La commission auditionne M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission Aide publique au développement).
Nous vous auditionnons, Monsieur le directeur général, sur les crédits du programme 110 placés sous votre responsabilité au sein de la mission «Aide au développement ».
M. Canfin peut s'appuyer sur deux directions : la direction générale de la mondialisation au Quai d'Orsay et la direction générale du Trésor à Bercy. Consacré à l'aide économique et financière, le programme 110 poursuit un double objectif de solidarité envers les pays en développement, d'une part, et, d'autre part, d'influence et de promotion des intérêts français. Il représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget. Il comprend la participation française aux institutions multilatérales de développement, la tutelle de l'Agence française de développement (AFD), la gestion des crédits de bonification mis à la disposition de cette agence ainsi que des crédits bilatéraux d'assistance technique et de traitement de la dette. Parallèlement, le Trésor traite des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale, du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la zone franc. Ces différentes fonctions conduisent le Trésor à intervenir dans le domaine de la stabilité macro-économique des pays en développement, dans le secteur des infrastructures, de la promotion du secteur privé et, plus récemment, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » constitue avec le programme 209 la mission interministérielle « Aide publique au développement ». Ce programme a pour objectif le soutien à la stabilité macroéconomique, aux politiques de croissance, au développement durable et à la santé. Ses crédits se répartissent en trois ensembles : ceux relatifs à l'aide multilatérale octroyée par les institutions financières internationales, comme les fonds concessionnels pour les prêts aux pays les plus pauvres, et quelques fonds sectoriels, comme sur le changement climatique ; les crédits relatifs à l'aide bilatérale, qui bonifient notamment les prêts de l'AFD ; et enfin les crédits relatifs au traitement de la dette des pays pauvres.
Le 31 juillet dernier, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui ne s'était pas réuni depuis 2009, a défini les orientations de notre politique de développement.
Tout d'abord, la France maintient sa place parmi les principaux contributeurs à l'aide publique au développement en dépit d'un contexte budgétaire tendu. En 2013, elle restera le 4e contributeur mondial derrière les Etats-Unis, l'Allemagne, et le Royaume-Uni, avec près de 10 milliards d'euros. Son effort devrait passer en 2014 de 0,47% à 0,48% du PIB. La répartition de l'aide entre le bilatéral (deux tiers) et le multilatéral ou l'européen (un tiers) ne change globalement pas, bien que les aides multilatérales baissent de 4%. Les crédits de la mission « Aide publique au développement » diminuent de 5% par rapport à 2013 ; ce recul est partiellement compensé par la mobilisation de financements innovants : 208 millions proviendront de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et 100 millions de la taxe françaises sur les transactions financières, dont la part destinée à l'aide publique au développement (APD) passe de 10% à 15%. Nous financerons ainsi des actions en matière de santé ou de lutte contre le changement climatique grâce à notre participation au Fonds vert.
De plus, nous optimisons le coût de notre aide grâce à des prêts concessionnels, c'est-à-dire sous conditions, tout en veillant à la soutenabilité de la dette des États bénéficiaires. Nous procédons également à des annulations de dette : en Guinée, en Birmanie ou en Côte d'Ivoire en 2013 ; en 2014 les crédits correspondant aux annulations de dette pourraient concerner la Somalie, le Tchad, le Soudan, la Zimbabwe, et la Côte d'Ivoire.
Les crédits de paiement du programme 110 baissent de 4%. En revanche les autorisations d'engagement (AE), qui suivent le calendrier de reconstitution triennale des principaux fonds multilatéraux d'aide aux pays les plus pauvres, augmentent : 1,2 milliard est inscrit pour trois ans au titre de l'Association internationale de développement (AID), et 400 millions seront consacrés au Fonds africain de développement, dont la dernière réunion de reconstitution s'est tenue dernièrement à Paris.
Ensuite, conformément aux orientations du Cicid, notre aide visera prioritairement l'Afrique. Au titre de la solidarité avec les pays les plus pauvres, la France concentrera ses efforts sur seize pays situés sur ce continent : ils bénéficieront de 50% des subventions de l'État et de deux tiers des subventions mises en oeuvre par l'AFD. L'Afrique et la Méditerranée seront destinataires de 85% de l'effort financier de l'Etat. En Afrique subsaharienne, nous mobiliserons toute la gamme des instruments : prêts, dons, garanties. Dans les pays de l'est et du sud de la Méditerranée, engagés dans des processus de transition, nous travaillerons dans une logique d'intégration régionale, de développement mutuellement bénéfique et de colocalisation. Dans le reste du monde, qui regroupe des pays à revenu intermédiaire ou des pays émergents en croissance rapide, nous favoriserons la croissance verte et solidaire grâce à une coopération économique, sans coût financier pour l'Etat à l'exception de l'expertise technique. Enfin, la France interviendra aussi dans les pays en crise ou en sortie de crise, comme Haïti.
La loi de finances traduit les priorités du gouvernement en matière d'aide bilatérale avec les bonifications de prêts de l'AFD ; les AE sont maintenues à 242 millions. L'AFD, qui joue un rôle central, a vu son activité croître. Elle intervient dans 110 pays sur les 143 de la liste des pays éligibles de l'OCDE adaptant ses modalités d'intervention aux besoins grâce à une palette d'instruments diversifiés (subventions, prêts, prises de participation).
Au titre de l'aide bilatérale liée, 19 millions d'AE sont consacrés au Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP) qui finance notamment des études en amont des projets d'infrastructures. Conformément aux principes de l'OCDE, la quasi-totalité de notre aide est déliée, ce qui n'exclut pas de rechercher un bénéfice mutuel avec les pays bénéficiaires. Nous avons créé à cet effet un fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences (FEXTE) au sein de l'AFD afin de favoriser les synergies entre les compétences économiques et les besoins des pays en développement.
