La commission examine le rapport de M. Gilbert Roger et les textes proposés par la commission pour le projet de loi n° 493 (2011-2012) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie et le projet de loi n° 494 (2011-2012) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie.
Le Sénat est saisi de deux projets de loi avec la Jordanie, le premier autorisant l'approbation d'une convention d'extradition, le second autorisant l'approbation d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Ces deux conventions ont été signées à Paris, le 20 juillet 2011. Elles visent à renforcer la coopération judiciaire en matière pénale entre les deux pays sur une base plus prévisible et contraignante que ce que prévoit la courtoisie internationale. En effet, depuis les années 2000, quinze demandes d'entraide ont été adressées par les autorités judiciaires françaises aux autorités jordaniennes, dont une seule n'a pas encore été exécutée à ce jour. Sur la même période, aucune demande n'a été adressée par la Jordanie à la France.
En matière d'extradition, le volume des échanges entre les deux pays est encore plus faible. Deux demandes d'extradition ont été adressées à la Jordanie au cours des dix dernières années, dont une seule a conduit à la remise de la personne recherchée. S'agissant de la Jordanie, elle n'a présenté qu'une seule demande à la France sur la même période. La présente convention, qui représente le premier accord de ce type signé par la Jordanie avec un pays de l'Union européenne, a ouvert une nouvelle voie conventionnelle puisqu'elle a été suivie par la conclusion d'un accord similaire avec le Royaume-Uni au mois de mai 2013. Auparavant, le Royaume avait signé de tels accords uniquement avec des pays du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord.
Tout d'abord, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Celle-ci correspond à une coopération entre autorités judiciaires dans la recherche, l'obtention ou la fourniture de preuves appelées à être utilisées dans le cadre d'une procédure répressive. Elle constitue la réponse à l'internationalisation du phénomène criminel qui s'impose aux autorités nationales dépourvues de pouvoirs au-delà des frontières de leur juridiction. Elle recouvre des réalités aussi diverses que l'audition de témoins, la réalisation de perquisitions, la communication de dossiers ou encore l'échange de casiers judiciaires.
L'enjeu de la présente ratification est d'établir le cadre conventionnel des échanges relatifs à l'entraide en matière de recherche de la preuve pénale. Il s'agit de fonder cette coopération sur un socle juridique et non plus sur une offre de réciprocité formulée, au cas par cas, au titre de la courtoisie internationale. Les dispositions de la convention mettent donc en oeuvre une fluidification des actions de coopération. Le principe est d'étendre le plus largement possible l'entraide judiciaire visant des infractions pénales dont la répression est de la compétence des autorités judiciaires de la Partie requérante, exception faite des infractions à caractère militaire ou politique.
La procédure est strictement encadrée, autant dans la formulation de la demande qui doit répondre à des critères précis, que dans l'exécution de la demande. Ainsi, les demandes se font dans le respect de la législation de la Partie requise. Sous cette hypothèse, cette dernière doit communiquer les pièces à conviction, les dossiers ou les documents de toute nature, objet de la demande d'entraide dans une affaire pénale, recueillir les dépositions des témoins ou experts sous serment, exécuter les demandes d'appréhension, de perquisition, de gel et de saisie des avoirs, objets et pièces à conviction.
L'accord règle également la question du statut des témoins entendus dans le cadre de l'entraide, du possible transfèrement d'une personne détenue sur le territoire de la Partie requise, ou encore des modalités de l'échange d'informations. À cet égard, les règles sont également très précises : des auditions par vidéoconférence peuvent être organisées, les communications d'extraits de casier judiciaire sont également possibles, le tout dans le strict respect de la législation de la Partie requise.
S'agissant de la convention d'extradition, l'enjeu principal de la présente ratification réside principalement dans l'établissement d'un cadre juridique de la procédure d'extradition contraignant et respectueux des droits de l'homme. En dépit d'un flux modeste, les négociateurs ont jugé opportun de sécuriser le dispositif en l'enveloppant dans un cadre légal, base d'une coopération renforcée, moderne et efficace entre les deux pays. Le texte initial a été proposé par la Partie française. Suite aux discussions entre les deux pays, un texte a été signé, qui comporte l'ensemble des clauses généralement admises dans les traités d'extradition visant à la protection des droits de la personne extradée.
L'extradition est un engagement de principe entre les deux Parties, qui ont l'obligation d'extrader la personne demandée sauf si elle est demandée pour des motifs politiques, militaires, de race, de religion, de nationalité, ou encore si la personne demandée a déjà fait l'objet d'un jugement sur le territoire de la Partie requise pour les mêmes faits. L'extradition peut aussi être refusée pour des raisons humanitaires appréciées en fonction de l'âge et de l'état de santé de la personne demandée. Enfin, la France n'extrade pas ses nationaux.
Le fait que la peine capitale ne soit pas abolie en Jordanie conduit à s'interroger sur le cas d'une demande d'extradition pour une infraction passible de la peine de mort. Dans un tel cas, alors l'extradition ne peut être accordée que si et seulement si la Partie requérante donne des garanties que la peine capitale ne sera pas demandée, et, si elle l'est, qu'elle ne sera pas appliquée. Ces garanties doivent être jugées suffisantes par la Partie requise. Notons que bien qu'elle ne soit pas abolie, un moratoire de fait existe en Jordanie depuis plusieurs années.
