Intervention de Ramon Fernandez

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de M. Ramon Fernandez directeur général du trésor programme 110 « aide économique et financière au développement » de la mission aide publique au développement

Ramon Fernandez, directeur général du Trésor :

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » constitue avec le programme 209 la mission interministérielle « Aide publique au développement ». Ce programme a pour objectif le soutien à la stabilité macroéconomique, aux politiques de croissance, au développement durable et à la santé. Ses crédits se répartissent en trois ensembles : ceux relatifs à l'aide multilatérale octroyée par les institutions financières internationales, comme les fonds concessionnels pour les prêts aux pays les plus pauvres, et quelques fonds sectoriels, comme sur le changement climatique ; les crédits relatifs à l'aide bilatérale, qui bonifient notamment les prêts de l'AFD ; et enfin les crédits relatifs au traitement de la dette des pays pauvres.

Le 31 juillet dernier, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui ne s'était pas réuni depuis 2009, a défini les orientations de notre politique de développement.

Tout d'abord, la France maintient sa place parmi les principaux contributeurs à l'aide publique au développement en dépit d'un contexte budgétaire tendu. En 2013, elle restera le 4e contributeur mondial derrière les Etats-Unis, l'Allemagne, et le Royaume-Uni, avec près de 10 milliards d'euros. Son effort devrait passer en 2014 de 0,47% à 0,48% du PIB. La répartition de l'aide entre le bilatéral (deux tiers) et le multilatéral ou l'européen (un tiers) ne change globalement pas, bien que les aides multilatérales baissent de 4%. Les crédits de la mission « Aide publique au développement » diminuent de 5% par rapport à 2013 ; ce recul est partiellement compensé par la mobilisation de financements innovants : 208 millions proviendront de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et 100 millions de la taxe françaises sur les transactions financières, dont la part destinée à l'aide publique au développement (APD) passe de 10% à 15%. Nous financerons ainsi des actions en matière de santé ou de lutte contre le changement climatique grâce à notre participation au Fonds vert.

De plus, nous optimisons le coût de notre aide grâce à des prêts concessionnels, c'est-à-dire sous conditions, tout en veillant à la soutenabilité de la dette des États bénéficiaires. Nous procédons également à des annulations de dette : en Guinée, en Birmanie ou en Côte d'Ivoire en 2013 ; en 2014 les crédits correspondant aux annulations de dette pourraient concerner la Somalie, le Tchad, le Soudan, la Zimbabwe, et la Côte d'Ivoire.

Les crédits de paiement du programme 110 baissent de 4%. En revanche les autorisations d'engagement (AE), qui suivent le calendrier de reconstitution triennale des principaux fonds multilatéraux d'aide aux pays les plus pauvres, augmentent : 1,2 milliard est inscrit pour trois ans au titre de l'Association internationale de développement (AID), et 400 millions seront consacrés au Fonds africain de développement, dont la dernière réunion de reconstitution s'est tenue dernièrement à Paris.

Ensuite, conformément aux orientations du Cicid, notre aide visera prioritairement l'Afrique. Au titre de la solidarité avec les pays les plus pauvres, la France concentrera ses efforts sur seize pays situés sur ce continent : ils bénéficieront de 50% des subventions de l'État et de deux tiers des subventions mises en oeuvre par l'AFD. L'Afrique et la Méditerranée seront destinataires de 85% de l'effort financier de l'Etat. En Afrique subsaharienne, nous mobiliserons toute la gamme des instruments : prêts, dons, garanties. Dans les pays de l'est et du sud de la Méditerranée, engagés dans des processus de transition, nous travaillerons dans une logique d'intégration régionale, de développement mutuellement bénéfique et de colocalisation. Dans le reste du monde, qui regroupe des pays à revenu intermédiaire ou des pays émergents en croissance rapide, nous favoriserons la croissance verte et solidaire grâce à une coopération économique, sans coût financier pour l'Etat à l'exception de l'expertise technique. Enfin, la France interviendra aussi dans les pays en crise ou en sortie de crise, comme Haïti.

La loi de finances traduit les priorités du gouvernement en matière d'aide bilatérale avec les bonifications de prêts de l'AFD ; les AE sont maintenues à 242 millions. L'AFD, qui joue un rôle central, a vu son activité croître. Elle intervient dans 110 pays sur les 143 de la liste des pays éligibles de l'OCDE adaptant ses modalités d'intervention aux besoins grâce à une palette d'instruments diversifiés (subventions, prêts, prises de participation).

