Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 19 octobre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OTAN
  • alliance
  • libye
  • militaire
  • États-unis

La réunion

Source

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission Défense).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je suis très heureux, Monsieur le directeur, de vous accueillir à nouveau devant cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien.

Je rappelle à nos nouveaux collègues, qu'en votre qualité de directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, vous êtes responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ». Ce programme regroupe notamment les crédits relatifs à l'analyse stratégique, la diplomatie et la recherche de défense, ainsi que des services en charge du renseignement de sécurité, qui bénéficient de la priorité reconnue à la fonction « connaissance et anticipation » par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Notre collègue Robert del Picchia a d'ailleurs présenté, dans un rapport d'information consacré à l'anticipation, la manière dont le ministère de la défense avait modifié son organisation dans ce domaine. Nous sommes donc très désireux de vous entendre nous présenter les principales évolutions du programme 144, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

J'aimerais, si vous en étiez d'accord, que nous élargissions le cadre de cette audition budgétaire pour vous interroger sur votre perception des changements qui sont intervenus depuis 2008 et sur les conséquences qu'il peut en résulter pour notre pays. Depuis la publication du Livre blanc sur la politique de défense et la sécurité nationale, en 2008, le contexte stratégique international a beaucoup évolué. A l'initiative du Président de la République, une actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc vient d'être lancée, sous l'autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationales (SGDSN), M. Francis Delon, qui devrait s'achever à la fin de l'année et à laquelle le Parlement devrait être associé. Notre commission, qui a déjà beaucoup travaillé et publié sur des questions qui intéresseront la revue du Livre blanc en 2012, a décidé de charger certains de ses membres de suivre les travaux du SGDSN. Dans ce contexte, peut-être pourriez-vous nous présenter également votre analyse des principales modifications de notre environnement stratégique et leurs conséquences sur la préparation de nos capacités futures.

Debut de section - Permalien
Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

Je me présente devant votre commission pour la cinquième fois afin de me livrer à l'exercice annuel qui doit vous permettre, puisque c'est son but, d'apprécier la cohérence entre les choix budgétaires opérés pour 2012 au sein du programme 144 à partir de la stratégie définie par le ministre de la défense.

La stabilité que je viens de souligner dans ces fonctions de responsable de programme me donne évidemment un certain recul pour apprécier le développement et l'ancrage de cette politique publique, dont les objectifs et les prestations, désormais stabilisées, visent à éclairer le ministère sur l'environnement national et international, présent et futur, en matière de sécurité et de défense.

Ce programme 144 porte quatre des cinq domaines de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », sur lesquels l'effort sera résolument maintenu en 2012 en dépit des difficultés liées à la crise financière.

Le projet de budget qui vous est soumis traduit très concrètement cette volonté. Stabilité apparente qui n'empêche pas le programme 144 de s'inscrire résolument dans le mouvement de réforme du ministère, puisque, depuis sa création, d'importantes réorganisations et mesures d'optimisations y sont conduites. Je citerai à titre d'exemples : le réseau diplomatique, le contrôle des armements, la prospective sous toutes ses facettes...

Comme vous le savez, ce programme budgétaire, organisé de manière très originale, suppose, pour son responsable, une démarche continue d'animation, de coordination et d'orientation sur l'ensemble des services et des acteurs institutionnels qui participent à ses missions.

Ce pilotage contribue directement à la gouvernance du ministère et à l'efficacité de son action dans des domaines très divers, mais tous cohérents entre eux : relations internationales, compréhension de l'environnement stratégique, prospective, soutien et contrôle des exportations d'armement, consolidation de la base industrielle et technologique de la défense, lutte contre la prolifération...

J'aborderai successivement les perspectives de fin de gestion 2011 et les grands choix opérés pour le projet de loi de finances pour 2012.

Comme à l'accoutumée, j'esquisserai d'abord un rapide aperçu des conditions dans lesquelles devrait s'achever la fin de l'exercice 2011, compte tenu des éléments prévisionnels dont dispose aujourd'hui le programme.

L'exécution de l'exercice 2011 se réalise, en ce qui concerne le titre 2 (dépenses de personnel), conformément aux règles de gestion prévues par la loi de finances initiale.

Sur le plan budgétaire, et à l'échelle du programme, les ressources financières mises en place seront entièrement consommées et les dépenses ne devraient excéder que d'un peu plus de 1 % la dotation prévue par la loi de finances initiale.

Sur le plan des effectifs, le comparatif entre le plafond ministériel des emplois autorisés, soit 8 672,5 emplois, et l'effectif moyen réalisé, qui retrace la moyenne des effectifs payés pendant les 12 mois de l'exercice, soit 8 635 équivalent temps plein travaillé, est conforme aux règles prévues par la LOLF.

En matière d'effectifs, je signalerai simplement que la DGSE, malgré la situation très tendue que connaît le ministère, a pu réaliser les 162 créations d'emplois prévues dans le cadre de la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation » et accompagner ainsi l'augmentation de ses capacités opérationnelles telles que prévues par le Livre blanc. Cette priorité fixée au programme est donc strictement respectée.

Pour les autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 181 millions d'euros et payer 1 164 millions d'euros, hors consommation de la réserve de précaution, qui représente à ce jour environ 51,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 49,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Du fait de la technique budgétaire, la bonne tenue de l'objectif d'engagement de 1 181 millions d'euros d'engagement repose sur une levée intégrale de la réserve de précaution en AE.

Comme les années précédentes, au niveau des paiements, l'enjeu de la fin de gestion 2011 réside dans la levée de la réserve organique et l'autorisation du programme à consommer les reports de crédits 2010 (18,1 millions d'euros environ) afin de limiter le report de charges à la fin de l'année 2011. Une levée de la réserve complète associée à une autorisation à consommer les reports donnerait une capacité de paiement de 1 213 millions d'euros.

Le programme 144 va par ailleurs disposer des ressources du compte d'affectation spéciale « Fréquences » pour un montant de 50 millions d'euros, qui, comme vous le savez, sont affectées aux études amont.

Il convient de souligner que la non-levée de la réserve de précaution en CP aurait des incidences sur la « soutenabilité » de ces études amont, dont les paiements s'étalent sur plusieurs années, affectant ainsi l'objectif de stabilisation du périmètre budgétaire de ces études à hauteur de 650-700 millions d'euros par an.

Quoi qu'il en soit, le programme prend à son niveau les mesures nécessaires et mobilise la totalité des acteurs afin de consommer la totalité de la ressource, se fixant pour objectif de limiter le montant des reports de crédits sur 2012 dans les limites autorisées par la loi organique.

J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2012.

Le détail des demandes de crédits exprimées par le programme 144 figure dans le programme annuel de performance (PAP) qui vient d'être déposé sur le bureau des assemblées. Je vous présenterai la synthèse des points les plus marquants du prochain exercice budgétaire.

En ce qui concerne le titre 2 (dépenses de personnel), les objectifs prioritaires en 2012 sont d'assurer les besoins en personnels des deux services de renseignement. Il s'agit, d'une part, d'assurer la réussite de l'annuité correspondante de montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation » et de parvenir au recrutement d'agents correspondant au volume des postes ouverts par la DGSE, d'autre part, de permettre à la DPSD de recruter les cadres civils et militaires lui permettant d'améliorer ses capacités opérationnelles.

C'est pourquoi, le programme 144 présente une évolution des dépenses de personnel entre 2011 et 2012 de + 5 %. Cette augmentation des crédits, je tiens à le souligner, porte essentiellement sur les catégories de dépenses directement liées à la rémunération.

Examinée action par action, l'évolution des ressources présente les caractéristiques suivantes :

- l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » varie peu entre 2011 et 2012 tant au niveau financier qu'à celui du périmètre physique.

La progression sensible du programme en masse salariale et en emplois ouverts est essentiellement rattachable à sa composante « Renseignement extérieur ». L'amélioration des capacités opérationnelles demandées à la DGSE se traduit en effet par une augmentation de 22,86 millions d'euros de masse salariale.

La DPSD bénéficie également d'une augmentation de ses crédits de rémunération de 4 millions d'euros, augmentation destinée à rattraper la sous-dotation budgétaire observée en 2011 et à accompagner ses projets de recrutement de cadres civils et militaires de haut niveau ainsi que l'arrivée de nouveaux officiers brevetés ;

- les actions 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » et 5 « Soutien aux exportations » baissent en valeur du fait des transferts sortants vers le programme 146 dans le cadre de la réorganisation des fonctions de soutien de la DGA.

Enfin, la diplomatie de défense bénéficie, en 2012, d'une variation positive de ses crédits de 3,9 millions d'euros pour couvrir les mesures catégorielles prévues pour les militaires et le poids de dépenses de personnel dans certains postes permanents à l'étranger.

De mon point de vue de responsable budgétaire, toutes les actions du programme 144 doivent donc être considérées comme prioritaires parce qu'elles répondent à l'impératif actuel de connaissance, d'anticipation et de coordination stratégique. La démarche prospective, qui permet notamment, par la détection de signaux précurseurs, d'anticiper les risques et les menaces, mais aussi les opportunités internationales pour les intérêts français et européens, constitue son élément fédérateur, parallèlement à la connaissance des zones d'opérations potentielles. Plus que jamais, en effet, le besoin de vision commune, du partage et de scénarisation de la complexité oblige à cet exercice délicat et risqué.

Comme je vais maintenant le détailler, ce projet de budget, en dépit des difficultés de moment, doit permettre de maintenir ce cap.

Ainsi, les crédits demandés pour 2012 hors titre 2 du programme 144 s'élèvent à 1 315 millions d'euros en AE et 1 201 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 44 millions d'euros en AE et une diminution de 20,5 millions d'euros en CP.

Je souligne que ces mouvements touchent la totalité des actions, l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » étant concernée de manière marginale.

La légère augmentation des AE (+ 0,83 million d'euros) et des CP (+ 0,40 million d'euros) de l'action 1 « Analyse stratégique » est localisée au niveau des études prospectives et stratégiques (EPS) et des subventions accordées aux publications de recherche stratégique. Elle illustre la priorité donnée à la fonction « connaissance et anticipation » et la poursuite de la politique décidée en 2009 pour les EPS. Les dix principaux axes d'effort retenus en 2011 sont reconduits.

Les grands axes autour desquels s'articuleront les activités de l'action 2, en matière de prospective des systèmes de force, s'inscrivent dans la continuité des réflexions et des orientations issues du Livre blanc et prennent en compte les derniers travaux de prospective et de préparation du futur, en lien direct avec la dernière version de plan prospectif à 30 ans.

L'augmentation des AE (+ 26,2 millions d'euros) de l'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement » traduit les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la poursuite de la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation ». Cette hausse concerne la seule DGSE, à hauteur de 26,6 millions d'euros. Les crédits de fonctionnement (titre 3) augmentent de 14,2 millions d'euros et les crédits d'investissement (titre 5) de 12,4 millions d'euros. L'accroissement des crédits de fonctionnement est notamment la conséquence de l'élévation de la consommation électrique liée à la montée en puissance des équipements des nouvelles salles informatiques, de la hausse des coûts des différentes maintenances dédiées au maintien en condition des structures, en raison de l'accroissement des surfaces à entretenir, et à la mise en oeuvre de matériels informatiques supplémentaires, ainsi que de l'augmentation des coûts de communications liés, d'une part, aux évolutions technologiques et à la hausse des débits permettant de rapatrier les interceptions et/ou les liaisons spécialisées et, d'autre part, aux échanges avec les opérationnels sur zone de crise.

De plus, conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE poursuit la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement. Ces efforts sont toutefois atténués par l'augmentation des effectifs qui engendre, mécaniquement, une hausse des dépenses de fonctionnement afférentes (surfaces d'accueil, entretien, formation, recrutement).

Pour ce qui relève des investissements (titre 5), le renforcement des effectifs de la DGSE, lié à la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation », impose tout naturellement de prévoir une infrastructure d'accueil des agents, dimensionnée en conséquence et offrant un environnement technique adéquat pour exercer leurs missions.

Par ailleurs, ce service poursuit, sur le plan des équipements techniques, l'acquisition de certains matériels nécessaires au soutien de ses activités.

Globalement, les crédits de paiement concernant les investissements (titre 5), qui représentent 136,4 millions d'euros, diminuent de 17 millions d'euros en 2012, mais cette baisse apparente des ressources est compensée par des financements extérieurs de l'ordre de 63 millions d'euros dans le cadre de deux grands projets interministériels.

Les crédits de la DPSD augmentent de 0,33 million d'euros, malgré des économies réalisées sur les charges de fonctionnement, car cette entité finance le projet « Synergie pour l'optimisation des procédures d'habilitation des industries et de l'administration » (SOPHIA). Le maintien à haut niveau du système d'information et de sécurité du service de renseignement constitue une des priorités du programme.

L'augmentation des AE de l'action 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » (+16,9 millions d'euros) concerne essentiellement les études amont (+25,5 millions d'euros), plus spécifiquement les études amont « nucléaire ». Cette hausse traduit la volonté de maintenir la crédibilité de la dissuasion, qui est une priorité forte inscrite dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. A noter, également que les études amont nucléaires comprennent, depuis le projet de loi de finances pour 2011, en AE et CP, les technologies communes.

Les crédits de paiement des études amont enregistrent une diminution de 12,21 millions d'euros (soit un léger recul de 1,90 % par rapport à 2011). De même que l'année dernière, le projet de loi de finances pour 2012 illustre la priorité accordée aux études amont « classique » et « nucléaire » en l'absence de projet majeur, à proche échéance, sur les études amont « espace », et traduit la volonté de maintenir le niveau des 700 millions d'euros affiché depuis plusieurs années.

La diminution tant en AE qu'en CP (- 9,8 millions d'euros) des crédits des opérateurs (écoles de la DGA et ONERA), dont les crédits passent de 257,6 millions d'euros à 247,8 millions d'euros est principalement causée par la révision à la baisse du montant de la subvention (les contrats d'objectifs et de moyens doivent être renouvelés cette année).

Conformément aux directives du Premier ministre, la subvention à ONERA a été amputée de 8 millions d'euros, à la suite du changement de régime fiscal de cet opérateur. Les dépenses de fonctionnement courant des opérateurs supportent la totalité de la réduction de la subvention pour charge de service public versée en 2012. Par ailleurs, le principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux y est mis en oeuvre.

La diminution des autorisations d'engagement (- 0,95 million d'euros) et des crédits de paiement (-0,51 million d'euros) de l'action 5 « Soutien des exportations » concerne essentiellement la promotion des exportations (le coût des salons Eurosatory et Euronaval sera moindre que celui du Bourget) et les postes permanents à l'étranger auxquels des économies ont été demandés.

