Intervention de Dov Zerah

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Programme solidarité de la mission « aide publique au développement » - Audition de M. Dov Zerah directeur général de l'agence française de développement afd

Dov Zerah, directeur général de l'Agence française de développement (AFD) :

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, merci de me recevoir ce matin. C'est toujours un moment privilégié que l'échange avec les représentants du Parlement, dont l'influence sur la vie de l'Agence s'est encore renforcée avec la nomination d'un nouveau sénateur titulaire et de son suppléant au Conseil d'administration.

Après cinq années de très forte croissance, l'Agence est entrée en 2010 dans une phase de consolidation, pour absorber et gérer le doublement de son encours d'ici à fin 2013. La récente mission de l'Autorité de contrôle prudentiel a validé le bien-fondé des mesures prises depuis deux ans. Elle a notamment salué la création d'une direction des risques, rendue nécessaire par l'augmentation des risques et la mise en conformité avec la réglementation bancaire, qui exigeait une plus grande sécurisation des procédures de l'organisation. Elle a validé le nouveau système de délégations de signatures, plus sécurisant, mis en place en mars 2011, et a démontré son efficacité.

Cette consolidation s'inscrit dans un cadre stratégique clarifié avec un contrat d'objectifs et de moyens pour 2011-2013, dans lequel votre commission s'était impliquée. Le COM a fixé le cadre de notre action dès l'an dernier où l'Agence a atteint des résultats très positifs avec près de 7 milliards d'autorisations, des signatures et des décaissements en hausse. L'Agence a représenté en 2011, 31 % de l'APD française et les deux tiers de l'aide bilatérale.

Je tiens à souligner que ces excellents résultats ont été atteints avec une rationalisation des frais de fonctionnement. Entre 2005 et 2009, ils avaient plus que doublé, avec une croissance annuelle moyenne de 20 % sur la période. Les efforts produits dès l'été 2010 ont permis de modérer cette croissance, sans obérer l'activité de l'Agence : en 2011, l'Agence a eu une production financière supérieure de 15 % à celle de 2009, avec des frais de fonctionnement en diminution de 4 %.

Dans le même temps, nous avons la commission est très au fait de cette situation - reversé un dividende de 55 M€ à l'Etat. Alors même qu'elle n'est pas un opérateur au sens de la LOLF, l'Agence prend sa part dans l'effort national de maîtrise des frais de fonctionnement.

Depuis 15 jours, notre cadrage stratégique est complet, avec l'approbation par notre Conseil d'administration du plan d'orientations stratégiques pour 2012-2016. Notre établissement, comme vous l'avez souligné, est riche d'une large palette d'instruments et sans doute complexe à comprendre, mais nous disposons avec ces documents stratégiques d'un cadre d'intervention clair.

Ce cadre intègre la volonté de nos autorités de tutelle de faire du développement durable le marqueur identitaire de l'Agence. Cela fait plusieurs années que l'Agence inscrit ses projets dans le développement durable ; nos mandats dans les pays asiatiques et latino-américains sont même strictement limités à des projets de croissance verte et solidaire. Cela fait plusieurs années que l'Agence finance des prêts de lutte contre le réchauffement climatique, évalue les effets environnementaux de ses projets, et notamment l'empreinte carbone, ou accorde des lignes de refinancement à des banques locales pour accompagner la transition énergétique et environnementale des entreprises. Nous accentuerons nos efforts en la matière. Nous allons mettre en place un « second avis - développement durable », c'est-à-dire que nous allons, volontairement, faire examiner chacun de nos projets, à chacune de ses étapes, sur chacun de ses impacts environnementaux. Nous serons précurseurs en cette démarche, ce qui ne fera que renforcer notre identité.

Notre action est bâtie autour du concept de « partenariats géographiques différenciés » et d'une priorité réaffirmée à l'Afrique subsaharienne. Dans chacune de nos cinq géographies, Afrique, monde arabo-musulman, continents asiatique et latino-américain, pays en crise, et Outre-mer, nous avons des priorités sectorielles précises, et des outils d'intervention adaptés : subvention, prêt bonifié ou non. Cela rendra notre action plus lisible, plus compréhensible.

