Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 29 mars 2006 à 15h00
Élection du président de la république — Adoption définitive d'un projet de loi organique

Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il est désormais quasiment devenu coutume de vous saisir, avant chaque élection présidentielle, d'un projet de loi organique relatif à l'organisation de ce scrutin.

Comme vous l'avez souligné dans votre très bon rapport, monsieur Portelli, il s'agit de rendre ainsi applicables les dispositions du code électoral qui ont été modifiées depuis la précédente élection, mais également de répondre aux observations du Conseil constitutionnel.

Le projet de loi organique qui vous est soumis s'inscrit donc dans cette tradition et comporte deux catégories de dispositions.

La première catégorie, qui est de nature technique, vise à actualiser les renvois au code électoral qui figurent dans la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République.

En effet, comme vous le savez, l'article 6 de la Constitution prévoit que la loi organique détermine le régime applicable à l'élection présidentielle. Or, la plupart des dispositions du code électoral proviennent de la loi simple : un texte organique est donc indispensable pour rendre applicables au prochain scrutin toutes les réformes intervenues depuis 2002.

Sans cette actualisation, il serait par exemple impossible d'appliquer au scrutin présidentiel la simplification du régime des procurations intervenue en 2003, régime que nos concitoyens ont eu la possibilité d'utiliser en 2004 lors des élections européennes et locales, ainsi qu'en 2005 à l'occasion du référendum.

L'actualisation des règles de l'élection présidentielle va de pair avec leur modernisation et, sur ce point, les dispositions qu'il vous est proposé de reprendre s'inspirent des observations du Conseil constitutionnel.

Il s'agit en premier lieu - c'est une disposition très concrète - de « desserrer » le calendrier des opérations de préparation du scrutin.

Dans le dispositif actuel, les parrainages peuvent être adressés au Conseil constitutionnel jusqu'au dix-neuvième jour qui précède le premier tour, alors que la liste officielle des candidats doit être publiée seize jours avant cette même échéance : le Conseil constitutionnel ne dispose donc que d'un délai extrêmement bref pour vérifier la validité de parrainages qui lui sont parfois adressés au dernier moment, comme l'a démontré le dernier scrutin. De plus, la publication de la liste des candidats deux semaines avant le scrutin ne laisse en fait aucun délai aux autorités chargées d'organiser et de contrôler la campagne électorale, qu'il s'agisse de la Commission nationale de contrôle ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, il vous est proposé d'avancer la date limite de réception des parrainages au sixième vendredi précédant le premier tour. Ce délai supplémentaire de dix-huit jours permettra au Conseil constitutionnel de vérifier leur validité dans de meilleures conditions et, surtout, de publier plus tôt la liste des candidats admis à se présenter. Ainsi, les autorités chargées de l'organisation et du contrôle de la campagne électorale pourront accomplir leur mission de manière plus sereine. En outre, les Français connaîtront plus tôt la liste définitive des candidats, ce qui permettra de mettre un terme plus rapide aux supputations, qui ne manquent jamais, sur la capacité de tel ou tel à franchir le seuil des 500 signatures. Là aussi, l'exemple de 2002 nous a encouragés à agir dans ce sens.

Une deuxième réforme suggérée par le Conseil constitutionnel vise à transférer à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le contrôle des comptes des candidats.

Aujourd'hui, la Commission nationale assume cette mission pour l'ensemble des élections politiques à l'exception du scrutin présidentiel, pour lequel le Conseil constitutionnel est directement compétent. Ainsi privés de voie de recours, les candidats à la fonction la plus éminente bénéficient, pour le contrôle de leurs comptes, de garanties inférieures à celles qui existent pour tous les autres scrutins.

Il vous est donc proposé de confier à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui est devenue une autorité administrative indépendante depuis l'ordonnance du 8 novembre 2003, la mission d'examiner en première instance les comptes des candidats à l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel intervenant désormais en cas de recours.

La Commission nationale se prononcera dans les six mois qui suivent l'élection. Elle pourra approuver les comptes, les rejeter ou les réformer, et arrêter le montant du remboursement forfaitaire. Le Conseil constitutionnel pourra alors être saisi d'un recours dans le délai d'un mois.