Au titre de l'aide multilatérale, les versements prévus correspondent à des engagements en faveur de l'AID, dont, grâce à notre mobilisation, 50% des crédits vont à l'Afrique subsaharienne- il est important de rester influents. De même, 75% des engagements concessionnels du FMI bénéficient à l'Afrique subsaharienne. Nous avons aussi maintenu notre participation au Fonds africain de développement. Au terme d'une négociation de huit mois, nous avons obtenu une hausse de 45% de l'enveloppe consacrée au Sahel, soit un milliard de dollars. En parvenant à aligner les objectifs des fonds multilatéraux sur nos propres priorités, nous renforçons l'efficacité de notre propre politique.
Nous maintenons notre participation au FAD et à l'AID . Pour cette dernière, il est désormais possible de contribuer sous la forme de prêts et non plus seulement de dons. Les négociations sont en cours et leur aboutissement devrait permettre d'orienter encore plus l'aide vers l'Afrique subsaharienne. De même, les AE progressent de 300 millions pour financer l'annulation de la dette, essentiellement africaine, décidée au G8 de 2005 et en compenser le coût pour les institutions multilatérales. Notre action en faveur de l'Afrique s'appuie également sur des initiatives politiques. Le sommet de l'Elysée réunira les chefs d'Etat les 6 et 7 décembre. Dès le 4 décembre, se tiendra à Bercy une conférence économique consacrée aux liens entre les secteurs privés et publics africains et français. Nous nous appuierons sur les propositions de la mission de réflexion confiée à Hubert Védrine.
Troisième objectif, renforcer la cohérence de notre aide. Les orientations du Cicid s'inscrivent dans la continuité des Assises du développement et de la solidarité internationale tenues entre novembre 2012 et mars 2013. La loi d'orientation et de programmation en préparation définira des orientations géographiques et sectorielles. De plus, la maquette du document de politique transversale a été refondue, conformément aux souhaits des parlementaires, afin de présenter nos objectifs avec plus de lisibilité. Nous avons pu vous le communiquer plus rapidement. En dépit de la réduction de nos effectifs, nous avons créé un bureau consacré à l'aide publique au développement. Nous rédigerons également périodiquement un rapport plus complet sur nos actions en matière d'aide au développement ; nous installerons un comité national du développement et de la solidarité internationale ; enfin nous définirons une stratégie pour notre aide multilatérale, incluant les dimensions européenne et internationale.
En 2015, nous devrons peser sur les réflexions en cours dans les grandes institutions internationales. Il ne faut pas réduire la mesure de l'aide au développement à un seul indicateur. N'oublions pas en effet le rôle des flux privés : les transferts des migrants s'élèvent à plus de 400 milliards, soit plus que les flux publics. Les indicateurs doivent tenir compte des différentes sources de financement et des différents instruments. Il nous faut inciter le privé à participer au développement, aux côtés des flux publics. Des partenariats conjoints sont envisageables, grâce à l'effet de levier de l'argent public.
N'hésitons pas à utiliser toute la gamme des instruments financiers disponibles en veillant à leur adéquation aux besoins. Les prêts, par exemple, présentent l'intérêt de mieux responsabiliser les décideurs locaux. Notre objectif est de maximiser l'impact de l'aide à partir d'une aide publique donnée. De plus, il faut renforcer le dialogue avec les nouveaux pays prêteurs, les puissances émergentes : la part de la Chine, du Brésil ou de l'Inde, dans le financement souverain a décuplé en dix ans ; ils accordent désormais 20% des prêts souverains. Il est nécessaire de les associer davantage à l'effort collectif en faveur du développement. Nous les avons invités, ainsi que le Qatar, l'Afrique du Sud ou la Corée, à participer à la conférence des créanciers souverains, organisée à Bercy en lien avec la présidence russe du G20 le 23 octobre dernier. Nous avons évoqué les disciplines collectives à respecter. Nous renouvellerons cette initiative.
Nous voulons aussi aider les pays à mieux mobiliser leurs propres ressources en améliorant leurs infrastructures fiscale, institutionnelle et administrative. M. Moscovici a signé ce mois-ci une initiative, sous l'égide de la Banque mondiale, visant à aider les pays en développement à mieux négocier les contrats avec les grandes multinationales en matière d'industries...
Nous contribuons au financement de cette initiative. Bercy est partie prenante de la politique d'aide au développement grâce à la gestion des accords de la zone franc et des dossiers concernant la dette, ou à notre expertise en matière de négociations internationales. Nous entretenons d'excellentes relations avec le ministère des affaires étrangères. Si nous sommes attentifs à la situation budgétaire, nous cherchons à tenir compte des problématiques du développement dans les différentes enceintes où nous sommes présents et sommes conscients du rôle de l'aide publique au développement en matière de diplomatie économique.
Le programme 110 est réparti entre les Finances et les Affaires étrangères. Cette cotutelle nous laisse perplexes. Je comprends que Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel souhaitent la création d'un ministère de plein exercice.
Nous soutenons le recours aux financements innovants : nous avions déposé le premier amendement relatif à la taxe sur les transactions financières. Nous espérons que les recettes seront conformes aux attentes. Les ministres, avec un sanglot dans la voix, nous parlent de retour à bonne fortune, tandis que les mauvaises fortunes s'accumulent. Quelles garanties avez-vous ? Avec la crise leur rendement risque d'être inférieur aux prévisions, comme pour la loi de programmation militaire. N'a-t-on d'autre choix que d'attendre un retour à bonne fortune ?