La déclinaison des partenariats géographiques différenciés repose sur trois axes principaux :

- la concentration des subventions sur les pays pauvres prioritaires et sur les secteurs sociaux ;

- la concentration des subventions et bonifications d'intérêt sur l'Afrique subsaharienne (au moins 60 %) et la Méditerranée (20 %), et leur limitation sur les pays émergents (moins de 10 %).

- la concentration des interventions sur le secteur agricole et les infrastructures en Afrique subsaharienne, l'emploi, le développement urbain et le secteur financier dans les pays arabes, et enfin la croissance verte et solidaire dans les pays émergents.

L'Agence a d'ores et déjà réorienté son activité et augmenté l'effort financier consacré à l'Afrique subsaharienne :

- la part des subventions consacrées aux pays pauvres prioritaires est passée de 31 % en 2010 à 54 % en 2011, pour un objectif de 50 % en 2013.

- la part des subventions affectées à l'éducation et à la formation professionnelle en Afrique subsaharienne a doublé, passant de 9 % à 19 %, pour un objectif de 30 % à l'horizon 2013.

- en 2011, l'effort financier de l'Etat a été consacré pour 77 % à l'Afrique subsaharienne, contre moins de 60 % sur les trois années précédentes.

L'Agence a accru sa légitimité dans les pays émergents, dans le cadre d'un mandat clarifié, en faisant évoluer ses conditions initiales d'intervention, très critiquées. Nos interventions en Chine se font désormais sans coût pour l'Etat. Un résultat similaire, tout en respectant nos engagements, a été obtenu avec l'Inde. Il en est également de même au Brésil.

En cette période de difficultés économiques pour notre pays, la défense des intérêts nationaux prend une acuité toute particulière. L'Agence continuera de défendre le bien-fondé du déliement mais oeuvrera pour qu'au bout de nos projets, il y ait une entreprise française. Le déliement est une condition de la transparence de nos interventions. Il nous permet également de déclarer nos interventions au titre de l'APD, même à des conditions proches du marché, ce que nous ne pourrions pas faire si notre aide était reliée. Dans cette période difficile, il nous faut maintenir ce déliement, même si avec nos règles et contraintes, nous nous inscrivons dans la diplomatie économique souhaitée par le ministre des Affaires étrangères. C'est l'une des finalités du fonds dédié à la coopération technique, dont la mise en place constitue un élément structurant du POS. Sa création a récemment été annoncée par le ministre de l'Economie et des Finances. Sa dotation n'est cependant pas encore arrêtée.

L'atteinte des objectifs opérationnels passe par une mise en cohérence de nos moyens, au travers de la réaffirmation de deux priorités :

- le renforcement du capital humain, avec le maintien de la capacité de recruter : 258 recrutements ont été effectués depuis 2010. Dans le strict respect du COM, nous continuerons nos recrutements pour renforcer notamment le secteur de la comptabilité qui a fait l'objet de remarques de l'Autorité de contrôle prudentiel, ainsi que le système d'informations. Ces recrutements n'ont aucun coût pour l'Etat, puisque nous ne recevons pas de subvention de fonctionnement.

L'action de l'Agence s'inscrit dans le cadre de son réseau d'agences locales, mais également dans un réseau de plus en plus important de partenariats avec la BEI ou la KFW évidemment, mais également avec des pays comme le Japon ou la Corée du Sud. Si les bailleurs de fonds souhaitent maintenir des partenariats avec l'AFD, c'est que l'Agence a acquis une compétence sur l'ensemble des problématiques de développement et dispose d'une très large palette d'instruments ainsi que d'un vaste réseau de bureaux sur le terrain.

- enfin, le POS met l'accent sur la recherche d'exemplarité. Nous porterons une plus grande attention encore à notre responsabilité sociale et environnementale. En juin 2012, l'Agence a publié son premier rapport annuel dédié à la responsabilité sociale et environnementale qui nous a valu une note externe B+. Une nouvelle charte d'éthique professionnelle a été finalisée cet été. Nous approfondirons notre travail de mesure de nos résultats, pour assurer notre obligation de redevabilité. Enfin, très prochainement, notre Conseil d'administration aura à se prononcer sur un nouveau cadre de sécurisation financière, qui permettra à la maison d'accroître la transparence autour de l'utilisation de nos fonds.

Au total, notre Agence est aujourd'hui une maison :

- consolidée par un fonctionnement économe et efficace,

- renforcée par un cadre stratégique clarifié et rénové,

- exemplaire par sa démarche éthique et responsable.

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