Sur la coopération franco-britannique, il y a tout d'abord la coopération opérationnelle. Elle se poursuit à grande vitesse. Nous serons après-demain en Corse avec mon homologue britannique pour un exercice naval qui s'appelle Corsican Lion. Tout est fait pour que nous puissions nous déployer de façon conjointe, sous le commandement de l'un ou de l'autre. J'ai des échanges constants avec mon homologue britannique, sur des questions très sensibles.
Concernant la coopération industrielle, c'est plus compliqué. Mais le DGA vous en parlera mieux que moi. En matière de porte-avions, les Britanniques, pour des raisons qui leur sont propres, ont construit leur porte-avions dans des conditions économiques qui font que cela leur coûtera le double de ce que cela leur aurait coûté s'ils l'avaient fabriqué en France. Ils ont fait un choix d'avions - le JSF à décollage vertical -, sont revenus sur ce choix puis, au final, l'ont rétabli à nouveau. Le fait est qu'ils n'auront rien avant 2020, dans le meilleur des cas. Donc l'interopérabilité est inexistante. Sur les sous-marins, nous avons beaucoup essayé. Le DGA en particulier a mis beaucoup d'énergie dans cette affaire. Mais les liens des Britanniques avec les Américains, ou plus exactement la perception qu'ont de ces liens nos amis britanniques, est telle que peu de chose est possible : entre 2 et 5 %. Le jeu n'en vaut pas la chandelle, même si, je vous l'accorde, c'est totalement ridicule que Thales UK fasse un sonar, et Thales France un autre. On ne peut pas bâtir de stratégie ainsi, et donc aucune économie n'est possible.
Sur l'ANL, c'est un des doigts que vous me demandez de me couper. Si vous me demandez si j'en ai besoin, la réponse sans l'ombre d'un doute est oui. Je n'ai aucun armement sur mes frégates entre le canon de 100 mm et le missile Exocet. Les Britanniques en ont autant besoin que nous et se refusent à mettre en l'air des hélicoptères de frégates non armés. Si vous me demandez si je dois me priver d'un autre programme pour le financer, la réponse est non. C'est une question de priorité.
Pour l'UCAV, je dois reconnaître qu'au départ j'étais contre les drones armés, pour des raisons morales. J'ai été convaincu par l'utilisation de ces drones lors des offensives de Benghazi et de Misrata. J'ai changé d'avis. L'UCAV est plus compliqué. C'est un avion de combat. La coopération Dassault-Bae en ce domaine fait du sens. L'UCAV doit être fait par un avionneur. Mais cela ne règle pas le problème des conditions légales d'emploi. Il faut aussi définir les concepts d'emploi.
Pour les satellites, en matière de télécommunications, nous sommes dans une problématique de renouvellement. Les Britanniques ont l'expérience de l'externalisation puisqu'ils ont déjà renouvelé une fois leurs satellites et sont en train de négocier leur troisième contrat. Donc, on sait par expérience que l'externalisation coûte moins cher. C'est en conséquence une voie sur laquelle il convient de s'engager. En matière de satellites d'observation, les Britanniques n'en ont pas du tout. Pour nous, il s'agit de renouveler Hélios 2B. C'est pour partie le projet Musis. Nous avons l'accord des Allemands pour cofinancer deux satellites. Il en faudrait trois. Pour les radars et l'écoute électromagnétique, c'est le projet Cosmos Skymed avec les Italiens et SarLupe avec les Allemands. Notez bien que les Allemands ont créé de toutes pièces un concurrent à ASTRIUM, alors quand on parle de coopération, il y a parfois une grande distance de la coupe aux lèvres. Pour l'écoute, nous avons besoin de Ceres, non seulement pour ses fonctions propres, mais pour d'autres également qui tiennent à la dissuasion nucléaire. On a déjà repoussé ce programme. On cherche des coopérations, mais on n'en trouve pas. Sur l'alerte avancée enfin, avec le successeur de Spirale, nous avons là-encore essayé de convaincre nos partenaires européens et nous n'avons obtenu aucune réponse.