Dans un souci de transparence, le compte de chaque candidat sera publié au Journal officiel dans le mois suivant la date limite de dépôt. Il fera l'objet d'une seconde publication après avoir été définitivement arrêté par la Commission nationale ou le Conseil constitutionnel.

La troisième mesure consiste à renforcer le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel et de la Commission nationale pour fixer le remboursement octroyé à chaque candidat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez pris en compte cette nécessité dès 2001 en permettant au Conseil constitutionnel d'accorder le remboursement forfaitaire dès lors que les éventuelles irrégularités constatées étaient non intentionnelles et de portée très réduite.

Le déroulement de la campagne présidentielle donne parfois lieu à de nombreuses initiatives locales, qu'il est impossible à chaque candidat de suivre en temps réel et dont le bilan ne peut être vraiment tiré qu'au moment de l'établissement définitif du compte. Il faut donc permettre au juge d'apprécier cette difficulté avant de réduire éventuellement le montant du remboursement.

Le projet qui vous est soumis propose donc de renforcer ce pouvoir d'appréciation, tout en l'encadrant. Le Conseil constitutionnel et la Commission nationale auront ainsi plus de latitude pour ajuster le montant du remboursement, en fonction du nombre et de la gravité des éventuelles irrégularités.

Le projet de loi organique tend, enfin, à permettre à tous nos compatriotes de prendre part au vote sans connaître les résultats de la métropole.

Il étend le principe du vote le samedi - principe qui est déjà appliqué pour la Polynésie française - à toutes les collectivités françaises d'Amérique, ainsi qu'à nos ambassades et postes consulaires sur le continent américain.

C'est d'ailleurs sur votre initiative, je le rappelle, que ce dispositif avait pu s'appliquer aux élections européennes de 2004 dans les collectivités territoriales d'Amérique. Il a été reconduit l'année suivante pour le référendum sur le projet de constitution européenne et, à cette occasion, étendu aux ambassades et aux postes consulaires.

La révision de l'article 7 de la Constitution, intervenue en 2003, a rendu possible cette évolution qu'il vous est donc aujourd'hui proposé d'étendre à l'élection présidentielle. Il s'agit là d'une garantie supplémentaire pour la sincérité du scrutin, autant que d'une marque de respect à l'égard de nos compatriotes de l'outre-mer, qui, pour certains, se rendaient aux urnes alors que les résultats étaient déjà connus en métropole. Ce n'était donc pas très respectueux pour eux et pouvait peut-être, à la marge, fausser le résultat du scrutin.

Avant de conclure, permettez-moi de vous dire quelques mots des aménagements apportés au texte par l'Assemblée nationale. La plupart sont rédactionnels et le Gouvernement y souscrit pleinement.

L'Assemblée nationale a également enrichi le projet de loi organique d'une importante disposition, qui permettra à nos compatriotes établis hors de France, s'ils le souhaitent, de préciser leur adresse électronique sur les listes électorales.

Il s'agit d'une réforme défendue de longue date par le Sénat, notamment par MM. Del Picchia et Cantegrit.

Pour les Français qui résident à l'étranger, la participation au scrutin est en effet, plus encore que sur le territoire national, liée à la diffusion satisfaisante de l'information électorale.

L'usage du courrier électronique est ainsi de nature à permettre une meilleure expression de la citoyenneté, afin que l'éloignement géographique n'implique plus, comme c'est encore trop souvent le cas, l'éloignement des urnes.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions que le Gouvernement vous propose d'adopter en vue de la prochaine élection du Président de la République. Toutes sont de nature technique. Elles permettront aux acteurs en charge de l'organisation de l'élection d'effectuer leur travail de manière plus sereine et plus efficace, et viendront renforcer les droits des candidats lors du contrôle de leurs dépenses électorales.

Elles donneront à nos compatriotes d'outre-mer la possibilité de voter sans connaître les résultats du scrutin en métropole et faciliteront enfin la diffusion de la propagande électorale à l'étranger. Ce sont autant d'aménagements qui permettront à tous, j'en suis convaincu, de se consacrer à ce qui doit rester l'essentiel : le débat démocratique.

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