Enfin, le réseau de diplomatie de défense, profondément réorganisé depuis 2008, continuera de faire l'objet de mesures d'adaptation nécessaires pour répondre, dans les meilleures conditions, aux actions de relations internationales menées dans le cadre de la gestion des crises.

L'augmentation des crédits de paiement (+ 2,85 millions d'euros) de l'action 6 « Diplomatie de défense » concerne essentiellement la contribution versée au gouvernement de la République de Djibouti, à hauteur de 1,2 million d'euros, et les budgets alloués aux postes permanents à l'étranger (PPE) pour un montant de 1,45 million d'euros.

Après cette présentation du programme 144 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, je souhaiterais maintenant répondre à votre question, Monsieur le Président, sur les principaux changements stratégiques survenus depuis 2008.

Tout d'abord, je voudrais dire que le ministère de la défense, et la direction des affaires stratégiques en particulier, ont cherché à anticiper l'initiative prise par le Président de la République, le 29 juillet dernier, de lancer une réflexion interministérielle sur l'actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.

Au sein, notamment, du Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP), la direction des affaires stratégiques (DAS), en liaison avec l'état-major des armées, la direction générale pour l'armement (DGA), le secrétariat général de l'administration (SGA) et les autres services concernés du ministère de la défense, se sont livrés, depuis un an, à un exercice de relecture du document élaboré par la commission présidée par Jean-Claude Mallet afin d'en définir les constances mais aussi les impasses ou les oublis.

Vous savez qu'une réflexion interministérielle est aujourd'hui conduite sous l'autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, qui doit conduire à l'adoption d'un document interministériel d'orientation stratégique, lors d'une réunion du Conseil de défense et de sécurité nationale, qui se tiendra à la fin de l'année 2011. Ce document, qui sera rendu public, devrait structurer aussi largement que possible l'analyse des choix capacitaires qui sera présentée dans l'édition 2012 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Il ne m'appartient pas de m'étendre sur l'état actuel des travaux en cours, sur lesquels le secrétaire général serait sans doute mieux placé que moi pour répondre, mais quelques constats simples de rupture peuvent aisément être d'ores et déjà identifiés.

Parmi ceux-ci, deux me paraissent fondamentaux : la crise économique et financière, d'une part, et l'évolution de la situation au Maghreb et au Moyen-Orient depuis ce qu'il est convenu d'appeler le « printemps arabe » de 2011.

La crise économique et financière, et ses conséquences, notamment pour les pays de la zone euro, n'aura fait qu'accentuer le risque, déjà prégnant dans un contexte de réduction des dépenses publiques, d'une réduction drastique des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires et alliés européens. Les appels à maintenir l'effort de défense de l'ancien secrétaire d'Etat américain Robert Gates et, aujourd'hui, les avertissements de son successeur, Leon Panetta, n'auront eu, au fond, aucun impact. Déjà peu élevé, l'effort de défense des pays européens est en voie de s'effondrer chez nombre de nos partenaires, incapables, dans le contexte actuel de crise de l'endettement public, de faire face à leurs obligations. Plus que jamais, seuls, la France et le Royaume-Uni en Europe paraissent encore animés, malgré les difficultés, par le souci de maintenir leur effort de défense, alors même que c'est à une accélération du processus de contraction des crédits de fonctionnement comme d'investissement que l'on assiste en Europe centrale ou chez nos partenaires d'Europe occidentale.

Certes, cette tendance forte à la diminution de l'effort de défense en Europe, contrairement à la situation constatée en Asie, existait déjà avant 2008. Ce phénomène s'est accéléré avec la crise financière, dans des conditions insoupçonnées, avec pour conséquence la question des moyens dont pourront bénéficier l'Alliance ou la défense européenne et donc la réalité de leurs futures capacités opérationnelles, sans parler de leur volonté politique à intervenir, comme l'a amplement souligné le dossier libyen.

Alors qu'au cours des dernières années, seule l'Europe apparaissait contrainte par ces perspectives, la période qui s'annonce pourrait bien être très directement marquée par l'incertitude qui pèse aujourd'hui sur l'ampleur réelle de la réduction annoncée de l'effort militaire des Etats-Unis entre 2012 et 2020. Il s'agit là, à bien des égards, d'un point fondamental, si l'on considère que la diminution par deux, en moins de dix ans, du budget du Pentagone, c'est-à-dire à hauteur des niveaux budgétaires dont bénéficiaient les armées américaines avant les conflits irakien et afghan, n'est, semble-t-il, et de loin, que la fourchette basse de la purge budgétaire qui s'annonce pour le budget de la défense américain, sous la contrainte de l'effort de réduction de la dette des Etats-Unis.

Les chiffres avancés par certains experts concernant la réduction de cet effort, qui vont de 450 à 700 milliards de dollars sur la période, soulignent d'ores et déjà l'ampleur que pourrait avoir cette éventuelle diminution des dépenses militaires américaines. Certains scenarios de centres de recherche américains, proches du Pentagone, comme le CSBA, évoquent même des économies supérieures à 1 000 milliards de dollars sur la période.

Une diminution d'une telle ampleur des dépenses militaires américaines, on le comprend, risque d'avoir de lourdes conséquences en termes de capacités opérationnelles, y compris dans les zones traditionnelles de présence américaine, de renouvellement des équipements et de soutien aux alliances.

Face à une réduction d'une telle ampleur de leur effort de défense, les Etats-Unis devront faire des choix. Quels seront-ils ? Il est encore trop tôt pour le dire mais il est difficile d'imaginer que l'Europe demeure, à l'avenir, l'une des priorités de Washington, face au caractère plus prégnant des menaces pesant sur le golfe arabo-persique ou sur l'Asie du Nord ou du Sud, dans un contexte marqué par l'affirmation continue et de plus en plus autoritaire d'une puissance chinoise chaque année un peu plus crédible (développement des capacités sous-marines du missiles DF21D...). Dans un contexte de réduction drastique des budgets, le concept « Air/See battle » développé par l'armée américaine sera-t-il toujours susceptible d'être mis en oeuvre face aux tentatives de stratégie de déni d'accès développées (et c'est bien là aussi une évolution depuis 2008) par certains Etats ? Face à ce constat, l'effondrement des capacités militaires conventionnelles russes, nonobstant l'effort de modernisation et de professionnalisation mené, risque de peser lourd dans les choix de Washington, posant la question de la crédibilité de la présence, dans un avenir plus ou moins proche, de quatre brigades américaines en Europe.

Cette réduction des dépenses militaires américaines ne doit pas être uniquement perçue en termes d'assurances de sécurité pour l'Europe et d'engagement beaucoup plus limité à l'avenir des Américains derrière les Européens dans le fil du conflit libyen. Nous devons rester conscients du fait que la contraction des commandes de l'industrie américaine de défense, conjuguée à la baisse des budgets de la défense chez la plupart des pays européens, se traduira par de fortes tensions et une concurrence accrue sur le marché européen de la défense, voire une tentation renouvelée de nos alliés d'en finir avec la BITDE européenne. Cette pression n'est pas à attendre. Nous la subissons aujourd'hui au sein de l'Alliance autour de la douzaine de programmes capacitaires jugés majeurs lors du sommet de Lisbonne.

La deuxième rupture fondamentale par rapport au paradigme décrit en 2008 concerne à l'évidence l'évolution du monde arabe, depuis ce « printemps arabe » dont l'issue est encore bien floue. Nous ne pouvons naturellement que nous féliciter des processus engagés. Mais l'incertitude demeure encore sur bien des dossiers et ceux-ci devraient encore marquer durablement notre environnement immédiat en tant que puissance méditerranéenne : avenir de la Libye après la chute du régime de Kadhafi, attente d'une stabilisation politique en Egypte et du retour de l'armée dans ses casernes, poursuite dans la dignité des réformes démocratiques au Maghreb, résolution de la crise syrienne, relance du processus de paix.... Jamais les contraintes n'ont été aussi nombreuses et les situations aussi volatiles, à l'image d'un Yémen dont la fragilité et les risques majeurs que celle-ci induit pour le développement d'Al Qaida, doivent aujourd'hui nous interpeller.

Au-delà de cette présentation trop rapide, quels sont, brièvement, les autres changements ou tendances importants constatés depuis 2008 ?

On peut d'abord s'interroger sur le fait de savoir si le terrorisme est toujours le principal facteur structurant de l'analyse stratégique aujourd'hui. Non pas que la menace ait diminué, bien au contraire, et le développement d'AQMI et d'AQPA est là pour nous le rappeler. Mais la lutte contre le terrorisme doit-elle toujours occuper, dans le cadre de la révision de l'analyse stratégique menée actuellement, la place centrale qu'elle avait revêtue lors de la rédaction du Livre blanc de 2008 ? On peut s'interroger sur ce point.

Cet aspect soulève également la question de la pertinence du concept de l'« arc de crise », de Kandahar à Dakar, qui avait été développé dans le Livre blanc de 2008, et qui était, à l'époque, étroitement lié à la menace terroriste.

Pour ma part, ce concept d'« arc de crise » reste valable : ses facteurs explicatifs se sont étendus comme son espace géographique, avec notamment les tensions renouvelées entre les deux Corée, la réapparition des crispations territoriales en Mer de Chine du Sud comme du Nord. Ces tensions alimentent la forte augmentation des dépenses militaires des pays de la région, dont certains budgets frôlent des taux de croissance parfois supérieurs à 7 % De la même façon, les crises de prolifération ne se sont pas taries, bien au contraire, à l'image du dossier iranien ou nord coréen. Alors que la révélation par ce dernier de son programme d'enrichissement pose bien des questions sur la dimension réelle de celui-ci, le refus de l'Iran de se soumettre aux quatre résolutions votées par le Conseil de sécurité, de stopper l'accumulation de matières fissiles et d'arrêter un programme d'enrichissement dont on voit mal quelle pourrait en être la finalité civile, constitue un sujet majeur de préoccupation qui devrait continuer à marquer profondément l'architecture de sécurité régionale et au-delà .

Parmi les autres évolutions ou ruptures, il convient enfin de mentionner également la poursuite de la mondialisation, avec son impact sur le contrôle des flux, toujours plus difficiles et porteurs de menaces potentielles, qu'il s'agisse des flux maritimes ou du cyberespace, avec le développement inquiétant des phénomènes de piraterie maritime ou de piraterie informatique, sous-tendus par la volonté délibérée de certains Etats.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je voudrais vous poser quatre questions.

Je souhaiterais d'abord savoir quelles ont été les conséquences du retour plein et entier de la France dans l'ensemble des structures et organes de l'OTAN en termes d'effectifs insérés dans les états-majors et en ce qui concerne son impact financier. Plus généralement, pensez-vous que ce retour a réellement permis de renforcer l'influence française au sein de cette organisation ?

Alors que la présidence polonaise de l'Union européenne s'était fixé des objectifs très ambitieux, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur l'état actuel et les perspectives de l'Europe de la défense, qui semble en stagnation, comme l'ont montré les désaccords entre les Etats-membres sur l'intervention en Libye ?

Vous avez évoqué dans votre intervention le programme nucléaire iranien, mais pourriez-vous nous parler de l'attitude de l'Arabie Saoudite, qui, selon certains, cherche également à se doter de l'arme nucléaire, sans toutefois susciter autant de réactions que l'Iran. Disposeriez-vous d'informations à ce sujet ?

Enfin, pourriez-vous nous faire le point sur la cyberdéfense, qui était l'une des priorités du Livre blanc de 2008. Où en sommes-nous exactement ? Est-ce que nos efforts ont progressé dans ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

J'ai trois questions à vous poser.

Pourriez-vous, Monsieur le directeur, nous faire le point sur l'évolution du réseau des attachés de défense et, plus généralement, sur les principaux axes de notre coopération militaire ? Quelles sont les zones prioritaires et comment se passe la réorganisation de notre dispositif ? Quelle est l'ampleur des diminutions d'effectifs ?

Comment expliquer la diminution des crédits destinés à soutenir nos exportations, dans un contexte marqué par une forte concurrence internationale ?

Enfin, pourriez-vous nous présenter un premier bilan de la création du Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense, que vous nous aviez présenté l'an dernier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Je souhaiterais, pour ma part, vous interroger sur deux points. D'une part, que pensez-vous du rôle croissant joué par la Turquie dont l'influence ne semble plus se limiter à sa zone traditionnelle, mais qui représente désormais un modèle pour beaucoup de pays du Maghreb et du Moyen-Orient ? Ne pensez-vous pas que l'importance croissante de ce pays important devrait nous conduire à modifier notre attitude et à renforcer notre coopération avec la Turquie ? D'autre part, je m'interroge sur l'avenir de la situation en Libye après la chute du régime de Kadhafi, et notamment sur les risques d'un renforcement en hommes ou en matériels des mouvements islamistes au Sahel, comme AQMI, alors que l'on constate une certaine ambigüité des autorités algériennes.

Debut de section - Permalien
Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

La réintégration pleine et entière de la France dans l'ensemble des structures et organes de l'OTAN, qui se traduit par la présence aujourd'hui d'environ 8 à 900 de nos officiers insérés dans les différentes structures a, certes, eu un coût financier et humain. Mais elle s'est traduite par un sensible renforcement de notre présence et de notre influence, dont l'intérêt a d'ailleurs été démontré lors de l'intervention de l'OTAN en Libye, qu'il s'agisse de la chaîne de commandement ou des aspects relatifs au renseignement, où la présence de hauts officiers français a été non seulement bénéfique mais fondamentale. Au sein du Conseil de l'Atlantique Nord, où la présence et l'influence de la France ont toujours été fortes, cette réintégration n'a pas entraîné un prétendu alignement de notre pays sur la position des Etats-Unis. Nous défendons nos intérêts au sein de l'Alliance et notre vision de celle-ci. Nos partenaires, du reste, ne s'y trompent pas. Notre réintégration a permis de renforcer notre influence au sein de l'organisation.

L'intervention de l'OTAN en Libye a aussi démontré la pertinence de la réforme des structures de commandement de l'Alliance et de la réforme de la gouvernance financière de celle-ci, que nous avons voulue et soutenue. L'expérience libyenne a d'ailleurs montré à quel point notre ambition en faveur d'une structure plus réduite, professionnelle et reposant sur le principe de sélectivité des personnels engagés s'était révélée pertinente.

