L'intensité des relations avec le Maghreb, la nécessité de conduire les mutations économiques et politiques dans un cadre rendent nécessaire une implication plus grande de l'Europe et de la France.
Les relations politiques et diplomatiques entre l'Europe et le Maghreb sont pour l'essentiel des relations bilatérales entre Etats, qui ont été complétées par une politique commune de l'Union européenne.
Grâce à un réseau particulièrement développé, la France entretient des relations fortes avec les pays du Maghreb. Le Président de la République a visité les trois pays au cours de la première année de son mandat. Elle consacre plus de 10% de l'aide publique au développement aux pays du Maghreb. Elle est le premier pourvoyeur d'aide en Tunisie et au Maroc et doit prendre les dispositions nécessaires pour maintenir le montant des engagements de l'AFD qui ont atteint les limites prudentielles, ce qui va rendre difficile le soutien de ces pays à leur niveau actuel.
Les autres puissances européennes sont présentes mais à un moindre degré, mais elles affichent davantage une volonté de nouer des liens commerciaux avec les pays du Maghreb.
L'Union européenne a conclu des accords d'association avec chacun des pays du Maghreb et développé une politique commune, dite de voisinage. Dotée de plus de 9 Mds d'euros pour la période 2007-2013 (Territoires palestiniens compris), cette politique a été aménagée pour accompagner le processus démocratique en cours. Le Maroc et la Tunisie ont le plus avancé dans la mise en oeuvre du partenariat. La politique de voisinage s'appuie également sur des prêts de la BEI dont elle assure la garantie jusqu'à un certain niveau.
Compte tenu de l'évolution de ces pays, les relations bilatérales doivent évoluer vers un partenariat d'égal à égal. Il y a un fort besoin de reconnaissance d'identité et de respect. Outre la mise en oeuvre d'un dialogue de haut-niveau avec chacun d'eux, il convient de maintenir des moyens d'action conséquents en matière de coopération, d'action culturelle.
Enfin, il est nécessaire d'inscrire ces relations dans un cadre multilatéral. Vous le savez, les projets comme le processus de Barcelone et l'Union pour la Méditerranée ont trouvé leurs limites en raison des conséquences du conflit israélo-palestinien. Leur fonctionnement au niveau politique s'en trouve perturbé.
A l'occasion du « printemps arabe » la communauté internationale a mis en oeuvre un plan d'aide faisant appel à un cadre international dépassant l'Europe, partenariat de Deauville, et permettant l'intervention de la BERD.
Pour autant, un espace de coopération politique, spécifique à la Méditerranée occidentale permettant le développement de projets concrets, est nécessaire. Le Dialogue 5+5 peut fournir ce cadre, parce qu'il est souple et relativement informel et permet l'expression des besoins et des consensus. Mais il réussira d'autant mieux s'il est articulé avec des partenaires naturels : les instances de l'Union européenne, qui sont en charge de nombre de domaines qui intéressent les pays concernés, le secrétariat général de l'UpM comme opérateur de projets, parce qu'il est doté des compétences nécessaires et enfin l'Union du Maghreb arabe pour favoriser la mise en oeuvre de projets régionaux.
L'idée essentielle est d'utiliser les institutions et mécanismes existant pour conserver une organisation légère et souple, plutôt que de reconstituer une nouvelle institution. L'idée est d'aller davantage vers la réalisation de projets, comme l'autoroute entre les pays du Maghreb dont la réalisation nous paraît fondamentale.
Ce travail en partenariat est également nécessaire pour réguler les phénomènes migratoires.
Cela passe par un soutien au développement des activités économiques : la ré-industrialisation à travers une stratégie de colocalisation des activités économiques, qui ne peuvent être développées en France, incluant les PME, et développement de l'économie numérique en veillant à ce que les projets soutenus par l'Union européenne et la France soient créateurs d'emplois et intègrent le développement équilibré et durable des territoires ; le soutien aux projets d'infrastructures et de services publics (logement, déplacements urbains, santé...) qui bénéficient directement à la population en s'appuyant sur la coopération décentralisée notamment dans le domaine de l'expertise et de la conduite de projet, mais aussi des jumelages entre collectivités et un investissement commun dans les domaines de l'éducation, de la formation professionnelle. Le rapport propose toute une série de pistes en ce domaine pour favoriser la rénovation des systèmes éducatifs, universitaires et de formations professionnelles, développer les échanges.
Il est également très important de soutenir les projets qui favorisent l'intégration et l'unité de la région : les infrastructures régionales de transports comme le réseau autoroutier transmaghrébin et, à moyen terme, la liaison routière ou ferroviaire avec l'Europe - le tunnel sous le détroit de Gibraltar reviendra à un moment ou à un autre d'actualité -, mais aussi les projets de communauté euro-méditerranéenne de l'énergie fondée sur la production d'électricité grâce aux énergies renouvelables et l'interconnexion des réseaux électriques.
Promouvoir un partenariat avec les pays du Maghreb est un défi, car l'évolution de ces pays est une source d'inquiétudes mais c'est aussi une obligation.
Il y aurait un paradoxe à réduire notre soutien au moment où ils entament une transition et où ils en ont le plus besoin. Ce serait là un message catastrophique pour la promotion de nos valeurs, alors qu'elles sont partagées par un grand nombre de personnes au Maghreb.
Désormais les pays du sud de la Méditerranée peuvent faire d'autres choix en termes de coopération. L'Europe et la France doivent donc démontrer qu'elles sont en mesure de répondre à leurs attentes. En outre, elles ne peuvent se permettre de laisser s'instaurer dans leur proximité immédiate une zone d'instabilité, alors même que son développement économique pourrait être un facteur de croissance pour leurs économies.