable d'armer ces drones. Pourquoi nous en priverions nous puisque ces appareils assurent une précision de frappe avec un pourcentage de succès identique à celui d'un avion de combat ? Certes, nous n'étions pas en Libye face à un environnement saturé en défense anti-aérienne. Mais les drones nous auraient apporté une aide très précieuse.

Pour ce qui est du futur, je pense qu'il faut arrêter de penser que le drone est un avion sans pilote. Il s'agit d'un appareil piloté à distance, depuis le sol, par un équipage expérimenté. NEURON est une excellente initiative. De là à considérer que ce type de capacité sera amenée à remplacer complètement les pilotes, je ne le crois pas. Le développement de ces systèmes prendra encore du temps. Au plan quantitatif, nous aurons besoin d'une véritable flotte de drones et pas seulement de quelques exemplaires.

S'agissant du commandement interallié de l'espace, c'est une bonne chose, car il s'appuie sur les moyens existants des armées et ne constitue pas une structure supplémentaire. L'armée de l'air forme des officiers pour la surveillance de l'espace. Il s'agit d'une nécessité pour la dissuasion afin de garantir l'identité des agresseurs mais aussi pour assurer la fonction stratégique de protection.

Concernant la situation en Libye, la priorité est de terminer la phase actuelle. Par la suite, il y aura effectivement un problème tenant au fait que les forces du CNT seront incapables d'assurer la surveillance des approches maritimes et aériennes. Il va donc falloir trouver des moyens pour les y aider.

Sur le surcoût des OPEX, le chiffre de 123 millions d'euros ne représente que la régénération du potentiel technique. Les vrais besoins de l'armée de l'air, avec le carburant, le recomplètement des munitions et le MCO sont de l'ordre de 250 millions d'euros. Les AASM ont été particulièrement efficaces, mais il serait intéressant de disposer également de munitions moins onéreuses pour des cibles de faible valeur. Notre priorité pour l'instant c'est la régénération du potentiel technique. Il s'agit, soit dit en passant, également d'heures de travail pour nos industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Quel est l'état d'esprit des jeunes recrues dans les forces. Comment voient-ils l'avenir malgré les réductions d'effectifs ? Sont-ils patriotes ?

Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air - oui, ils se sont engagés complètement. Ils ont beaucoup d'espoir. Mais l'espoir ça s'entretient. Ils méritent d'être entendus.