S'agissant de la défense européenne, après une période marquée par d'importants progrès institutionnels, depuis la déclaration franco-britannique de Saint-Malo en 1998, nous sommes aujourd'hui entrés dans une période moins propice à des avancées sur la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). La consolidation de la PSDC, après une phase de construction d'une petite dizaine d'années qui a vu la mise en place de structures, comme l'état-major et le comité militaire de l'Union européenne, des groupements tactiques et le lancement de plusieurs opérations, passe aujourd'hui, plus que jamais, par la multiplication des opérations de l'UE, nonobstant le « conflit gelé » actuel sur l'OHQ à Bruxelles. Ainsi, peut-on regretter l'absence de l'Union européenne lors de l'intervention en Libye : au-delà des aspects humanitaires, celle-ci aurait été tout aussi capable d'assurer l'opération maritime de contrôle de l'embargo sur les armes. Il est vrai que l'on peut regretter l'absence de véritable centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne, en raison de l'opposition dogmatique du Royaume-Uni sur ce point. Mais tel est le monde réel. Toutes les déclarations confirment qu'il est illusoire de s'attendre prochainement à un changement de la position britannique sur cette question. En revanche, il est important, comme l'ont fait la présidence polonaise et nos partenaires allemands, de rappeler à nos alliés d'outre-Manche, qu'ils sont seuls dans leur positionnement au sein de l'UE... car je suis certain qu'à la lumière de l'expérience des nombreuses opérations de l'Union européenne, la nécessité d'un renforcement du centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne finira bien par s'imposer, y compris chez nos amis britanniques, puisqu'il s'agit là d'une garantie d'efficacité militaire. La question qui se pose aujourd'hui, dans un contexte marqué par la diminution des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, comme l'Espagne, l'Italie ou les Pays-Bas, en raison de la crise économique et financière, est celle de savoir si l'Union européenne sera toujours en mesure, à l'avenir, de lancer des opérations militaires et si elle aura les capacités pour le faire. Ainsi, même si l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes a incontestablement permis de stabiliser la situation dans cette zone, les réticences ou l'opposition de nombre de nos partenaires européens à étendre cette opération par des actions de formation à terre des soldats somaliens ou de garde-côtes ne permettent pas de mettre un terme au phénomène. Pire, elles entraînent un effet pervers sous la forme du développement considérable du recours à des sociétés militaires privées par les armateurs, c'est-à-dire à une sorte de « privatisation » de la sécurité maritime, qui, à terme, pourrait se révéler assez inquiétante. Il y aura bientôt plus de 60 sociétés militaires privées, qui ont d'ailleurs leur siège dans un pays proche du nôtre, et treize bâtiments déclassés de la marine suédoise et norvégienne, affrétés par des sociétés militaires privées, déployés dans cette zone pour lutter contre la piraterie maritime. Comment penser que ces institutions soient de nature à éradiquer un phénomène qui constitue leur fond de commerce ?

S'agissant de la cyberdéfense, comme vous l'avez signalé Monsieur le rapporteur, un important effort a été réalisé dans ce domaine, sous l'autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, avec notamment la création de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

L'intérêt de l'Arabie Saoudite pour le nucléaire n'est pas une nouveauté. Il s'inscrit très directement dans la perception qu'a le Royaume, Etat signataire du TNP, de sa sécurité et des garanties dont il dispose. Si, de fait, ce pays entretient depuis longtemps des liens étroits avec le Pakistan, et est aujourd'hui considéré par bien des observateurs comme l'un des principaux financiers du programme lancé par Ali Bhutto, nous devons conserver à l'esprit que les rumeurs autour de « tentations » nucléaires saoudiennes s'expliquent exclusivement par la perception d'une menace iranienne dont les travaux de l'AIEA où, par exemple, les dernières révélations concernant le site clandestin de Qom, ont renforcé, année après année, l'acuité. On voit d'ailleurs bien là les limites d'une éventuelle politique d'apaisement (« containment ») des pays occidentaux à l'égard de la poursuite du programme nucléaire militaire par l'Iran, qui est parfois évoquée par certains observateurs. Le programme nucléaire iranien constituerait une remise en cause de l'ordre international et du régime de non-prolifération avec des conséquences mondiales incalculables : course aux armements, tentation des pays de la région de renoncer aux engagements souscrits à travers le TNP, etc... La question qui demeure est donc de savoir si les Etats-Unis et les pays européens seront en mesure de mettre un terme, le moment voulu, à la volonté des dirigeants iraniens à vouloir se doter de l'arme nucléaire, comme semble le montrer l'accélération de l'enrichissement de l'uranium en Iran, de façon à rassurer l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe. C'est là tout le sens des sanctions internationales et unilatérales imposées à l'Iran.

Concernant la diplomatie de défense et le réseau des attachés de défense, il est vrai que certains postes d'attachés de défense ont été supprimés, mais le réseau a surtout été rationalisé et réorganisé. Cette réorganisation est conduite sous la direction d'un inspecteur général des armées en étroite liaison avec le ministère des affaires étrangères et en concertation avec l'ensemble des services concernés du ministère de la défense. Grâce à la mutualisation de certaines fonctions de soutien avec les ambassades, en matière de secrétariat et de comptabilité, par exemple, nous avons pu supprimer plusieurs postes, mais nous avons aussi renforcé des postes d'attachés de défense dans certains pays, en ouvrant désormais, comme à Singapour ou en Suède, ces fonctions à des ingénieurs de l'armement. A l'inverse, lorsque certains pays réduisent fortement leurs dépenses militaires, à des niveaux tels que ceux-ci donnent le sentiment qu'ils auront des implications fortes pour notre relation bilatérale, nous réfléchissons à la possibilité de supprimer ces fonctions et à les faire assumer par l'attaché de défense d'une ambassade limitrophe. Nous envisageons ainsi de supprimer l'an prochain le poste d'attaché de défense à Prague.

La diminution des crédits destinés à soutenir nos exportations s'explique uniquement par des raisons conjoncturelles, qui tiennent au coût moindre de l'organisation des salons d'armement en 2012.

Enfin, le Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense est un vrai succès. C'est un lieu qui permet de réunir la direction des affaires stratégiques, l'état major des armées, la direction générale pour l'armement et les autres services concernés du ministère de la défense pour réfléchir aux évolutions du contexte stratégique. C'est notamment grâce à ce comité que le ministère de la défense a pu s'organiser aussi rapidement pour contribuer à la réflexion sur l'actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc, conduite sous l'autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, en constituant très rapidement six groupes de travail et en soumettant des contributions au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, à la différence de ce qui s'était passé lors de l'élaboration du Livre blanc en 2008, où le ministère de la défense n'avait peut être pas été assez préparé à cet exercice.

Au sein de ce comité, nous surveillons aussi les priorités en matière d'études et de recherches, le pilotage de l'IRSEM, et nous procédons à une évaluation des résultats.

Dans ce cadre, nous travaillons aussi à l'élaboration d'un document intitulé « horizons stratégiques », qui devrait être publié début janvier, après l'actualisation de l'analyse stratégique, et dont vous recevrez un exemplaire.

Sur la Turquie, il est de notre intérêt de renforcer nos relations et notre coopération avec ce pays, notamment en matière militaire, compte tenu du rôle joué par Ankara au sein de l'Alliance, dans le Caucase, en Afghanistan et au Proche-Orient. Mais les discussions sont actuellement difficiles faute d'attitude réciproque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je voudrais revenir aux aspects relatifs à l'effort de recherche et technologie du programme 144 dont vous assurez la gestion.

Est-ce que les crédits d'études-amont sont sanctuarisés ? Y a-t-il eu des gels ou des annulations en 2011, par rapport aux crédits votés ? Est-ce que l'effort sera maintenu en 2012 ?

Qu'en est-il du démonstrateur du radar de longue portée ONERA de Thalès ? Est-ce que vous avez connaissance d'éventuelles discussions avec un pays du Golfe qui serait susceptible d'accueillir ce radar sur son territoire et de contribuer financièrement à ce programme ?

Enfin, quel est votre sentiment à propos des drones MALE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Dans votre intervention sur l'évolution de l'analyse stratégique vous n'avez pas évoqué la Russie, alors que ce pays est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et qu'il occupe une place importante sur la scène internationale.

Comment percevez-vous l'évolution de la Russie et son rôle, parfois ambigu, puisque parfois ce pays souhaite se rapprocher de l'Occident, mais qu'il se tourne aussi vers la Chine ou les autres puissances émergentes. Quelle devrait être, selon vous, notre attitude à l'égard de ce pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Je souhaiterais avoir davantage de précisions concernant le soutien aux exportations. Est-ce que ce soutien se limite à l'organisation de salons, comme Eurosatory, ou bien prend-il d'autres formes et lesquelles ?

Debut de section - Permalien
Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

En tant que responsable et gestionnaire du programme 144, je m'efforce de maintenir la « sanctuarisation » des crédits des études-amont à un niveau de 700 millions d'euros. C'est pour nous un plancher car les débats du Livre blanc de 2008 avaient montré tout l'intérêt de porter notre effort de recherche à un montant de l'ordre d'un milliard d'euros, pour renforcer par exemple notre effort de recherche dans le domaine spatial, alors que l'on constate l'absence de grand projet, malgré l'intérêt d'Astrium pour la défense anti-missiles. Force est toutefois de reconnaître que nous en sommes loin. Néanmoins, le souci de maintenir le montant de l'enveloppe consacrée aux études amont à son niveau de 700 millions d'euros est partagé par tous au ministère de la défense car c'est un élément fondamental pour les bureaux d'études.

Concernant la défense anti-missiles, nos priorités portent effectivement dans le cadre financier qui est le nôtre, sur le système d'alerte avancée, c'est-à-dire le satellitaire et le radar. Il s'agira là d'un élément important des arbitrages à venir, l'alerte avancée bénéficiant naturellement à la dissuasion. De fait, face à la contrainte budgétaire, si nous sommes en mesure d'intéresser certains de nos partenaires privilégiés au développement de capacités dont leur environnement régional leur rappelle tous les jours la nécessité, pourquoi nous en priverions-nous ?

S'agissant des drones MALE, leur acquisition, vous le savez, est une priorité du ministre de la défense. Dans l'attente de la réalisation du projet franco-britannique élaboré dans le cadre du traité de Lancaster House, la décision a été prise d'avoir recours à une capacité intérimaire sur la base du Héron TP. La crise libyenne a, de nouveau, montré le caractère fondamental de ces moyens qui participent de la fonction « connaissance et anticipation ».

La Russie demeure un acteur majeur sur la scène internationale, disposant d'une puissance conventionnelle qui, certes, n'est plus en grande partie que l'ombre de ce qu'elle fut au début des années 1980. Handicapée par ses problèmes démographiques et une conscription inadaptée, elle demeure une puissance influente, non seulement par ses alliances et son potentiel de dissuasion, même si celui-ci est aujourd'hui marqué par un vieillissement accéléré dont témoigne à lui seul le traité new Start. Son attrait et ses compétences dans le domaine du cyberespace ne sont plus à démontrer. Il suffit, en toute hypothèse, d'écouter nos amis baltes ou d'Europe centrale pour s'en convaincre.

Quelle doit être notre attitude vis-à-vis de la Russie ? Comme l'a indiqué le Président de la République, il est de notre intérêt de considérer la Russie comme faisant partie de l'Europe et d'engager ce pays, quelles que soient les réserves que nous inspirent ses méthodes, dans la coopération la plus large possible. Nous ne pouvons faire l'économie d'une concertation aussi étroite que possible avec la Russie sur une série de sujets internationaux, comme le nucléaire iranien (où l'unité du P5 +1 demeure essentielle mais que Moscou cherchera à nouveau à instrumentaliser) mais aussi la Libye ou le Moyen Orient (où la Russie a perdu récemment certains de ses marchés d'armement les plus profitables), même si nos intérêts ne convergent pas. S'agissant de la relation russo-chinoise, le sujet est complexe, empreint de rivalités en termes de positionnement sur la côte pacifique (le déploiement de navires de type Mistral peut s'interpréter comme la volonté de faire pendant à la croissance de l'activité de la marine chinoise dans la zone), mais aussi de craintes rarement publiquement exprimées face à la croissance démographique chinoise.

Enfin, s'agissant du soutien aux exportations, celui-ci recoupe, outre la participation aux salons d'armement, le rôle de la direction des affaires internationales de la direction générale pour l'armement (DGA) ou celui de sociétés spécialisées dans le soutien, comme DCI.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Vous n'avez pas non plus mentionné, dans votre intervention, l'Afghanistan. Alors que l'on s'oriente vers un retrait progressif des troupes américaines et européennes dans le cadre de la transition à l'horizon 2014, quelle est votre analyse de la situation de ce pays ?

Par ailleurs, vous avez évoqué longuement la menace que constituerait le programme nucléaire iranien, mais ne pensez-vous pas que la politique actuelle d'Israël, notamment avec le bouclage de Gaza et la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, constitue une menace bien plus sérieuse, réelle et immédiate pour la région ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Avec le concept de l'« arc de crise » développé par le Livre blanc de 2008, je crains que nous n'accordions pas assez d'importance au rôle joué par le Pakistan et à la rivalité croissante entre l'Inde et la Chine. Quelles seront, par exemple, les conséquences de la course aux armements entre l'Inde et le Pakistan, de l'accord de partenariat stratégique conclu récemment entre l'Afghanistan et l'Inde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Vous avez évoqué les conséquences de la diminution des budgets de la défense chez la plupart des pays européens en raison de la crise économique et financière en matière de capacités opérationnelles, notamment pour les opérations de l'OTAN ou de l'Union européenne. Ne faut-il pas craindre également un moindre engagement des pays européens dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies ?

Debut de section - Permalien
Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

Concernant les opérations de maintien de la paix sous mandat des Nations unies, on constate depuis longtemps déjà une sous-représentation des pays occidentaux. Plus de 80 % des contingents sont formés de soldats indiens, pakistanais ou bengalis, avec une forte progression de la participation chinoise. Cela soulève parfois des difficultés sur le plan opérationnel car on ne peut pas toujours attendre de ces soldats le même degré d'entraînement, de réactivité et d'engagement sur le terrain que la Légion étrangère... L'absence des pays européens est d'ores et déjà une difficulté qui fait peser une menace sur notre capacité à conserver, à l'avenir, le poste de secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix. Ces Européens ne sont aujourd'hui réellement présents qu'au sein de la FINUL II et l'on sent bien le peu d'appétence que génère pour ces Etats, souvent déjà présents depuis dix ans sur le théâtre afghan, la perspective d'engagements de longue durée sur des terrains aussi difficiles que la Somalie ou le Congo.

L'océan Indien restera sans conteste une zone de tensions fondamentale. Celui-ci constitue au demeurant un thème récurrent des discussions approfondies menées avec nos partenaires indiens dans le cadre du partenariat stratégique mené avec l'Inde depuis plusieurs années. Depuis trois ans, aucun des facteurs de tension décrits par le LBDSN qui incluaient la rivalité indo-pakistanaise et l'instrumentalisation par les services pakistanais de mouvements radicaux dans l'arc de crise, n'a diminué. La perspective de retrait des alliés d'Afghanistan en 2014 laisse aujourd'hui pendante la question de l'importance du contingent américain susceptible de rester et d'offrir l'assurance à Islamabad, face à sa fièvre obsidionale, que l'Afghanistan ne rentrerait pas dans l'orbite indienne. A ce titre, la conclusion de l'accord de partenariat entre Kaboul et Delhi aura sans doute été mal perçue par les Pakistanais, notamment dans la mesure où cet accord inclut un volet important de coopération militaire, pourtant circonscrit à la formation de l'ANA. Cet accord, qui s'inscrit dans le cadre d'une coopération économique très étroite entre les deux pays (2Md USD annuels d'aide indienne) et dont Delhi a cherché à limiter la visibilité, doit néanmoins être vu à l'aune des accords que sont en train d'élaborer Américains et Européens (dont la France) avec l'Afghanistan.

