Intervention de Josette Durrieu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 octobre 2012 : 1ère réunion
Politique étrangère et de sécurité commune pesc et politique de sécurité et de défense commune psdc — Conférence interparlementaire de chypre - communication

Photo de Josette DurrieuJosette Durrieu :

Il faut tirer de cette première conférence des enseignements, car la démarche et le contenu ne nous ont pas convaincus, mais cela peut être une initiative intéressante, qu'il faut poursuivre. Je vous rappelle que la Conférence est née à la suite de la disparition de l'Assemblée parlementaire adossée à l'Union de l'Europe occidentale, qui a été présidée par notre collègue Jean-Pierre Masseret, et supprimée à la suite de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Il y avait là un manque, car cette Assemblée, qui rassemblait des parlementaires de 28 États, avait un rôle important. Le risque était que cette suppression ne se traduise par un amoindrissement du rôle des parlements nationaux dans le suivi des questions de sécurité et de défense à l'échelle européenne. Certains, comme les Français et les Allemands, mais aussi le dernier Président de cette Assemblée, M. Walter, ont milité pour recréer une nouvelle instance.

Cette initiative était d'ailleurs soutenue par les États sur la base du protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité de Lisbonne. Elle avait aussi pour but d'intégrer le Parlement européen qui ne participait par l'Assemblée de l'UEO.

Le principe de la création d'une Conférence interparlementaire a très vite émergé, mais les divergences entre le Parlement européen et les parlements nationaux sur leur poids respectif au sein de cette instance n'ont permis sa mise en oeuvre qu'après qu'un compromis a été trouvé sur sa composition. Ce compromis, adopté lors de la Conférence des présidents des Parlements réunie Varsovie en avril 2012, assure une représentation prépondérante des parlements nationaux (6 sièges par État quelle qu'en soit la taille) alors que le Parlement européen se voit accorder une représentation a minima de 16 sièges.

Pour la France, chaque assemblée est représentée par 3 membres, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays ; ainsi le Bundesrat, qui n'a pas de compétences propres en ces matières, ne participe pas à la délégation allemande. Pour le Sénat, c'est notre commission qui occupe les trois sièges ; à l'Assemblée nationale, la délégation est composée d'un représentant de chaque commission concernée (défense, affaires étrangères, affaires européennes).

Le premier point à l'ordre du jour de la Conférence était l'adoption d'un règlement intérieur qui concrétisait la naissance de cette instance. Mais ce projet de règlement était léger et son contenu était verrouillé puisqu'il ne permettait pas d'aller au-delà du compromis de Varsovie. Il a donné lieu à un débat mais avec des conclusions décevantes puisqu'on ne pouvait rien changer. Cependant ce débat a été intéressant car des amendements ont été déposés par les délégations. J'avais pour ma part souhaité que la Conférence ne soit pas seulement une petite structure qui vole d'État en État au gré des présidences tournantes, mais qu'elle dispose d'une structure minimale, puisse adopter des conclusions et des recommandations à la majorité et non par consensus, et que les chefs de délégations en constituent en quelque sorte le bureau.

Nous nous sommes retrouvés, avec les Allemands et pour partie les Italiens, sur cette approche consistant à doter cette Conférence d'une organisation minimale et de rapprocher le fonctionnement de la Conférence de celui d'une assemblée parlementaire de plein exercice. A l'inverse, le Royaume-Uni, l'Estonie et le Danemark souhaitaient alléger le dispositif pour le limiter à un forum sans adoption de conclusions même par consensus.

La Présidence chypriote n'a accepté que les amendements en accord avec une stricte interprétation du compromis établi lors de la Conférence de Varsovie et a proposé de renvoyer les autres propositions à la révision des règles de procédure et de fonctionnement qui interviendra dans deux ans.

Cela en dit long sur la dynamique de l'Europe de la défense et sur la détermination de quelques uns : Allemands, Italiens, Français. C'est probablement parmi les pays de Weimar + que l'on pourra trouver les partenaires les plus déterminés.