Il manque entre 200 et 500 millions à notre aide bilatérale en Afrique. Nous avons maintenu notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, mais ne cessons de voir notre contribution à d'autres fonds reculer, ainsi du PNUD. Nous multiplions les participations au risque de faire du saupoudrage : que peut-on faire avec les 19 millions alloués au Fasep ?
Où en est-on sur la question des fonds propres de l'AFD ? Les ratios prudentiels sont déjà atteints dans certains pays comme le Maroc. Elle intervient dans 110 pays. Là aussi, ne faudrait-il pas concentrer notre aide ? Voyez le Royaume-Uni qui a supprimé son aide à l'Inde ! Le Cicid a décidé de concentrer 85% de notre aide sur l'Afrique. Les sommes allouées à d'autres pays ne dépassent pas quelques millions d'euros, soit la moitié du budget d'investissement de la commune de 17 000 habitants que j'administre. L'objectif des 0,7% relève de l'incantation, alors que le Royaume-Uni l'a atteint. Pourquoi ne pas concentrer notre aide sur les seize pays les plus pauvres ? On le dit ? On le fait ! Est-il utile d'aller se promener au Kazakhstan, même si cela ne coûte pas cher ?
Nous avons d'autres moyens d'étendre notre influence. Je serais d'ailleurs curieux de savoir si le clivage entre partisans de l'aide aux Africains francophones et tenants d'une extension à ceux qui pratiquent le swahili traverse Bercy.
L'AFD est à la fois le bras séculier de l'État en matière d'aide au développement et une banque. Le mélange des genres peut se révéler problématique.
Nous sommes passés du 4e au 5e rang des contributeurs à la Banque mondiale. Jusqu'où glisserons-nous ? La loi de programmation ne comporte pas d'objectifs chiffrés. Pourquoi ne pas fixer des objectifs en fonction des politiques sectorielles ? Vous connaissez notre combat pour clarifier les aides européennes. Au Mali, avant les événements, chaque pays européen menait un programme différent de celui de l'Union. Il serait préférable de désigner des chefs de file. Nous sommes déçus que la loi de programmation ne consiste qu'en une déclaration d'intention : M. Canfin nous a renvoyés vers Bercy pour les objectifs chiffrés. Un sommet de plus, pour faire une belle photo...
Je joue mon rôle de rapporteur ! A la conférence de Lyon, tous les donateurs en faveur du Mali étaient présents. Certes. Il n'en faudra pas moins évaluer nos actions. Des sommes considérables ont été versées pour ce pays et nous approuvons cet effort. Or, on n'a vu ni école ni hôpital ni maternité dans les villages traversés par nos troupes ! Nous devons mettre en place une approche qualitative. Est-ce le souhait du Cicid ? Les Anglais s'appuient sur des experts privés indépendants. En cette période budgétaire tendue, il incombe aux parlementaires de veiller au bon usage des deniers publics ; c'est pourquoi nous souhaitons que notre action soit mieux évaluée et que l'aide soit redéployée pour être plus concentrée.
Il appartient aux rapporteurs de porter un jugement sur l'action du gouvernement. Les ONG soulignent l'absence de garanties quant au niveau des financements innovants. Non seulement le produit de la taxe sur les transactions financières a été inférieur de moitié aux prévisions pour 2012, mais encore ces financements ne vont pas toujours aux actions qu'ils auraient dû financer. Où en est-on, d'ailleurs, de la création d'une taxe européenne sur les transactions financières ? En Allemagne, le SPD et la CDU ont conclu un accord et la soutiennent. La France a-t-elle les pieds sur les freins alors qu'elle est à l'origine de ce projet ?
Les financements innovants compensent la baisse des dotations. Leur produit est parfois inférieur aux prévisions. Il est difficile d'apprécier ex ante le produit d'une taxe, surtout quand l'on fait preuve d'un volontarisme excessif. Les économistes ne sont pas surpris alors de constater que son résultat est inférieur aux attentes car ils savent que si l'on ignore la mobilité de la base imposable, on la constate après. Pour compenser, nous avons augmenté la part dédiée au financement du développement. La taxe sur les billets d'avion est moins volatile.
Le SPD et la CDU, qui ont conclu un accord de coalition, soutiennent la création d'une taxe européenne sur les transactions financières tout en demandant, comme en juin 2012, une évaluation de ses effets sur la prévoyance retraite, l'économie réelle, les petits investisseurs ainsi que sur des formes non souhaitées de transactions financières. Contrairement à ce qu'affirment des dépêches, la France n'a pas les pieds sur les freins ! Nous poussons le projet mais disons que le projet initial de la Commission européenne doit être revu ; les études d'impact sont perfectibles. En l'état le projet aboutira à une diminution de la base taxable. Une coopération renforcée requiert l'engagement de onze pays de la coopération renforcée. Attention aux conséquences sur l'économie et au renchérissement du coût de la dette publique !
Il le dit un peu différemment... Veillons simplement à bien calibrer le dispositif. La compétence sur l'aide au développement partagée entre deux ministères n'est pas une spécificité française.
En travaillant ensemble, nous partageons nos compétences. Bercy apporte son expertise en particulier en matière de gestion de la dette, de zone franc, ou d'évaluation des accords multilatéraux. Nous sommes complémentaires. De plus, le Cicid a tracé une orientation politique. De même, la construction des financements innovants garantit une certaine stabilité de cette ressource.
Le multilatéral ne s'oppose pas au bilatéral. Si nous étions absents des grandes institutions multilatérales, la moitié des financements de la Banque mondiale ou de l'Association internationale de développement (AID) n'irait pas à l'Afrique. Nous devons y plaider avec force en subordonnant notre participation à cette cible. Vous évoquez un saupoudrage...