S'agissant de la situation en Afghanistan, je ne suis pas sûr qu'il y ait place à beaucoup d'optimisme, s'agissant d'un dossier dont la complexité n'échappe pas longtemps à l'observateur. L'offensive militaire américaine au Sud, le « surge » a certes donné des résultats, la formation de l'armée afghane produit d'incontestables résultats, mais la situation sécuritaire générale reste loin d'être stabilisée. La progression de l'insurrection dans le Nord, dans des zones où n'existe aucune base pashtoune, la multiplication des attentats de l'insurrection à Kaboul pour un bénéfice médiatique assuré, le soutien apporté à l'insurrection par le Pakistan, les lacunes, surtout, de la gouvernance afghane sont autant de motifs de préoccupation.

Plus que jamais, les questions fondamentales pour le succès de la transition demeureront celles du comportement futur du Pakistan (dont on voit mal, à ce stade, ce qui pourrait faire évoluer son appareil militaro-sécuritaire), mais aussi celle de savoir quelle sera la nature de la présence occidentale en Afghanistan après 2014, afin d'éviter que ne s'effondre un Etat afghan encore faible et que ne se reconstitue un havre du terrorisme. Jusqu'où voudrons-nous aller dans le soutien aux autorités afghanes et à quel prix ? Les accords de coopération, indispensables, sont en cours de négociation, mais, alors que les Américains assurent très largement le financement de l'armée et de la police afghanes, le retrait, en 2014, va poser la question d'une répartition entre alliés d'une charge financière considérable.

Vous avez évoqué la situation du conflit israélo-arabe, et notamment la situation à Gaza et la poursuite de la colonisation. Ce sont là des situations tragiques dont la solution passera par le règlement du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe dans son ensemble. Il s'agit là de l'un des rares problèmes dont nous connaissons parfaitement l'équation du règlement, mais où toujours la volonté politique a jusqu'ici fait défaut. La question palestinienne et son règlement demeurent un point majeur, notamment dans la mesure où celle-ci joue une fonction véhiculaire pour tous les extrémistes islamiques. Pour autant, je reste convaincu de ce que la question iranienne constitue une urgence d'une toute autre nature.

La commission auditionne M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission Aide publique au développement).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le directeur général, je vous souhaite la bienvenue pour cette audition sur les crédits placés sous votre responsabilité au sein de la mission interministérielle « Aide au développement ».

Je rappelle à la commission qu'en matière d'aide au développement, le Gouvernement peut s'appuyer sur deux directions : la direction générale de la mondialisation au Quai d'Orsay, la DGM dont nous entendrons le directeur demain, et la direction générale du Trésor du ministère des finances que vous dirigez.

À ce titre, vous êtes responsable du programme 110 « aide économique et financière au développement », qui représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'Etat.

Ce programme comprend, pour l'essentiel :

- la participation française aux institutions multilatérales de développement,

- la tutelle de l'AFD,

- la gestion des crédits de bonification mis à la disposition de cette agence ainsi que des crédits bilatéraux d'assistance technique et de traitement de la dette.

Parallèlement à cette fonction, d'autres « casquettes » vous amènent à traiter des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la zone Franc.

Ces différentes fonctions vous conduisent à intervenir dans le domaine de la stabilité macro-économique des pays en développement, dans le secteur des infrastructures, de la promotion du secteur privé et, plus récemment, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour cette audition, nous vous avons naturellement demandé une présentation globale du programme 110 « aide au développement » du projet de loi de finances pour 2012.

Avant cette présentation budgétaire et les questions qui en découleront de la part de nos rapporteurs et de l'ensemble des membres de la commission, je souhaiterais que vous nous indiquiez quels sont les avantages de l'organisation française de l'aide au développement par rapport à celle de ses homologues britanniques par exemple.

L'éclatement du dispositif de coopération française entre Bercy et le Quai d'Orsay comporte sans doute des inconvénients mais aussi des avantages. J'aimerais vous entendre sur ce point.

Pour prolonger cette comparaison avec nos collègues britanniques, je souhaiterais que vous nous dressiez une comparaison entre les caractéristiques des politiques respectives dans ce domaine.

On cite, en effet, très régulièrement, les efforts fournis par nos collègues britanniques en matière d'aide au développement, dans un contexte où ils réduisent de façon considérable leurs dépenses publiques.

Vous nous direz si nous sommes en retrait par rapport aux Anglais, si nos politiques ont des caractéristiques différentes.

Enfin, dans un contexte marqué par la nécessité de réduire l'endettement public, la tentation est forte de diminuer notre effort en faveur de l'aide au développement pour se concentrer sur le territoire national. Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez où il vous paraîtrait possible de consentir à des réductions de crédits et où il vous semble qu'il est stratégique de maintenir notre effort.

Monsieur le directeur général, je vous laisse la parole pour votre exposé.

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comme l'an passé, je souhaiterais, avant de répondre à vos questions, vous présenter à titre introductif les principales caractéristiques et les grandes orientations de la politique française d'aide au développement. Je voudrais aussi vous présenter mes excuses pour le retard dans la production de certains documents, notamment le document de politique transversale « politique française en faveur du développement ». Deux de ses annexes financières totalement renouvelées ont occupé les jours et les nuits de nombre de mes agents qui étaient par ailleurs mobilisés sur les travaux du G20. Ce document vous sera prochainement communiqué.

Placée sous le double signe de la continuité dans l'effort et de la transparence dans la gestion, notre politique d'aide au développement a été amenée à s'adapter pour répondre aux exigences du moment, je veux dire par là, un contexte budgétaire très contraint, l'exercice par la France des présidences du G8 et du G20 dont le développement constitue l'un des thèmes phares, l'impact sur notre stratégie d'aide au développement des transitions politiques en cours dans le monde arabe et méditerranéen et, enfin, des actions à mettre en oeuvre pour aider à combattre le changement climatique. Au Sommet de Cannes, devrait notamment être présenté le rapport de M. Bill Gates sur le financement du développement, ainsi que le rapport de M. Tidiane Thiam les projets de développement susceptibles immédiatement financé dans le cadre travaux du G20.

Aussi, notre stratégie d'aide au développement et son budget pour 2012 reposent sur :

- la confirmation de l'importance de cette action et le maintien des moyens qui y sont consacrés ;

- des efforts supplémentaires de transparence et de lisibilité que nous avons engagés dans la gestion de notre aide ;

- enfin, des actions concrètes menées par la France dans le cadre de sa présidence du G8 et du G20 pour répondre au double défi du financement du développement et des attentes légitimes face aux crises géopolitiques en Méditerranée, alimentaires en Afrique et climatiques dans le monde entier.

Je voudrais d'abord vous dire que la France est à la hauteur de l'enjeu et poursuit un effort financier historique en faveur du développement. Malgré une crise financière sans précédent depuis les années trente, les crédits d'aide au développement ont non seulement été sanctuarisés mais ont continué leur progression quasi régulière depuis 2005, conformément aux objectifs et aux résultats auxquels nous nous étions engagés. Notre pays est ainsi, en 2010, le troisième bailleur mondial, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et va encore poursuivre son effort :

L'aide publique au développement de la France dépasse en 2010, pour la première fois de notre Histoire, la barre symbolique des 10 milliards avec un montant total de 10,85 milliards d'euros, soit 0,5 % du revenu national brut à comparer à cet effort dix ans plus tôt avec une part d'APD - comme disent les spécialistes - de 0,31 % du revenu national brut.

Cette croissance de l'APD porte exclusivement sur l'aide bilatérale qui augmente de près de 840 millions d'euros par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de l'AFD et aux dons bilatéraux. Notre aide multilatérale s'inscrit, quant à elle, légèrement en baisse après avoir atteint un niveau historique de 4 milliards d'euros en 2009 ; elle passe ainsi de 44 % en 2009 à 40 % en 2010 du total de notre APD.

Ces évolutions sont conformes aux orientations souhaitées par le Parlement.

Pour 2011, cet effort devrait être sensiblement proche de celui prévu par le document de politique transversale avec une part d'APD représentant 0,46 % du revenu national brut, du fait du report en 2012 de 225 millions d'euros de crédits du programme d'ajustement structurel du Liban.

En 2012, cet effort devrait à nouveau atteindre 0,5 % du revenu national brut.

Ces données et prévisions d'APD, retracées dans le document de politique transversale sont obtenues :

- d'abord, en sanctuarisant le socle de cet effort, les crédits budgétaires de la mission APD. Ces crédits sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards d'euros par an, soit 10 milliards d'euros sur le triennum. S'agissant du programme « aide économique et financière au développement » - celui dont j'ai la responsabilité - les crédits de paiement restent pratiquement à leur niveau de l'an passé, avec une baisse de 13 % des crédits consacrés aux annulations de dettes et une augmentation de plus de 5,5 % des crédits bilatéraux et, partant, de l'aide-projet et de l'aide-programme. Les autorisations d'engagement sont, elles, en forte baisse, passant de 2,5 milliards d'euros en 2011 à près de 630 millions d'euros en 2012, du fait des reconstitutions triennales réalisées en 2011 des deux principaux fonds concessionnels multilatéraux auxquels la France participe : l'Agence internationale de développement et le Fonds africain de développement ;

- nous y parvenons ensuite, en optimisant le coût budgétaire de cet effort, notamment s'agissant des prêts, dont nous veillons à ajuster la concessionnalité au niveau minimal permettant la réalisation des projets sans menacer la soutenabilité de la dette des emprunteurs ;

- enfin, en mettant en oeuvre à court et moyen termes des traitements de dette significatifs en Afrique (en Côte d'Ivoire, en Guinée et au Soudan, en particulier) mais aussi en mobilisant des financements innovants complémentaires sur lesquels je reviendrai à propos du G20.

En deuxième lieu, je voudrais souligner les efforts supplémentaires de transparence et de lisibilité que nous avons engagés dans la gestion et l'évaluation de notre aide.

Vous le savez, le document-cadre de coopération au développement que nous avons conçu ensemble en 2010 fixe des orientations géographiques et sectorielles claires et ciblées pour notre APD.

Cinq secteurs sont ainsi privilégiés : la santé, l'éducation et la formation professionnelle, l'agriculture et la sécurité alimentaire, le développement durable et le soutien à la croissance.

Quatre partenariats sont également mis en avant :

- le plus important, celui avec l'Afrique subsaharienne pour soutenir sa croissance et la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement ;

- celui avec la Méditerranée pour le développement durable, dans une perspective de convergence, si indispensable et prémonitoire, comme l'ont illustré les événements du printemps dernier ;

- celui avec les pays émergents, pour gérer les équilibres mondiaux ;

- enfin, celui avec les pays en crise, pour en renforcer la stabilité.

Ces partenariats différenciés impliquent des choix financiers explicites auxquels nous nous sommes engagés puisqu'au moins 60 % de l'effort financier bilatéral de l'Etat doit être affecté à l'Afrique subsaharienne et un maximum de 10 aux pays émergents.

Vous nous avez demandé toutefois d'aller plus loin en vous fournissant des données historiques et prévisionnelles permettant de mesurer l'atteinte de ces objectifs géographiques et sectoriels.

Mes services ont été particulièrement actifs à répondre à vos attentes. Beaucoup - je le pense sincèrement - a été fait en ce sens, y compris pour répondre aux nombreuses questions budgétaires que vous nous avez adressées cette année. J'y vois bien sûr le signe de votre intérêt marqué pour la politique d'aide au développement et je m'en réjouis.

Le document de politique transversale comporte ainsi désormais une quinzaine de pages supplémentaires avec 11 tableaux détaillant la répartition géographique et sectorielle de l'aide bilatérale, au plan historique mais aussi, lorsque c'est possible, à titre prévisionnel. Les instruments de cette aide - qu'il s'agisse des prêts, des dons ou, au sein des dons, des subventions - ont été clairement identifiés et quantifiés. Ces tableaux présentent une photographie de notre aide susceptible de mieux éclairer le Parlement et l'opinion publique sur la déclinaison de notre politique d'aide au développement.

S'agissant de l'aide multilatérale, lorsque c'était techniquement possible et identifiable, les dépenses d'aide ont été ventilées. Mais les limites de cet exercice sont connues, comme le soulignait l'Inspection générale des finances dans un rapport remis au ministre chargé de l'économie et au ministre des affaires étrangères en novembre 2010. L'impossibilité d'isoler les résultats des actions financées par des crédits nationaux attribués aux institutions financières internationales, de même que l'extrême hétérogénéité et multiplicité des indicateurs et dispositifs d'évaluation de ces organismes rendent délicate toute tentative de mesure des résultats spécifiques à l'aide française. En revanche, la mise en place d'indicateurs de ciblage de cette aide, en fonction des priorités françaises, est possible et un groupe de travail interministériel ad hoc y réfléchit activement.

Les résultats de ce travail sont d'ores et déjà éclairants.

La France consacre plus de 1,44 milliard d'euros en dons bilatéraux aux pays d'Afrique subsaharienne. En ligne avec les objectifs fixés par le document-cadre de coopération au développement, l'Afrique subsaharienne est la principale région d'intervention de l'Agence Française de Développement : 60 % de l'effort financier de l'Etat y sont concentrés, reflétant ainsi l'accès privilégié des pays de cette zone aux instruments les plus concessionnels de l'Agence.

Par ailleurs, la région Méditerranée et Moyen-Orient conserve un poids important puisqu'elle représente 18 % de l'effort financier de l'Etat en 2010, soit un résultat proche de la cible des 20 % fixée par le document-cadre de coopération au développement, puis par le Contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.

L'intervention de l'AFD dans les pays émergents ne se fait que sous forme de prêts peu ou pas concessionnels, ce qui se traduit par une part plus faible de ces pays dans l'effort financier de l'Etat (7 % en 2010 et 2 % prévus en 2011, avec un plafond de 10 % fixé dans le contrat d'objectifs et de moyens 2011-2013 de l'Agence).