La Conférence a ensuite entendu une présentation de Mme Catherine Ashton, haute-représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au cours de laquelle elle a décrit sa mission et ses interventions notamment dans le cadre de la politique de voisinage et son action en Afrique (Sahel, Somalie...). Elle a insisté sur l'aide économique, sur la promotion de la démocratie et des droits de l'homme. Elle a également abordé succinctement sa mission de négociation avec l'Iran sur le nucléaire et l'action de l'Europe face à la situation de la Syrie. Elle a aussi rappelé la nécessaire coordination et complémentarité avec l'OTAN, indiquant que le secrétaire général de l'OTAN souhaite que l'Europe joue un rôle accru sur la scène internationale et en matière de défense. Il importe donc de pousser dans le sens du développement des synergies entre États. Ce développement m'a paru intéressant pour sensibiliser nombre de pays, peu enthousiastes en la matière, à la nécessité pour l'Europe de prendre en charge la défense de l'Europe, à l'heure où les Américains s'éloignent, comme le montre le débat Obama-Romney sur la politique étrangère dont l'Europe a été très absente. Il est bien que Mme Ashton ait pu rappeler cela. Je suis intervenue pour lui demander d'expliciter sa position sur l'initiative de Weimar +. Mme Ashton a salué celle-ci et incité les États-membres à prendre des initiatives de coopération, seule manière, dans un contexte économique difficile, de faire progresser l'Europe de la défense.

Dans la table ronde sur les printemps arabes sont intervenus la ministre des affaires étrangère de Chypre, et présidente en titre du conseil des ministres de l'Union européenne, le Dr Erato Kozakou-Markoullis et M. Bernardino Leon, représentant spécial de l'Union européenne pour la région du sud de la Méditerranée. Des représentants des Parlements du Liban et de la Jordanie y ont également participé.

Tous ont indiqué le besoin de coopération pour soutenir les pays de la Méditerranée du Sud. Une telle coopération doit se baser sur le partenariat, ainsi que sur un accompagnement pour mettre en place de nouvelles institutions, à affermir et stabiliser les changements. Ces pays ont besoin d'encouragements. Aujourd'hui, ils sont en proie à des difficultés économiques graves, parfois dépourvus, pour certains, de structures administratives ou judiciaires solides. M. Léon estime que les pays de la région considèrent l'Union européenne comme un partenaire important. Les premières visites du président Morsi et du Premier ministre tunisien ont été à Bruxelles avant de se rendre à Washington. Il a annoncé qu'une réunion se tiendrait en novembre au Caire, ce qui vient d'être confirmé, pour examiner le soutien à l'Égypte, dans la même veine que celles qui ont déjà eu lieu pour la Jordanie et la Tunisie.

Il a souligné le rôle que les Parlements nationaux peuvent jouer dans la consolidation des réformes à travers le dialogue avec les Parlements de ces pays, notamment pour les aider à rédiger leurs constitutions.

Au cours du débat, M. Alain Gournac a posé une question sur l'évolution de la situation des femmes et Mme Michèle Demessine a interrogé les intervenants sur la question de la Palestine et sur l'accord commercial passé par l'Union européenne avec Israël en juillet dernier, qui met en cause la crédibilité de l'Union dans ses relations avec les pays arabes.

Nous avons évoqué également mais brièvement les problèmes de Chypre avec en perspective le développement d'un contentieux supplémentaire entre les deux parties à propos de l'exploitation des ressources (pétrole) du plateau continental.

Enfin, par consensus, la Conférence a adopté les conclusions présentées par la présidence chypriote sous forme d'un document sans contenu politique véritable, ce qui a été bien rappelé par M. Lamberto Dini, président de la commission des affaires étrangères du Sénat italien. Nous avons formulé l'espoir que, sous la présidence de l'Irlande, cette conférence prenne une dimension un peu plus consistante et plus significative. Il faut persévérer et compter sur la mise en dynamique de cette assemblée et son noyau actif.

Pour pouvoir jouer un rôle actif, compte tenu de la structure très légère de cette conférence, il est important d'assurer une stabilité dans la composition de notre délégation d'une session à l'autre, la capacité d'influence dans ce type d'organisation repose largement sur l'aptitude des parlementaires à tisser des liens entre eux, au besoin en adjoignant des suppléants. Il faut également préparer en amont les discussions et être porteurs de propositions, au besoin en concertation avec la délégation de l'Assemblée nationale, et une concertation préalable pourrait être organisée avec d'autres délégations d'États membres. La discussion avec les Allemands pourrait se poursuivre à l'occasion de la réunion des commissions de la défense qui se déroulera au Sénat le 10 décembre prochain. Cette Conférence sera ce que ses membres en feront.

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