Intervention de Michel Miraillet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 19 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission défense - programme environnement et prospective de la politique de défense - Audition de M. Michel Miraillet directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense :

Concernant les opérations de maintien de la paix sous mandat des Nations unies, on constate depuis longtemps déjà une sous-représentation des pays occidentaux. Plus de 80 % des contingents sont formés de soldats indiens, pakistanais ou bengalis, avec une forte progression de la participation chinoise. Cela soulève parfois des difficultés sur le plan opérationnel car on ne peut pas toujours attendre de ces soldats le même degré d'entraînement, de réactivité et d'engagement sur le terrain que la Légion étrangère... L'absence des pays européens est d'ores et déjà une difficulté qui fait peser une menace sur notre capacité à conserver, à l'avenir, le poste de secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix. Ces Européens ne sont aujourd'hui réellement présents qu'au sein de la FINUL II et l'on sent bien le peu d'appétence que génère pour ces Etats, souvent déjà présents depuis dix ans sur le théâtre afghan, la perspective d'engagements de longue durée sur des terrains aussi difficiles que la Somalie ou le Congo.

L'océan Indien restera sans conteste une zone de tensions fondamentale. Celui-ci constitue au demeurant un thème récurrent des discussions approfondies menées avec nos partenaires indiens dans le cadre du partenariat stratégique mené avec l'Inde depuis plusieurs années. Depuis trois ans, aucun des facteurs de tension décrits par le LBDSN qui incluaient la rivalité indo-pakistanaise et l'instrumentalisation par les services pakistanais de mouvements radicaux dans l'arc de crise, n'a diminué. La perspective de retrait des alliés d'Afghanistan en 2014 laisse aujourd'hui pendante la question de l'importance du contingent américain susceptible de rester et d'offrir l'assurance à Islamabad, face à sa fièvre obsidionale, que l'Afghanistan ne rentrerait pas dans l'orbite indienne. A ce titre, la conclusion de l'accord de partenariat entre Kaboul et Delhi aura sans doute été mal perçue par les Pakistanais, notamment dans la mesure où cet accord inclut un volet important de coopération militaire, pourtant circonscrit à la formation de l'ANA. Cet accord, qui s'inscrit dans le cadre d'une coopération économique très étroite entre les deux pays (2Md USD annuels d'aide indienne) et dont Delhi a cherché à limiter la visibilité, doit néanmoins être vu à l'aune des accords que sont en train d'élaborer Américains et Européens (dont la France) avec l'Afghanistan.

S'agissant de la situation en Afghanistan, je ne suis pas sûr qu'il y ait place à beaucoup d'optimisme, s'agissant d'un dossier dont la complexité n'échappe pas longtemps à l'observateur. L'offensive militaire américaine au Sud, le « surge » a certes donné des résultats, la formation de l'armée afghane produit d'incontestables résultats, mais la situation sécuritaire générale reste loin d'être stabilisée. La progression de l'insurrection dans le Nord, dans des zones où n'existe aucune base pashtoune, la multiplication des attentats de l'insurrection à Kaboul pour un bénéfice médiatique assuré, le soutien apporté à l'insurrection par le Pakistan, les lacunes, surtout, de la gouvernance afghane sont autant de motifs de préoccupation.

Plus que jamais, les questions fondamentales pour le succès de la transition demeureront celles du comportement futur du Pakistan (dont on voit mal, à ce stade, ce qui pourrait faire évoluer son appareil militaro-sécuritaire), mais aussi celle de savoir quelle sera la nature de la présence occidentale en Afghanistan après 2014, afin d'éviter que ne s'effondre un Etat afghan encore faible et que ne se reconstitue un havre du terrorisme. Jusqu'où voudrons-nous aller dans le soutien aux autorités afghanes et à quel prix ? Les accords de coopération, indispensables, sont en cours de négociation, mais, alors que les Américains assurent très largement le financement de l'armée et de la police afghanes, le retrait, en 2014, va poser la question d'une répartition entre alliés d'une charge financière considérable.

Vous avez évoqué la situation du conflit israélo-arabe, et notamment la situation à Gaza et la poursuite de la colonisation. Ce sont là des situations tragiques dont la solution passera par le règlement du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe dans son ensemble. Il s'agit là de l'un des rares problèmes dont nous connaissons parfaitement l'équation du règlement, mais où toujours la volonté politique a jusqu'ici fait défaut. La question palestinienne et son règlement demeurent un point majeur, notamment dans la mesure où celle-ci joue une fonction véhiculaire pour tous les extrémistes islamiques. Pour autant, je reste convaincu de ce que la question iranienne constitue une urgence d'une toute autre nature.

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