L'aide distribuée par les institutions financières internationales est, par ailleurs, globalement conforme à nos priorités. 43 % des engagements de l'AID sont orientés vers l'Afrique subsaharienne et cette part représente près de 75 % des engagements concessionnels du FMI. Les priorités sectorielles du CICID correspondent, quant à elles, pour le groupe Banque mondiale, à 89 % des actions de la SFI, 82 % de celles de la BIRD et 77 % de celles de l'AID. Les banques multilatérales de développement ne sont pas en reste puisque - comme le révèle aussi le rapport sur les institutions multilatérales de développement qui vous sera remis pour la première fois cette année - nos priorités sectorielles sont communes avec elles à hauteur de 93 % pour la Banque asiatique de développement, de 89 % pour la Banque africaine de développement, de 85 % pour la BERD et de 71 % pour la BID.

La présidence française du G8 et du G20 représente une opportunité mise à profit par notre pays pour répondre au double défi du financement du développement et des attentes légitimes face aux crises géopolitiques en Méditerranée, alimentaires en Afrique et climatiques dans le monde entier.

La mobilisation de ressources nouvelles, via des financements innovants, est indispensable pour atteindre l'objectif d'une APD de 0,7 % du RNB en 2015, comme l'objectif financier de 100 milliards d'euros par an en 2020 inscrit dans l'accord de Copenhague.

Vous le savez, la France s'y emploie activement. Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises son attachement à la taxe sur les transactions financières. La France et l'Allemagne ont publié ensemble en septembre 2011 un document de travail précisant les grands principes sur lesquels devrait reposer une TTF : une taxe créée à un niveau européen ou international avec un taux faible et une assiette large.

L'adoption par la Commission européenne d'une proposition de directive instaurant un « système commun de taxe sur les transactions financières », qui a vocation à être transposée au 1er janvier 2014, va dans le bon sens.

Dans la perspective du prochain Sommet du G20 à Cannes, M. Bill Gates remettra un rapport sur le financement du développement où la mise en place de financements innovants figure en bonne place.

Les semaines qui viennent nous diront si cette capacité technique s'accompagne ou non d'une volonté politique partagée, au sein du G20, pour la mettre en oeuvre. Si la faisabilité technique de la taxe sur les transactions financières, confirmée aussi par le FMI, ne fait désormais guère plus de doute, pour l'instant aucun consensus politique n'a été trouvé sur cette question.

Le défi est de taille puisqu'il s'agit de convaincre un nombre croissant de pays de mettre en place des mécanismes qui, préfigurant une fiscalité internationale, devront en particulier permettre de financer les biens publics mondiaux dans les pays en développement.

Au-delà de ces questions de financement du développement, l'actualité de l'année 2011 a conduit la France à aider les pays arabes en transition en Méditerranée, tout en continuant à mettre en oeuvre la stratégie ambitieuse du G20 en faveur du développement.

Au Sommet de Deauville, les 26 et 27 mai derniers, le G8 a exprimé son soutien aux transitions démocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le Président de la République a lancé le « Partenariat de Deauville » avec les pays en transition démocratique, en collaboration avec les Institutions financières internationales et en présence de la Ligue Arabe. Ce partenariat de long terme repose à la fois sur un pilier politique visant à promouvoir les réformes de gouvernance et animé par les ministres des affaires étrangères, et sur un pilier économique pour soutenir une croissance soutenable et inclusive.

Le pilier économique du Partenariat a été lancé officiellement par une réunion des ministres des finances à Marseille le 10 septembre dernier. Quatre pays en transition étaient présents : la Tunisie, l'Egypte, le Maroc et la Jordanie, ainsi que la Libye, invitée à titre d'observateur. Cinq pays régionaux « associés » (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Qatar, Koweït et Turquie) participaient également, ainsi que dix institutions multilatérales, dont les trois principales organisations régionales (Fonds monétaire arabe, Fonds arabe pour le développement économique et social et le Fonds de l'OPEP pour le développement international). A l'occasion de cette réunion, qui visait à valider la méthode et les principes d'un Partenariat fondé sur l'élaboration par les pays en transition de leurs priorités, nous avons obtenu des institutions financières internationales qu'elles précisent la réponse coordonnée qu'elles pourraient apporter aux pays en transition : un soutien total évalué à 38 milliards de dollars sur la période 2011-2013 a ainsi été annoncé, ainsi que la mise en place d'une plateforme de coordination.

Au-delà de son rôle d'impulsion et de coordination de cette réponse globale ambitieuse, élaborée avec tous les acteurs importants de la région, la France a accru son propre soutien bilatéral. Ainsi, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé à Marseille qu'une enveloppe de 2,7 milliards d'euros serait attribuée par la France aux quatre pays en transition sur 2011-2013, dont une importante partie financée par l'Agence française de développement.

L'extension du G20 décidée sous présidence coréenne aux questions de développement a, par ailleurs, pris corps sous présidence française. La France a ainsi plus particulièrement mis l'accent sur trois sujets :

- la volatilité des prix des matières premières agricoles, pour déterminer les moyens de la gérer et d'en limiter les effets néfastes sur la sécurité alimentaire ;

- le développement des infrastructures, en soutenant plus particulièrement celles qui favorisent la croissance économique et l'intégration régionale, élément-clef notamment pour le développement de l'Afrique ;

- et comme je l'ai déjà évoqué, la promotion des financements innovants.

J'espère vous avoir convaincu de l'engagement sans faille du Gouvernement en faveur du développement. Il se traduit par ce budget ambitieux et des objectifs qui ne le sont pas moins pour les échéances internationales présentes et à venir.

Je vous remercie de votre attentions et suis prêt, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, à répondre à vos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je vous remercie pour vos excuses, vous nous avez fait exactement les mêmes l'année dernière. L'année dernière, le DPT est arrivé à l'Assemblée nationale après l'examen en commission du budget. Les réponses aux questionnaires sont parvenues fin octobre. Cette situation avait conduit les rapporteurs des commissions des finances et des affaires étrangères des deux assemblées, MM Colin, Emmanuelli, Vantomme et Cambon à écrire au ministre des finances pour que cette situation cesse. Je comprends que les questions du Parlement occasionnent un travail important. Mais il faut aussi considérer les choses de notre point de vue. Les questions vous sont envoyées le 7 juillet. Si les réponses et le DPT nous parviennent fin octobre, l'examen du budget en commission à la mi-novembre, il nous reste deux semaines pour exploiter des centaines de réponses sur un budget particulièrement complexe. Ce que nous réclamons, c'est de disposer du temps minimal nécessaire à l'exercice de nos fonctions. Je n'ai pas de raison de penser que les délais de réponse sont calculés pour nous empêcher d'exercer ce contrôle. C'est en tout cas le résultat obtenu. Je crois mes chers collègues qu'il faut rester ferme sur l'information du Parlement pour travailler dans des conditions de délais compatibles avec l'exercice d'un minimum de contrôle et de réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le Président, je ne peux que souscrire à vos propos, il en va des conditions d'exercice de nos missions.

Je me félicite des crédits de l'aide au développement dans ce contexte budgétaire particulièrement tendu. Comme vous l'avez souligné, le rééquilibrage des crédits en faveur de l'aide bilatérale correspond à notre souhait maintes fois répété. Alors certes, nous sommes officiellement le troisième bailleur de fonds mondial, mais lorsque l'on considère dans le détail les crédits effectivement disponibles pour financer sur le terrain des projets de coopération, on ne peut être que surpris par le décalage entre les ambitions et les moyens de notre politique dans ce domaine. Ce décalage est particulièrement sensible en Afrique Subsaharienne qui constitue pourtant notre priorité mais qui bénéficie en réalité d'une dizaine de millions d'euros pas pays.

Ma première question porte sur l'AFD dont vous assurez la cotutelle pour le compte de l'Etat. Pouvez-vous nous assurer qu'il n'arrivera pas à l'AFD ce qui est arrivé à DEXIA ? Je m'explique. Je sais qu'il ne s'agit pas du tout du même contexte : il n'y a ni produits toxiques, ni banque de guichet à l'AFD. Mais, d'après ce que je comprends, il s'agit tout de même un peu du même métier : emprunter sur les marchés financiers pour prêter à long terme à des entités publiques. D'où ma question : en cas de sinistres répétés, est-ce que l'Etat garantira toujours l'AFD à travers le Club de Paris ou est-ce que l'AFD devra pleinement assumer ses responsabilités et, dans ce cas, l'AFD a-t-elle des fonds propres suffisants pour faire face à ces risques ? Ne conviendrait-il pas d'augmenter ses fonds propres pour accroître son ratio de solvabilité ?

Je voudrais aborder la question de l'évaluation de cette politique publique pour laquelle la France consacre, selon les chiffres déclarés à l'OCDE, plus de 12 milliards d'euros. Une telle somme mérite qu'on évalue les résultats obtenus. Alors, je sais, c'est complexe. Compte tenu des financements croisés, il est de plus en plus difficile de tracer la responsabilité de chacun, dans les impacts obtenus. Mais enfin, l'aide au développement n'a pas le monopole de la complexité et ne peut pas être la seule politique qui ne fasse pas l'objet d'un pilotage par les résultats. De ce point de vue, il nous semble que la France est en retard par rapport à la Grande-Bretagne, qui non seulement effectue des revues systématiques de ses contributions multilatérales et bilatérales mais développe une batterie d'indicateurs de résultats, qui lui permette, dans un certain nombre de domaines, de dire, en face de chaque crédit, « nous avons scolarisé tant d'élèves, raccordé tant de foyers à un réseau d'eau potable, etc... ». Alors je sais, des progrès sont en cours, votre administration est d'ailleurs en tête dans ce domaine. Et on peut quand même s'étonner de la faiblesse de notre administration dans ce domaine qui nous intéresse évidemment au plus haut point, puisque c'est un des éléments de la redevabilité que l'exécutif doit au Parlement. Et plus encore, c'est un élément essentiel pour convaincre les électeurs et les contribuables de l'utilité de ces crédits dans une période où l'on demande à chacun de faire des efforts.

Je voudrais savoir quelles sont les actions qui sont menées dans les pays prioritaires de la coopération française pour les aider à se doter d'une fiscalité digne de ce nom. L'aide au développement, dans l'esprit des grandes conférences sur l'APD, comme celle de Monterey en 2005, c'était une sorte de contrat entre les bailleurs de fonds et les États récipiendaires, aux termes duquel les bailleurs apportaient des financements et les États récipiendaires faisaient un effort pour mettre en place un dispositif de financement autonome et, notamment, une fiscalité qui offre à ces États naissants des sources de revenus conséquentes et stables. Quand on observe le cas du Mali, l'aide au développement représente, tous bailleurs confondus, près de 15 % du PIB. La fiscalité, elle, stagne, à 14,8 % du PIB en 2009, tous les secteurs dynamiques de l'économie échappent peu ou prou à la fiscalité, le foncier est balbutiant. Que fait-on pour aider ces États à se structurer et à devenir autonomes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Ma première question porte sur l'aide multilatérale. Quand on découvre ce secteur, on peut être surpris par le nombre sans cesse croissant d'organisations internationales qui concourent à l'aide au développement. On me dit qu'il en existe 263. J'ai lu que la France contribuait au financement de 64 d'entre elles contre 30 il y a dix ans. Je constate qu'il y a une fragmentation de l'aide tout à fait impressionnante. J'ai lu que, dans certains pays, il y avait plus de 40 agences de développement qui chacune gérait leurs projets dans leur coin. La question est simple : que font les pouvoirs publics pour contribuer à réduire au niveau international ce que certains appellent une jungle institutionnelle ? J'ai cru comprendre que la lutte contre cette fragmentation figurait à l'agenda de la prochaine conférence sur l'efficacité de l'aide à Busan, en décembre. Quelles sont les propositions de la France pour réduire cette fragmentation ?

Dans quelques jours se tiendra le sommet du G20 de Cannes. La coopération pour le développement figure à l'agenda de ce sommet, avec notamment deux thèmes : le financement des infrastructures en Afrique et la sécurité alimentaire. Ces deux thèmes sont malheureusement des sujets récurrents de l'aide au développement, je me souviens que Yves Lacoste en faisait déjà des priorités dans les années cinquante. Pouvez-vous nous indiquer ce que l'on peut attendre de ce sommet dans ces domaines et qu'est-ce qu'apporte le G20 en la matière ?

Vous avez la responsabilité de la veille et de la promotion de la stabilité macroéconomique dans les pays du Maghreb et de l'Afrique sub-saharienne. Que pouvez-vous nous dire de la situation macroéconomique des pays du Maghreb ? Les printemps arabes ont été une réponse politique à des problèmes à la fois politiques et économiques. Il est essentiel pour nous que ces transitions aboutissent à des régimes stables et à une amélioration de la situation sociale. Il en va de notre sécurité et aussi de notre prospérité. Estimez-vous qu'avec le partenariat de Deauville nous sommes à la hauteur de ce rendez-vous historique ? Les financements supplémentaires annoncés relèvent pour l'essentiel de financements communautaires ou multilatéraux, l'AFD ne semble pas bénéficier de moyens supplémentaires pour ce qui apparaît aujourd'hui comme une priorité diplomatique ?

Ma dernière question porte sur les instruments de notre politique bilatérale. La France a réduit ses dons et augmenté ses prêts. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA qu'elle a proposé. Quand on regarde le budget, de 2008 à 2013 les subventions gérées par l'AFD auront diminué de 20 % quand les bonifications de prêts auront augmenté du même pourcentage. Est-ce que cela procède d'une nécessité liée à la rareté des crédits ou d'une volonté politique. Les prêts peuvent être aussi un instrument d'asservissement. Dans les métairies du 18è siècle, les métayers contractaient des dettes colossales qui étaient effacées tous les neuf ans. C'était une façon de les mettre sous tutelle. Est-ce que notre politique faite de prêts et d'annulations de dettes participe d'une façon ou d'une autre à un processus similaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Merci pour ce rapport très complet, je regrette cependant que vous n'ayez pas mentionné la question relative aux genres et à la promotion des femmes. Il me semble que c'est une priorité de la France. J'aurais voulu savoir dans quelle mesure les pouvoirs publics soutiennent l'action de ONU-Femmes. Je souhaiterais par ailleurs que vous nous exposiez les principales différences entre l'aide bilatérale française et celle gérée par les autorités chinoises et britanniques. J'ai par ailleurs entendu parler qu'un contrat d'études relatif à la mise en place d'une décharge publique à Djibouti d'un montant de 8 millions d'euros. Je m'étonne que la France puisse financer des études pour un montant pareil.

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

S'agissant du document de politique transversale et des réponses au questionnaire budgétaire, je comprends l'insatisfaction de la commission. L'ensemble des documents devrait vous parvenir d'ici la fin de la semaine prochaine. Nous essayerons évidemment de faire mieux l'année prochaine.