La demande d'extradition répond à un certain formalisme : elle est formulée dans la langue de la Partie requérante et accompagnée d'une traduction dans celle de la Partie requise, et doit comporter un certain nombre de pièces visant à faciliter la localisation de la personne demandée ainsi qu'à apprécier l'infraction commise. Enfin, sont prévus les cas de la réextradition, de l'arrestation provisoire, et surtout des modalités de remise de la personne extradée.
Ces deux accords affirment la volonté de la France et de la Jordanie de travailler ensemble et efficacement contre la criminalité. La mise en oeuvre de ces deux conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition devrait permettre de faciliter et fluidifier les opérations de coopération judiciaire internationale. Les autorités jordaniennes ont officiellement fait connaître l'accomplissement des procédures exigées par leur ordre juridique interne.
C'est pourquoi je vous recommande d'adopter cet accord qui pourrait faire l'objet d'un examen selon la forme simplifiée en séance publique le 25 juin.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte les deux projets de loi et propose leur examen sous forme simplifiée en séance publique.
La commission examine le rapport de M. Xavier Pintat et les textes proposés par la commission pour le projet de loi n° 505 (2012-2013) autorisant l'approbation du protocole d'amendement de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l'extension en territoire français du domaine de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965 et le projet de loi n° 506 (2012-2013) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l'Organisation afin d'y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational.
Nous sommes saisis de deux projets de projets de loi que je vous recommanderai, à l'instar de ce qui a été fait à l'Assemblée nationale, d'examiner conjointement. Ces deux projets demandent l'approbation :
- du protocole d'amendement de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l'extension en territoire français du domaine du CERN conclue le 13 septembre 1965
et
- de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et le CERN sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l'Organisation afin d'y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational.
Je rappellerai que la convention de 1965 entre la Confédération helvétique et la France pose dans les termes les plus simples et dès son article premier, le principe de territorialité : « (...) les lois et règlements de la Confédération suisse et ceux de la République française sont applicables, les premiers à la partie du domaine [du CERN] qui est située en territoire suisse et les seconds à la partie du domaine située en territoire français ».
Ce choix opéré en 1965 était la simple application d'un principe général du droit international privé : le principe de territorialité. Concernant le droit du travail applicable, ce principe impose la primauté du lieu d'exécution du contrat de travail.
Il en est résulté, s'agissant d'une emprise située sur les territoires des deux pays une situation complexe pour les entreprises prestataires du CERN et leurs salariés. L'application stricte du principe conduit en effet à l'application concomitante de deux droits du travail distincts à une même entreprise prestataire, selon qu'elle intervient sur la partie française ou sur la partie suisse du domaine du CERN.
Le CERN a appelé l'attention de la France et de la Confédération helvétique sur les difficultés pratiques engendrées par l'application du principe de territorialité depuis juin 1994. Un premier rapport a été remis en 1996 puis un premier projet de modification du protocole a été élaboré en 1998 par le CERN. Les travaux préparatoires ont été relancés à l'initiative de la Suisse en 2003 et les projets correspondant aux deux accords soumis à votre examen ont été finalisés en 2006.
La Commission européenne, saisie à l'initiative de la France, a autorisé le 19 mars 2010 notre pays à conclure ces deux accords, considérant qu'ils étaient compatibles avec les règles du droit de l'Union européenne et ne portaient pas atteinte au système établi par le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit règlement « Rome I ».
Le premier accord a pour objet de modifier l'article 2 de la convention de 1965 en insérant une dérogation au principe de territorialité. Désormais, pour les entreprises réalisant des prestations de services sur le domaine du CERN et présentant un caractère transnational, le droit applicable sera déterminé préalablement pour chaque contrat, sur la base de « la part prépondérante prévisible » des prestations.
Le second accord, qui est l'accord tripartite entre la Confédération helvétique, la France et le CERN constitue le texte d'application du précédent accord et reprend en miroir un certain nombre de stipulations de l'amendement bilatéral : celles qui entraînent directement des obligations pour le CERN et doivent donc être couvertes par un engagement formel de l'organisation.
Ces deux accords complémentaires visent à simplifier la gestion du CERN ; leur application sera source d'économie de temps et devrait diminuer les contentieux. Ils ne soulèvent aucune difficulté, ni objection de notre part.
Je vous recommande donc de les adopter et de procéder à leur examen sous forme simplifiée en séance publique.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi de ratification et proposé qu'il fasse l'objet d'un examen sous forme simplifiée en séance publique.
Votre audition prend place à un moment particulièrement critique qui est celui des arbitrages qui transposent les orientations du Livre blanc dans la future loi de programmation militaire.
Après le chef d'état-major des armées nous avons entendu les chefs d'état-major de l'armée de terre et de l'armée de l'air. Nous rencontrerons prochainement le délégué général pour l'armement (DGA) puis le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Les travaux de notre commission de juillet 2011, les rapports de la Cour des comptes et les travaux du Livre blanc ont montré que le contrat opérationnel et le format de nos armées, tel qu'il était prévu en 2008 et transcrit dans la LPM de 2009, étaient hors de portée. Le livre blanc de 2013 réévalue donc à la baisse ce format tout en préservant la cohérence du modèle et de chaque arme. Il ambitionne en tout cas de le faire. Vous nous direz ce qu'il en est pour la Marine.
