Intervention de Gilbert Roger

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 juin 2013 : 1ère réunion
Convention d'extradition entre la france et la jordanie -convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la france et la jordanie — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Gilbert RogerGilbert Roger :

Le Sénat est saisi de deux projets de loi avec la Jordanie, le premier autorisant l'approbation d'une convention d'extradition, le second autorisant l'approbation d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Ces deux conventions ont été signées à Paris, le 20 juillet 2011. Elles visent à renforcer la coopération judiciaire en matière pénale entre les deux pays sur une base plus prévisible et contraignante que ce que prévoit la courtoisie internationale. En effet, depuis les années 2000, quinze demandes d'entraide ont été adressées par les autorités judiciaires françaises aux autorités jordaniennes, dont une seule n'a pas encore été exécutée à ce jour. Sur la même période, aucune demande n'a été adressée par la Jordanie à la France.

En matière d'extradition, le volume des échanges entre les deux pays est encore plus faible. Deux demandes d'extradition ont été adressées à la Jordanie au cours des dix dernières années, dont une seule a conduit à la remise de la personne recherchée. S'agissant de la Jordanie, elle n'a présenté qu'une seule demande à la France sur la même période. La présente convention, qui représente le premier accord de ce type signé par la Jordanie avec un pays de l'Union européenne, a ouvert une nouvelle voie conventionnelle puisqu'elle a été suivie par la conclusion d'un accord similaire avec le Royaume-Uni au mois de mai 2013. Auparavant, le Royaume avait signé de tels accords uniquement avec des pays du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord.

Tout d'abord, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Celle-ci correspond à une coopération entre autorités judiciaires dans la recherche, l'obtention ou la fourniture de preuves appelées à être utilisées dans le cadre d'une procédure répressive. Elle constitue la réponse à l'internationalisation du phénomène criminel qui s'impose aux autorités nationales dépourvues de pouvoirs au-delà des frontières de leur juridiction. Elle recouvre des réalités aussi diverses que l'audition de témoins, la réalisation de perquisitions, la communication de dossiers ou encore l'échange de casiers judiciaires.

L'enjeu de la présente ratification est d'établir le cadre conventionnel des échanges relatifs à l'entraide en matière de recherche de la preuve pénale. Il s'agit de fonder cette coopération sur un socle juridique et non plus sur une offre de réciprocité formulée, au cas par cas, au titre de la courtoisie internationale. Les dispositions de la convention mettent donc en oeuvre une fluidification des actions de coopération. Le principe est d'étendre le plus largement possible l'entraide judiciaire visant des infractions pénales dont la répression est de la compétence des autorités judiciaires de la Partie requérante, exception faite des infractions à caractère militaire ou politique.

La procédure est strictement encadrée, autant dans la formulation de la demande qui doit répondre à des critères précis, que dans l'exécution de la demande. Ainsi, les demandes se font dans le respect de la législation de la Partie requise. Sous cette hypothèse, cette dernière doit communiquer les pièces à conviction, les dossiers ou les documents de toute nature, objet de la demande d'entraide dans une affaire pénale, recueillir les dépositions des témoins ou experts sous serment, exécuter les demandes d'appréhension, de perquisition, de gel et de saisie des avoirs, objets et pièces à conviction.

L'accord règle également la question du statut des témoins entendus dans le cadre de l'entraide, du possible transfèrement d'une personne détenue sur le territoire de la Partie requise, ou encore des modalités de l'échange d'informations. À cet égard, les règles sont également très précises : des auditions par vidéoconférence peuvent être organisées, les communications d'extraits de casier judiciaire sont également possibles, le tout dans le strict respect de la législation de la Partie requise.

S'agissant de la convention d'extradition, l'enjeu principal de la présente ratification réside principalement dans l'établissement d'un cadre juridique de la procédure d'extradition contraignant et respectueux des droits de l'homme. En dépit d'un flux modeste, les négociateurs ont jugé opportun de sécuriser le dispositif en l'enveloppant dans un cadre légal, base d'une coopération renforcée, moderne et efficace entre les deux pays. Le texte initial a été proposé par la Partie française. Suite aux discussions entre les deux pays, un texte a été signé, qui comporte l'ensemble des clauses généralement admises dans les traités d'extradition visant à la protection des droits de la personne extradée.

L'extradition est un engagement de principe entre les deux Parties, qui ont l'obligation d'extrader la personne demandée sauf si elle est demandée pour des motifs politiques, militaires, de race, de religion, de nationalité, ou encore si la personne demandée a déjà fait l'objet d'un jugement sur le territoire de la Partie requise pour les mêmes faits. L'extradition peut aussi être refusée pour des raisons humanitaires appréciées en fonction de l'âge et de l'état de santé de la personne demandée. Enfin, la France n'extrade pas ses nationaux.

Le fait que la peine capitale ne soit pas abolie en Jordanie conduit à s'interroger sur le cas d'une demande d'extradition pour une infraction passible de la peine de mort. Dans un tel cas, alors l'extradition ne peut être accordée que si et seulement si la Partie requérante donne des garanties que la peine capitale ne sera pas demandée, et, si elle l'est, qu'elle ne sera pas appliquée. Ces garanties doivent être jugées suffisantes par la Partie requise. Notons que bien qu'elle ne soit pas abolie, un moratoire de fait existe en Jordanie depuis plusieurs années.

La demande d'extradition répond à un certain formalisme : elle est formulée dans la langue de la Partie requérante et accompagnée d'une traduction dans celle de la Partie requise, et doit comporter un certain nombre de pièces visant à faciliter la localisation de la personne demandée ainsi qu'à apprécier l'infraction commise. Enfin, sont prévus les cas de la réextradition, de l'arrestation provisoire, et surtout des modalités de remise de la personne extradée.

Ces deux accords affirment la volonté de la France et de la Jordanie de travailler ensemble et efficacement contre la criminalité. La mise en oeuvre de ces deux conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition devrait permettre de faciliter et fluidifier les opérations de coopération judiciaire internationale. Les autorités jordaniennes ont officiellement fait connaître l'accomplissement des procédures exigées par leur ordre juridique interne.

C'est pourquoi je vous recommande d'adopter cet accord qui pourrait faire l'objet d'un examen selon la forme simplifiée en séance publique le 25 juin.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte les deux projets de loi et propose leur examen sous forme simplifiée en séance publique.

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