En ce qui concerne le partage des responsabilités entre le Quai d'Orsay et le ministère des finances, la France n'est pas le seul pays à disposer d'une telle organisation. Il est vrai que l'équivalent du ministère de coopération britannique, le DFID, est lui plus centralisé. Nous avons mis en place des procédures pour que les actions des deux ministères se coordonnent. Ces procédures fonctionnent bien, chacun apporte son expérience et son expertise. Sur certains sujets, dont la dimension monétaire est importante, le fait de pouvoir s'appuyer sur l'expertise du ministère des finances constitue un véritable avantage.

Il existe d'autres différences avec la coopération britannique. Celle-ci intervient notamment essentiellement à travers des dons, alors que la coopération française associe les dons et les prêts de façon à adapter ses interventions à la situation particulière de chaque pays. Les pays d'Afrique subsaharienne dont la capacité d'endettement est faible doivent pouvoir bénéficier d'une coopération essentiellement sous forme de dons tandis que d'autres pays, en Méditerranée, ou a fortiori dans les pays émergents, ont des capacités de remboursement qui permettent de monter des projets à partir de prêts à des taux plus ou moins bonifiés. J'attire votre attention sur le fait que le prêt est un instrument fondamental de notre coopération. Si nous coupons l'accès aux prêts à certains pays, il n'y aura jamais assez de dons pour financer des projets d'une taille significative. La question est donc d'ajuster les instruments à la situation financière des pays concernés et d'agir ainsi majoritairement sous forme de dons au Mali alors qu'on peut plus volontiers prêter au Kenya. Il convient également d'adapter les instruments au fil du temps. Ainsi, la France est d'abord intervenue en Chine avec des prêts bonifiés. Aujourd'hui, compte tenu des capacités financières de la Chine, nous n'intervenons plus que sous la forme de prêts non bonifiés. La France dispose d'une panoplie complète d'instruments, notamment grâce à l'AFD. Cela constitue une force que nous envient certains de nos partenaires. Je ne crois pas à ce propos que le prêt soit un instrument d'asservissement. Recourir aux prêts, c'est avoir la capacité financière de rembourser et c'est là un signe d'indépendance.

La situation de l'AFD n'est pas comparable à celle de DEXIA. La situation financière de l'agence et ses métiers sont très différents de ceux de DEXIA. Mais vous avez raison, l'AFD, en tant qu'établissement de crédit, doit répondre à un certain nombre de critères prudentiels afin de réduire son exposition aux risques dans des proportions compatibles avec sa situation financière. De ce point de vue, l'AFD a manifesté sa vigilance sur ce terrain en créant récemment une nouvelle direction des risques qui a une vue très exhaustive des engagements pris par l'agence. La situation de l'AFD au regard des ratios de solvabilité est très confortable puisque celui-ci avoisine les 29 %, une situation très nettement supérieure à certains de ses homologues. Il conviendra de préparer le passage à Bâle III mais la situation me semble totalement maîtrisée.

En matière d'évaluation, les Britanniques mettent en valeur, en effet, avec un art consommé leurs évaluations. Quand on regarde de près leurs travaux, on s'aperçoit qu'ils n'échappent pas aux difficultés méthodologiques inhérentes à toutes les évaluations dans ce domaine. De notre côté, nous avons lancé une mission de l'Inspection générale des finances sur les modalités d'évaluation de la politique de coopération qui met en lumière ce que l'on peut faire et ce qu'on aura du mal à faire. En effet, les liens de causalité entre les progrès enregistrés, les actions menées, la situation de départ et l'intervention de tous les autres acteurs sont parfois difficiles à établir. Mais vous avez raison, nous avons dans ce domaine des progrès à faire et vous trouverez au sein de mon administration un soutien fervent à la mise en place d'une évaluation de la qualité de nos actions. La direction générale du Trésor a créé une unité de l'évaluation qui a accompli ces dernières années un travail remarquable et reconnu par de nombreuses institutions, dont l'OCDE. Lors de chaque reconstitution, ce département procède à une évaluation de nos contributions à ces différents fonds. Ces évaluations sont publiques et permettent d'apprécier la qualité du partenariat que nous entretenons avec des institutions telles que par exemple la Banque mondiale, le fonds africain de développement ou le fonds asiatique de développement.

S'agissant de la capacité des pays en développement à dégager des ressources fiscales suffisantes, c'est une préoccupation importante de la direction générale du Trésor. Nous travaillons avec les pays concernés à ce sujet, notamment dans le cadre de l'organisation de la zone franc ; dans les pays pauvres prioritaires quinze assistants techniques se consacrent uniquement à ce thème, qui constitue par ailleurs l'un des secteurs de prédilection du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

L'AFD a diversifié ses champs d'intervention géographiques et sectoriels. Cette extension correspond notamment au mandat qui a été confié à l'agence en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cette extension a suscité et suscite encore un débat légitime entre les partisans de cette diversification et ceux qui militent pour un recentrage sur les zones prioritaires de la coopération française. Pour ces derniers, même si les activités dans de nouvelles géographies se pratiquent sous forme de prêts non bonifiés, il y a un risque de dispersion du temps et de l'énergie de l'agence dans des pays qui ne correspondent pas aux priorités de la France. Il faut toutefois reconnaître que, dans certains pays, l'AFD représente parfois le seul instrument de coopération avec les autorités locales.

Vous avez raison de souligner la prolifération des organismes internationaux intervenant dans le domaine de l'aide au développement. La France n'est pas le seul pays responsable de cette fragmentation de l'aide, mais elle y a participé ; je pense notamment à notre action en faveur de la création du fonds mondial contre le sida. Nous avons eu, il est vrai, le souhait d'incarner une politique dans un instrument, d'accorder à cet instrument la visibilité nécessaire pour maximiser ce financement. La démultiplication des organismes a néanmoins des effets pervers importants. Elle engendre des coûts de gestion et de coordination significatifs. Elle conduit à multiplier les interlocuteurs des autorités des pays récipiendaires dont l'activité est parfois surchargée par la gestion des trop nombreux bailleurs de fonds. C'est pourquoi la France défendra à Busan, au sommet sur l'efficacité de l'aide, des propositions pour lutter contre la fragmentation de l'aide. De ce point de vue, la gestion du partenariat de Deauville, en faveur d'une coopération avec les pays arabes en transition, me paraît intéressante. Dans le cadre du G8, nous avons, en effet, réussi à fédérer plus d'une dizaine d'institutions et de pays afin de coordonner leurs actions et d'effectuer une division du travail. Par ailleurs, je tiens à souligner que nos contributions multilatérales sont concentrées à 90 % sur six grandes institutions.

Il est vrai que les sujets du financement des infrastructures africaines ou de la sécurité alimentaire sont à l'ordre du jour de l'agenda international depuis de très nombreuses années. Ils le resteront tant que ces sujets demeureront une préoccupation pour les Africains et pour la communauté internationale. Dans le cadre du G20, nous avons souhaité, en ce qui concerne le financement des infrastructures, mieux prendre en compte la dimension régionale des projets. En matière de sécurité alimentaire, nous avons déjà obtenu des résultats significatifs avec la constitution de stocks d'urgence ou le recours à des instruments financiers adaptés.

Notre politique de prêts s'inscrit dans le cadre d'analyses de la soutenabilité de la dette fixé en 2005 après les décisions d'annulations de dettes. Ce cadre d'analyses permet de définir les conditions financières dans lesquelles des pays qui ont bénéficié d'un processus d'annulation de dettes sont autorisés de nouveau à recourir à l'emprunt. Ce cadre a été défini de façon volontairement rigide afin d'éviter que surviennent de nouvelles crises de surendettement. Nous sommes en train de regarder si ce cadre n'est pas trop rigide car il faut avoir à l'esprit que les pays en développement ont besoin de pouvoir emprunter pour financer leur développement. Les pays émergents comme la Corée du Sud se sont d'ailleurs appuyés sur des prêts pour financer leurs investissements, notamment d'infrastructures.

La cause des femmes et la question du genre font partie des objectifs de la politique de coopération soutenue par la direction générale du Trésor. Cette question fait partie des sujets abordés dans le cadre du G20 mais aussi dans le cadre du comité du développement de la Banque mondiale, notamment à travers l'aspect de l'accès des femmes au crédit bancaire. La Banque mondiale vient de publier à cet égard un rapport tout à fait intéressant sur le rôle des femmes dans le processus de développement des pays du Sud.

L'Union pour la Méditerranée a constitué une initiative prémonitoire à bien des égards, elle a illustré la nécessité de se préoccuper de cette région stratégique pour l'Europe et pour la France. Il reste que, dans la situation actuelle, le partenariat de Deauville, parce qu'il rassemble des pays et des institutions volontaires, permet des actions plus ciblées que l'Union pour la Méditerranée.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

La question du rôle des femmes ne concerne pas seulement le développement mais également les institutions parlementaires et pas seulement hors de France. Je souhaiterais savoir quelles actions sont menées pour limiter la pollution provoquée par l'activité de nos entreprises à l'étranger. Il y a quelque chose de paradoxal à financer des actions de protection de l'environnement d'un côté et de laisser nos entreprises, comme c'est le cas dans le Delta du Niger, polluer des pays dont la législation est moins contraignante qu'elle ne l'est en France.

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

S'agissant du contrat d'études à Djibouti, je vais demander à mes services de vérifier. Le coût évoqué paraît en effet élevé. J'attire cependant votre attention sur le fait qu'il est parfois important d'effectuer des études préalables exhaustives plutôt que de partir dans des directions hasardeuses. S'agissant de la pollution entraînée par l'activité de certaines de nos entreprises, je n'aurai pas de réponse précise à apporter au cas du Delta du Niger. En revanche, soyez convaincue que les préoccupations environnementales font partie des priorités de la coopération française. Elles font partie des priorités des documents cadres de partenariats et sont au coeur de l'activité du fonds pour l'environnement mondial et du fonds français pour l'environnement mondial. Je vous rappelle par ailleurs que dans le cadre de la conférence de Copenhague, la France s'est engagée à financer à hauteur de 420 millions par an des projets concourant à la lutte contre le réchauffement climatique et à la préservation de la biodiversité. Nous veillons par ailleurs, dans le cadre de l'initiative pour la transparence des industries extractives, à assurer la transparence des flux financiers liés à l'exploitation des mines ou des ressources d'hydrocarbures.

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport de M. Michel Boutant sur le projet de loi n° 466 (2010-2011) autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Monsieur le Président, Mes chers collègues, le présent texte, signé lors d'une visite officielle du Président de la République à Athènes le 6 juin 2008, actualise un accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques remontant à 1938.

Le but du protocole de 2008 est d'élargir à l'Institut français de Thessalonique les bénéfices du statut accordé à l'Institut français d'Athènes dès 1938.

Le principal établissement culturel français en Grèce est l'Institut français de Grèce, dont la localisation principale est à Athènes et qui possède 4 antennes à Patras, Livadia, Larissa et Corinthe. Il possède le statut d'établissement à autonomie financière rattaché au ministère des affaires étrangères et européennes. Il intervient dans les domaines culturel et linguistique, audiovisuel, éducatif et de promotion du français, scientifique et universitaire.

L'autre établissement principal de dispositif culturel français est l'Institut français de Thessalonique, relais de notre coopération en Grèce du nord et qui relève de la Mission Laïque Française. Il est reconnu en tant qu'association française installée en Grèce et reçoit le soutien du ministère des affaires étrangères et européennes. Il assure les mêmes missions que l'Institut français de Grèce : promotion de la langue, des industries culturelles et du savoir français ; coopération linguistique et éducative ; coopération audiovisuelle ; coopération universitaire et promotion des études en France.

A ces deux institutions s'ajoutent les deux écoles conventionnées avec l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger, le lycée franco-hellénique Eugène Delacroix à Athènes et l'école française de Thessalonique. Par ailleurs, l'Ecole française d'Athènes, qui relève du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a pour but d'étudier l'histoire et l'archéologie du monde égéen de la préhistoire à l'époque contemporaine.

Notre présence n'est pas exclusive, et la Grèce bénéficie d'implantations culturelles de plusieurs grands pays.

Quinze instituts étrangers sont ainsi présents, dont beaucoup ont une activité essentiellement archéologique (institut suédois, danois, canadien, suisse). L'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne ou l'Italie ont une présence linguistique et culturelle forte et ancienne en Grèce, avec, en priorité, une implantation dans la capitale. Sont ainsi présents :

- le Goethe Institut : à Athènes et à Thessalonique ;

- le British Council : à Athènes et à Thessalonique ;

- l'Institut Cervantès : à Athènes ;

- l'Union gréco-américaine : à Athènes ;

- l'Institut italien : à Athènes et à Thessalonique ;

- l'Institut russe : à Athènes ;

- et l'Institut hollandais : à Athènes.

J'en viens maintenant au présent protocole qui étend à l'Institut français de Thessalonique (IFT) les avantages accordés à celui d'Athènes par l'accord de 1938.

L'accord explicite ces avantages, et améliorera le fonctionnement de l'Institut de Thessalonique. Il vise à faciliter ses relations avec les autorités grecques sur le plan administratif, pédagogique et sécuritaire. Une simplification des démarches administratives en est attendue, et les activités de coopération universitaire que le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France en Grèce développe, par l'entremise de l'Institut, avec les deux universités implantées à Thessalonique, seront facilitées.

Le Protocole vise également à faire bénéficier l'IFT d'exemptions de taxes pour les activités se rattachant à la coopération culturelle et aux travaux d'infrastructure dans les locaux abritant ces activités. La convention fiscale franco-grecque de 1963 dispense l'IFT de déclaration de revenus. En outre, la loi grecque relative à la TVA précise que les activités culturelles et éducatives des établissements et personnes morales à but non lucratif sont exonérées de TVA. En revanche, les autres taxes étaient perçues, jusqu'à l'entrée en vigueur du Protocole, par l'Etat grec.

L'avantage principal du présent texte réside donc dans l'exonération de la TVA sur les travaux, entraînant une économie de 23 % par an.

Les autorités grecques ayant déjà commencé à appliquer ce Protocole après sa ratification par le Parlement hellénique en mars 2009, l'Institut Français de Thessalonique a d'ores et déjà pu bénéficier d'une sensible simplification de ses relations avec l'administration grecque.

Il convient dont que le Parlement français ratifie à son tour ce texte.

Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi, et de prévoir que son examen en séance publique se fasse en forme simplifiée.

La commission adopte le projet de loi et propose qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

Puis la commission entend le compte rendu par Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jacques Gautier et Xavier Pintat, membres de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OTAN, de la session annuelle de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, à Bucarest du 7 au 10 octobre 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

L'Assemblée parlementaire de l'OTAN a tenu sa session annuelle à Bucarest, en Roumanie, du 7 au 10 octobre dernier.

À l'attention de nos nouveaux collègues, je précise que l'assemblée parlementaire de l'OTAN regroupe des parlementaires des 28 pays membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord, dont les Etats-Unis, ainsi que de 14 pays associés. La Russie y dispose d'un statut de pays associé.