Je dirai que le principal défi auquel nous sommes confrontés sera de faire en sorte que la LPM soit, pour la première fois, respectée à la lettre. C'est un véritable défi et nous savons que nous allons devoir être extraordinairement attentifs pour que cela se réalise. Nous partons, il est vrai, d'une base forte que constituent les déclarations claires du chef de l'État.
Nous savons que les efforts que nous demandons aux hommes et aux femmes de nos forces armées ne peuvent être obtenus que si nous assurons, j'allais dire enfin, une stabilisation. C'est du reste dans cet esprit que nous avons réclamé que le niveau des dépenses soit un socle en deçà duquel il n'est pas possible de passer sauf à admettre un déclassement irrattrapable de notre pays, un décrochement géostratégique. Vis-à-vis des personnels civils et militaires nous engageons la crédibilité de la décision politique.
Pour nos trois armées nous ne pouvons qu'être frappés par la difficulté de contrôler des espaces avec de moins en moins de moyens. Cela est valable pour la Marine dont l'espace de déploiement est de 365 millions de km carrés, c'est-à-dire la superficie des océans. Bien sûr, il ne s'agit pas d'être présents partout, mais disposons nous simplement des outils nécessaires pour contrôler nos 11 millions de km carrés de zone économique exclusive, tout en sécurisant nos voies d'approvisionnement, tout en prenant sa part des OPEX, tout en s'impliquant dans l'action de l'Etat en mer, sans oublier le socle organique des missions d'entrainement et le soutien à l'exportation ?
Depuis 2008 nous avons profondément réorganisé notre outil de défense. Nous avons essayé de faire plus avec moins en gagnant en efficience. Avons-nous atteints la limite de ces gains de productivité ? Peut-on aujourd'hui faire encore aussi bien avec encore moins ?
La réduction du format devrait logiquement conduire à une réduction du champ d'action défini dans nos priorités stratégiques. Le Livre blanc a essayé de s'y appliquer. Mais déjà, l'Asie incontournable se rappelle à nous et la phrase du Livre blanc qui dit que le « pivot américain » sera dimensionnant pour la France - semblant sous-entendre que nous pourrions nous en remettre à la présence des États-Unis - parait démenti par la réaffirmation de notre pays comme puissance du Pacifique et de l'Océan Indien qu'ont récemment fait le président de la République au Japon ou le ministre de la défense au « Shangri-La dialogue ».
Voilà donc beaucoup d'interrogations qui appellent des clarifications que vous n'allez pas manquer de nous donner.
Le chef d'état-major des armées vous a donné son appréciation générale sur l'ensemble des forces et livré ses inquiétudes. J'y souscris naturellement et je vous propose ici de les traduire en conséquences concrètes pour la Marine.
Il me semble tout d'abord que ce Livre blanc acte avec clairvoyance les différentes missions que remplit quotidiennement la marine. Je dis souvent qu'il ne faut pas confondre missions opérationnelles et opérations extérieures. On retrouve bien dans ce Livre blanc les deux autres volets des missions de la marine, à savoir notre participation à l'action de l'Etat en mer et nos missions permanentes que sont les déploiements dans nos zones d'intérêts et, bien sûr, la dissuasion.
Il est essentiel notamment que la notion de déploiement naval permanent soit reprise, car elle constitue le fondement de notre action et une des clefs de notre réactivité. Sont également mentionnées les nouvelles sources de tension sur les flux en mer, illustrée par la piraterie, et celles sur les ressources, comme en témoignent les évènements évoqués en mer de Chine.
J'ajoute que je vois dans les principes de différenciation et mutualisation une bonne définition de nos pratiques, ce qui me conforte dans les orientations qui sont les nôtres depuis déjà plusieurs années.
La différenciation nous a conduits à conserver jusqu'à présent l'ensemble de la palette de moyens, de la frégate fortement armée au patrouilleur, palette de moyens dont le besoin est réaffirmé dans le Livre blanc pour couvrir au meilleur coût l'ensemble du spectre de nos missions.
La mutualisation est naturelle au milieu maritime dont l'immensité et les constantes de vitesse imposent une polyvalence depuis longtemps utilisée. Elle se manifeste par l'emploi de nos moyens dans différentes fonctions stratégiques - une frégate anti sous-marine est utilisée, par exemple, dans les 5 fonctions stratégiques ; mais aussi par les partenariats privilégiés que nous avons mis en place avec certains pays. Je citerais comme exemple le cas de notre coopération avec les Britanniques dans le cadre du traité de Lancaster House, dont la force conjointe maritime constitue une avancée unique dans les armées.
C'est aussi le cas pour les recommandations en matière de gestion de ressources humaines, qui correspondent aux pratiques déjà en vigueur dans la marine : tenir compte des conditions de vie, former au combat en s'appuyant sur les valeurs qu'il requiert, maintenir un flux suffisant afin de conserver une armée jeune, viser un équilibre juste en postes de soutien occupés par des militaires, offrir la possibilité de gravir l'escalier social au mérite, former en continu tout au long de la carrière, faire valider nos formations au répertoire national de certification professionnelle.