Il revient au politique de déterminer l'équilibre entre les différents fonds. Quand nous augmentons le niveau de notre participation au Fonds mondial de lutte contre le sida, il est difficile de revenir en arrière. Lors de la conférence des ambassadeurs, Mme Guigaz soulignait l'impact du Fonds mondial. L'outil multilatéral, qui n'évince pas l'action bilatérale, est un vecteur d'influence à préserver. Les deux ministères s'y emploient de conserve : l'équipe de France joue ensemble.
Y a-t-il trop de fonds ? La Banque mondiale et l'AID absorbent l'essentiel de nos fonds multilatéraux. Il faut être au Fonds africain de développement si nous voulons être présents au Mali, au Niger, dans le Sahel et aider aux sorties de crise. Veut-on une facilité pour l'eau ? Certains pays accordent leur aide en fonction de la performance. En cas de mauvaise note, il devient impossible de financer des routes ou des barrages intéressant plusieurs pays. Nous plaidons pour que ces critères ne soient pas les seuls pris en compte pour les projets régionaux. Quant au Fasep, s'il est peu doté, son effet de levier est de un à cinq, ce qui est loin d'être négligeable, d'autant que ce fonds bénéficie aux entreprises françaises.
Contrairement à ce que vous suggérez, nous évaluons nos politiques : une unité d'évaluation, disposant d'un budget propre, existe au sein de la direction générale depuis une dizaine d'années et elle a recours à des prestataires extérieurs, comme le font les Britanniques. Avant chaque reconstitution des fonds multilatéraux, des évaluations sont réalisées par des cabinets d'expertise indépendants dont les études sont souvent très intéressantes.
Ils sont disponibles sur le site du ministère. La transparence consiste aussi à évaluer l'impact nos actions. Ainsi, la semaine dernière, deux notes de notre inspection interne ont été publiées. Après le tsunami de 2004, nous avons évalué l'utilisation des crédits du Fasep et de la réserve pays émergents (RPE) que nous avions mobilisés dans l'urgence.
La loi d'orientation et de programmation renforcera l'impact de ces évaluations.
L'AFD, qui est un établissement bancaire, doit respecter les règles prudentielles de Bâle III et se heurte à des ratios qui limitent ses capacités d'intervention. L'augmentation de ses fonds propres lui rendra des marges de manoeuvre, notamment dans des pays ayant atteint les plafonds d'intervention comme la Tunisie, le Maroc et l'Afrique du Sud. Cependant, le niveau croissant de ses interventions suppose une recapitalisation proportionnée. Bien qu'elle puisse agir dans 110 pays, elle concentre plus des deux tiers de son effort budgétaire sur les 16 pays pauvres prioritaires, ce qui représente 50% des subventions de l'État. La concentration que vous appelez de vos voeux est une réalité.
Certes, mais les actions menées dans les 94 autres pays ne manquent-elles pas d'efficacité ?
L'AFD offre aux grands pays émergents des conditions de prêt plus favorables que celles du marché, mais sans coût budgétaire pour notre pays. Il ne m'appartient pas de juger les conclusions du Cicid, mais elles ne sont pas incompatibles avec votre souci de concentration.
Le sommet de l'Élysée réunira l'Afrique, qu'elle soit francophone ou anglophone. Nous devons nous intéresser à tous les Africains, même si nous ne tirons pas un trait sur notre histoire. D'ailleurs, l'essentiel de nos aides budgétaires bilatérales est concentré sur les pays de la zone franc. Si l'on veut être présents en Afrique, on ne peut être en Côte-d'Ivoire mais totalement absents du Nigéria...
Pourrait-on avoir plus de cibles chiffrées dans la loi de programmation ? Nous disposons d'éléments chiffrés dans les documents budgétaires pluriannuels. Il serait peut-être plus prudent de conserver une marge de manoeuvre tout en fixant des axes stratégiques.
Je me réjouis de la priorité donnée à l'Afrique. La semaine prochaine, notre groupe de travail publiera son rapport : L'Afrique est l'avenir de la France. Je vous félicite pour la conférence avec les acteurs du secteur privé et d'avoir invité les Brics à la conférence des créanciers souverains. Vous posez parfaitement le problème du déliement de l'aide. Si la France joue le jeu, les Brics conditionnent souvent la leur. Est-il possible de négocier dans les enceintes internationales ? Etablissons-nous des rapports de force ?
Comment prendre en compte la dimension qualitative des aides ? Quel regard les pays qui les perçoivent portent-ils sur nous ?
La France se doit d'être présente dans les pays émergeants, comme la Chine, le Brésil, où l'AFD accomplit un excellent travail.
Notre politique constante est de faire venir autour de la table les grands pays émergents. Ceux-ci doivent entrer dans le jeu collectif. La situation a récemment évolué puisque la semaine dernière, à l'occasion de la réunion du club de Paris, des représentants chinois, brésiliens, indiens et turcs ont, pour la première fois, réfléchi avec nous au nouveau paysage qui résulte de l'annulation de la dette de 35 des 39 pays pauvres très endettés (PPTE) - le total de ces annulations se monte à 76 milliards de dollars. Nous avons besoin de savoir ce que les grands émergents attendent de ces annulations de dettes.
Au G20, nous avons bataillé pour inscrire le financement soutenable à l'ordre du jour. Nous y sommes parvenus. La réflexion qui va se poursuivre devra inclure les pays qui perçoivent ces aides mais aussi les prêteurs.
Nous devons encore améliorer nos évaluations, notamment pour tenir compte de l'avis des pays aidés. Lors des dernières évaluations, les cabinets indépendants ont été voir les pays bénéficiaires. Nous travaillons projet par projet. Au Mali, un processus a été mis en place pour recueillir l'avis des populations. Un site web a été mis en place pour suivre les projets, la Direction générale de la mondialisation du Ministère des affaires étrangères travaille fortement sur cette thématique, en lien avec mes services.