Organe consultatif, elle constitue un forum utile de discussion sur tous les sujets intéressant l'Alliance atlantique, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre du nouveau concept stratégique, de la réforme des structures de commandement, de la défense anti-missiles, des relations transatlantiques, des relations OTAN-UE, ou encore des opérations de l'OTAN, notamment en Afghanistan.

Elle comprend 257 membres, qui sont désignés par leurs parlements respectifs, auxquels s'ajoutent 66 sièges pour les pays associés. Le Parlement français dispose de 18 sièges, répartis entre 11 députés et 7 sénateurs titulaires, chaque membre disposant d'un suppléant.

L'Assemblée se réunit en session plénière deux fois par an, à tour de rôle dans les différents pays membres. Elle comporte cinq commissions (politique, dimension civile de la sécurité, défense et sécurité, économie et sécurité, sciences et technologies), qui se réunissent lors de chaque session et effectuent des déplacements durant l'année.

Sur la base des rapports élaborés par ces commissions, elle adopte des recommandations et des résolutions, qui sont adressées au Secrétaire général de l'OTAN, ainsi qu'aux gouvernements des États membres.

Lors de la session de Bucarest, la délégation du Sénat était composée, outre moi-même, de nos collègues Xavier Pintat et Jacques Gautier, et la délégation de l'Assemblée nationale, conduite par notre collègue Loïc Bouvard, était composée de neuf députés.

Étant donné que cette session se déroulait le week-end des 8 et 9 octobre, soit en même temps que le premier tour de la primaire organisée par le parti socialiste pour désigner leur candidat à l'élection présidentielle, nos collègues du groupe socialiste n'ont pas pu prendre part aux travaux.

Compte tenu de l'intérêt de nos échanges, il nous a paru indispensable, comme nous l'a d'ailleurs demandé le Président M. Jean-Louis Carrère, de vous présenter un compte rendu de cette session.

Outre une rencontre traditionnelle avec notre ambassadeur à Bucarest, Son Exc. M. Henri Paul, cette session aura, en effet, été marquée par l'adoption de nombreux rapports et résolutions, portant sur des sujets aussi variés que la transition en Afghanistan, l'intervention en Libye, la défense anti-missiles, la cyber-défense ou encore la situation dans les Balkans occidentaux ou en Ukraine.

Nous avons également entendu plusieurs communications de hauts responsables de l'OTAN ou d'experts et nous avons eu un débat très intéressant sur la mise en oeuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, relative à la place des femmes dans les conflits armés. Au cours de la séance plénière, sont intervenus le Président de Roumanie, M. Traian Basescu, le Président du Sénat, M. Mircea Geoana, et de la chambre des députés, Mme Roberta Anastase, du Parlement roumain, ainsi que le Secrétaire général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen.

Je me limiterai à mentionner quelques uns des thèmes abordés dans le cadre de la commission sur la dimension civile de la sécurité et lors la séance plénière, avant de laisser la parole à mes collègues pour qu'ils vous présentent les principaux sujets évoqués lors des débats de la commission sur la défense et la sécurité.

La mise en oeuvre du nouveau concept stratégique de l'Alliance, adopté lors du Sommet de l'OTAN de Lisbonne, l'an dernier, et la question des capacités de défense, dans un contexte de réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, en raison de la crise économique et financière, ont été les deux sujets majeurs de la session.

Concernant la mise en oeuvre du nouveau concept stratégique de l'Alliance, nous avons ainsi eu un débat très intéressant sur la cyberdéfense au sein de la commission sur la dimension civile de la sécurité.

Nous avons également eu des échanges sur la place des femmes dans les conflits armés, sur les migrations, sur la situation en Ukraine, en Moldavie et en Biélorussie, ainsi que sur les défis soulevés par la gouvernance en Afghanistan.

Le principal sujet a toutefois porté sur les conséquences de la réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, qui risquent de réduire les capacités opérationnelles de l'Alliance.

Ainsi, un haut responsable de l'OTAN, M. Frank Boland, a dressé un constat alarmant en précisant que seuls trois pays sur vingt huit (les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Grèce) devraient respecter en 2011 l'objectif de 2 % du PIB consacré à la défense et que dix-sept pays sont à moins de 1,5 %. Il a rappelé que la part des dépenses militaires au sein de l'OTAN assumée par les Etats-Unis était passée en dix ans de 66 à 77 %. De graves lacunes capacitaires ont ainsi été constatées chez les Européens lors de l'intervention en Libye.

Face à cette situation, évoquant le discours de Robert Gates, et celui, plus diplomatique de son successeur, Leon Paneta, appelant les Européens à ne pas réduire leurs capacités de défense, le Secrétaire général de l'OTAN a, lors de la séance plénière, fait un vibrant plaidoyer en faveur du maintien de l'effort de défense et du développement des coopérations bilatérales et multilatérales.

Il a ainsi développé son concept de « Smart Defense » ou défense intelligente, qui consiste à encourager le partage et la mutualisation des capacités entre les pays membres de l'Alliance.

Je l'ai interrogé pour ma part sur l'état d'avancement de la réforme des structures de commandement et des agences de l'OTAN, en relevant que, dans un contexte budgétaire tendu, l'effort de rationalisation devait aussi porter sur l'organisation interne de l'Alliance.

Lors du Sommet de l'OTAN de Lisbonne, l'Alliance s'était fixée des objectifs ambitieux, avec notamment l'objectif de réduire de 35 % les effectifs de la structure de commandement, qui compte aujourd'hui 13 000 hommes, et de regrouper en trois entités les quatorze agences de l'OTAN, qui emploient 8 000 personnes.

Au moment où nos pays font face à de fortes contraintes budgétaires, l'effort doit aussi porter sur l'organisation interne de l'OTAN, afin de réduire les dépenses bureaucratiques et les réorienter sur nos véritables besoins de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Je voudrais, pour ma part, concentrer mon propos sur deux sujets : la défense anti-missiles et la revue de la posture de défense et de dissuasion de l'OTAN.

La question de la défense anti-missiles a été une nouvelle fois au centre des discussions, qui ont opposé ses fervents partisans, en particulier américains, et ses virulents opposants, notamment russes et ukrainiens, les Européens se contentant souvent de jouer le rôle de « spectateurs ».

Je rappelle que, lors du Sommet de Lisbonne, les vingt-huit pays de l'OTAN ont pris la décision de mettre en place une capacité de défense anti-missiles pour assurer la protection du territoire et des populations des pays européens de l'Alliance.

Le déploiement de cette capacité a d'ailleurs commencé en 2011, avec l'envoi d'un navire américain à capacité anti-missiles et l'accord signé entre les Etats-Unis et la Turquie pour l'installation d'un radar qui sera directement axé sur la menace iranienne.

Comme l'a rappelé le Président roumain, la Roumanie a signé quelques semaines plus tôt un accord avec les Etats-Unis sur le déploiement d'éléments du bouclier anti-missiles américain sur son territoire. Cet accord bilatéral porte notamment sur l'installation d'un système Aegis terrestre, comprenant un radar et des intercepteurs SM-3 sur le territoire roumain, qui devraient être opérationnels à compter de 2015.

S'exprimant à titre personnel, notre collègue député M. Jean-Michel Boucheron a contesté l'intérêt de la défense anti-missiles et évoqué le risque d'un effet d'éviction des autres dépenses militaires.

Pour ma part, je suis intervenu dans le débat pour souligner que notre commission avait travaillé sur ce sujet et publié un rapport d'information sur la défense anti-missiles.

J'ai rappelé que les enjeux de la défense anti-missiles ne se limitaient pas uniquement aux aspects militaires, mais qu'ils recouvraient également des aspects stratégiques, politiques et diplomatiques ou industriels.

J'ai insisté en particulier sur la question centrale de l'architecture du futur système de commandement et de contrôle.

Car, à mes yeux, la question n'est plus de savoir si la défense anti-missiles doit se faire ou non, puisque la décision a été prise au Sommet de Lisbonne d'engager l'OTAN dans une défense anti-missiles de protection du territoire et des populations et que la détermination des Etats-Unis ne fait aucun doute.

La véritable question qui se pose est de savoir si l'Europe aura la volonté d'assurer elle-même la protection de son territoire et de ses populations ou bien si elle souhaitera s'en remettre aux Etats-Unis pour assurer sa propre sécurité.

Or, étant donné le décalage entre le déploiement des moyens américains et l'absence de moyens et de financements des Européens, on peut avoir quelques inquiétudes sur ce point.

J'ajoute que l'enjeu est particulièrement important pour notre pays et nos industriels qui sont les seuls en Europe à avoir la compétence technique sur l'ensemble du spectre.

Le risque auquel nous devons être attentifs, et qui a bien été souligné par notre collègue député Jean-Michel Boucheron, c'est que la défense anti-missiles n'ait pas un effet d'éviction sur les autres programmes.

La défense anti-missiles devrait être l'un des enjeux majeurs du prochain Sommet de l'OTAN qui se déroulera à Chicago, le 20 mai 2012, puisque les Etats-Unis veulent que l'OTAN déclare une première capacité anti-missile opérationnelle, qui sera, de fait, une capacité exclusivement américaine (senseurs, intercepteurs et système de commandement américains).

Le deuxième sujet de débat, lié au précédent, a porté sur la revue de la posture de dissuasion et de défense de l'Alliance, avec un exposé introductif très intéressant de M. Bradley Roberts, Sous-secrétaire d'Etat adjoint au département d'Etat américain de la Défense.

Lancée lors du Sommet de Lisbonne, la revue de la posture de dissuasion et de défense de l'OTAN vise à définir un équilibre entre le triptyque : dissuasion nucléaire, forces conventionnelles et défense anti-missiles.

Cette revue a été lancée dans le contexte du discours du Président Barack Obama sur l'objectif d'un monde sans armes nucléaires et de la réflexion sur l'avenir de la présence des armes nucléaires tactiques américaines en Europe.

La France ayant une dissuasion nucléaire indépendante et autonome (ce qui irrite parfois certains de nos partenaires comme l'Allemagne) notre pays n'était pas spécialement demandeur de cette revue, mais est particulièrement vigilant sur cette question centrale pour notre politique de défense.

En effet, dans l'esprit de certains responsables américains ou européens, cette revue pourrait conduire à réduire l'importance de la dissuasion nucléaire dans la doctrine et les outils de défense de l'OTAN.

Ainsi, certains responsables évoquent l'idée que l'OTAN reprenne le concept de « garanties négatives de sécurité », selon lequel le nucléaire ne dissuade que du nucléaire, ce qui signifie concrètement que les pays de l'Alliance renonceraient à l'emploi de l'arme nucléaire autrement que pour répondre à une attaque nucléaire.

Or, cette doctrine, sans doute indolore pour les Etats-Unis, qui disposent d'une écrasante supériorité en ce qui concerne les forces conventionnelles, est totalement contraire aux principes d'indépendance et de souveraineté sur lesquels repose la politique française de la dissuasion nucléaire, telle que fondée par le Général de Gaulle et poursuivie par les Présidents de la République successifs.

Intervenant dans ce débat, j'ai rappelé que le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté à Lisbonne réaffirmait l'importance de la dissuasion nucléaire et reconnaissait la contribution de la France et du Royaume-Uni à la sécurité de l'Alliance.

J'ai indiqué que la revue ne devait pas conduire à revenir ou à dénaturer le concept stratégique, approuvé par les vingt huit pays de l'Alliance, mais qu'elle devait au contraire avoir pour objectif la mise en oeuvre de ce concept.

Enfin, j'ai souligné que dans un monde où subsistent des arsenaux nucléaires importants et où les risques de prolifération ne sont pas écartés, la dissuasion nucléaire représente une garantie fondamentale pour notre sécurité.

Dans un contexte où les contraintes financières conduisent la plupart des pays européens à réduire leurs dépenses de défense, et donc à diminuer leurs capacités conventionnelles, où peu de pays européens sont réellement disposés à s'engager dans la défense anti-missiles, il peut sembler paradoxal de vouloir affaiblir au même moment notre capacité de dissuasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

J'évoquerai, pour ma part, les opérations de l'OTAN en Libye et en Afghanistan, qui figuraient bien entendu parmi les principaux points à l'ordre du jour.

Nous avons d'abord entendu une intervention « passionnée et passionnante » sur l'opération en Libye du Président du Comité militaire de l'OTAN, l'Amiral Giampaolo Di Paola, que j'ai d'ailleurs reçu au Sénat, vendredi dernier, et qui nous a indiqué de la manière la plus claire que l'OTAN demeurait, tant que la menace nucléaire subsistera, une alliance nucléaire où la dissuasion faisait office - je le cite - de « premier commandement ».

A Bucarest, l'Amiral nous a présenté un bilan de l'opération en Libye et évoqué les principaux enseignements qu'il en retire sur l'avenir de l'Alliance.

L'Amiral Giampaolo Di Paola a d'abord rappelé qu'il s'agissait de la première opération de l'OTAN conduite sur la rive Sud de la Méditerranée et avec la participation de pays non membres de l'alliance, comme le Maroc, la Jordanie, les Emirats arabes unis ou le Qatar.

Il a ensuite rappelé qu'il s'agissait de mettre en oeuvre la protection des populations, telle que consacrée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité, et que l'opération était essentiellement aérienne.

Soulignant le succès de l'opération « Protecteur unifié », même si les combats de poursuivent dans les deux dernières poches de résistance (Bani Walid et Syrte) - mais l'annonce de la prise de Bani Walid a été faite avant-hier par le Conseil national de transition libyen (CNT) - il a indiqué que l'opération avait donné lieu à environ 25 000 sorties aériennes (avions et hélicoptères), plus de 10 000 frappes (y compris de navires) et qu'aucune perte n'avait été à déplorer parmi les soldats de l'Alliance.

Concernant les enseignements, l'Amiral a rappelé que seuls huit pays, sur vingt huit avaient participé à l'intervention en Libye et que l'OTAN avait démontré à cette occasion sa flexibilité.

S'il a rappelé que la France et le Royaume-Uni avaient été en première ligne, il n'a pas manqué de souligner que cette opération avait mis en lumière les importantes lacunes des Européens en ce qui concerne certaines capacités et la forte dépendance à l'égard des Etats-Unis.

Il a ainsi rappelé que les Etats-Unis avaient assuré plus de 90 % des ravitaillements en vol, compte tenu des lacunes des Européens dans ce domaine.

Les Etats-Unis ont également joué un rôle majeur en ce qui concerne le renseignement, ainsi que l'intelligence, la surveillance et la reconnaissance. On estime que 90 % du renseignement, et donc des cibles, ont été fournis par les Etats-Unis.

Les drones ont, à cet égard, joué un rôle très important, tant en matière de recueil du renseignement que de frappes, étant donné les risques pour les pilotes d'avions et d'hélicoptères d'intervenir au plus près des combats dans un environnement incertain.