Toutes ces pratiques structurent notre institution et il me paraît sain qu'elles soient énoncées ainsi.
Ce Livre blanc était nécessaire, en particulier en raison de la situation économique et budgétaire de notre pays, et je considère que le résultat pour la Marine est acceptable au vu des données d'entrée. Le très difficile équilibre entre armées fortes et participation à l'effort collectif pour lutter contre les déficits publics est trouvé et me semble constituer le moins mauvais compromis. Il induit, comme pour nos camarades des autres armées, des réductions importantes de capacités, qui s'ajouteront à celles déjà actées par les précédentes lois de programmation militaire, que je me permets de rappeler ici : abandon définitif d'un second porte-avions jusqu'à au moins 2025 ; suppression d'1 BPC sur 4 ; suppression de 3 frégates sur 18, en plus des 7 qui avaient déjà été abandonnées lors de la précédente LPM, et en plus également du déclassement des avisos.
Si ce Livre blanc fait donc le choix de proroger l'ensemble du spectre de nos capacités, il institue également une réduction de nos capacités d'action qui, très concrètement, va progressivement remplacer systématiquement le et par le ou dans les missions que nous réalisons, ce qui nécessitera la souplesse et des arbitrages en conduite. Quelques exemples : déploiement permanent d'une frégate non plus en ATALANTA et en Méditerranée orientale mais en ATALANTA ou en Méditerranée orientale ; capacité de déployer une force d'avions de patrouille maritime non plus en Atlantique et en Afrique mais en Atlantique ou en Afrique ; emploi de certains moyens non plus pour la formation et l'entraînement et les opérations mais pour la formation et l'entraînement ou les opérations. Je pense en particulier aux aéronefs.
Je pointe du doigt ces spécificités pour deux raisons.
Tout d'abord car je souhaite que vous preniez bien conscience que, si les conséquences de la diminution de nos moyens d'action sont aujourd'hui peu visibles sur notre sécurité, la situation pourrait devenir demain préoccupante si le contexte stratégique devait nous conduire à faire des choix entre plusieurs missions, ou si la prochaine surprise stratégique venait de la mer, ce qui ne me paraît pas improbable. La crise de Libye nous a amenés aux limites de nos capacités dans un conflit qui n'était pas aux limites de l'intensité à laquelle sommes susceptibles d'être confrontés. C'est une limite qui baissera encore dans le nouveau format. Il faut le garder en mémoire et en prendre solennellement acte aujourd'hui. Dans 10 ans, nous ne ferons plus tout ce que nous savons faire aujourd'hui.
La deuxième raison, c'est la difficulté que nous connaissons à concilier la montée des enjeux maritimes et la diminution des moyens de la marine ; diminution consentie par la nécessité de participer à l'effort budgétaire mais qui reste, rappelons-nous en, un pis-aller stratégique. Nous intercepterons moins de drogue, nous diminuerons le maillage contre les pirates, nous serons moins présents contre l'immigration, nous surveillerons moins les routes d'approvisionnement stratégique.
Il ne faudra pas être surpris dans 10 ans que le chef d'état-major de la marine réponde qu'il ne peut que remplir imparfaitement l'une ou l'autre de ces missions.
Que devons-nous en déduire ?
Là-encore, je m'inscris dans la ligne de ce que vous a dit le CEMA. Le but maintenant est de ne pas dévier du Livre blanc sous l'effet de coups de rabot supplémentaire. Je vois pour ma part en effet dans l'avenir proche quatre fragilités concernant la Marine, qui mériteront une attention toute particulière.
Première fragilité : la tension sur les effectifs. La Marine est une armée technique. Nous ne combattons pas par le nombre, mais à l'aide d'équipements, qui sont servis par des opérateurs, soutenus eux-mêmes par des hommes et des femmes qui fournissent un service. C'est est truisme ! Mais il mérite cependant d'être rappelé.
On peut certes parfois gagner en productivité grâce à la technologie, et nous le faisons. Le plus bel exemple est le remplacement des frégates de type Tourville avec plus de 300 personnes à bord par des FREMM qui en comptent moins de 100 et qui sont autrement plus puissantes. Cela est rendu possible par l'automatisation.
On peut aussi, parfois, optimiser nos organisations, chasser les redondances. Mais il y a des limites à cela.
La première limite est humaine : nulle machine ne remplacera l'homme à un certain degré. Le combat n'est pas affaire d'automatisme. Le combat est affaire de volonté, d'imagination, d'intelligence, de tactique. Avec la FREMM, nous avons atteint un niveau très avancé qu'aucune autre marine n'est capable de faire et dont nous ne faisons que commencer à découvrir la mise en oeuvre.
La deuxième limite est organisationnelle. La Marine est arrivée à une optimisation souvent citée en exemple pour son format resserré qui ferait pâlir d'envie nombre d'organisations, me semble-t-il. Nos marges sont très faibles en la matière.