Quant à l'AFD, si cette agence est devenue un outil de relations bilatérales, son objectif prioritaire reste d'accompagner le développement des populations les plus fragiles dans les pays les plus pauvres. Ses modalités d'intervention ont beaucoup évolué : quand l'AFD a commencé à intervenir en Chine, elle prêtait à Euribor - 150. À partir de 2008, les taux ont augmenté et se situent désormais à Euribor +150. L'AFD gagne désormais de l'argent avec ce pays, tout en concentrant ses aides sur les pays les plus pauvres.
Lors de chaque loi de finances, il est de tradition que nous entendions le directeur général - ou la directrice générale - de l'AFD, même si l'agence tire l'essentiel de ses ressources des marchés financiers et ne bénéficie plus de subventions de fonctionnement.
Vous gérez pour le compte de l'État les subventions d'aide-projet du programme 209 ainsi que les bonifications de prêts du programme 110. C'est à ce titre que nous vous entendons. Il nous serait agréable que vous nous présentiez les caractéristiques du budget 2014 du point de vue de l'opérateur pivot de la coopération française que vous dirigez, surtout après la réunion de juillet du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) qui a renouvelé la réflexion sur la coopération.
La dernière fois que je suis venue ici, j'étais candidate à la fonction de directrice générale : je vous renouvelle mes remerciements pour votre confiance. Après quelques mois de prise de fonction et après un Cicid très important, je vais donc évoquer le budget pour 2014.
Le Cicid, qui ne s'était pas tenu depuis quatre ans, a confirmé le rôle d'acteur central de l'AFD dans la politique bilatérale d'aide au développement, mais il a aussi affirmé son rôle dans la mise en oeuvre de projets visant à réduire l'impact du réchauffement climatique et de la politique climat de la France à l'égard des pays en développement, en vue de la COP21 qui se tiendra à Paris en 2015.
Les différentes dimensions du développement sont désormais intégrées : la lutte contre la pauvreté n'est ainsi pas dissociée des équilibres sociaux et environnementaux. Le Cicid a estimé que la problématique du développement durable était universelle : elle concerne les pays occidentaux, mais aussi tous les pays du monde, quel que soit leur niveau de développement. L'intégration explicite des enjeux climatiques est une nouveauté : 50% des projets de l'AFD devront avoir un co-bénéfice climat.
Le développement durable est un problème global mais il se déclinera de façon différenciée selon les niveaux de développement et le degré de priorité que la France accorde à divers ensembles géographiques. Le Cicid souhaite concentrer les dons sur les 16 pays pauvres prioritaires (PPP) qui se situent tous en Afrique subsaharienne mais aussi sur les pays en crise et en sortie de crise, comme l'Afghanistan, Haïti, les territoires autonomes palestiniens ou encore la Birmanie.
Le Cicid a décidé que 85% de l'effort du contribuable français porterait sur l'Afrique et la Méditerranée. Pour les autres pays en développement, l'AFD devra mettre l'accent sur la croissance verte, en influant sur la trajectoire de croissance de ces pays pour la rendre soutenable, en limitant son impact sur l'environnement et le climat et en accompagnant les savoir-faire français (efficience énergétique, eau, assainissement, gestion urbaine durable). Les mandats sont donc différenciés en fonction des ensembles géographiques et les instruments ne sont pas les mêmes : en Afrique subsaharienne, l'AFD mobilise toute la gamme des instruments, qui vont du don aux prêts au secteur privé ou aux garanties aux banques locales. Ainsi, pour 2012, cette région du monde a concentré 2 milliards d'engagements de l'AFD et 70% de l'effort budgétaire de l'État. À l'autre bout du spectre, mis à part l'outre-mer, l'AFD mobilise des montants importants de prêts pour l'Asie et l'Amérique latine, mais pas de ressources publiques, à l'exception du financement de l'expertise.
Le CICID a insisté sur des thématiques transversales, comme le renforcement de la transparence et de la responsabilité sociale et environnementale.
Enfin, le CICID a acté le fait que l'AFD devrait disposer de moyens pour exercer ses missions, ce qui implique le renforcement de ses fonds propres et la création d'un fonds pour financer l'expertise française, prioritairement en Asie et en Amérique latine, mais aussi dans les pays en croissance rapide en Afrique, afin d'influer sur les modèles de croissance.
Quels sont les chantiers, stratégiques et opérationnels, qui mobilisent l'Agence depuis ma prise de fonctions et la mobiliseront prioritairement dans les prochains mois ?
Dans les mois à venir, nous signerons le contrat d'objectif et de moyens (COM) pour la période 2014-2016. Nous venons d'entamer les discussions avec nos tutelles. Nous devrons maîtriser le calendrier afin de soumettre le COM au conseil d'administration de janvier. Nous allons traduire de manière concrète les grandes orientations que je viens d'évoquer, en fixant des objectifs précis par grandes aires géographiques.
Nous aurons un débat important sur le futur dimensionnement de l'agence. La question des fonds propres est évoquée depuis cet été avec la direction générale du Trésor, l'objectif étant de peser le moins possible sur les finances de l'État. Ces discussions techniques vont bientôt s'achever, ce qui nous permettra de relancer notre coopération avec plusieurs pays comme le Maroc ou l'Afrique du Sud.
Le déploiement des partenariats est l'une de mes priorités. Avec les ONG, pour lesquelles l'enveloppe dont dispose l'AFD a été augmentée et qui sera doublée d'ici 5ans, par décision du Président de la République. Nous travaillons étroitement avec nos homologues bailleurs, par exemple sur l'important chantier de la prise en compte des clauses environnementales et sociales renforcées dans les appels d'offre. Ainsi, avec divers pays partenaires du Sud, nous lançons des expériences pilotes pour augmenter notre niveau d'exigence lors de la pré-qualification puis de la qualification pour les appels d'offre.
