Intervention de Josette Durrieu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 octobre 2013 : 1ère réunion
La rive sud de la méditerranée une zone de prospérité à construire — Présentation du rapport d'information

Photo de Josette DurrieuJosette Durrieu, co-présidente du groupe de travail :

Les pays du Maghreb disposent de véritables atouts sous réserve que certaines conditions soient réalisées.

Le principal d'entre eux est leur positionnement géographique à proximité avec l'Europe occidentale et leur place pivot à la proue de l'Afrique. La mondialisation est marquée par une dynamique de constitution de « grandes régions ». La Méditerranée et l'Afrique constituent une grande région Nord-Sud. Elle réunirait les forces des pays développés « vieillissants » (brevets, scientifiques, expérience industrielle, taille du marché) et les forces des pays jeunes et émergents du Sud (matières premières, énergie, main d'oeuvre). La vision prospective exposée par Jean-Louis Guigou est convaincante. Dans cet ensemble, le Maghreb n'est plus une « périphérie », mais le coeur ou le pivot de cette grande région.

Une jeunesse nombreuse, 40% de la population a moins de 25 ans, qui dispose d'un niveau d'éducation encore perfectible, constitue le second atout.

Le troisième est leur important potentiel énergétique dans le domaine des hydrocarbures mais aussi et surtout des énergies renouvelables notamment solaires et éoliennes. L'ensoleillement est exceptionnel dans ces pays. Le Plan solaire Méditerranée lancé en 2008 dans le cadre de l'UpM prévoit des lignes d'interconnexion vers l'Union européenne. On estime que ces nouvelles sources d'énergie pourraient satisfaire les besoins actuels et futurs de l'Europe et de la région. L'Allemagne est impliquée dans ces projets.

Bien entendu, le tourisme dont le développement n'a pas atteint son apogée reste un atout véritable. Le potentiel est immense. Il faut le diversifier et monter en gamme. Mais ces pays doivent veiller à la protection de son environnement.

Par ailleurs et cela constitue un avantage, les pays du Maghreb entretiennent des liens étroits mais de nature différente avec le monde arabo-musulman et les pays africains. L'Algérie était très influente auprès des pays arabes modernistes et, en raison des luttes anticoloniales, auprès des pays africains notamment au sein de l'Union africaine où elle mène une active diplomatie. Le Maroc bénéficie de liens étroits avec les pays du Golfe et, en Afrique, notamment de l'Ouest, son influence est fondée sur les liens économiques, sociaux, universitaires et confrériques.

Enfin, les pays du Maghreb disposent d'une culture de l'Etat (sauf peut-être la Libye). Algérie, Maroc et Tunisie sont des États structurés qui leur donne une certaine assise et même une stabilité dans les périodes de crise.

Toutefois, ces atouts ne pourront véritablement être mis à profit que si un certain nombre de conditions sont remplies. Nous en avons identifié quatre : la sécurité régionale, une solution au conflit du Sahara occidental, une plus grande intégration économique et la prise en compte de l'environnement dans le développement.

Les questions de sécurité concernent l'espace sahélo-saharien dans son ensemble. Véritable océan minéral, cet espace peu peuplé et difficilement contrôlable est devenu un lieu des trafics illégaux notamment de transit de la drogue, et d'installation de groupes terroristes. Si la menace terroriste a diminué d'intensité, elle reste très présente en Algérie (plus de 300 morts par an et la présence probable de la direction d'AQMI). Le Maroc est moins vulnérable mais il subit régulièrement des actions et des menaces. La Tunisie est en proie à une action plus virulente depuis le début de l'année. On a noté également la présence de nombreux Tunisiens dans le djihad en Syrie et dans les actions terroristes dans le Sahel ou en Algérie. Enfin, le désordre régnant en Libye fait du sud une zone de refuge et d'action en direction de tous les pays voisins. L'internationale terroriste apparaît comme un nouvel acteur politique dans le nord de l'Afrique avec des regroupements et des alliances entre les réseaux maghrébins et africains.

Le Maroc et l'Algérie disposent des armées les plus nombreuses et les mieux équipées. Ils consacrent respectivement 3,5 et 4% de leur PIB aux dépense militaires. Cet effort a principalement été orienté jusqu'à maintenant, par la « paix chaude » entre les deux pays, mais aussi par la menace terroriste.

La sécurité passe aussi par la réduction des tensions. Or depuis 40 ans un conflit reste non résolu, celui du Sahara occidental qui oppose le Maroc qui administre de fait cette ancienne colonie espagnole et propose un statut de large autonomie et le Front Polisario attaché à l'organisation d'un référendum portant sur l'indépendance, l'autonomie ou l'intégration, et qui a proclamé en 1976 la république arabe sahraouie démocratique. C'est une pierre d'achoppement majeure entre l'Algérie qui soutient le Front Polisario et le Maroc. Sa résolution relève des Nations unies qui disposent d'une mission sur place depuis 1991. Plusieurs plans ont été présentés aux parties sans résultat. La France soutient les efforts des Nations unies pour trouver une solution politique juste, durable et mutuellement agréée. Le Président de la République a eu l'occasion de réaffirmer que l'impasse actuelle est préjudiciable à tous. En outre, la crise au Sahel rend encore plus urgente la nécessité de mettre fin à cette situation. La France considère le plan d'autonomie proposé par le Maroc comme « une base crédible pour une solution négociée ». Je me suis rendue à Laayoune dans le cadre de notre mission et j'ai pu constater la division de la population sur l'avenir du territoire, et l'investissement considérable du Maroc en matière de développement économique.

Il reste que cette situation bloque depuis 40 ans le rapprochement entre l'Algérie et le Maroc et l'intégration économique de la région. Chacun considère que la fermeture des frontières, notamment, la frontière algéro-marocaine et la faible intégration économique comme une absurdité, on estime à deux points de croissance annuelle le coût du « non-Maghreb ». Il est clair que la coopération régionale conférerait à ces pays un poids plus important dans les négociations commerciales et politiques avec les partenaires internationaux. Une organisation a bien été mise en place en 1989, l'Union du Maghreb arabe, mais son activité est réduite.

Enfin, les préoccupations environnementales ne doivent pas être ignorées dans des pays considérés comme particulièrement vulnérables notamment en raison de leur déficit en eau. Les problèmes de l'assainissement et du traitement des déchets sont aussi des questions importantes.

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