La troisième limite est celle de la gestion. La Marine compte de nombreux spécialistes - près de 1000 qualifications différentes - qui vont du pilote de chasse au spécialiste de centrale nucléaire, en passant par l'informaticien, le détecteur, le commando d'élite etc. Ces spécialistes sont longs à former. Ils sont issus parfois de sélections dures. Diminuer le format c'est fragiliser encore davantage des filières déjà sous tension. Cette fragilité est exacerbée par la disparité de nos parcs et la juxtaposition de bâtiments de générations différentes, qui vont de moyens datant des années 70 à des bâtiments modernes, avec tout ce que cela suppose de micro-flux de personnel compétent. Cela ne va pas s'arranger avec un nouvel allongement de l'âge des parcs.
J'ajoute enfin que nous sommes concernés par des notions de maîtrise des risques. Par exemple, la sûreté nucléaire exige l'excellence. Nous nous astreignons à cette excellence et nous ne pouvons pas nous permettre de la sacrifier sur l'autel d'une courbe de déflation d'effectif !
Ainsi, et ce sera le premier point d'attention pour la Marine à l'avenir : la réduction de format ne doit pas s'accompagner d'une réduction importante d'effectif, qui casserait notre organisation et sa cohérence, ainsi que notre système de formation et de sélection.
Deuxième fragilité : la tension sur le volume d'activité des forces
Une réduction de format requiert un maintien de l'activité pour les unités restantes, faute de quoi les effets seraient multipliés sur la baisse de nos capacités ! J'entends par activité les crédits d'entretien programmé du matériel et les allocations de carburant.
La Marine est une armée d'emploi, une armée qui agit 365 jours par an au profit de notre sécurité et de notre prospérité. A titre d'exemple, nous avons ce mois-ci mené une campagne de régulation de la pêche au thon rouge en Méditerranée, objet d'une obligation européenne. Ce type d'activité ce sont des heures de mer consommées, de l'entretien programmé à réaliser. Diminuer par exemple de 10% l'activité ne revient donc pas seulement à diminuer de 10% l'entraînement mais bien à diminuer notre capacité à remplir les missions opérationnelles.
Je voudrais également souligner que l'emploi opérationnel permanent de la marine implique qu'une bonne partie des missions que nous réalisons ne bénéficie pas des crédits OPEX, ce qui est une spécificité de la marine et qui restreint nos marges.
C'est donc le deuxième point d'attention : la réduction de format ne doit pas s'accompagner d'une réduction sensible de l'entretien et donc de l'activité des forces, qui amputerait nos capacités de façon immédiate et durable.
La troisième fragilité est liée au renouvellement des équipements à double titre.
Premièrement, si la cible 2025 est clairement spécifiée pour ce qui concerne les bâtiments de combat - porte-avions, BPC, frégates, elle est plus approximative pour les patrouilleurs - « une quinzaine » - et les avions de chasse et complètement occultée pour les bâtiments logistiques, la patrouille maritime et les hélicoptères. Ces programmes ne sont cependant pas moins importants que les autres et il me semble fondamental que les décisions à venir planifient clairement le renouvellement de ces moyens. Ils conditionnent l'emploi des autres équipements.
Deuxièmement, le glissement des programmes mentionnés dans le Livre blanc peut avoir des effets dévastateurs sur nos capacités, non seulement si le caractère temporaire des réductions dure, mais aussi si des conditions de sécurité imposent l'arrêt brutal et imprévu d'un parc, comme cela a été le cas pour les Super Frelon en 2009 ou les N262 en 2010. C'est un risque calculé mais c'est tout de même un risque.
Ce qui m'amène à notre troisième point d'attention : la réduction de format doit s'accompagner du respect strict du calendrier de livraison des équipements, y compris ceux non mentionnés dans le Livre blanc.
Quatrième fragilité : la tension sur le soutien et le maintien en condition opérationnel (MCO).
Tous les bénéfices attendus de la précédente réforme ne sont pas encore au rendez-vous. J'en ai tous les jours des exemples dans les rapports des commandants d'unités opérationnelles.
Le soutien a concentré la charge des trois volets de la réforme, au point d'en additionner les effets : la diminution des effectifs, la diminution des crédits de fonctionnement et l'explosion en de multiples chaînes différentes ayant contribué à une augmentation brutale de la charge administrative. Cela a des répercussions directes sur nos équipages. Nous nous employons à trouver des solutions mais il faut à l'évidence trouver des organisations plus simples pour un soutien plus fluide. Il faudra impérativement régler tout cela dans les ajustements à venir.
Ma conclusion est la suivante : il est essentiel maintenant de stabiliser le cap. De se conformer à la feuille de route fixée par le Livre blanc selon une trajectoire parfaitement fidèle aux ambitions affichées et en tenant compte des fragilités que je viens de recenser.
Nous diminuons nos capacités d'action, c'est un choix. Nous acceptons certaines fragilités, c'est inéluctable. Mais ne rajoutons pas des turbulences à la fragilité. Il nous faut maintenant un cap.
Suite à la publication des objectifs fixés par le Livre Blanc, il convient dès à présent de mettre en place un lissage permettant d'évoluer de la situation présente à la situation projetée.
Pourrait-on avoir des précisions sur la préparation de ce lissage régulier, plus particulièrement concernant le type de frégates et le nombre de patrouilleurs prévus ?