L'AFD s'attachera également à diversifier davantage encore ses outils financiers, avec la diversité de ses partenaires, ONG, collectivités ou secteur privé. L'activité non souveraine, à destination du secteur privé, est ainsi relancée : relance du fonds d'investissement FISEA qui soutient les entreprises subsahariennes, augmentation de capital de PROPARCO, en sont des illustrations.
L'AFD participe, bien entendu, à la préparation de la COP21, le but étant de démontrer que le financement du développement (gestion des villes, transports...) peut aussi bénéficier à l'environnement. Des financements croisés sont en cours, y compris avec des acteurs du sud, comme la Banque nationale de développement économique et social du Brésil (BNDES), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) ou la Development Bank of Southern Africa (DBSA).
L'AFD contribue également à l'objectif de diplomatie économique énoncé par le Cicid, visant à promouvoir les savoir-faire français. A ce titre, des éléments de cadrage plus opérationnels, qu'ils soient régionaux ou thématiques, seront examinés par le conseil d'administration.
Dernier chantier clé que je souhaite évoquer avec vous : celui de la redevabilité, de la transparence et de la mesure de nos résultats et impacts : nous renouvelons notre politique interne d'évaluation des projets, de redevabilité sociale et environnementale avec un document RSO très important qui paraîtra en début d'année prochaine et qu'approuvera le conseil d'administration, de mesure des résultats avec des indicateurs ex ante mais aussi ex post sur les projets, et notre stratégie de production de connaissances.
Venons-en à notre budget, qui est le principal sujet de cette audition. Pour mémoire, l'AFD est un établissement public. Si nous empruntons beaucoup de ressources sur les marchés financiers, nous utilisons aussi des fonds, par délégation, provenant du budget de l'État. Pour ramener les choses à leur substantifique moelle, voici comment l'on peut caractériser notre relation à l'État. Aucune subvention de fonctionnement ; en revanche, nous recevons des crédits d'intervention tirés des programmes 209 et 110. Le premier prévoit des financements pour les subventions classiques et les contrats de désendettement et de développement, les C2D - respectivement 253 millions et 102 millions en 2013. Sur le second, on nous délègue des crédits pour les aides budgétaires globales, qui était de 89 millions en 2013, et une autre pour améliorer les conditions de nos prêts, de 194 millions toujours en 2013, sachant que nous tirons d'autres ressources du programme 853 de Bercy pour la bonification des crédits. En d'autres termes, nos crédits, si l'on raisonne hors programmes, sont de deux natures : d'une part, les ressources en dons, qui financent les ONG, les dons-projets ou encore les C2D ; d'autre part, la bonification des crédits de manière à accorder des prêts très longs et peu chers aux pays les plus pauvres.
Je l'ai dit, l'agence émet sur les marchés internationaux, et de plus en plus. Il y a dix ans, nous empruntions moins de 1 milliard ; aujourd'hui, 5 milliards. L'État ne nous apporte pas sa garantie directe ; nos prêts, qui sont donc un peu plus coûteux que ceux de l'Etat, ne sont pas comptabilisés dans la dette maastrichtienne. Grâce à ce modèle mixte, nous pouvons accorder un volume de prêts concessionnels très important sans peser sur le budget de l'État : nous transformons 1 euro d'argent public en 12 euros de prêts.
Le budget qui est nous est alloué pour 2014 est globalement stable, ce qui est évidemment positif vu la situation de nos comptes publics. Nous pourrons faire face, concernant la bonification des prêts, à condition que le gel ne soit pas trop féroce ; tout dépend de la politique de nos autorités de tutelle. Les crédits alloués aux dons et projets, vous le savez, sont stabilisés, mais à un niveau historiquement bas. Un effort supplément est consenti en faveur des ONG ; elles l'apprécient énormément. Évidemment, on pourrait souhaiter davantage pour les dons et projets. Nous comprenons toutefois la contrainte budgétaire. Il faut également tenir compte du rééquilibrage progressif entre aide multilatérale et aide bilatérale. Notons qu'une partie du produit de la taxe sur les transactions financières servira à financer une initiative en faveur de la santé maternelle et infantile dans le Sahel, pilotée par l'AFD.
Je souhaiterais pour finir rappeler en quelques phrases ce que fait l'Agence avec ce budget que lui alloue l'Etat.
Notre objectif d'autorisations d'engagement pour 2013 est de 8 milliards, ce qui est conforme au plan d'orientation stratégique. L'an dernier, nous avons réalisé 7 milliards, contre 7,5 milliards prévus. L'agence a désormais atteint une taille critique, elle joue dorénavant dans la même cour que la KFW allemande ou à la Jica japonaise et peut peser dans les débats. Notre volume en Asie et en Amérique latine progresse sans que cela se fasse aux dépens de l'Afrique qui concentre 40% des activités globales et mobilise l'essentiel de nos ressources publiques, gardons-le en tête.