Or, si le soutien des Etats-Unis s'est avéré crucial pour le succès de l'opération, les Etats-Unis ont toujours considéré la Libye comme un théâtre secondaire par rapport à l'Afghanistan, ce qui peut expliquer l'absence de certaines capacités durant l'opération et le retrait rapide de certaines autres.

L'Amiral Di Paola, a plaidé pour un effort accru des pays européens et un dialogue plus poussé de l'Alliance avec les pays méditerranéens et du Golfe.

Intervenant dans le débat, j'ai salué le succès de l'opération de l'OTAN en Libye, tout en soulignant que l'opération n'était pas encore achevée et qu'il était encore un peu tôt pour parler d'un retrait de notre dispositif.

J'ai également interrogé l'Amiral sur les lacunes constatées dans les structures de commandement intégrées, et notamment l'état-major de Naples, en particulier concernant la composante aérienne, dont les effectifs ont du être renforcés par des officiers essentiellement américains. Des leçons devraient être tirées concernant l'actuelle réforme de la structure de commandement et le recrutement et la formation des personnels.

L'assemblée parlementaire a adopté à l'issue de nos travaux une résolution de soutien au peuple libyen. Cette résolution a fait l'objet de nombreux amendements, dont l'un, présenté par le député italien De Gregorio, qui visait à supprimer la mention saluant « l'initiative prise par la France et le Royaume-Uni de mener cette opération importante et consciente du soutien essentiel fourni par les Etats-Unis et d'autres alliés et partenaires ».

Avec nos collègues britanniques et le soutien de l'ensemble de la délégation française, je me suis naturellement fortement opposé à cet amendement, qui a toutefois reçu le soutien de plusieurs députés allemands, et nous avons pu finalement obtenir le maintien de cette phrase.

Cela illustre les crispations qui demeurent chez certains de nos partenaires européens concernant notre engagement en Libye, qui ne paraissent pas encourageantes pour l'Europe de la défense.

Enfin, l'Afghanistan a fait l'objet d'au moins un rapport dans chacune des cinq commissions. Un rapport était consacré à la transition au sein de la commission de la défense, un autre à la gouvernance au sein de la commission sur la dimension civile de la sécurité, la commission de l'économie examinant un rapport sur l'économie afghane, celle de la technologie s'intéressant aux engins explosifs improvisés, et, enfin, la commission politique abordant la question du point de vue du contexte régional.

En séance plénière, un débat a été organisé, en présence notamment de la directrice générale du réseau des femmes afghanes et une déclaration de soutien à la transition en Afghanistan a été adoptée.

L'ensemble de ces documents (rapports et résolutions) est disponible sur le site Internet de l'assemblée mais le secrétariat se tient à votre disposition si vous souhaitez les consulter.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

D'une manière générale, je voudrais faire observer que, malgré le retour plein et entier de la France dans les structures de commandement de l'OTAN, la France ne semble pas disposer encore au sein de l'organisation et de l'assemblée d'une influence à la hauteur de notre engagement dans l'OTAN, notamment par rapport à l'Allemagne. Ainsi, la délégation allemande a pour habitude d'organiser, lors de chaque session, un déjeuner avec l'ensemble des parlementaires germanophones, ce qui permet aux parlementaires de nouer des contacts mais aussi de délivrer quelques messages.

De plus, alors que la France et l'Allemagne avaient généralement des positions assez proches, souvent éloignées de celles des pays anglo-saxons, comme par exemple concernant l'intervention en Irak, l'intervention en Libye a eu pour effet de modifier les lignes de clivage, la France se retrouvant aux côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni, alors que l'Allemagne y était au départ hostile.

A l'issue de ces interventions, un débat s'est engagé en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je voudrais remercier nos collègues pour ce compte-rendu très intéressant.

En ce qui concerne la faible influence française au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, il ne tient qu'à nous de renforcer notre influence, par exemple dans les discussions au sein des commissions ou en séance plénière. Je me souviens que la délégation française avait également pour habitude d'organiser un déjeuner pour les parlementaires francophones lors de chaque session mais que cette tradition s'est perdue, probablement pour des considérations financières.

D'une manière générale, je pense que les accords franco-britanniques en matière de défense, qui ont été signés avant l'intervention en Libye, ont été interprétés par beaucoup de nos partenaires européens, notamment en Allemagne, comme le signe d'un renoncement de notre pays à l'ambition de la construction de l'Europe de la défense, au profit d'un rapprochement avec le Royaume-Uni, prôné par le Président de la République. Il ne faut donc pas s'étonner d'un certain ressentiment de l'Allemagne et d'autres pays européens, que l'on a pu constater, par exemple lors de l'intervention en Libye.

C'est la raison pour laquelle je demeure personnellement réservé sur ces accords, qui me semblent aller à l'encontre de la construction de l'Europe de la défense, qui rassemblerait l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Pour ma part, je reste convaincu que le couple franco-allemand demeure le véritable moteur de la construction européenne, comme on peut d'ailleurs le constater à propos de la crise de l'euro, et que ce constat vaut aussi sur les questions de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Vous avez raison de dire qu'il ne tient qu'à nous de renforcer notre présence au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le président de l'assemblée parlementaire de l'OTAN est M. Karl Lamers, de nationalité allemande, ancien président de la commission des affaires étrangères du Bundestag et ancien porte-parole de la CDU sur les questions de politique étrangère, ce qui explique peut être l'influence allemande au sein de l'assemblée.

En revanche, je ne partage pas votre avis en ce qui concerne les accords franco-britanniques de défense. Comme l'ont montré les accords de Saint-Malo, en 1998, rien ne peut se faire en matière de défense au niveau européen, sans un accord entre la France et le Royaume-Uni.

Je rappelle que la France et le Royaume-Uni représentent ensemble plus de 40 % de l'effort européen en matière de budget de la défense et près de 70 % en matière de recherche et développement, 45 % des dépenses en capital et 25 % des effectifs de l'Europe à vingt-sept. Par ailleurs, nos deux pays sont les seuls à disposer de l'arme nucléaire et à être membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.

Les accords franco-britanniques de défense ne sont donc pas contradictoires avec la volonté française de construire l'Europe de la défense et de renforcer la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne. Ils représentent au contraire à mes yeux un moyen d'arrimer le Royaume-Uni à l'Europe en matière de défense.

Comme j'ai pu encore le constater récemment lors d'un déplacement à Londres, où j'ai eu notamment l'occasion de rencontrer notre attaché de défense, ces accords constituent au contraire un exemple concret et pragmatique d'une coopération européenne en matière de défense, qui pourrait s'élargir à d'autres pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

Après les désaccords survenus entre les pays européens à propos de l'intervention en Libye et dans le contexte de la réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens en raison de la crise économique et financière, la question qui se pose est celle-ci : La défense européenne a-t-elle encore un avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Est-ce que l'évolution de la situation en Libye après l'intervention de l'OTAN a été évoquée lors des débats ? En effet, on voit bien aujourd'hui, notamment en Tunisie avec la montée du parti islamiste mais aussi en Libye, les risques d'une poussée des islamistes, qui pourrait avoir des conséquences pour notre propre sécurité, notamment au Sahel, avec par exemple des risques de trafic d'armes en provenance de Libye qui pourrait profiter aux mouvements islamistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Est-ce qu'une coopération pragmatique avec les allemands est envisageable sur la défense anti-missiles, par exemple sur les missiles intercepteurs ? Il me semble que cela représenterait un exemple d'une coopération pragmatique entre la France et l'Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je souhaiterais revenir sur la question de l'influence française au sein des organisations internationales, comme l'OTAN, pour rappeler l'importance de la francophonie et l'obligation pour les responsables français de s'exprimer en français lorsqu'ils prennent la parole devant ces organisations. Notre langue dispose du statut de langue internationale mais il faut veiller au respect de ce statut, y compris à l'égard des responsables français, qui trop souvent choisissent de s'exprimer en anglais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je rappelle que le français est avec l'anglais l'une des deux langues officielles de l'OTAN, tant au sein de l'organisation, qu'au sein de l'assemblée parlementaire. Tous les documents sont donc disponibles en français et en anglais et une traduction en français et en anglais est toujours prévue lors des débats. Face à la progression de l'anglais, il est donc très important de veiller au respect de notre statut et de rappeler l'obligation pour les responsables français de s'exprimer dans notre langue. Cette obligation a été fermement rappelée par le ministre d'Etat.

En ce qui concerne l'Europe de la défense, je pense qu'il serait très utile que notre commission suive avec attention les développements de la politique de sécurité et de défense commune, qu'il s'agisse des aspects institutionnels ou des capacités.

Je vous rappelle d'ailleurs que la France a pris des initiatives dans ce domaine, avec l'Allemagne et la Pologne dans le cadre du « Triangle de Weimar », ces pays ayant été rejoints par l'Espagne et l'Italie.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Il me paraît très important que les membres de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OTAN puissent rendre compte des travaux menés au sein de cette assemblée, mais qu'ils puissent aussi recueillir l'avis de leurs collègues parlementaires, en particulier au sein des commissions chargées des affaires étrangères et de la défense de nos assemblées, et c'est la raison pour laquelle je me félicite de l'initiative de notre président d'avoir organisé cet échange.

A propos de l'Allemagne, pays que je connais relativement bien, je voudrais dire que la situation de ce pays en matière de défense est plus complexe que l'image renvoyée par le refus de ce pays de participer à l'intervention en Libye. On constate, en effet, certaines divergences au sein de la coalition gouvernementale ou entre le Gouvernement et le Bundestag, qui ne sont d'ailleurs pas propres aux questions de défense, mais que l'on retrouve aussi dans d'autres domaines, par exemple à propos de l'euro. Cela peut expliquer certaines difficultés rencontrées récemment dans le couple franco-allemand et je suis naturellement assez inquiet dans la perspective du prochain Conseil européen au sujet de l'euro. Toutefois, je crois, moi aussi, que le couple franco-allemand est le véritable moteur de la construction européenne et je ne pense pas qu'il faille exagérer ces difficultés. Des tensions ont parfois existé, mais nos deux pays ont toujours su les surmonter. Il me paraît donc très important de veiller à la qualité de notre relation avec l'Allemagne et à renforcer notre concertation sur tous les sujets, y compris au niveau des assemblées parlementaires.

Je partage d'ailleurs votre avis concernant l'intérêt d'une coopération avec l'Allemagne, notamment en ce qui concerne la lutte anti-sous marine, les drones d'observation ou encore, concernant la défense anti-missiles, en matière d'intercepteurs.

Je pense aussi que les accords franco-britanniques en matière de défense, s'ils ont pu créer certains malentendus, ne sont pas contradictoires avec l'ambition de construire l'Europe de la défense mais qu'ils peuvent au contraire avoir un effet d'entrainement sur l'ensemble des pays de l'Union européenne. Je rappelle que ces accords ont d'abord été construits autour du nucléaire et que seuls nos deux pays disposent de l'arme nucléaire. Il était donc logique de mener une coopération en matière nucléaire entre la France et le Royaume-Uni, ce qui n'était pas évident au départ. C'est une marque importante de confiance. Ce n'est qu'ensuite que nous avons décidé d'élargir cette coopération à d'autres domaines, comme les drones, avec d'ailleurs parfois une certaine difficulté pour convaincre nos partenaires britanniques. Enfin, la France et le Royaume-Uni représentent à eux seuls 40 % de l'effort de défense au niveau européen ce qui peut avoir un effet d'entraînement sur les autres.

De la même manière, je ne vois pas de contradiction entre l'OTAN et l'Europe de la défense et je continue de penser que la réintégration pleine et entière de la France dans les structures et organes de l'OTAN a permis à la fois de renforcer notre influence au sein de cette organisation, et d'être pleinement associés à toutes les étapes du processus de décision, comme cela a été le cas lors de l'intervention en Libye, tout en levant un certain soupçon d'ambigüité sur notre positionnement auprès de nos partenaires européens, qui nous soupçonnaient parfois de vouloir construire l'Europe de la défense contre l'OTAN. Notre objectif doit être de poursuivre la construction de l'Europe de la défense tout en encourageant l'émergence d'un « pilier européen » au sein de l'Alliance, notamment dans l'optique d'un désengagement progressif des Etats-Unis de l'Europe au profit de l'Asie. Et je crois beaucoup aux coopérations à plusieurs pays en matière de défense, qu'il s'agisse de coopérations bilatérales ou multilatérales, dans le cadre des traités ou en dehors, de « coopérations renforcées » ou de la « coopération structurée permanente », etc. C'est de cette manière pragmatique que l'on parviendra réellement à faire progresser l'Europe de la défense.

Enfin, si je partage entièrement le souci de défendre le statut du français au niveau international et son caractère de langue officielle au sein de l'OTAN, nos interventions en plénière ou dans les commissions se font naturellement en français mais il est aussi important de veiller à ce que les délégués choisis pour siéger au sein de cette assemblée soient en mesure de parler anglais pour échanger avec leurs collègues lors des rencontres informelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je rappelle que l'intervention de l'OTAN en Libye s'appuie sur la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui consacre la notion de « protection des populations ».

Alors que l'on approche désormais de la fin de la phase purement militaire, avec la reddition des derniers îlots de résistance, et au moment où certains de nos alliés veulent se désengager au plus vite, il me semble important de ne pas nous détourner de la Libye car c'est maintenant que le Conseil national de transition va réellement avoir un grand besoin de notre aide pour mettre en place un Etat. Je crois donc qu'il ne faut pas relâcher notre attention et nos efforts mais, en répondant aux demandes du Conseil national de transition, modifier peut être la nature de notre intervention, en assurant par exemple temporairement la protection de l'espace aérien ou la sécurisation des frontières, notamment du Sud vers les pays du Sahel.

Enfin, concernant l'idée d'une coopération en matière d'industrie militaire avec l'Allemagne, je crois qu'il nous faut être prudent et tenir compte des leçons des expériences du passé. Cette coopération a parfois été très difficile et n'a pas toujours donné les résultats espérés. Je pense par exemple à l'Airbus militaire A400M.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je viens d'assister à l'ouverture des Etats généraux de la promotion du français dans le monde, qui se tiennent actuellement au Quai d'Orsay et, dans son discours d'ouverture, le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé, a rappelé fermement l'importance de la défense du statut de notre langue dans les enceintes internationales et l'obligation pour les responsables français de s'exprimer en français dans ces enceintes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je souhaite que chaque session ou chaque déplacement d'un ou de plusieurs membres de la délégation du Sénat à l'assemblée parlementaire de l'OTAN fasse l'objet d'un compte-rendu devant la commission.

Il est évident que l'angle d'analyse de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN est souvent différent et complémentaire du nôtre. Ces travaux constituent néanmoins une source d'information importante, tout comme l'étaient les rapports de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (UEO).