L'opération « Atalanta » constitue l'une des plus belles coopérations navales européennes. Y a-t-il d'autres compétences qui pourraient être exercées intelligemment à l'échelle européenne en matière de force navale ? Le ravitaillement pétrolier en mer ne serait-il pas un domaine de compétence intelligente ?
L'opération « Atalanta » est un succès. Cette coopération européenne pourrait-elle monter en puissance et ainsi conduire au retrait de la mission « Ocean Shield » de l'OTAN ?
Peut-on alors imaginer, toujours dans le cadre de la coopération européenne, de mutualiser la protection de nos lignes d'approvisionnement avec les pays volontaires ?
Concernant la lutte contre la piraterie, l'utilisation de patrouilleurs océaniques n'est-elle pas suffisante ? Nous voyons que certaines sociétés font appel à des équipes de protection embarquée privées et l'on note une perte de pavillons français par rapport à cette problématique. Accepteriez-vous la présentation d'un projet de loi pour officialiser, au moins dans le domaine naval, ce type d'intervention ?
L'Union européenne a la volonté de développer le pooling and sharing. Où en est la mission SURMAR lancée en 2006 ? Quelles autres initiatives pourraient-être souhaitables ? Comment éviter les duplications entre les opérations militaires européennes et celles de l'OTAN?
Au-delà de la suppression des bâtiments, quelles sont les conséquences en termes de missions, quelles opérations sont-elles menacées ?
On sait que la Marine nationale effectue des missions pour d'autres ministères, ne serait-ce pas le moment pour la Marine nationale de demander des compensations financières à ces administrations?
S'agissant du lissage, c'est tout l'objet des travaux de la Loi de Programmation Militaire (LPM), qui sont en cours. Le Livre blanc prévoit que le nombre de frégates de premier rang soit réduit de 18 à 15, le but étant de remplacer certains bateaux qui arrivent maintenant à bout de souffle. Nous regardons actuellement comment vont se constituer ces 15 frégates de premier rang en sachant que le maintien de 4 frégates de défense aérienne est un impératif. Le reste sera constitué d'un panachage entre frégates multi-missions (FREMM) et frégates type La Fayette. J'ai demandé que ces dernières soient munies d'un sonar de coque afin de pallier la diminution du nombre de frégates anciennes. Concernant les patrouilleurs, je n'ai pas de dates. L'objectif du lissage est fixé à l'horizon 2025, il s'agit d'un véritable challenge. Ce qui va être déterminant, c'est d'arriver à ne pas créer de réduction temporaire de capacité supplémentaire qui, compte tenu de la réduction des formats, pourrait avoir une conséquence importante en termes de missions.
L'opération « Atalanta » est une véritable opération européenne, le commandement stratégique est assuré par les Britanniques avec un commandant-adjoint français et le commandement tactique est pris à tour de rôle par les nations européennes qui y contribuent. Il s'agit d'une opération d'excellence européenne. « Atalanta » montre que les militaires européens savent effectuer des opérations conjointement afin de répondre à des intérêts politiques. Dans le cadre d' « Atalanta », les intérêts politiques étaient partagés, à savoir la protection du flux de navigation commerciale ainsi que la sécurité de nos équipages. Ce genre d'expérience est à renouveler, mais pour cela il faut que nous arrivions à trouver des intérêts politiques européens partagés afin de mettre en place des missions européennes communes.
Concernant la sécurité maritime de nos pays à l'échelle européenne, nous avons encore des axes de progrès y compris autour de nos pays. La difficulté réside dans les différences entre les organisations nationales en termes de surveillance maritime. Dans ce domaine, il faudrait que chaque pays définisse un interlocuteur unique (comme c'est déjà le cas en France, avec le rôle du Secrétariat général de la mer qui coordonne l'ensemble des intervenants, et au Portugal) et qu'ensuite le même travail soit fait à l'échelle de la Commission européenne afin que l'on mette en place un réseau en étoile parfaitement identifié. C'est un vrai challenge que l'on a et qui pourrait faire l'objet d'avancées spectaculaires. On se heurte ici à un problème d'organisation qui nécessite une volonté politique forte.
L'Union européenne devrait également se saisir de la question de la piraterie dans le Golfe de Guinée en se demandant comment soutenir des États qui ne peuvent contrôler leur zone maritime mais aussi les problèmes de trafic de drogue qui se développent dans cette zone. L'Europe pourrait également coopérer pour résoudre les problèmes de pêche illégale qui concerne la façade africaine et ainsi aider nos amis africains.
S'agissant du ravitaillement pétrolier, rappelons tout d'abord que nous mutualisons déjà depuis longtemps les ravitaillements à la mer avec nos alliés. En règle générale, sur un théâtre d'opération, un seul ravitailleur suffit pour ravitailler toute la force. C'est par exemple le cas en Atalante. Cela deviendra d'ailleurs prochainement une obligation, puisque, si la LPM ne prévoyait que trois ravitailleurs, l'un d'eux serait en entretien et un deuxième consacré à l'entraînement, ce qui ne permettrait d'en déployer qu'un seul à la fois.
Mais il ne faut pas transposer la problématique des avions ravitailleurs à celle des bâtiments ravitailleurs, compte tenu de leur vitesse de déplacement. On ne peut donc pas tout mutualiser de façon globale, mais seulement de façon locale sur un théâtre.