La redevabilité, à laquelle vous êtes sensibles, est au coeur de l'AFD d'aujourd'hui : elle demande du temps et de l'énergie. Je compte poursuivre les efforts engagés par mon prédécesseur avec le document de politique générale sur la responsabilité sociétale et environnementale du groupe qui récapitulera l'ensemble de nos actions dans ce domaine, en interne comme en externe. Le conseil d'administration l'examinera en janvier prochain. Ensuite, nous travaillons sur les indicateurs de résultats : ils doivent être en petit nombre et pouvoir faire l'objet d'un suivi. Parmi ceux retenus par le Cicid, les 16 qui concernent l'agence prolongent notre réflexion sur la mise en place d'indicateurs parlants, agrégeables. Quelques exemples d'indicateurs en 2012 : par les financements de l'AFD, plus de 10 millions d'enfants ont été scolarisés au primaire, 208 000 adultes ont bénéficié d'une formation professionnelle, 1,9 million de personnes ont gagné un accès pérenne à l'eau potable et 7 millions ont vu leur système d'assainissement et d'eau potable s'améliorer. Surtout, ces indicateurs ex post serviront désormais à mesurer si les buts que nous nous étions fixés initialement pour un projet ont été ou non réalisés.
Pour finir sur les questions de redevabilité, je vous épargnerai un schéma trop complexe pour dire que notre activité s'inscrit dans un dialogue avec ses tutelles, ses partenaires et les pays. Les projets, qui entrent dans un plan d'affaires annuel élaboré à partir de la demande des pays du Sud partenaires, sont soumis aux ambassadeurs, lesquels nous donnent leur avis sur leur pertinence et leurs implications politiques et stratégiques. En définitive, le point d'entrée reste avant tout géographique.
- Présidence de M. Christian Cambon, vice-président -
Merci pour cette présentation qui éclaire le budget et la stratégie de l'agence. Je parlerai en tant que rapporteur pour avis en y associant M. Peyronnet qui ne peut malheureusement pas être présent.
La création du Fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences, le FEXT, est une très bonne nouvelle ; des crédits de 20 millions constituent un bon amorçage. La France a beaucoup à apporter.
Le Cicid a fixé pour règle que 50% des projets devront avoir un co-bénéfice climat. Lutter contre le développement durable est louable, mais la règle n'est-elle pas trop rigide ? À l'ONU, où M. Vallini et moi-même avons passé quelques jours très récemment, de nombreux ambassadeurs nous ont répété que la priorité était de combattre la pauvreté. Parfois, les deux impératifs ne se recoupent pas ; voyez l'invasion de l'Afrique par des sacs plastique qu'il faudra des siècles pour éliminer.
Le Cicid a également donné la priorité aux 16 pays les plus pauvres et, donc, à l'Afrique et la Méditerranée qui concentreront 85% des opérations. On ne peut que s'en féliciter. Au regard de cet objectif, on peut toutefois s'interroger : l'AFD aura-t-elle la capacité d'intervenir dans 110 pays ? Si les activités dans d'autres zones pèsent peu sur le budget de l'État, vous mobilisez du personnel, ce qui a un coût. Par souci d'efficacité, ne faut-il pas, comme le demande l'inspection des finances, définir un périmètre d'intervention ? Évitons que certains pays soient systématiquement éligibles. Je pense, par exemple, à l'Équateur, très loin de notre zone.
Concernant vos moyens financiers, vous ne pouvez plus intervenir au Maroc et en Tunisie, votre fonction de banque vous obligeant à respecter des ratios prudentiels. Se pose donc la question du renforcement de vos fonds propres. Le Sénat sera très attentif aux décisions prises en ce domaine.
Une question sur le calendrier : ne serait-il pas plus logique de négocier le contrat d'objectifs et de moyens après l'adoption du projet de loi sur le développement ? Normalement, la loi prime sur le contrat.
Nous aimerions une politique d'évaluation systématique des politiques, par pays ou par thème, comme le font vos voisins et amis britanniques du DFID.
Le nombre de personnes ayant un accès pérenne à l'eau potable est une réalité palpable, un indicateur solide. En revanche, un indicateur portant sur le nombre d'enfants scolarisés ne nous renseigne pas sur le bagage de connaissances acquis une fois l'école quittée. Allons vers l'évaluation des projets, comme le veut le directeur du Trésor.
La Cour des comptes a pointé du doigt un doublon dans le système de la coopération entre délégations de l'AFD et services de coopération et d'action culturelle. Sans aller jusqu'à la fusion, ne peut-on pas réfléchir à une organisation plus rationnelle des outils ? Il le faudra peut-être à l'heure où les budgets ne cessent de se contracter.
Merci du soutien de votre commission au FEXTE. Vous avez raison de parler d'amorçage : la question du renouvellement des crédits se posera rapidement.
Ne soyons pas naïfs : il y a parfois des tensions entre les objectifs de lutte contre le changement climatique et contre la pauvreté même si les deux agendas n'en forment qu'un seul au bout du compte. On ne se trompe pas quand on aide une ville côtière à se développer en tenant compte du niveau de la mer dans cinquante ans. En revanche, sur les questions d'énergie, il faut parfois arbitrer entre le court et le moyen terme. À mon sens, puisque la France participe au financement de l'aide multilatérale, elle peut conduire une politique bilatérale très démonstrative, qui affirme la priorité du développement durable. Tout est question d'équilibre. Ainsi, la France a fait le choix de ne pas financer du charbon sans captage ni stockage ; Si d'autres bailleurs comme la Banque africaine ou la Banque mondiale le font, c'est un partage des rôles. Les grandes coopératives mondiales, par exemple, financent des projets de charbon propre ; la France, qui y participe, peut donc refuser de le faire. Ce serait différent si nous avions affaire à d'autres bailleurs qui financeraient du charbon sale, comme la Chine. Nous ne devrions pas avoir trop de peine à remplir l'objectif fixé par le Cicid : le ratio de projets ayant un co-bénéfice climat était de 48% l'an dernier, il sera probablement égal cette année. De plus, ces projets ne sont pas seulement d'atténuation, mais aussi d'adaptation au changement climatique. Surtout, cela ne nous empêche absolument pas de financer des projets de développement de l'énergie en Afrique, qui en a bien besoin.