Au titre de l'aide bilatérale liée, 19 millions d'AE sont consacrés au Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP) qui finance notamment des études en amont des projets d'infrastructures. Conformément aux principes de l'OCDE, la quasi-totalité de notre aide est déliée, ce qui n'exclut pas de rechercher un bénéfice mutuel avec les pays bénéficiaires. Nous avons créé à cet effet un fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences (FEXTE) au sein de l'AFD afin de favoriser les synergies entre les compétences économiques et les besoins des pays en développement.

Au titre de l'aide multilatérale, les versements prévus correspondent à des engagements en faveur de l'AID, dont, grâce à notre mobilisation, 50% des crédits vont à l'Afrique subsaharienne- il est important de rester influents. De même, 75% des engagements concessionnels du FMI bénéficient à l'Afrique subsaharienne. Nous avons aussi maintenu notre participation au Fonds africain de développement. Au terme d'une négociation de huit mois, nous avons obtenu une hausse de 45% de l'enveloppe consacrée au Sahel, soit un milliard de dollars. En parvenant à aligner les objectifs des fonds multilatéraux sur nos propres priorités, nous renforçons l'efficacité de notre propre politique.

Nous maintenons notre participation au FAD et à l'AID . Pour cette dernière, il est désormais possible de contribuer sous la forme de prêts et non plus seulement de dons. Les négociations sont en cours et leur aboutissement devrait permettre d'orienter encore plus l'aide vers l'Afrique subsaharienne. De même, les AE progressent de 300 millions pour financer l'annulation de la dette, essentiellement africaine, décidée au G8 de 2005 et en compenser le coût pour les institutions multilatérales. Notre action en faveur de l'Afrique s'appuie également sur des initiatives politiques. Le sommet de l'Elysée réunira les chefs d'Etat les 6 et 7 décembre. Dès le 4 décembre, se tiendra à Bercy une conférence économique consacrée aux liens entre les secteurs privés et publics africains et français. Nous nous appuierons sur les propositions de la mission de réflexion confiée à Hubert Védrine.

Troisième objectif, renforcer la cohérence de notre aide. Les orientations du Cicid s'inscrivent dans la continuité des Assises du développement et de la solidarité internationale tenues entre novembre 2012 et mars 2013. La loi d'orientation et de programmation en préparation définira des orientations géographiques et sectorielles. De plus, la maquette du document de politique transversale a été refondue, conformément aux souhaits des parlementaires, afin de présenter nos objectifs avec plus de lisibilité. Nous avons pu vous le communiquer plus rapidement. En dépit de la réduction de nos effectifs, nous avons créé un bureau consacré à l'aide publique au développement. Nous rédigerons également périodiquement un rapport plus complet sur nos actions en matière d'aide au développement ; nous installerons un comité national du développement et de la solidarité internationale ; enfin nous définirons une stratégie pour notre aide multilatérale, incluant les dimensions européenne et internationale.

En 2015, nous devrons peser sur les réflexions en cours dans les grandes institutions internationales. Il ne faut pas réduire la mesure de l'aide au développement à un seul indicateur. N'oublions pas en effet le rôle des flux privés : les transferts des migrants s'élèvent à plus de 400 milliards, soit plus que les flux publics. Les indicateurs doivent tenir compte des différentes sources de financement et des différents instruments. Il nous faut inciter le privé à participer au développement, aux côtés des flux publics. Des partenariats conjoints sont envisageables, grâce à l'effet de levier de l'argent public.

N'hésitons pas à utiliser toute la gamme des instruments financiers disponibles en veillant à leur adéquation aux besoins. Les prêts, par exemple, présentent l'intérêt de mieux responsabiliser les décideurs locaux. Notre objectif est de maximiser l'impact de l'aide à partir d'une aide publique donnée. De plus, il faut renforcer le dialogue avec les nouveaux pays prêteurs, les puissances émergentes : la part de la Chine, du Brésil ou de l'Inde, dans le financement souverain a décuplé en dix ans ; ils accordent désormais 20% des prêts souverains. Il est nécessaire de les associer davantage à l'effort collectif en faveur du développement. Nous les avons invités, ainsi que le Qatar, l'Afrique du Sud ou la Corée, à participer à la conférence des créanciers souverains, organisée à Bercy en lien avec la présidence russe du G20 le 23 octobre dernier. Nous avons évoqué les disciplines collectives à respecter. Nous renouvellerons cette initiative.

Nous voulons aussi aider les pays à mieux mobiliser leurs propres ressources en améliorant leurs infrastructures fiscale, institutionnelle et administrative. M. Moscovici a signé ce mois-ci une initiative, sous l'égide de la Banque mondiale, visant à aider les pays en développement à mieux négocier les contrats avec les grandes multinationales en matière d'industries...

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