Concernant la concurrence entre « Ocean Shield » et « Atalanta », il ne faut pas se tromper. Certes il y a une opération de l'Union européenne qui marche très bien et une opération de l'OTAN qui, parfois, peine à se voir doter de bâtiments en nombre suffisant. Mais, sur le théâtre, les deux opérations se complètent parfaitement et travaillent ensemble. Ce n'est donc pas une redondance mais au contraire un apport.
Le succès d'« Atalanta » nous permet de montrer à nos amis de l'OTAN que l'Union européenne peut prendre en charge de telles missions. Le Livre blanc de la défense affirme par ailleurs que la France a réintégré l'OTAN afin de se faire entendre pleinement sur le plan militaire. Cette capacité d'influence est renforcée par la crédibilité des opérations auxquelles nous avons participé dans les trois milieux, à la fois au sein de l'OTAN et de l'Union européenne. Je pense que nous devons l'utiliser pour nous faire entendre.
À propos de votre réflexion sur les frégates de premier rang et les moyens de pallier leur diminution, le constat est le suivant : plus le nombre de frégates de premier rang diminue, plus nous sommes amenés à les préserver. Le principe d'employer des moyens moins lourds est utilisé depuis longtemps dans la Marine, puisque nous avons des frégates de surveillance équivalentes à que l'on appelle aujourd'hui des OPV. Elles sont aux normes civiles, sont faiblement armées mais possèdent des capacités d'emports de commando et sont munies d'un hélicoptère. C'est exactement ce que tout le monde vante aujourd'hui, il est bien sûr que c'est ce à quoi nous pensons avec le futur prochain BATSIMAR. Je suis attaché à ce que l'on puisse mettre un hélicoptère ou un drone hélicoptère pour accroitre les capacités de surveillance de ces frégates ainsi qu'une capacité commando car l'on constate que nous en avons de plus en plus besoin dans les missions de basse intensité.
Au sujet des sociétés militaires privées (SMP), je crois qu'il existe un réel danger de « dépavillonnage ». La Marine nationale déploie une quinzaine d'équipes de protection embarquées (EPE) qui sont composées d'équipes de fusiliers marins ou d'équipes de protection prélevées sur ses bâtiments lorsqu'ils sont en période de réparation. Nous couvrons près de 80% des demandes faites par des armateurs français. La couverture de la Marine nationale en termes d'EPE concerne des bâtiments de recherche sismiques, des bâtiments de pêche, les câbliers, des bâtiments de commerce, les bâtiments transportant du matériel militaire sensibles ...
Mais il nous est parfois difficile de répondre dans les temps voulus aux armateurs lorsque la demande est tardive. Il est donc nécessaire d'arriver à une solution pragmatique. Pour les cas non couverts par la Marine nationale, ouvrons l'accès aux sociétés militaires privées sous condition d'un contrôle par un organe de l'État et d'une limitation géographique. Le contrôle étatique est nécessaire car le danger d'une telle ouverture aux sociétés privées serait que l'on atteigne un niveau de violence à la mer incontrôlable.
A propos du Pooling and Sharing, il est vrai que l'on peut toujours mieux faire. La vraie difficulté aujourd'hui à l'échelle européenne, c'est d'arriver aux mêmes résultats. Nous n'arrivons pas à avoir les mêmes spécifications par pays concernant les bateaux dont nous disposons. Nous avons des programmes de formation communs, nous coopérons déjà sur plusieurs points mais il s'agit aujourd'hui d'optimiser les capacités européennes de Pooling and sharing. Il y a un vrai effort à faire dans ce domaine en questionnant les intérêts commerciaux propres aux armements nationaux.
Concernant l'action de l'Etat en mer, rappelons tout d'abord que la Marine nationale ne fait pas toutes les missions. Par exemple, elle ne surveille la navigation de plaisance qu'à travers la gendarmerie maritime, même s'il nous arrive parfois d'apporter un soutien aux opérations dans la zone littorale. Mais notre vraie expertise est la haute mer. Il n'y a en effet que la Marine nationale qui peut agir en haute mer, ce qui nous amène à effectuer des missions là où d'autres administrations ne peuvent agir, comme par exemple la surveillance des pêches au thon en Méditerranée centrale.
L'action de l'Etat en mer est placée sous l'autorité du Premier ministre. La fonction garde-côtes fonctionne remarquablement bien en France. Elle est dirigée par le secrétaire général à la mer et non par le chef d'état-major de la Marine, comme certains le croient. La France est l'un des seuls pays en Europe à avoir une voix unique concernant les questions de pollution, d'accès à la mer et de sécurité en mer, ce qui constitue un avantage pour notre pays et sans doute la solution la plus avantageuse.
Si vous obtenez que d'autres ministères nous remboursent certains services, je ne peux être que preneur ! Mais l'expérience montre que c'est difficile : nous avons par exemple lancé des programmes de coopération interministériels tels que le B2M (bâtiments multi-mission) ou sur l'établissement d'un futur patrouilleur en terres australes (B3M) pour remplacer l'Albatros. Ces programmes sont supposés être financés en partie par d'autres ministères. Mais, dans ces périodes de disette, si l'intention d'interministériel est bonne, l'interministériel de budget est moins favorable et on a un peu de mal à fédérer les énergies. Pour l'heure, l'action de l'État en mer fait partie des missions de la Marine et notre budget prend en compte ces actions réalisées en haute mer.