Prenons un cas concret, l'eau que je connais bien pour siéger au plus grand syndicat des eaux de France, le Sedif. Qui dit installation d'eau potable, dit traitement des eaux usées. Pour autant, on ne peut pas attendre la mise en place de l'assainissement pour amener l'eau potable.
Nous discuterons des priorités géographiques lors de la négociation du contrat d'objectifs et de moyens avec la direction générale du Trésor et le ministère des affaires étrangères. Travailler dans d'autres géographies que l'Afrique et la Méditerranée, c'est permettre à la France d'avoir plus d'impacts sur les dynamiques de développement de nos partenaires. Nous le faisons en couvrant nos frais, y compris le salaire des collaborateurs que nous recrutons pour gérer cette activité. Nous gagnons en expertise et contribuons à l'influence française dans ces géographies. Pourquoi s'en priver ?
Notre modèle économique est complexe, et donc souvent mal compris. Cela explique les décalages que l'on constate parfois avec des approches administratives, qui consistent par exemple à dire : « l'État réduisant la voilure, tout le monde doit faire de même ». C'est mal comprendre le modèle économique de l'Agence, qui permet à l'Etat français d'accroitre son influence à peu de frais. Pour progresser hors de nos zones traditionnelles d'intervention et maximiser l'influence française, nous aurions besoin de quelques ETP supplémentaires à terme, malgré la recherche de tous les gains de productivité possibles. Il est impossible de faire plus à moyens constants : à un moment donné, il faudra choisir...
Trois scénarios pour 2016 en termes d'activité étaient envisagés dans le Plan d'orientation stratégique : 8 milliards, 10 milliards ou 12 milliards. Je défends, moi, une version plus modeste : 9,5 milliards avec une progression par palier de 500 millions par an. Nous aurions ainsi de quoi débloquer la situation au Maroc, en Tunisie, au Vietnam ou en Afrique du Sud, et couvrir un peu plus de géographies. De toute façon, la question des fonds propres se posera à moyen terme. L'AFD, qui prête à horizon de 30 ans, est comme un paquebot : les choix faits il y a dix ans dessinent les grands équilibres économiques d'aujourd'hui.
Une précision sur nos géographies : puisque le Cicid fixe le principe d'une intervention de l'agence dans tous les pays en développement, notre déploiement est encadré. Si nous voulions agir en Birmanie, où on pourrait passer des dons aux prêts, il faudrait obtenir l'accord de nos autorités de tutelle.
Le calendrier entre la loi et la convention d'objectifs et de moyens dépend du Gouvernement. Quoi qu'il en soit, vous avez raison : la loi prime sur le contrat.
Nous menons déjà une politique d'évaluation pays par pays et secteur par secteur. À nous de mieux communiquer. Peut-être pourrions-nous revoir la composition de notre comité d'évaluation, que notre conseil d'administration a créé, pour y accueillir des parlementaires. Ou alors, on pourrait imaginer que notre responsable de l'évaluation vienne devant le Parlement une fois par an.
Quant aux éventuelles redondances entre les délégations de l'agence et les SCAC, la question est délicate. La situation varie beaucoup d'un continent à l'autre. Le potentiel à optimisation est peut-être plus élevé dans les pays où la coopération est ancienne, historique. En tout cas, je dois dire que, après trois ou quatre ans, je mesure les effets concrets du plan de charges : l'agence consacre beaucoup de temps et de frais à des tâches autrefois assurées par les ministères des affaires étrangères et de la coopération ou encore à ce que nous appelons l'appui aux politiques publiques qui recouvre aussi bien la production de connaissance que les partenariats. Ces activités non rémunératrices font sa richesse et servent la diplomatique économique et écologique du Gouvernement ; nous ne pourrions pas les financer si nous n'avions pas le statut de banque. Si l'État décide d'optimiser son réseau, je souhaite une identification précise des ETP et leur comptabilisation. On nous a déjà transféré de nombreuses tâches ...
La priorité va à l'Afrique et aux pays les plus pauvres. Mais ne pensez-vous pas que notre présence dans les grands pays émergents comme le Brésil et la Chine s'impose pour des raisons stratégiques ?
Le groupe d'amitié parlementaire France-Chine, que je préside, organise un colloque le 26 novembre avec des bons connaisseurs du pays comme M. Raffarin. Nous serions très honorés de la participation de l'AFD.
Que faire après la fin des C2D ? Quelles suites allez-vous donner au rapport de MM. Lorgeoux et Bockel, qui insiste sur le rôle de l'ambassadeur dans notre système de coopération ? M. de Raincourt et moi-même plaidons pour un arrimage beaucoup plus fort entre production de connaissance et recherche opérationnelle, voire très opérationnelle ; entre agences dédiées, universités et instituts de recherche partenaires des pays bénéficiaires de l'aide.
Madame Paugam, merci pour vos explications très pédagogiques. Le rapport prospectif que M. Bockel et moi-même avons publié sur la présence de la France dans une Afrique convoitée est une pierre de plus apportée à l'édifice. Chacun en fera son miel.
L'AFD participera au colloque du 26 novembre au Sénat. Effectivement, il est important de manifester notre présence dans les pays émergents.
Il n'y a pas de concurrence avec nos activités africaines.
Nous serons ravis de vous entendre, madame Ango Ela, sur la question de la production de connaissances, qui est très importante. Vous avez raison : notre faiblesse est de travailler trop souvent en silo. Nous serions également ravis de dialoguer avec M. Lorgeoux. L'ambassadeur joue un rôle clé dans notre diplomatie économique et écologique. Dans la plupart des pays, la coopération entre agence et représentation diplomatique fonctionne très bien.
Merci de m'avoir reçue, n'hésitez pas à nous solliciter.