Intervention de Amiral Edouard Guillaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 octobre 2013 : 1ère réunion
Projet de loi de finances pour 2014 — Audition de l'amiral guillaud chef d'état-major des armées

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées :

Avec, à la clé, une dégradation supplémentaire des conditions de vie et de travail, du moral et donc, indirectement, de l'aptitude opérationnelle de nos forces.

Je rappelle que nos bases, nos ports et nos camps d'entraînement sont des outils de combat à part entière ou y contribuent fortement. C'est à partir de ces implantations qu'est réalisée la préparation des forces. C'est aussi à partir de ces implantations que sont réalisées les missions permanentes sur le territoire national ou certaines missions en OPEX. Cela pourrait être encore plus vrai à l'avenir, avec le rapprochement géographique de nos zones d'intérêt, qui relativise la notion d'« arrière ».

Des exemples ? L'engagement quotidien de notre police du ciel ou de nos navires dans le cadre de l'action de l'État en mer ; en permanence, le déploiement de nos forces sur le territoire national dans le cadre de plans comme Vigipirate ou Harpie (lutte contre l'orpaillage clandestin), en Guyane ; l'opération Harmattan, qui a été conduite depuis les ports et les bases métropolitains ; certaines actions offensives ou de soutien pendant Serval, là aussi depuis la métropole. Plus récemment, si l'action planifiée en Syrie s'était concrétisée, c'est ainsi également que nous aurions procédé.

La garantie d'un fonctionnement courant de qualité est donc, à mes yeux, primordiale pour la qualité de la préparation opérationnelle des forces et notre aptitude à remplir nos missions. Elle est également essentielle pour la préservation du moral du personnel ; nos régiments, nos ports et nos bases aériennes sont aussi des lieux de vie, en particulier pour les jeunes militaires du rang et une partie des sous-officiers.

Au plan des ressources humaines, 7 881 suppressions d'emploi sont prévues au titre du PLF 2014, ce qui en fait l'annuité de LPM connaissant la plus forte déflation, et ce qui représente 60% des suppressions d'emplois de l'État cette année-là. Ceci souligne la part qu'assument les armées au titre de l'effort de réduction des dépenses de l'État.

Cette manoeuvre sera particulièrement délicate pour le personnel officier. L'objectif d'un taux d'encadrement en officiers de 16% au niveau du ministère est extrêmement sensible, sauf à mettre en place des mesures drastiques de restriction de l'avancement et de recrutement des jeunes officiers, au risque d'hypothéquer dangereusement l'avenir. Nous craignons ce qu'on appelle le « coup d'accordéon ».

Inévitablement, nous devons optimiser notre « modèle RH », c'est-à-dire, dans le format retenu pour les armées : définir un nouveau plan de recrutement, car les armées conservent leur vocation de recruteur ; redonner du souffle à l'avancement ; permettre une meilleure adéquation entre les grades et les responsabilités ; et mieux gérer les flux d'entrée et de sortie du personnel, en s'assurant du succès des mesures de reclassement et de reconversion pour ceux d'entre nous qui quitteront l'uniforme dans les années qui viennent.

La situation actuelle est vécue avec difficulté par le personnel, qui s'investit dans un environnement toujours plus exigeant, tout en nourrissant des inquiétudes pour l'avenir immédiat. Je passe sur Louvois, dont le traitement des erreurs a été « industrialisé », sans pour autant diminuer le taux d'erreurs ; cette affaire doit être réglée, une fois pour toutes, vous le savez !

Avant de conclure, je voudrais également attirer votre attention sur les conditions d'entrée en LPM, et donc sur la fin de gestion de l'année 2013. Je vous l'avais dit en septembre, mais c'est un enjeu capital. Je me répète donc : tout abattement de ressources en 2013, comme la non-levée des crédits gelés ou l'autofinancement des surcoûts OPEX, amplifierait le report de charges que nous prévoyons pour la fin 2013, déstabiliserait de facto les conditions de la gestion 2014 et, par conséquent, l'entrée en LPM.

Pour conclure, mesdames et messieurs les sénateurs, si le projet de LPM 2014-2019 reflète le meilleur compromis possible, au regard de la situation économique et financière actuelle, le projet de PLF en est une première déclinaison fidèle. Elle sera pour autant particulièrement complexe à mettre en oeuvre, dans tous les domaines que je viens d'évoquer et qui sont indissociables les uns des autres.

Comme je l'avais fait il y a un mois à propos de la LPM, j'en appelle à votre vigilance sur les conditions d'exécution du budget, en particulier sur les ressources exceptionnelles, dont la mise à disposition doit être consolidée, et ce dès 2014. Pour maintenir les REX au niveau des 1,8 Md€ programmés en LPM, le PLF prévoit des cessions de matériels. Plusieurs projets sont à l'étude, mais aujourd'hui, les perspectives de ces cessions ne permettent pas encore de garantir les ressources attendues, en tout cas pour 2014.

Dans son discours devant les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire, lundi 30 septembre, le Président de la République a rappelé que chaque million d'euro compte. Compte tenu des rigidités auxquelles sont soumis la quasi-totalité de nos dépenses, je ne peux que souscrire à ce propos, et vous faire part de ma détermination pour réussir. Je vous remercie.

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