Les réductions de format prévues par le Livre blanc vont entraîner la suppression de la permanence de la Marine nationale dans une zone d'opération extérieure. Mis à part l'océan Atlantique, qui est une zone naturelle, aujourd'hui nous maintenons des bateaux en permanence dans l'Est de la Méditerranée afin de se tenir informer de la situation régionale, de la même façon que nous entretenons la mission Corymbe dans le Golfe de Guinée ainsi qu'une autre dans l'océan Indien. Le Livre blanc stipule qu'il faudra abandonner la permanence dans l'une de ces zones dans les prochaines années. Cela se traduira aussi par une diminution probable de la prestation de la marine pour l'ensemble des fonctions de la présence de l'État en mer.
Je précise que pour assurer les missions, un nombre de bâtiments minimal ne suffit pas, il faut également prévoir un niveau d'activité minimal (nombre de jours en mer) donc les moyens pour les mettre en oeuvre. C'est un point de vigilance.
Quelle est la situation à prévoir après 2016 s'agissant des bâtiments dont nous disposons pour assurer la présence de l'État en mer dans les départements ultra-marins ? Une solution pour financer l'action de l'État en mer et notamment la protection des sites d'exploitation des ressources maritimes, je pense notamment au pétrole off-shore en Guyane, ne serait-elle pas d'assujettir les exploitants à une taxe spécifique ?
On espère beaucoup du partage progressif de capacités opérationnelles au sein de l'Europe mais cela risque de mettre beaucoup de temps. Est-ce un leurre ?
Dans des régions qui ont des ressources propres significatives, liées à l'extraction du nickel en Nouvelle-Calédonie ou demain du pétrole en Guyane, ne pourrait-on envisager une contribution plus significative au financement de la présence de l'Etat en mer.
La présence de l'Etat en mer et tout particulièrement Outre-mer est un sujet de préoccupation. Nous sommes d'ores et déjà confrontés à une réduction temporaire de capacités. Le Livre blanc a prévu que le nombre de frégates de surveillance, qui sont nos principales capacités de haute-mer dans ces régions, soit maintenu. Nous disposons de 6 bâtiments: 2 à la Réunion, 2 dans les Antilles, 1 en Nouvelle-Calédonie et un dans le Pacifique. Ce sont des bâtiments de conception civile, faiblement armés, mais disposant d'un hélicoptère et qui sont en mesure de remplir l'ensemble des missions de présence de l'Etat en mer. Nous sommes toujours sur la construction des Bâtiments multi-missions (B2M) qui sont des « supply ships » civils avec un faible armement pour remplacer nos capacités amphibies, que sont les bâtiments de transports légers (BATRAL), et qui nous permettront là encore, à moindre coût, de remplir l'ensemble des missions. La question se pose du remplacement des patrouilleurs P400 qui devront être prolongés, en liaison avec le programme BATSIMAR de patrouilleurs qui a déjà été repoussé une fois. Je ne pourrai répondre à cette question qu'à la fin de la LPM lorsque tout aura été mis à plat.
S'agissant des partages de capacités, dans le cadre des accords de Lancaster House, devant la difficulté d'obtenir un deuxième porte-avions au niveau français, nous avons décidé avec les Britanniques le partage d'un groupe aéronaval à la mer. Nous nous y préparons avec l'exercice Corsican Lion l'année dernière, par exemple. Nous nous acheminons vers cet objectif à l'horizon 2020 quand leur nouveau porte-avions sera opérationnel.
Nous avons la même ambition dans le domaine amphibie. Prenant acte de la diminution des possibilités, il est nécessaire d'arriver à faire une Force amphibie commune avec d'autres pays européens. L'expérience du Liban en 2006 nous a prouvé que nous avons besoin d'une telle force en Méditerranée. L'Italie nous paraît un partenaire légitime. Nous avons des contacts dans cette perspective. Mais pour mettre en oeuvre de tels projets, il faut que les intérêts soient partagés entre les différentes nations et notamment les intérêts de puissance. C'est toute la vertu de l'accord de Lancaster House, qui nous a donné un cadre parfaitement clair.
Certains territoires comme la Nouvelle-Calédonie se dotent de moyens de contrôle de sûreté maritime dans les eaux littorales proches et prennent en charge la sécurité dans la zone littorale, mais cela ne résout pas la question de la sécurité des approches en haute-mer qui restera le domaine de la Marine nationale. Il serait très coûteux de multiplier les outils de puissance ou de surveillance en haute mer.
Lorsque la LPM viendra nous nous arc-bouterons sur un certain nombre de dossiers, comme la vérification de l'affectation des ressources exceptionnelles notamment en 2014, dont le montant m'a été confirmé officiellement, le principe de la couverture des défaillances en matière de ressources exceptionnelles par des ressources budgétaires et enfin l'objectif d'un retour progressif à meilleure fortune, dès que la croissance économique le permettra, c'est-à-dire que le plancher de 1,5% du PIB pour l'effort de défense devra être revu à la hausse avec la perspective d'atteindre les 2% norme OTAN.